Note de la fic : Non notée
Publié le 19/08/2013 à 01:18:13 par Pseudo supprimé
L'actualité est un ennemi que l’on ne peut fuir. Comme un viseur toujours braqué sur moi, un oeil numérique qui me toise de haut, le présent me suit sans retard, il me colle à la peau. J'imagine que je n’ai pas à me plaindre, il y en a pour dire qu'il me va bien. Mais au fond de mon lit, dans mes rêves profonds, une image récurrente me torture et me réveille en sursaut : et si à l'autre bout du viseur, se trouvait un fusil, et logiquement, derrière ce fusil, un tireur ? J'imagine bien ce vieil homme à la peau glaciale, la silhouette courbée, l’œil rivé au viseur et le doigt sur la gâchette... Un sniper ancestral sur lequel les secondes glisseraient sans jamais le toucher, et qui attendrait depuis le début de toutes choses à bord de son satellite armé. Toujours à attendre, toujours à veiller, depuis l’époque oubliée où la première forme de vie unicellulaire émergea du néant dans les abysses noirs de l’océan.
Dans le silence qui enveloppe mes réveils paniqués et sur les autoroutes vides que j’arpente comme un pantin sans âme, l’interrogation prend de plus en plus d’envergure et l’absurdité m’apparaît si évidente qu’elle mute peu à peu en une vérité parallèle. J’avais d’abord pensé que le tireur ne s’occupait que de moi mais j’ai compris que cette hypothèse était trop égocentriste pour être plausible, je me dis maintenant que chacun vit avec une visée mortelle braquée sur son front. Je n'ai donc rien d'exceptionnel aux yeux de ce tueur sans âge, mais je me console en pensant au fait que moi j'imagine son existence; si j'avais raison cela ferait de moi quelqu'un de très lucide.
Je laisse libre cours à mon imagination et l’arbre des possibles étend ses branchages dans mon esprit: Il peut y avoir plusieurs snipers, chacun à bord de son satellite, un œil, un viseur, un canon et une balle pour chaque individu. Ou alors il peut y avoir plusieurs snipers à la chaîne dans un seul satellite, parmi lesquels le convoyeur de ma mort attend patiemment son tour, enchaîné aux assassins de deux humains, dont l’un me précèdera dans la mort et l’autre m’y succèdera.
Mais une sensation étrange, comme si j’étais guidé par une logique dont les principes me sont encore inconnus, me donne plutôt envie de m'imaginer un être allongé dans un siège de velours, avec un grand oeil composé de milliards de petits yeux, chacun rivés à un viseur; un être dont les mains rendues douces et froides par le contact du métal de tant d’armes voyageraient de gâchette en gâchette avec une dextérité surnaturelle, comme les mains d'un pianiste, parfumées par le temps, aux doigts longs et aux ongles 'coupe bébé' pour ne pas griffer l'acier qui hurlerait. Ne pas faire de bruit, ne pas laisser de trace. C'est le crime parfait, l'hypothèse du réticulé. Ce n'est pas tant ce point rouge et froid sur mon front qui me dérange. C'est cette imminence du visé, l'ironie du sort, le quand même et le pourquoi pas qui m'afflige. Je devrais peut être oublier la proximité de ce tireur a l'affût, oublier le sursis, déchiffrer l'éphémère, mais le codage est trop parfait pour le décrypter. Je vire à droite, à tribord. J'use ma grand-voile pour me laisser le temps de répéter le cycle. Mais tout est linéaire et ma fuite sans issue ne peut se perdre que dans des horloges figées. Qu'importe je suis libre pour un aussitôt, un souvenir, un instantané, une pellicule noire irradiée par mes désirs. Venez, embarquez, lâchez l'ordinaire, optimisez votre futur. Je suis le négociant de votre infortune. Partagez-vous à bord et laissez-vous guider sur mon océan de fleurs en papier comme celles que l'on trouve dans les cocktails trois étoiles. Mon souhait est irréel et ma passion marquée par mon identité. Mais pour dire NON, je suis le meilleur, croyez moi, faites moi confiance pour ça. Soulagez vos débits, passez entre les deux, oubliez les flashs cosmiques. Entrez dans ma mémoire indivisible. Je navigue depuis bien des temps dans les territoires anonymes, j'y ai vu l'arche de Tanahooser, des friches à la dérive, de grands vaisseaux en flamme, le peuple nomade de Carnish, le dernier horizon et tant de choses encore. Je sais bien maintenant que ces doigts virtuoses à la gâchette facile ne peuvent me suivre sur ces contrées-là.
Ou est-ce que, comme le murmure une autre des hypothèses que me suggèrent mes nuits torturées, le dieu mouche n'a en fait que faire de me suivre? Son oeil fractionné ne doit voir que la séquence "c'est ton heure - je tire - tu meurs". Lui reste peut-être, noyée dans de la monotonie sans goût, la distraction à peine amère de choisir ses balles, entre balles cancer, balles infarctus, balles accident tragique... Au final je ne me plaindrais pas de ce laser rouge constamment entre mes deux yeux, je préfèrerais même presque qu’il existe. Après tout cette lumière ne ferait que me regarder, sans me surveiller, elle me laisserait profiter d’une liberté relative durant le laps de temps que ce tueur immortel daignera m’accorder. Mais, parfois plus fataliste quand, dans le noir qui m’entoure au réveil, le silence se fait oppressant, je me dis que le dieu mouche est loin, infiniment loin, et que ses balles mettent un temps fou à nous parvenir; un temps fou, disons, toute une vie. Il ne s'embarrasserait pas de me braquer en permanence, non, il aurait, grâce à un cerveau prodigieux et à une connaissance parfaite des lois de la causalité, calculé toute ma vie, rien qu'à poser son oeil douloureusement divisé sur le nourrisson que j'étais. Il aurait prévu tous mes actes, anticipé chacun de mes déplacements, démasqué toutes mes intentions... Et dès ma naissance il aurait tiré à l'endroit précis où je me trouverai au moment qu'il aura choisi pour être celui de ma mort. Peu importent les ramifications que je prendrai entre temps, quoi que je fasse je serai au rendez-vous lorsque son tir viendra m'intercepter. Peut-être même que sans m’en rendre compte, c'est moi qui marche à sa rencontre. Je sais que la possibilité d'une esquive de dernière minute est impossible, il aurait vu cela en moi; et pourtant, je suis partagé, déchiré entre deux vies. Je suis tenté de ramasser le plus de choses possibles sur le bas-côté de ma route, m'enrichir au maximum avant que n'arrive l'instant ultime. Comme tout homme je souhaite profiter du temps qui m’est accordé, contempler la beauté de notre monde avec vous mes congénères éphémères. Et d'un autre côté, ma nouvelle logique me souffle qu’il est trop tard ; maintenant que je soupçonne l’existence du dieu mouche, le beau sera à jamais terni par l’hypothèse de son oeil morne et froid. J'ai envie de parier sur l’autre destination que dessert ce carrefour obscur... J'ai envie de rester le plus leste possible, traverser cette vie comme un souffle invisible, pour pouvoir au dernier moment éviter le projectile qui en ce moment même fend l'espace, pointant vers le bout de mon chemin. Je suis conscient de mon audace, mais le prix à gagner est conséquent, et ferait frissonner même les plus humbles... Un deuxième destin, voire l'immortalité.
Dans le silence qui enveloppe mes réveils paniqués et sur les autoroutes vides que j’arpente comme un pantin sans âme, l’interrogation prend de plus en plus d’envergure et l’absurdité m’apparaît si évidente qu’elle mute peu à peu en une vérité parallèle. J’avais d’abord pensé que le tireur ne s’occupait que de moi mais j’ai compris que cette hypothèse était trop égocentriste pour être plausible, je me dis maintenant que chacun vit avec une visée mortelle braquée sur son front. Je n'ai donc rien d'exceptionnel aux yeux de ce tueur sans âge, mais je me console en pensant au fait que moi j'imagine son existence; si j'avais raison cela ferait de moi quelqu'un de très lucide.
Je laisse libre cours à mon imagination et l’arbre des possibles étend ses branchages dans mon esprit: Il peut y avoir plusieurs snipers, chacun à bord de son satellite, un œil, un viseur, un canon et une balle pour chaque individu. Ou alors il peut y avoir plusieurs snipers à la chaîne dans un seul satellite, parmi lesquels le convoyeur de ma mort attend patiemment son tour, enchaîné aux assassins de deux humains, dont l’un me précèdera dans la mort et l’autre m’y succèdera.
Mais une sensation étrange, comme si j’étais guidé par une logique dont les principes me sont encore inconnus, me donne plutôt envie de m'imaginer un être allongé dans un siège de velours, avec un grand oeil composé de milliards de petits yeux, chacun rivés à un viseur; un être dont les mains rendues douces et froides par le contact du métal de tant d’armes voyageraient de gâchette en gâchette avec une dextérité surnaturelle, comme les mains d'un pianiste, parfumées par le temps, aux doigts longs et aux ongles 'coupe bébé' pour ne pas griffer l'acier qui hurlerait. Ne pas faire de bruit, ne pas laisser de trace. C'est le crime parfait, l'hypothèse du réticulé. Ce n'est pas tant ce point rouge et froid sur mon front qui me dérange. C'est cette imminence du visé, l'ironie du sort, le quand même et le pourquoi pas qui m'afflige. Je devrais peut être oublier la proximité de ce tireur a l'affût, oublier le sursis, déchiffrer l'éphémère, mais le codage est trop parfait pour le décrypter. Je vire à droite, à tribord. J'use ma grand-voile pour me laisser le temps de répéter le cycle. Mais tout est linéaire et ma fuite sans issue ne peut se perdre que dans des horloges figées. Qu'importe je suis libre pour un aussitôt, un souvenir, un instantané, une pellicule noire irradiée par mes désirs. Venez, embarquez, lâchez l'ordinaire, optimisez votre futur. Je suis le négociant de votre infortune. Partagez-vous à bord et laissez-vous guider sur mon océan de fleurs en papier comme celles que l'on trouve dans les cocktails trois étoiles. Mon souhait est irréel et ma passion marquée par mon identité. Mais pour dire NON, je suis le meilleur, croyez moi, faites moi confiance pour ça. Soulagez vos débits, passez entre les deux, oubliez les flashs cosmiques. Entrez dans ma mémoire indivisible. Je navigue depuis bien des temps dans les territoires anonymes, j'y ai vu l'arche de Tanahooser, des friches à la dérive, de grands vaisseaux en flamme, le peuple nomade de Carnish, le dernier horizon et tant de choses encore. Je sais bien maintenant que ces doigts virtuoses à la gâchette facile ne peuvent me suivre sur ces contrées-là.
Ou est-ce que, comme le murmure une autre des hypothèses que me suggèrent mes nuits torturées, le dieu mouche n'a en fait que faire de me suivre? Son oeil fractionné ne doit voir que la séquence "c'est ton heure - je tire - tu meurs". Lui reste peut-être, noyée dans de la monotonie sans goût, la distraction à peine amère de choisir ses balles, entre balles cancer, balles infarctus, balles accident tragique... Au final je ne me plaindrais pas de ce laser rouge constamment entre mes deux yeux, je préfèrerais même presque qu’il existe. Après tout cette lumière ne ferait que me regarder, sans me surveiller, elle me laisserait profiter d’une liberté relative durant le laps de temps que ce tueur immortel daignera m’accorder. Mais, parfois plus fataliste quand, dans le noir qui m’entoure au réveil, le silence se fait oppressant, je me dis que le dieu mouche est loin, infiniment loin, et que ses balles mettent un temps fou à nous parvenir; un temps fou, disons, toute une vie. Il ne s'embarrasserait pas de me braquer en permanence, non, il aurait, grâce à un cerveau prodigieux et à une connaissance parfaite des lois de la causalité, calculé toute ma vie, rien qu'à poser son oeil douloureusement divisé sur le nourrisson que j'étais. Il aurait prévu tous mes actes, anticipé chacun de mes déplacements, démasqué toutes mes intentions... Et dès ma naissance il aurait tiré à l'endroit précis où je me trouverai au moment qu'il aura choisi pour être celui de ma mort. Peu importent les ramifications que je prendrai entre temps, quoi que je fasse je serai au rendez-vous lorsque son tir viendra m'intercepter. Peut-être même que sans m’en rendre compte, c'est moi qui marche à sa rencontre. Je sais que la possibilité d'une esquive de dernière minute est impossible, il aurait vu cela en moi; et pourtant, je suis partagé, déchiré entre deux vies. Je suis tenté de ramasser le plus de choses possibles sur le bas-côté de ma route, m'enrichir au maximum avant que n'arrive l'instant ultime. Comme tout homme je souhaite profiter du temps qui m’est accordé, contempler la beauté de notre monde avec vous mes congénères éphémères. Et d'un autre côté, ma nouvelle logique me souffle qu’il est trop tard ; maintenant que je soupçonne l’existence du dieu mouche, le beau sera à jamais terni par l’hypothèse de son oeil morne et froid. J'ai envie de parier sur l’autre destination que dessert ce carrefour obscur... J'ai envie de rester le plus leste possible, traverser cette vie comme un souffle invisible, pour pouvoir au dernier moment éviter le projectile qui en ce moment même fend l'espace, pointant vers le bout de mon chemin. Je suis conscient de mon audace, mais le prix à gagner est conséquent, et ferait frissonner même les plus humbles... Un deuxième destin, voire l'immortalité.