Note de la fic :
Publié le 26/10/2016 à 02:41:26 par Sheyne
Vrombissante, l'odeur de chair calcinée lui brûla les yeux. Le nez pris, le Roi se plia, mais assura sa poigne. Il éclata d'un rire sadique. Un épais masque noirâtre souffla la pièce : une fumée dense, engloutissant jusqu'aux hurlements.
Les bandits avaient tenté de rebrousser chemin. Certains y étaient peut-être parvenus. D'autres non : masses informes et dégoulinantes, silhouettes rampantes au sol, ils avaient fondu comme des bougies. Incapables d’éteindre le feu craché par la lance, ils se roulaient désespérément, coulaient encore à terre. Leurs mouvements cessèrent bien vite.
Alors seulement, le roi lâcha son arme. Seul debout, au milieu d'une horreur sans nom, il dominait le chaos, les avait tous tués. Et sa conscience lui revint. Que venait-il de faire ? Morts, ils étaient tous morts, juste comme ça, de la plus horrible des manières et lui, affreux, s'en était délecté. Venait-il de se condamner ? Est-ce que ça valait seulement le coup ?
Ses jambes flanchèrent et il tomba à genoux, dévasté.
Autour de lui, les félins s'approchaient lentement, apeurés. Instinctivement, ils s'étaient jetés à terre lorsque la porte avait explosé. Maintenant, ils contemplaient l'ouverture brûlante menant au couloir, conduisant à l’hécatombe.
« Je les ai tous tués... »
Euka s'agenouilla près de lui et sans un mot, elle l'enlaça de ses bras. À travers son pelage, elle le sentit frémir. Les larmes aux yeux et malgré l'urgence de la situation, le roi se relâcha, ferma les paupières. Sa joue, collée contre la poitrine nue de la jeune femme, ressentit les battements rapides de son cœur. Il était adossé contre son torse et ce moment de rêve le ramena à leur première rencontre, à l’abri d'un arbre dans une jungle féerique. Elle paraissait si lointaine. Euka avait tout compris de son état mental. Elle prolongea l'instant en murmurant doucement :
« Merci de l'avoir fait pour nous, Hell. »
Pour toute réponse, le roi resserra son étreinte. Après tout, elle avait raison, il les avait encore sauvés.
Face à eux, le couloir était noir de fumée, vide de vie. Le regard perdu, ses pensées vagabondèrent. Qu'allait-il se passer maintenant ? Combien de braconniers restait-il dans le navire ? Combien devrait-il en tuer pour être libre à nouveau ? Et libre, ne l'avait-il jamais été ?
Ce fut l'agitation des félins qui le fit revenir à lui. Au loin, dans les coursives il entendit des bruits de course. Un juron fusa d'à travers les décombres :
« Putain ! C'est quoi cette odeur ?!
- Les cadavres de la quatrième équipe, carbonisés...
- Ils se seraient fait sauter en même temps que la porte ?! »
Le roi se releva, aux aguets. Maintenant que la voie était dégagée, il allait saisir sa chance d'argumenter. En silence, il fit signe à ses compagnons de s'écarter de l'ouverture. Une voix gueula :
« Qu'importe, c'est libre, on fonce ! »
Alors, décidé, Hell reprit son arme en main et tira un coup de semonce. Aussitôt, la déflagration s'engouffra dans le couloir, les flammes léchèrent le plafond et la chaleur fit reculer les plus aguerris.
À travers les cris de panique, il éclata :
« On occupe la salle des machines, jetez vos armes et avancez lentement, les mains en l'air. »
S'ensuivit un long silence, rapidement brisé par un long rire gras. Celui-ci se propagea chez les chasseurs en une vulgaire cacophonie.
Lorsqu'elle s'arrêta, ce fut pour laisser place à un entretien entre les nouveaux venus. Ils eurent beau chuchoter, les oreilles félines ne perdirent pas un mot de la conversation :
« C'est tellement grotesque, ces espèces de chats qui nous menacent !
- Ils ont l'air moins stupides qu'on l'imaginait...
- Une coïncidence, voilà tout, ils ont trouvé comment marchait une de nos armes et on les a poussés ici sans le vouloir, en les traquant dans les coursives.
- Bordel, on s'en fout du pourquoi du comment, il faut vite les faire sortir avant qu'ils ne saccagent la pièce.
- Ouais, fais quelque chose, putain ! »
Surprise, Euka échangea un regard d'incompréhension avec le reste du groupe. Comme pour elle même, elle soupira :
« C'est quoi leur problème à ces types... Pourquoi est-ce qu'ils parlent devant nous comme ça...
- Et sinon ? - Un braconnier hurla – Si on ne vient pas ?! Sortez tout de suite d'ici ! Qu'est-ce que tu crois pouvoir faire animal ?! Tu n'es rien ! On vous veut vivant, mais si vous résistez, on peut aussi bien vous pulvériser en vous jetant une bombe à travers le couloir !
- Et faire sauter toutes les commandes ?
- Quelles commandes ? Y'a rien là où tu te trouves ! »
Le roi fronça les sourcils, avant de poursuivre :
« Il serait temps d'arrêter de vous foutre de notre gueule, je vais vous montrer... »
Sans qu'il puisse finir sa phrase, un coup surpuissant sembla déchirer la coque du navire. Dans tout le bâtiment, on entendit l'acier gronder. Sous ses pieds, le sol vibra. Les murs tremblèrent, avant qu'une ultime secousse ne les déséquilibre et les fasse tous tomber à terre.
« Enfoiré ! Qu'est-ce que tu viens de faire ?! »
Surpris, l'un des braconniers avait hurlé de rage. Dans l'encadrement du couloir, il s'appuyait contre la paroi, tentant de retrouver son équilibre. Stupéfait, le roi regarda autour de lui, rien n’avait changé dans la salle. Alors, il tenta de clamer son innocence. Sans succès.
Une nouvelle explosion retentit au loin et tout le navire sembla tanguer. Le sol se souleva, changeant légèrement d'angle dans un raclement strident et tout le monde se mit à paniquer.
Les félins, désorientés, cherchèrent l’abri des murs pour ne plus chuter, tandis que leurs ravisseurs criaient dans la coursive :
« OK ! Arrêtez de tout casser, c'est bon, on se rend ! »
Hell ne saisissait plus : la situation lui échappait encore. Et, quelle qu'elle soit, ce n'était pas à eux de la résoudre. Alors il beugla simplement :
« Mais bordel, c'est pas moi ! J'ai rien fait ! Qu'est-ce qu'il se passe là-haut ?! »
Un nouveau coup sourd, tremblement, et une voix tonitruante jaillit de ce qui semblait être un haut-parleur :
« Ici le poste de commande, on se fait bombarder. Sortie de la couverture nuageuse en cours, droit sur une île... Et elle n’est vraiment pas petite. Donnez plus de puissance aux machines ! Manœuvre d'esquive, quarante-cinq degrés tribord, immédiatement ! »
Commentaires
- Droran
27/10/2016 à 04:22:35
Ah, en revanche je me souviens qu'un point m'a chiffonné. On ne se rend pas compte de la dangerosité de l'entreprise du roi au moment où il se mêle aux mercenaires pour actionner les leviers.
Si tous les personnages n'avaient pas été stupéfaits par la suite je ne me serais jamais dit "ah oui, c'est vrai qu'ils sont toujours ennemis" après coup. Il faudrait rajouter un bout de texte lors de ce passage (qui est cool, qui prête à sourire) - Droran
27/10/2016 à 01:58:49
Aïe aïe aïe, mais où est-ce qu'ils vont attérir, si jamais ils s'en sortent ?
Vite, la suite !