Note de la fic :
Publié le 23/11/2014 à 19:03:51 par Pronche
— Temps d'arrivée à destination estimé à 2 minutes et 15 secondes. Le vaisseau de transport de l'escouade d'Anthony se trouve dans le hangar B. Le contact a été perdu environ 4 minutes après l'atterrissage. Les systèmes de filtration d'air sont toujours opérationnels, le générateur de secours est actuellement en fonctionnement et la gravité artificielle n'a pas l'air endommagée. Malgré ceci, l'accès à certaines pièces te restera fermé à cause de la répartition en énergie dans les différentes zones de la frégate, énuméra la voix robotique de Light.
— D'ailleurs, tant que nous y sommes, elle a un nom cette frégate ? Car je n'ai pas souvenir que tu ais mentionné quoique ce soit à ce propos tout à l'heure.
— Elle a été baptisée Sheffer, en hommage à un chef d'escouade qui a permis la fuite de son équipe en se sacrifiant lors d'un embuscade sur une colonie minière par des pirates. Mise en service au mois de Novembre 2723. Armement standard : Canons plasma et Ioniques. Longue de près de 2 kilomètres, son but est d'effectuer des missions de reconnaissance aux limites de la galaxie connue avec la possibilité de découvrir d'autres mondes vivables. Ou d'un intérêt économique, culturel voire scientifique. Ses états de service montrent qu'il a participé à l'assaut sur Mars, il y a sept ans mais sinon, rien de particulier à signaler.
L'homme aux cheveux gris effectua les vérifications de dernière minute, s’acquittant bien de la présence de tous les équipements nécessaires à cette mission.
Le visage d'une autre personne visible sur un hologramme fit son apparition, le regardant d'un air impassible, vide de toute émotion.
— Ethan, même s'il s'agit une simple mission de sauvetage, reste sur tes gardes. Nous n'avons aucune idée de ce qui a bien pu se passer sur place et cela me peinerait grandement que l'on te perde car je serais obligé de me résoudre à suivre la procédure.
Le concerné tourna la tête vers la machine qui projetait l'image de la tête de l'amiral. La procédure, bien entendu, consistait à se débarrasser de toute trace du problème. Normalement, cela aurait dû se faire dès que la première escouade d'assistance avait cessée de fournir une liaison avec la base. Mais Ian avait plaidé l'appel d'une aide externe pour savoir ce qui n'allait pas sur cette frégate fantôme. Étrangement, c'est le président lui-même qui a proposé d'envoyer le Major à bord au lieu d'une autre personne.
Ethan comprenait parfaitement le geste de son lointain neveu. Il serait plus simple d'expliquer la disparition d'une seule personne plutôt que celle d'une seconde escouade. Et puis, le public n'en voudrait pas aux autorités si celles avaient décidés de détruire le vaisseau jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'un tas de débris.
— Ne t'inquiète pas Ian. Je monte à bord, je récupère Anthony et je me barre. Si quoi que ce soit se dresse sur mon chemin, je lui mets un chargeur dans le buffet, répondit-il sur un ton sombre, en serrant les poings et avec un regard déterminé.
— Anthony est certes ton objectif principal mais viens en aide aux autres survivants, s’il y en a, et tâche de récupérer des informations sur la cause de tout ça, dans la mesure du possible. Ce qui a pu se passer ici pourrait très bien se reproduire ailleurs sauf si nous pouvons trouver un moyen de l'anticiper.
Un fin sourire se dessina sur le visage de l’ancien mercenaire.
— Ça ne devrait pas poser de problème.
— Maintenant que tu sais quoi faire, il ne te reste plus qu’à passer à l’action. Bonne chance Ethan.
Avant qu’il ait put répondre, Blanco coupa la communication, le laissant seul avec ses pensées pendant de longues secondes. Pensées qui furent interrompues par le retour de la voix de Light.
— Nous ne sommes plus qu’à une vingtaine de mètres de l’objectif. Il semblerait que le transporteur de l’escouade d’Anthony soit resté intouché. Du moins, d'un point de vue extérieur.
L’Asmodeus entra dans le hangar et le pilote automatique effectua la manœuvre d’atterrissage sur l’une des plateformes réservées pour accueillir les vaisseaux personnels des grandes pontes. À quelques mètres de là, sur sa droite, était rangé l’engin de déplacement de troupes. Ses moteurs étaient complètements froids, preuve qu’il était présent depuis un certain moment déjà.
Ethan enfila son casque et s’engouffra par l’unique porte menant vers l’extérieur. Malgré le stress et l'appréhension qui ne cessaient de s'amplifier à chaque seconde qui passait, il ne put s’empêcher d’arborer un sourire nostalgique.
— Une fois de plus, il va falloir que je reparte au combat avec le strict minimum. Comme quoi, après toutes ces années, certaines habitudes ne changent pas.
Évidemment, le trentenaire faisait allusion à sa toute première mission en tant que soldat, sur une planète glacière, dans le but de démanteler un trafic d’esclaves. À l’époque, il ne disposait que de son pistolet énergétique, un module gelant pour immobiliser temporairement ses adversaires ainsi que l’armure militaire standard.
Au moment où il sortit de son vaisseau, un poids se rajouta sur ses épaules. L’atmosphère du hangar était lourde, pesante, voire même angoissante. Quelque chose de sombre et malsain s’était déroulé ici, il en était certain. Et quand Ethan disait ici, ce n’était pas seulement la salle dans laquelle il se trouvait actuellement mais l’ensemble de la frégate.
Les systèmes d'éclairage principaux étaient complètement éteints alors que ceux de secours vacillaient, preuve qu'il ne restait presque plus rien dans leurs batteries pour les alimenter. Cela signifiait aussi que l'incident menant au silence radio de la frégate commençait à dater et ça… ce n'était jamais bon signe. Plus le temps s'écoulait, moins il y avait de chance de retrouver des survivants. Malgré cela, Ethan se devait de garder espoir.
— Ian, à combien d'heures remonte l'arrivée de l'escouade d'investigation sur le vaisseau ?
Un silence d'une dizaine de seconde, qui paraissait être une éternité à ses yeux, s'installa sur l'autre bout de la ligne.
— Approximativement trois heures.
— On pourra peut-être en retrouver quelques-uns en vie, avec un peu de chance. Je te contacterais dès que j'en saurais plus. Je compte me diriger en premier vers le transporteur, en espérant ne pas tomber sur le cadavre du pilote.
Prudemment, le Major quitta la plateforme où il avait atterri et s'avança en direction du véhicule de l'U.I. Le seul bruit audible dans le hangar était celui de ses bottes contre les grilles d'acier qui constituaient le sol. Aucune présence humaine, pas de mort, pas de sang. Pas le moindre son non plus. La porte séparant le monde extérieur du compartiment où les soldats étaient durant le voyage se trouvait grande ouverte. Le jeune homme entra, arme brandie et lampe-torche allumée.
Vide.
Personne. Nada. Que dalle.
— Je n'aime pas ça. Je m'attendais éventuellement à ce qu'il y ait un cadavre ou du sang voire même le pilote en un seul morceau et attendant bien sagement l'arrivée des secours mais pas à rien du tout.
La porte menant au poste de pilotage se trouvait au sol et avait été littéralement arrachée de son emplacement, présentant deux perforations de la taille d'un poing en son centre. À croire que quelqu'un s'en était servi comme point de pression pour retirer le bloc d'acier de ses gonds. Aux yeux du trentenaire, aucun humain ne disposait de la force nécessaire pour faire cela, même lui avec son ancienne armure n'en aurait jamais été capable. Il lui fallut plusieurs secondes pour émettre un début d'hypothèse. Malheureusement, une qui ne lui ne plaisait pas le moins du monde.
Par chance, son casque disposait d'une micro-caméra intégrée, et encore en état de marche, dont il se servit pour prendre une photo et l'envoyer à Ian.
Ce dernier ne tarda pas à le contacter.
— Une porte ?
— Oui mais pas n'importe laquelle, c'est celle qui sépare le pilote du reste de l'équipage. Tu as vu les impacts qu'elle a subis? Quoi que ce soit, ce n'est pas quelque chose fait de chair et d'os qui a fait ça.
— Qu'est-ce que tu en conclus ?
Ethan souleva légèrement les épaules.
— Moi ? Rien. Je constate.
Dès ce moment, il pouvait pratiquement imaginer l'Amiral sourire.
— Certes mais te connaissant, tu as une idée sur la cause de ceci.
— J'ai juste à te donner la solution en une phrase et tu comprendras immédiatement, répondit-il sur un ton neutre. Les cyborgs sur FG-870, il y a un peu moins d’une décennie de cela.
Il fallut quelques instants au gradé pour enregistrer les informations et en déduire ce que cela signifiait. Et quand ce fut le cas, une grimace déforma les traits de son visage ordinairement impassible. Il s'agissait là de quelque chose difficilement possible à croire pour l'homme aux cheveux noirs mais c'était une partie de son équipage qui risquait sa vie là-bas et il ne devait exclure aucune possibilité.
— Aux dernières nouvelles, aucun de nos vaisseaux ne possède les équipements pour créer de tels monstres. Pour qu'il y en ait un à bord, il aurait fallut que…
Attendant impatiemment que son employeur finisse sa phrase, Ethan resta silencieux. Le fait qu'il n'y ait aucune réponse à l'autre bout de la ligne commençait à lui faire présager le pire mais son casque indiquait clairement que la liaison entre lui et la frégate n'avait pas été coupée.
— …il aurait fallut que cette créature mécanique se soit infiltrée sans qu'on le sache, ce qui est difficilement possible car chaque vaisseau est fouillé de fond en comble avant chaque départ, ou qu'il ait remplacé l'un de leurs hommes par une copie mécanique. C'est ce qui me semble être le plus probable. Je suppose que tu en es venu à la même conclusion ?
— Oui. Et le fait qu'il y ait eu un soldat remplacé par ça sur cette frégate signifie qu'il peut éventuellement y en avoir sur d'autres à bord, finit-il avant que ses yeux s'écarquillent en grand et que ses pupilles se dilatent.
Si leur théorie se trouvait être vraie… alors son mentor courrait peut-être un grave danger en ce moment même !
— Ian, serait-il possible que je te parle en privé ? Je ne voudrais pas que ce que je vais te dire soit entendu par qui que ce soit d'autre.
Pris de court par l'étrange demande, l'officier obéit cependant et pianota un petit clavier tactile se situant sur l'accoudoir droit de son siège avant d'installer un petit objet sombre à une de ses oreilles.
— C'est bon. La connexion est sécurisée et il n'a plus que moi qui puisse t'écouter.
— Il est possible que tu ais une voire plusieurs de ces choses sur l'Orion. Ils pourraient même s'être infiltrés dans tous les endroits stratégiques de l'U.I à l'heure où on parle. On ne peut laisser les évènements qui se sont déroulés sur le Sheffer se propager ailleurs.
— En effet, on va faire en sorte de surveiller étroitement chaque personne qui pourrait avoir un comportement bizarre même si ça risque d'être un peu compliqué car tout le monde est potentiellement suspect.
— Je ne dis pas ça que pour l'équipage. C'est surtout pour toi et Claire dont je me fais du souci, je ne voudrais pas qu'il vous arrive quelque chose. Je reste une cible prioritaire aux yeux de cette organisation et ils n'hésiteront pas à m’attaquer indirectement en passant par vous.
Blanco ne put s'empêcher de lâcher un subtil gloussement.
— Tu ne devrais pas t'en faire pour nous, concentre-toi d'abord sur ton objectif.
— D'accord… je t'appelle dès que j'aurais plus d'infos. À plus tard.
Le trentenaire s'hâta de sortir de l'engin de transport. La situation empirait doucement et il n'avait qu'une envie: finir la mission qui lui avait été confiée au plus vite.
— Light, indique-moi le chemin le plus rapide pour accéder au pont principal du Sheffer. Si les caméras de surveillance fonctionnent toujours, je saurais peut-être où se trouve l'escouade de secours. Et même avec un peu de chance, on pourra détourner l'émetteur utilisé pour envoyer le S.O.S puis s'en servir comme antenne.
— Et de cette façon, tu créera un canal de communication, même si c'est uniquement à l'intérieur du vaisseau, pour prendre contact avec Anthony ! C'est un plan qui est plutôt ingénieux mais qui ne pourrait pas fonctionner vu qu'il a récemment cessé d'émettre.
Une petite caméra infrarouge détecta la rapide arrivée du jeune homme et ouvrit le sas menant à l'un des nombreux couloirs de la frégate.
— Prends à droite puis au prochain croisement, continue tout droit. Tu verras une porte légèrement plus épaisse que les autres sur ta gauche et il faudra t'y stopper.
Il ne répondit pas verbalement mais fit clairement comprendre à l'intelligence artificielle qu'il avait parfaitement compris les instructions en sprintant dans la direction indiquée.
— Et qu'est-ce que cet élément du décor a de particulier par rapport au reste ?
— C'est un escalier de secours. La quantité d'électricité présente à l'étage où tu te trouve n'est pas suffisante pour se servir de l'ascenseur. Seuls les étages les plus proches du pont de commandement le sont. Il y a même des pans entiers de la frégate qui ne disposent pas d'air ou de courant car ce serait du gaspillage d'énergie et ce sont des zones non-essentielles à son bon fonctionnement. Une fois qu'on sera au premier étage qui te le permettra, tu pourras te servir d'un des élévateurs pour accéder à ton objectif.
Il ne lui fallut qu'une vingtaine de secondes pour arriver à l'endroit indiqué par Light. Le trentenaire mit la main sur la poignée et la descendit de toute ses forces, avant de tirer la porte vers lui. Des barres d'acier de forme semi-ovales et soudées contre le mur se trouvaient désormais sous ses yeux. Il y avait un espace vide à la place du sol, entre lui et l'escalier vertical.
Ethan sauta et agrippa solidement les barres face à lui, contractant les muscles de ses avant-bras pour ne pas glisser ou mal absorber le choc de l'impact de son corps contre l'escalier. Ensuite, il commença rapidement son ascension mais veillant tout de même à ne pas rater une marche. Ce n'est que quelques minutes plus tard qu'il arriva au bon étage et effectua la manœuvre en sens inverse, atterrissant sur la plateforme et face à la porte sans encombre.
— Où est-ce que je vais maintenant ?, demanda-t-il en ouvrant celle-ci.
— À gauche en sortant de l'escalier puis encore à gauche, tu trouveras un ascenseur qui te mènera directement au pont principal.
Dans le couloir il était désormais, l'éclairage principal fonctionnait encore et sans le moindre affaiblissement. Plusieurs cadavres d'humain et de Köje gisaient au sol, certains étalés dans une mare de sang tandis que d'autres avaient des impacts de balles sur différentes parties du corps ou même plusieurs d'entre eux ne possédaient aucune blessure apparente. Aucun d'entre eux ne portait d'armure mais il y en avait quelques-uns qui possédaient une arme à leur côté.
— Je ne sais pas ce qu'il s'est passé ici mais ça m'a l'air d'être un beau bordel. Mieux vaut que Ian voit ça.
Activant à nouveau la caméra de son casque, le jeune Gray prit plusieurs clichés et les transféra à l'Orion avant de décider de continuer sa route en attendant une réponse de l'Amiral.
Mais avant qu'il ait pu faire une dizaine de pas, un étrange bruit de froissement, semblable à celui du tissu contre l'acier, le fit se retourner. À quelques de là, se tenait un homme, plus jeune d'une dizaine d'année que lui, avec la tête penché vers le sol. Son corps se balançait légèrement de droite à gauche, comme s'il avait des difficultés à se tenir en équilibre. On pouvait voir qu'il avait subit trois impacts de lasers dans le torse.
— Hey petit gars, est-ce que ça va ?
Il tenta de s'approcher mais la tête du soldat se releva brusquement ainsi que son bras gauche, pointant un pistolet à énergie dans sa direction. Étrangement, son regard était vide de toute émotion. L’homme en armure leva une main en geste de paix.
— Attends ! Je m'appelle Ethan Gray, j'ai été envoyé par l'Union pour vous venir en aide. Tu peux baisser ton arme, pas besoin d'être sur la défensive comme ça.
L'espace d'un instant, les yeux du soldat prirent une teinte grisée avec un point rouge en son centre avant de redevenir normaux.
— Ethan… Gray doit… mourir.
Le son de sa voix semblait déformé, presque comme si ses cordes vocales avaient étés remplacées par un synthétiseur vocal défectueux et donnant un aspect 'électronique' lorsqu'il parlait. L'ancien Major eut soudainement un frisson qui lui traversa la colonne vertébrale et recula instinctivement d'un pas. Ce n'était pas l'étrange attitude de la personne face à lui qui l'effrayait. Non, il s'agissait juste de la voix qu'il venait d'entendre car celle-ci appartenait à une personne familière qui venait à nouveau le hanter.
— J'aurais dû me douter que les larbins d'Amanda seraient derrière tout ça. Mais de là à continuer d'utiliser sa voix pour me filer la frousse…c'est assez morbide quand même.
Ce que l'homme aux cheveux gris n'avait vu pendant qu'il marmonnait dans sa barbe, c'est que parmi tous les cadavres présents, certains d'entre d'eux s'étaient relevés. La surprise et l'inquiétude se peignirent sur son visage lorsqu'il vit les derniers de ces 'revenants' se mettre debout. Ethan ne put s'empêcher de lâcher un juron avant de sortir son arme de son étui et presser une première fois la détente, créant ainsi une puissante détonation qui résonna sur une dizaine de mètres autour de lui. Le projectile fila jusqu'à sa cible, qui se trouvait être le garçon qui le menaçait avec un pistolet, finissant sa course pile entre les deux yeux.
Avant que le corps ait pu tomber au sol pour y rester définitivement cette fois, l'ex-mercenaire courrait déjà en direction de l'ascenseur, repoussant ceux qui cherchaient à l'attraper ou le mettre à terre. Il tira même à plusieurs reprises lorsqu'il savait que sa marge de manœuvre pour esquiver était trop courte.
S'engageant dans le corridor de gauche, Ethan constata la présence d'autres 'morts-vivants' mais décida tout de même de passer en force. Le bruit du déplacement d'une salve énergétique dans l'air, brûlant toutes les molécules présentes sur son passage, se fit entendre à plusieurs reprises dans le dos du jeune homme. Par miracle, aucune d'entre elles ne le touchèrent.
D'un puissant coup d'épaule et grâce à l'élan qu'il possédait, Ethan se débarrassa de ses obstacles sans encombres et entra dans l'ascenseur avant de marteler le bouton menant à l'étage du pont principal. Les tirs continuaient à pleuvoir sur lui mais cela ne l'empêcha pas de rendre la pareille, faisant tomber une de ces choses à chaque fois qu'il pressait la détente, veillant autant que possible à viser entre les deux yeux.
Après de très longues secondes, les portes de l'élévateur se refermèrent et il commença à monter d'étage.
Effectuant une pression à deux reprises sur un petit bouton situé sur le côté gauche de son casque, le jeune Gray établit la liaison avec l'Orion. La réponse ne tarda pas.
— As-tu de nouvelles informations à propos de la situation ?
— En effet et je ne vais pas tourner autour du pot Ian: ça commence sérieusement à sentir mauvais tout ça. Je viens d'affronter des morts-vivants! C'était des membres de l'équipage. Ils étaient facilement plus d'une vingtaine et j'étais à un cheveu près d'y passer. Pas étonnant que vous ayez perdu le contact avec Anthony et les autres. J'aurais besoin de l'expertise de Claire sur le coup, répondit-il, respirant assez rapidement et bruyamment par la bouche et essayant de calmer son pauvre cœur qui battait la chamade.
— Cela tombe bien car je l'ai fait venir pour qu'elle puisse voir les images que tu nous as envoyés plus en détail.
— Et qu'est-ce qu'elle en pense ?
Cette fois-ci, ce fut la doctoresse qui prit la parole.
— Et bien, à première vue. Il n'y absolument rien d'anormal pour tous ceux morts à cause des impacts présents sur leurs corps. Mais j'en ai vu quelques-uns qui saignaient des oreilles ou n'avaient rien d'apparent et ça, c'est vraiment étrange… mais qu'entend-tu par 'morts-vivants' ?
— Disons juste que certains cadavres, ayant des blessures visibles ou non, se sont relevés quasiment tous en même temps et ont décidés de me transformer en gruyère avec le premier pistolet ou fusil qu'ils avaient sous la main. Ça se voyait que la rigidité cadavérique s'était déjà emparée de leurs corps car ils visaient un peu de travers. Le seul moyen de les avoir définitivement, c'était de leur planter une balle dans le cerveau. Mais ce qui est encore plus bizarre, c'est que je voyais des morceaux de crâne et cervelles éclabousser le sol quand un projectile ressortait de l'autre côté de la tête…
—… alors que normalement, s'il s'agissait d'un cyborg ou un androïde, il aurait dû rester à l'intérieur, conclu l'Amiral.
— Exact.
— Maintenant, reste plus qu'à savoir quelle technologie a été utilisée pour qu'ils se comportent de cette façon. Un implant cérébral comme le mien pourrait faire l'affaire mais dans ce cas là, pourquoi seulement certains corps et pas tous ceux présents à bord ? Ça n'a pas de sens.
— Des nano-robots pourraient très bien faire l’affaire. Il suffirait juste de les programmer pour émettre une impulsion électrique sur une zone du cerveau bien précise, mettant ainsi en veille leur hôte et ne s'activer uniquement qu'en ta présence et à partir de là, t'abattre, de quelque façon que ce soit, proposa le médecin de la frégate avec un regard songeur et envisageant d'autres possibilités pour expliquer que les corps soient 'possédés' de cette façon. Il est probable que certains hôtes aient rejetés l'intrusion des robots dans leur corps et en soient morts.
Ethan resta de marbre face à cette théorie, cela correspondait parfaitement au comportement qu’avaient ses agresseurs. Ian décida de couper court au pesant silence qui commençait à s'installer et s'adressa au trentenaire.
— Vu comment évolue la situation, je vais devoir contacter le QG pour leur raconter ce que tu viens de me dire et éventuellement recevoir de nouvelles consignes. Pendant ce temps, continue tes recherches et, s'il te plaît, fait attention. On ne sait pas quelles autres horreurs t'attendent.
L’ex-professeur eut presque le souffle coupé en entendant la requête de son ami. Lui qui d'habitude était si composé et distant, l'avait presque supplié de ne pas faire quoique ce soit de dangereux ou imprudent. Ian Blanco n'était pas quelqu'un qui exprimait souvent ses émotions, préférant conserver cet air froid et professionnel qui lui allait si bien.
— Je ferais de mon mieux pour sortir d'ici en un seul morceau mais je ne te promets rien, répondit-il avec un sourire avant de couper la liaison.
Regardant les informations affichées sur l’écran de son casque, il remarqua que son indicateur de balles clignotait, montrant clairement que son Glock 17 était vide. Il s’empressa d’éjecter le chargeur qui se trouvait dans l’arme et le remplaça par un autre, plein. Désormais, il ne lui restait plus que trois avant d'être à sec. Son afficheur de munitions cessa immédiatement de s’illuminer et le nombre de projectiles présent dans l’arme apparût à côté.
Le Major savait parfaitement qu’il devait faire autant que possible attention à ne pas gâcher ses balles mais au vu de la quantité d’ennemis qu’il rencontré tantôt, il ne pouvait faire autrement que de se servir de son pistolet. Son couteau de combat lui était quasi-inutile dans cette situation. S’en servir revenait pratiquement à se jeter dans les bras de l’ennemi. Dans le cas où Ethan avait dû affronter un petit groupe d’adversaire, il aurait pu l’utiliser mais là, il aurait surement à affronter bien plus qu’une dizaine de ces ‘possédés’.
Resserrant la prise sur son arme et fixant les doubles portes de l’ascenseur, les pensées d’Ethan ne purent s’empêcher de revenir à son ami. Il ne lui faudrait désormais attendre qu’une minute ou deux de plus avant de savoir ce qui lui était arrivé et agir en conséquence. Le jeune Gray trépignait d’impatience. Un nœud se forma dans son estomac et malgré ses tentatives pour rester serein, le stress le gagnait. Finalement, la délivrance arriva quelques secondes plus tard lorsque l’élévateur se stoppa et les portes s’ouvrirent. Ne perdant pas une seconde de plus, il sprinta dans la salle.
Puis soudainement, le son d’un tir de laser se fit entendre dans la pièce, suivi par un corps qui toucha le sol.
— D'ailleurs, tant que nous y sommes, elle a un nom cette frégate ? Car je n'ai pas souvenir que tu ais mentionné quoique ce soit à ce propos tout à l'heure.
— Elle a été baptisée Sheffer, en hommage à un chef d'escouade qui a permis la fuite de son équipe en se sacrifiant lors d'un embuscade sur une colonie minière par des pirates. Mise en service au mois de Novembre 2723. Armement standard : Canons plasma et Ioniques. Longue de près de 2 kilomètres, son but est d'effectuer des missions de reconnaissance aux limites de la galaxie connue avec la possibilité de découvrir d'autres mondes vivables. Ou d'un intérêt économique, culturel voire scientifique. Ses états de service montrent qu'il a participé à l'assaut sur Mars, il y a sept ans mais sinon, rien de particulier à signaler.
L'homme aux cheveux gris effectua les vérifications de dernière minute, s’acquittant bien de la présence de tous les équipements nécessaires à cette mission.
Le visage d'une autre personne visible sur un hologramme fit son apparition, le regardant d'un air impassible, vide de toute émotion.
— Ethan, même s'il s'agit une simple mission de sauvetage, reste sur tes gardes. Nous n'avons aucune idée de ce qui a bien pu se passer sur place et cela me peinerait grandement que l'on te perde car je serais obligé de me résoudre à suivre la procédure.
Le concerné tourna la tête vers la machine qui projetait l'image de la tête de l'amiral. La procédure, bien entendu, consistait à se débarrasser de toute trace du problème. Normalement, cela aurait dû se faire dès que la première escouade d'assistance avait cessée de fournir une liaison avec la base. Mais Ian avait plaidé l'appel d'une aide externe pour savoir ce qui n'allait pas sur cette frégate fantôme. Étrangement, c'est le président lui-même qui a proposé d'envoyer le Major à bord au lieu d'une autre personne.
Ethan comprenait parfaitement le geste de son lointain neveu. Il serait plus simple d'expliquer la disparition d'une seule personne plutôt que celle d'une seconde escouade. Et puis, le public n'en voudrait pas aux autorités si celles avaient décidés de détruire le vaisseau jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'un tas de débris.
— Ne t'inquiète pas Ian. Je monte à bord, je récupère Anthony et je me barre. Si quoi que ce soit se dresse sur mon chemin, je lui mets un chargeur dans le buffet, répondit-il sur un ton sombre, en serrant les poings et avec un regard déterminé.
— Anthony est certes ton objectif principal mais viens en aide aux autres survivants, s’il y en a, et tâche de récupérer des informations sur la cause de tout ça, dans la mesure du possible. Ce qui a pu se passer ici pourrait très bien se reproduire ailleurs sauf si nous pouvons trouver un moyen de l'anticiper.
Un fin sourire se dessina sur le visage de l’ancien mercenaire.
— Ça ne devrait pas poser de problème.
— Maintenant que tu sais quoi faire, il ne te reste plus qu’à passer à l’action. Bonne chance Ethan.
Avant qu’il ait put répondre, Blanco coupa la communication, le laissant seul avec ses pensées pendant de longues secondes. Pensées qui furent interrompues par le retour de la voix de Light.
— Nous ne sommes plus qu’à une vingtaine de mètres de l’objectif. Il semblerait que le transporteur de l’escouade d’Anthony soit resté intouché. Du moins, d'un point de vue extérieur.
L’Asmodeus entra dans le hangar et le pilote automatique effectua la manœuvre d’atterrissage sur l’une des plateformes réservées pour accueillir les vaisseaux personnels des grandes pontes. À quelques mètres de là, sur sa droite, était rangé l’engin de déplacement de troupes. Ses moteurs étaient complètements froids, preuve qu’il était présent depuis un certain moment déjà.
Ethan enfila son casque et s’engouffra par l’unique porte menant vers l’extérieur. Malgré le stress et l'appréhension qui ne cessaient de s'amplifier à chaque seconde qui passait, il ne put s’empêcher d’arborer un sourire nostalgique.
— Une fois de plus, il va falloir que je reparte au combat avec le strict minimum. Comme quoi, après toutes ces années, certaines habitudes ne changent pas.
Évidemment, le trentenaire faisait allusion à sa toute première mission en tant que soldat, sur une planète glacière, dans le but de démanteler un trafic d’esclaves. À l’époque, il ne disposait que de son pistolet énergétique, un module gelant pour immobiliser temporairement ses adversaires ainsi que l’armure militaire standard.
Au moment où il sortit de son vaisseau, un poids se rajouta sur ses épaules. L’atmosphère du hangar était lourde, pesante, voire même angoissante. Quelque chose de sombre et malsain s’était déroulé ici, il en était certain. Et quand Ethan disait ici, ce n’était pas seulement la salle dans laquelle il se trouvait actuellement mais l’ensemble de la frégate.
Les systèmes d'éclairage principaux étaient complètement éteints alors que ceux de secours vacillaient, preuve qu'il ne restait presque plus rien dans leurs batteries pour les alimenter. Cela signifiait aussi que l'incident menant au silence radio de la frégate commençait à dater et ça… ce n'était jamais bon signe. Plus le temps s'écoulait, moins il y avait de chance de retrouver des survivants. Malgré cela, Ethan se devait de garder espoir.
— Ian, à combien d'heures remonte l'arrivée de l'escouade d'investigation sur le vaisseau ?
Un silence d'une dizaine de seconde, qui paraissait être une éternité à ses yeux, s'installa sur l'autre bout de la ligne.
— Approximativement trois heures.
— On pourra peut-être en retrouver quelques-uns en vie, avec un peu de chance. Je te contacterais dès que j'en saurais plus. Je compte me diriger en premier vers le transporteur, en espérant ne pas tomber sur le cadavre du pilote.
Prudemment, le Major quitta la plateforme où il avait atterri et s'avança en direction du véhicule de l'U.I. Le seul bruit audible dans le hangar était celui de ses bottes contre les grilles d'acier qui constituaient le sol. Aucune présence humaine, pas de mort, pas de sang. Pas le moindre son non plus. La porte séparant le monde extérieur du compartiment où les soldats étaient durant le voyage se trouvait grande ouverte. Le jeune homme entra, arme brandie et lampe-torche allumée.
Vide.
Personne. Nada. Que dalle.
— Je n'aime pas ça. Je m'attendais éventuellement à ce qu'il y ait un cadavre ou du sang voire même le pilote en un seul morceau et attendant bien sagement l'arrivée des secours mais pas à rien du tout.
La porte menant au poste de pilotage se trouvait au sol et avait été littéralement arrachée de son emplacement, présentant deux perforations de la taille d'un poing en son centre. À croire que quelqu'un s'en était servi comme point de pression pour retirer le bloc d'acier de ses gonds. Aux yeux du trentenaire, aucun humain ne disposait de la force nécessaire pour faire cela, même lui avec son ancienne armure n'en aurait jamais été capable. Il lui fallut plusieurs secondes pour émettre un début d'hypothèse. Malheureusement, une qui ne lui ne plaisait pas le moins du monde.
Par chance, son casque disposait d'une micro-caméra intégrée, et encore en état de marche, dont il se servit pour prendre une photo et l'envoyer à Ian.
Ce dernier ne tarda pas à le contacter.
— Une porte ?
— Oui mais pas n'importe laquelle, c'est celle qui sépare le pilote du reste de l'équipage. Tu as vu les impacts qu'elle a subis? Quoi que ce soit, ce n'est pas quelque chose fait de chair et d'os qui a fait ça.
— Qu'est-ce que tu en conclus ?
Ethan souleva légèrement les épaules.
— Moi ? Rien. Je constate.
Dès ce moment, il pouvait pratiquement imaginer l'Amiral sourire.
— Certes mais te connaissant, tu as une idée sur la cause de ceci.
— J'ai juste à te donner la solution en une phrase et tu comprendras immédiatement, répondit-il sur un ton neutre. Les cyborgs sur FG-870, il y a un peu moins d’une décennie de cela.
Il fallut quelques instants au gradé pour enregistrer les informations et en déduire ce que cela signifiait. Et quand ce fut le cas, une grimace déforma les traits de son visage ordinairement impassible. Il s'agissait là de quelque chose difficilement possible à croire pour l'homme aux cheveux noirs mais c'était une partie de son équipage qui risquait sa vie là-bas et il ne devait exclure aucune possibilité.
— Aux dernières nouvelles, aucun de nos vaisseaux ne possède les équipements pour créer de tels monstres. Pour qu'il y en ait un à bord, il aurait fallut que…
Attendant impatiemment que son employeur finisse sa phrase, Ethan resta silencieux. Le fait qu'il n'y ait aucune réponse à l'autre bout de la ligne commençait à lui faire présager le pire mais son casque indiquait clairement que la liaison entre lui et la frégate n'avait pas été coupée.
— …il aurait fallut que cette créature mécanique se soit infiltrée sans qu'on le sache, ce qui est difficilement possible car chaque vaisseau est fouillé de fond en comble avant chaque départ, ou qu'il ait remplacé l'un de leurs hommes par une copie mécanique. C'est ce qui me semble être le plus probable. Je suppose que tu en es venu à la même conclusion ?
— Oui. Et le fait qu'il y ait eu un soldat remplacé par ça sur cette frégate signifie qu'il peut éventuellement y en avoir sur d'autres à bord, finit-il avant que ses yeux s'écarquillent en grand et que ses pupilles se dilatent.
Si leur théorie se trouvait être vraie… alors son mentor courrait peut-être un grave danger en ce moment même !
— Ian, serait-il possible que je te parle en privé ? Je ne voudrais pas que ce que je vais te dire soit entendu par qui que ce soit d'autre.
Pris de court par l'étrange demande, l'officier obéit cependant et pianota un petit clavier tactile se situant sur l'accoudoir droit de son siège avant d'installer un petit objet sombre à une de ses oreilles.
— C'est bon. La connexion est sécurisée et il n'a plus que moi qui puisse t'écouter.
— Il est possible que tu ais une voire plusieurs de ces choses sur l'Orion. Ils pourraient même s'être infiltrés dans tous les endroits stratégiques de l'U.I à l'heure où on parle. On ne peut laisser les évènements qui se sont déroulés sur le Sheffer se propager ailleurs.
— En effet, on va faire en sorte de surveiller étroitement chaque personne qui pourrait avoir un comportement bizarre même si ça risque d'être un peu compliqué car tout le monde est potentiellement suspect.
— Je ne dis pas ça que pour l'équipage. C'est surtout pour toi et Claire dont je me fais du souci, je ne voudrais pas qu'il vous arrive quelque chose. Je reste une cible prioritaire aux yeux de cette organisation et ils n'hésiteront pas à m’attaquer indirectement en passant par vous.
Blanco ne put s'empêcher de lâcher un subtil gloussement.
— Tu ne devrais pas t'en faire pour nous, concentre-toi d'abord sur ton objectif.
— D'accord… je t'appelle dès que j'aurais plus d'infos. À plus tard.
Le trentenaire s'hâta de sortir de l'engin de transport. La situation empirait doucement et il n'avait qu'une envie: finir la mission qui lui avait été confiée au plus vite.
— Light, indique-moi le chemin le plus rapide pour accéder au pont principal du Sheffer. Si les caméras de surveillance fonctionnent toujours, je saurais peut-être où se trouve l'escouade de secours. Et même avec un peu de chance, on pourra détourner l'émetteur utilisé pour envoyer le S.O.S puis s'en servir comme antenne.
— Et de cette façon, tu créera un canal de communication, même si c'est uniquement à l'intérieur du vaisseau, pour prendre contact avec Anthony ! C'est un plan qui est plutôt ingénieux mais qui ne pourrait pas fonctionner vu qu'il a récemment cessé d'émettre.
Une petite caméra infrarouge détecta la rapide arrivée du jeune homme et ouvrit le sas menant à l'un des nombreux couloirs de la frégate.
— Prends à droite puis au prochain croisement, continue tout droit. Tu verras une porte légèrement plus épaisse que les autres sur ta gauche et il faudra t'y stopper.
Il ne répondit pas verbalement mais fit clairement comprendre à l'intelligence artificielle qu'il avait parfaitement compris les instructions en sprintant dans la direction indiquée.
— Et qu'est-ce que cet élément du décor a de particulier par rapport au reste ?
— C'est un escalier de secours. La quantité d'électricité présente à l'étage où tu te trouve n'est pas suffisante pour se servir de l'ascenseur. Seuls les étages les plus proches du pont de commandement le sont. Il y a même des pans entiers de la frégate qui ne disposent pas d'air ou de courant car ce serait du gaspillage d'énergie et ce sont des zones non-essentielles à son bon fonctionnement. Une fois qu'on sera au premier étage qui te le permettra, tu pourras te servir d'un des élévateurs pour accéder à ton objectif.
Il ne lui fallut qu'une vingtaine de secondes pour arriver à l'endroit indiqué par Light. Le trentenaire mit la main sur la poignée et la descendit de toute ses forces, avant de tirer la porte vers lui. Des barres d'acier de forme semi-ovales et soudées contre le mur se trouvaient désormais sous ses yeux. Il y avait un espace vide à la place du sol, entre lui et l'escalier vertical.
Ethan sauta et agrippa solidement les barres face à lui, contractant les muscles de ses avant-bras pour ne pas glisser ou mal absorber le choc de l'impact de son corps contre l'escalier. Ensuite, il commença rapidement son ascension mais veillant tout de même à ne pas rater une marche. Ce n'est que quelques minutes plus tard qu'il arriva au bon étage et effectua la manœuvre en sens inverse, atterrissant sur la plateforme et face à la porte sans encombre.
— Où est-ce que je vais maintenant ?, demanda-t-il en ouvrant celle-ci.
— À gauche en sortant de l'escalier puis encore à gauche, tu trouveras un ascenseur qui te mènera directement au pont principal.
Dans le couloir il était désormais, l'éclairage principal fonctionnait encore et sans le moindre affaiblissement. Plusieurs cadavres d'humain et de Köje gisaient au sol, certains étalés dans une mare de sang tandis que d'autres avaient des impacts de balles sur différentes parties du corps ou même plusieurs d'entre eux ne possédaient aucune blessure apparente. Aucun d'entre eux ne portait d'armure mais il y en avait quelques-uns qui possédaient une arme à leur côté.
— Je ne sais pas ce qu'il s'est passé ici mais ça m'a l'air d'être un beau bordel. Mieux vaut que Ian voit ça.
Activant à nouveau la caméra de son casque, le jeune Gray prit plusieurs clichés et les transféra à l'Orion avant de décider de continuer sa route en attendant une réponse de l'Amiral.
Mais avant qu'il ait pu faire une dizaine de pas, un étrange bruit de froissement, semblable à celui du tissu contre l'acier, le fit se retourner. À quelques de là, se tenait un homme, plus jeune d'une dizaine d'année que lui, avec la tête penché vers le sol. Son corps se balançait légèrement de droite à gauche, comme s'il avait des difficultés à se tenir en équilibre. On pouvait voir qu'il avait subit trois impacts de lasers dans le torse.
— Hey petit gars, est-ce que ça va ?
Il tenta de s'approcher mais la tête du soldat se releva brusquement ainsi que son bras gauche, pointant un pistolet à énergie dans sa direction. Étrangement, son regard était vide de toute émotion. L’homme en armure leva une main en geste de paix.
— Attends ! Je m'appelle Ethan Gray, j'ai été envoyé par l'Union pour vous venir en aide. Tu peux baisser ton arme, pas besoin d'être sur la défensive comme ça.
L'espace d'un instant, les yeux du soldat prirent une teinte grisée avec un point rouge en son centre avant de redevenir normaux.
— Ethan… Gray doit… mourir.
Le son de sa voix semblait déformé, presque comme si ses cordes vocales avaient étés remplacées par un synthétiseur vocal défectueux et donnant un aspect 'électronique' lorsqu'il parlait. L'ancien Major eut soudainement un frisson qui lui traversa la colonne vertébrale et recula instinctivement d'un pas. Ce n'était pas l'étrange attitude de la personne face à lui qui l'effrayait. Non, il s'agissait juste de la voix qu'il venait d'entendre car celle-ci appartenait à une personne familière qui venait à nouveau le hanter.
— J'aurais dû me douter que les larbins d'Amanda seraient derrière tout ça. Mais de là à continuer d'utiliser sa voix pour me filer la frousse…c'est assez morbide quand même.
Ce que l'homme aux cheveux gris n'avait vu pendant qu'il marmonnait dans sa barbe, c'est que parmi tous les cadavres présents, certains d'entre d'eux s'étaient relevés. La surprise et l'inquiétude se peignirent sur son visage lorsqu'il vit les derniers de ces 'revenants' se mettre debout. Ethan ne put s'empêcher de lâcher un juron avant de sortir son arme de son étui et presser une première fois la détente, créant ainsi une puissante détonation qui résonna sur une dizaine de mètres autour de lui. Le projectile fila jusqu'à sa cible, qui se trouvait être le garçon qui le menaçait avec un pistolet, finissant sa course pile entre les deux yeux.
Avant que le corps ait pu tomber au sol pour y rester définitivement cette fois, l'ex-mercenaire courrait déjà en direction de l'ascenseur, repoussant ceux qui cherchaient à l'attraper ou le mettre à terre. Il tira même à plusieurs reprises lorsqu'il savait que sa marge de manœuvre pour esquiver était trop courte.
S'engageant dans le corridor de gauche, Ethan constata la présence d'autres 'morts-vivants' mais décida tout de même de passer en force. Le bruit du déplacement d'une salve énergétique dans l'air, brûlant toutes les molécules présentes sur son passage, se fit entendre à plusieurs reprises dans le dos du jeune homme. Par miracle, aucune d'entre elles ne le touchèrent.
D'un puissant coup d'épaule et grâce à l'élan qu'il possédait, Ethan se débarrassa de ses obstacles sans encombres et entra dans l'ascenseur avant de marteler le bouton menant à l'étage du pont principal. Les tirs continuaient à pleuvoir sur lui mais cela ne l'empêcha pas de rendre la pareille, faisant tomber une de ces choses à chaque fois qu'il pressait la détente, veillant autant que possible à viser entre les deux yeux.
Après de très longues secondes, les portes de l'élévateur se refermèrent et il commença à monter d'étage.
Effectuant une pression à deux reprises sur un petit bouton situé sur le côté gauche de son casque, le jeune Gray établit la liaison avec l'Orion. La réponse ne tarda pas.
— As-tu de nouvelles informations à propos de la situation ?
— En effet et je ne vais pas tourner autour du pot Ian: ça commence sérieusement à sentir mauvais tout ça. Je viens d'affronter des morts-vivants! C'était des membres de l'équipage. Ils étaient facilement plus d'une vingtaine et j'étais à un cheveu près d'y passer. Pas étonnant que vous ayez perdu le contact avec Anthony et les autres. J'aurais besoin de l'expertise de Claire sur le coup, répondit-il, respirant assez rapidement et bruyamment par la bouche et essayant de calmer son pauvre cœur qui battait la chamade.
— Cela tombe bien car je l'ai fait venir pour qu'elle puisse voir les images que tu nous as envoyés plus en détail.
— Et qu'est-ce qu'elle en pense ?
Cette fois-ci, ce fut la doctoresse qui prit la parole.
— Et bien, à première vue. Il n'y absolument rien d'anormal pour tous ceux morts à cause des impacts présents sur leurs corps. Mais j'en ai vu quelques-uns qui saignaient des oreilles ou n'avaient rien d'apparent et ça, c'est vraiment étrange… mais qu'entend-tu par 'morts-vivants' ?
— Disons juste que certains cadavres, ayant des blessures visibles ou non, se sont relevés quasiment tous en même temps et ont décidés de me transformer en gruyère avec le premier pistolet ou fusil qu'ils avaient sous la main. Ça se voyait que la rigidité cadavérique s'était déjà emparée de leurs corps car ils visaient un peu de travers. Le seul moyen de les avoir définitivement, c'était de leur planter une balle dans le cerveau. Mais ce qui est encore plus bizarre, c'est que je voyais des morceaux de crâne et cervelles éclabousser le sol quand un projectile ressortait de l'autre côté de la tête…
—… alors que normalement, s'il s'agissait d'un cyborg ou un androïde, il aurait dû rester à l'intérieur, conclu l'Amiral.
— Exact.
— Maintenant, reste plus qu'à savoir quelle technologie a été utilisée pour qu'ils se comportent de cette façon. Un implant cérébral comme le mien pourrait faire l'affaire mais dans ce cas là, pourquoi seulement certains corps et pas tous ceux présents à bord ? Ça n'a pas de sens.
— Des nano-robots pourraient très bien faire l’affaire. Il suffirait juste de les programmer pour émettre une impulsion électrique sur une zone du cerveau bien précise, mettant ainsi en veille leur hôte et ne s'activer uniquement qu'en ta présence et à partir de là, t'abattre, de quelque façon que ce soit, proposa le médecin de la frégate avec un regard songeur et envisageant d'autres possibilités pour expliquer que les corps soient 'possédés' de cette façon. Il est probable que certains hôtes aient rejetés l'intrusion des robots dans leur corps et en soient morts.
Ethan resta de marbre face à cette théorie, cela correspondait parfaitement au comportement qu’avaient ses agresseurs. Ian décida de couper court au pesant silence qui commençait à s'installer et s'adressa au trentenaire.
— Vu comment évolue la situation, je vais devoir contacter le QG pour leur raconter ce que tu viens de me dire et éventuellement recevoir de nouvelles consignes. Pendant ce temps, continue tes recherches et, s'il te plaît, fait attention. On ne sait pas quelles autres horreurs t'attendent.
L’ex-professeur eut presque le souffle coupé en entendant la requête de son ami. Lui qui d'habitude était si composé et distant, l'avait presque supplié de ne pas faire quoique ce soit de dangereux ou imprudent. Ian Blanco n'était pas quelqu'un qui exprimait souvent ses émotions, préférant conserver cet air froid et professionnel qui lui allait si bien.
— Je ferais de mon mieux pour sortir d'ici en un seul morceau mais je ne te promets rien, répondit-il avec un sourire avant de couper la liaison.
Regardant les informations affichées sur l’écran de son casque, il remarqua que son indicateur de balles clignotait, montrant clairement que son Glock 17 était vide. Il s’empressa d’éjecter le chargeur qui se trouvait dans l’arme et le remplaça par un autre, plein. Désormais, il ne lui restait plus que trois avant d'être à sec. Son afficheur de munitions cessa immédiatement de s’illuminer et le nombre de projectiles présent dans l’arme apparût à côté.
Le Major savait parfaitement qu’il devait faire autant que possible attention à ne pas gâcher ses balles mais au vu de la quantité d’ennemis qu’il rencontré tantôt, il ne pouvait faire autrement que de se servir de son pistolet. Son couteau de combat lui était quasi-inutile dans cette situation. S’en servir revenait pratiquement à se jeter dans les bras de l’ennemi. Dans le cas où Ethan avait dû affronter un petit groupe d’adversaire, il aurait pu l’utiliser mais là, il aurait surement à affronter bien plus qu’une dizaine de ces ‘possédés’.
Resserrant la prise sur son arme et fixant les doubles portes de l’ascenseur, les pensées d’Ethan ne purent s’empêcher de revenir à son ami. Il ne lui faudrait désormais attendre qu’une minute ou deux de plus avant de savoir ce qui lui était arrivé et agir en conséquence. Le jeune Gray trépignait d’impatience. Un nœud se forma dans son estomac et malgré ses tentatives pour rester serein, le stress le gagnait. Finalement, la délivrance arriva quelques secondes plus tard lorsque l’élévateur se stoppa et les portes s’ouvrirent. Ne perdant pas une seconde de plus, il sprinta dans la salle.
Puis soudainement, le son d’un tir de laser se fit entendre dans la pièce, suivi par un corps qui toucha le sol.