Note de la fic :
Publié le 27/12/2015 à 01:14:18 par Sheyne
Alors, le Roi murmura, intrigué :
« Dis, pourquoi ils ne lui sautent pas tous dessus ? On est au moins dix.
— Ils ont peur...
— Ils ne sont pas attachés, ils ont des griffes et ce type est tout seul...
— On a déjà essayé... Deux fois... Ils étaient quatre ou cinq... Et le feu est sorti de nulle part, comme au village... »
Le seigneur la sentit se raidir. Elle, que rien n'avait arrêtée dans la jungle, une véritable furie... Maintenant qu'il la voyait trembler et ravaler ses mots, il perdit toute son assurance. Qu'est-ce que ces malades avaient bien pu faire ? Quelles tortures pouvaient être assez affreuses pour confiner une race aussi sauvage ?
En face de lui, l'autre avança lentement. Le Roi dut plisser les yeux pour le distinguer. Ses iris, habitués à la pénombre, ne discernaient que les contours de sa silhouette bien trop lumineuse. Mais, dans l’entrebâillement, le chasseur portait un gros objet entre les mains. Il était maintenant à quelques mètres et s'approchait toujours.
« Alors les matous, on a soif ?! »
Alors, il l'utilisa. Balançant les bras en un large cercle, il charria ce qui s’avéra être un lourd seau métallique. Presque aussitôt, toute la salle fut éclaboussée. Fouettés par la giclée d'eau croupie, certains se tassèrent en gémissant. Le Seigneur, lui, cligna des yeux sans bouger.
Il ne comprenait simplement pas. Pourquoi ce taré leur avait-il jeté de la flotte ? Quel intérêt ?
« Arrête de les torturer, bordel ! Comporte-toi comme un homme, une fois dans ta vie ! »
La voix avait éclaté dans le couloir, juste derrière le malade au seau. Probablement son supérieure, ou quelque chose du genre.
Le Roi avait peur, bien sûr, mais il ne pouvait nier le comique de la situation. « Arrête de les torturer » Cette phrase tournait en boucle dans sa tête. Et chaque fois qu'elle revenait, elle l'amusait un peu plus. Le deuxième geôlier avait appelé ça de la torture ?!
« Putain ! Mais Kreig est mort à cause d'eux ! Mort !
— Et ils le rejoindront bien assez tôt. T'en as déjà cramé la moitié avec ton lance-flamme tout à l'heure, alors qu'on était là pour assurer tes arrières. Maintenant, on aura de la chance si quelqu'un en veut encore ! N'en rajoute pas. La prochaine fois, c'est toi qu'on va tuer. »
Stoïque, le sot ne répondit pas. Si proche, semblait fulminer. Alors, le Roi y vit une faille. Il le provoqua, parlant assez fort pour qu'il l'entende sans que son ami dans le couloir le relève :
« Tu n'es qu'une petite merde. Ton ami est mort à cause de toi, sale incapable. »
Ne sachant pas d'où venait la remarque et en présence de son autorité supérieure, l'homme fut bloqué. Incapable de rétorquer, bien que bouillonnant de rage, il tourna les talons. Le Seigneur souriait, il avait visé juste. Du chasseur émanait un épouvantable désir meurtrier. Quoi qu'il se passe maintenant, il lui semblait que ce type agirait contre eux... Et qu'il le ferait seul. Ce serait là leur chance.
Et derrière lui, son patron poursuivit tranquillement :
« T'en fais pas. Personne n'oubliera ton frère, justice sera rendue. »
Et le premier siffla entre ses dents, réponse silencieuse à la provocation :
« Je vais tous vous crever... »
Ces derniers mots leur étaient destinés. Aux yeux de ce malade, ils n'étaient que des animaux. Il faudrait donc le surprendre là où il ne s'y attendait pas.
Dans tous les cas, le Roi était prêt à tuer. Il n'avait pas d'autre choix s'il voulait s'en sortir. Ce dingue était le maillon faible de la chaîne, il devait le briser pour être libre. Et puis... « Justice sera rendue » c'était les mots du second, planqué à l’abri du couloir... La justice était de son côté, pas du leur. Et si le karma était effectivement juste, alors les tuer tous ne le condamnerait pas.
Après tout, n'était-ce pas eux qui étaient venus le chasser ? N'avaient-ils pas brûlé tout un village ? N'allait-il pas être vendu par ces dingues ?
Ils avaient fait tout ça, et plus encore, c'était certain. Cependant, sans doute avaient-ils agi pour défendre une cause plus grande ? Peut-être leur fallait-il des sous, des richesses, du pouvoir... pour récupérer quelque chose de plus important...
Ne devait-il pas lui même tenter de sauver son royaume ? S'il pensait pouvoir s'autoriser à tuer dans ce but, par devoir royal envers ses milliers de sujets, alors sûrement en allait-il de même pour ces chasseurs. Eux aussi pouvaient avoir un objectif, en commençant par le taré au seau. Ne devait-il pas venger son frère ? Puisqu'il s'était fait lacérer à mort, cela suivait la loi du talion... Oeil pour oeil...
Au fond... La notion de justice variait considérablement d'un individu à un autre. Elle était, de plus, bien trop liée à celle du devoir. Lui même avait le devoir de sauver son peuple. (Et pour ça, sans doute devait-il s'autoriser à tuer s'il n'en avait pas le choix. Ce qui était donc injuste pour ses victimes.)
Réaliser de mauvaises actions, tout en respectant le bon sens, pouvait donc aussi semer des graines saines qu'il récolterait dans ses prochaines existences. Si le Karma était ce champ ensemencé par les actes de ses vies passées, alors agir selon son devoir (selon ce qu'il appellerait le Dharma) ne pourrait que lui être bénéfique... Et ce, indépendamment d'une notion de justice trop confuse. Ainsi, il avait juste à suivre l'ensemble des normes personnelles auxquelles il se pensait être soumit. Respecter l'éthique de sa conscience morale.
Il espérait être dans le vrai et ne pas se tromper. Les conséquences d'une mauvaise interprétation sur son karma l'horrifiaient.
Alors, l'autre quitta la salle et la porte claqua. L'obscurité gagna la pièce, tandis qu'un lourd verrou s'abattait froidement. Le Roi se décida. Assuré, il parla dans l'oreille de la jeune femme :
« On va s'échapper, et tu vas m'y aider.
— D'accord... Mais avant, dis-moi ce qu'il se passe... Dis-moi qui... Qui es-tu vraiment... »
Trempé et tremblant, il ne put qu’acquiescer. Sa voix ne sortit pas de sa gorge. La dernière demande l'avait retourné. L'instinct était quelque chose d'incroyablement puissant. La jeune femme avait bien senti qu'il n'était plus le même, finalement.
Démasqué, son cœur se mit à battre plus rapidement. Comment pouvait-il lui dire ? Devait-il tout raconter ? Seulement une partie ? Allait-elle seulement l'aider si elle pensait qu'il lui cachait quelque chose ? Tout expliquer du début demanderait pourtant un temps considérable qu'ils ne pouvaient pas se permettre de perdre.
La panique eut tôt fait de grandir et il tenta inconsciemment de se dégager de l'étreinte, de prendre ses distances, du recul... pour réfléchir.
La belle créature en décida autrement : puisqu'il tardait à répondre, et pour le rassurer quant à ses intentions, elle lui caressa la joue du revers de la main. Alors, ses doigts lissèrent les courbes de son visage, glissant jusque dans ses cheveux. Accaparant désormais toute son attention, elle déposa un baiser sur ses lèvres.
« Dis, pourquoi ils ne lui sautent pas tous dessus ? On est au moins dix.
— Ils ont peur...
— Ils ne sont pas attachés, ils ont des griffes et ce type est tout seul...
— On a déjà essayé... Deux fois... Ils étaient quatre ou cinq... Et le feu est sorti de nulle part, comme au village... »
Le seigneur la sentit se raidir. Elle, que rien n'avait arrêtée dans la jungle, une véritable furie... Maintenant qu'il la voyait trembler et ravaler ses mots, il perdit toute son assurance. Qu'est-ce que ces malades avaient bien pu faire ? Quelles tortures pouvaient être assez affreuses pour confiner une race aussi sauvage ?
En face de lui, l'autre avança lentement. Le Roi dut plisser les yeux pour le distinguer. Ses iris, habitués à la pénombre, ne discernaient que les contours de sa silhouette bien trop lumineuse. Mais, dans l’entrebâillement, le chasseur portait un gros objet entre les mains. Il était maintenant à quelques mètres et s'approchait toujours.
« Alors les matous, on a soif ?! »
Alors, il l'utilisa. Balançant les bras en un large cercle, il charria ce qui s’avéra être un lourd seau métallique. Presque aussitôt, toute la salle fut éclaboussée. Fouettés par la giclée d'eau croupie, certains se tassèrent en gémissant. Le Seigneur, lui, cligna des yeux sans bouger.
Il ne comprenait simplement pas. Pourquoi ce taré leur avait-il jeté de la flotte ? Quel intérêt ?
« Arrête de les torturer, bordel ! Comporte-toi comme un homme, une fois dans ta vie ! »
La voix avait éclaté dans le couloir, juste derrière le malade au seau. Probablement son supérieure, ou quelque chose du genre.
Le Roi avait peur, bien sûr, mais il ne pouvait nier le comique de la situation. « Arrête de les torturer » Cette phrase tournait en boucle dans sa tête. Et chaque fois qu'elle revenait, elle l'amusait un peu plus. Le deuxième geôlier avait appelé ça de la torture ?!
« Putain ! Mais Kreig est mort à cause d'eux ! Mort !
— Et ils le rejoindront bien assez tôt. T'en as déjà cramé la moitié avec ton lance-flamme tout à l'heure, alors qu'on était là pour assurer tes arrières. Maintenant, on aura de la chance si quelqu'un en veut encore ! N'en rajoute pas. La prochaine fois, c'est toi qu'on va tuer. »
Stoïque, le sot ne répondit pas. Si proche, semblait fulminer. Alors, le Roi y vit une faille. Il le provoqua, parlant assez fort pour qu'il l'entende sans que son ami dans le couloir le relève :
« Tu n'es qu'une petite merde. Ton ami est mort à cause de toi, sale incapable. »
Ne sachant pas d'où venait la remarque et en présence de son autorité supérieure, l'homme fut bloqué. Incapable de rétorquer, bien que bouillonnant de rage, il tourna les talons. Le Seigneur souriait, il avait visé juste. Du chasseur émanait un épouvantable désir meurtrier. Quoi qu'il se passe maintenant, il lui semblait que ce type agirait contre eux... Et qu'il le ferait seul. Ce serait là leur chance.
Et derrière lui, son patron poursuivit tranquillement :
« T'en fais pas. Personne n'oubliera ton frère, justice sera rendue. »
Et le premier siffla entre ses dents, réponse silencieuse à la provocation :
« Je vais tous vous crever... »
Ces derniers mots leur étaient destinés. Aux yeux de ce malade, ils n'étaient que des animaux. Il faudrait donc le surprendre là où il ne s'y attendait pas.
Dans tous les cas, le Roi était prêt à tuer. Il n'avait pas d'autre choix s'il voulait s'en sortir. Ce dingue était le maillon faible de la chaîne, il devait le briser pour être libre. Et puis... « Justice sera rendue » c'était les mots du second, planqué à l’abri du couloir... La justice était de son côté, pas du leur. Et si le karma était effectivement juste, alors les tuer tous ne le condamnerait pas.
Après tout, n'était-ce pas eux qui étaient venus le chasser ? N'avaient-ils pas brûlé tout un village ? N'allait-il pas être vendu par ces dingues ?
Ils avaient fait tout ça, et plus encore, c'était certain. Cependant, sans doute avaient-ils agi pour défendre une cause plus grande ? Peut-être leur fallait-il des sous, des richesses, du pouvoir... pour récupérer quelque chose de plus important...
Ne devait-il pas lui même tenter de sauver son royaume ? S'il pensait pouvoir s'autoriser à tuer dans ce but, par devoir royal envers ses milliers de sujets, alors sûrement en allait-il de même pour ces chasseurs. Eux aussi pouvaient avoir un objectif, en commençant par le taré au seau. Ne devait-il pas venger son frère ? Puisqu'il s'était fait lacérer à mort, cela suivait la loi du talion... Oeil pour oeil...
Au fond... La notion de justice variait considérablement d'un individu à un autre. Elle était, de plus, bien trop liée à celle du devoir. Lui même avait le devoir de sauver son peuple. (Et pour ça, sans doute devait-il s'autoriser à tuer s'il n'en avait pas le choix. Ce qui était donc injuste pour ses victimes.)
Réaliser de mauvaises actions, tout en respectant le bon sens, pouvait donc aussi semer des graines saines qu'il récolterait dans ses prochaines existences. Si le Karma était ce champ ensemencé par les actes de ses vies passées, alors agir selon son devoir (selon ce qu'il appellerait le Dharma) ne pourrait que lui être bénéfique... Et ce, indépendamment d'une notion de justice trop confuse. Ainsi, il avait juste à suivre l'ensemble des normes personnelles auxquelles il se pensait être soumit. Respecter l'éthique de sa conscience morale.
Il espérait être dans le vrai et ne pas se tromper. Les conséquences d'une mauvaise interprétation sur son karma l'horrifiaient.
Alors, l'autre quitta la salle et la porte claqua. L'obscurité gagna la pièce, tandis qu'un lourd verrou s'abattait froidement. Le Roi se décida. Assuré, il parla dans l'oreille de la jeune femme :
« On va s'échapper, et tu vas m'y aider.
— D'accord... Mais avant, dis-moi ce qu'il se passe... Dis-moi qui... Qui es-tu vraiment... »
Trempé et tremblant, il ne put qu’acquiescer. Sa voix ne sortit pas de sa gorge. La dernière demande l'avait retourné. L'instinct était quelque chose d'incroyablement puissant. La jeune femme avait bien senti qu'il n'était plus le même, finalement.
Démasqué, son cœur se mit à battre plus rapidement. Comment pouvait-il lui dire ? Devait-il tout raconter ? Seulement une partie ? Allait-elle seulement l'aider si elle pensait qu'il lui cachait quelque chose ? Tout expliquer du début demanderait pourtant un temps considérable qu'ils ne pouvaient pas se permettre de perdre.
La panique eut tôt fait de grandir et il tenta inconsciemment de se dégager de l'étreinte, de prendre ses distances, du recul... pour réfléchir.
La belle créature en décida autrement : puisqu'il tardait à répondre, et pour le rassurer quant à ses intentions, elle lui caressa la joue du revers de la main. Alors, ses doigts lissèrent les courbes de son visage, glissant jusque dans ses cheveux. Accaparant désormais toute son attention, elle déposa un baiser sur ses lèvres.