Nous voilà à trois autour d'une table, chacun ayant pris place à chaque extrémité. les bruits de papier remplissent la pièce d'un fond sonore se mêlant à nos mots, nos discussions. Je participe activement et les conversations vont bon train dans la maison de Marie. Seuls chez elle, avec elle, et seulement elle. Ses parents travaillent, et, bien entendu, les cours sont finis depuis hier.

"Moi je vous le dit, cette histoire de virus, ça pue. Si ça se trouve on va se retrouver dans un délire genre X-Files ou Fringe, genre il va y avoir des gars qui vont se mettre à muter et à choper des pouvoirs chelou et tout. Après ça partirait dans une genre de guerre civile à la 4400 pour terminer en apothéose façon Jericho. Ou alors le gouvernement va péter un câble et on connaitra une aire liberticide façon 1984 ! "

"..."

"..."

Tristan, tout comme moi, reste perplexe devant la poussée de folie soudaine qu'à eu le besoin de libérer cette chère Marie.

"Bah quoi ? Franchement, ça me fout les boules ! "

Ses yeux s'écarquillent et elle a la bouche grande ouverte.

"Ouais, Marie, mais tu mattes un peu trop de conneries à la télé en fait. Le monde ne changera pas du jour au lendemain, c'est pas le monde qui change, ce sont les gens. Et même si les gens changent, on s'adaptera. On s'adapte tout le temps, c'est en s'adaptant qu'on survie. Donc, pour l'instant ce virus ne semble pas bien vilain, et pourvu qu'il en reste à ce stade de dangerosité. Le mieux à faire c'est de ne pas s'enfermer dans un climat de psychose, ça sert à rien, et ça ne ferait que rendre la situation encore plus incontrôlable. "

Je suis parti dans un monologue non contrôlé. Peut-être est-ce le besoin soudain d'extérioriser mes craintes qui ressurgit, me poussant à m'auto-rassurer de cette même manière ?

"Ouais, de toute façon nous on contrôle rien, donc soit la situation reste comme ça, soit le bordel commence. En attendant on fait comme on a toujours fait dans des situations qui nous dépasse. On attend. "

Tristan marque un point, et il est dans le vrai, le bougre.

"Enfin, parlons affaire là, les jeunes
Donc, on part dans une semaine tapante pour Dunkerque direction mes cousins, on va à leur marina et on approvisionne le bateau puis on se barre. "

"Euh, Daniel, ton plan est cool mais... Qui sera le navigateur ? Et niveau législation ? "

"Et bah, border line quoi. On fait ça à l'arrache et c'est ça qu'est bon. Ca doit pas être trop compliquer à naviguer un voilier. Et, de toute façon, mon oncle est censé me filer une balise que je mettrai dans la cale du bateau pour qu'on soit tracés en cas de pépin. Ajoute ça au fait qu'on a une radio de secours, en gros, on s'en branle. On est jeune, on profite, du moins, c'est ce que je compte faire. Si t'as peur de te faire gronder par une connerie genre la brigade maritime ou je sais pas quoi, bah, mon gars, tu prendras jamais aucun risque dans la vie. Et l'amour du risque c'est ce qui fait que tes deux burnes resteront dans ton caleçon toute ta vie, si tu y tiens vraiment. "

Tristan reste perplexe alors que Marie, pourtant si inquiétée par cette histoire de virus, est toute excitée à l'idée de cette aventure qui se profile.

"Complètement d'accord avec Dan'. On est jeune et con, et franchement, j'ai envie de vivre un truc cool et unique pour une fois. Puis ça nous changera les idées aussi. Et ça sera une expérience inoubliable d'une certaine façon j'espère. Donc risques ou pas, on s'en fout. Des risques il y en aura tout le temps, mais on ne risque pas grand chose vu toutes les précautions qu'on prendra. On va pas en guerre, que je sache."

Elle semble subitement un peu plus confiante, tapant du poing sur la table et s'affichant elle et sa chevelure rousse au possible.

"Ouais... Bah ok, ça me va. Mais si il nous arrive une merde, bah, faites pas les étonnés... "

"Roh, toute façon des gars qui font des road trip y'en a des milliers chaque année, certains s'isolent carrément en cambrousse pendant un mois complet pour être en communion avec la nature et on en fait pas un foin, eux aussi ça cassent leurs habitudes et leur confort, nous on va rien faire de tout cela, juste prendre du bon temps "

Cette fois ça y est, l'histoire du bateau est réglé, faut jusque qu'on prévoit notre voyage pour Dunkerque et il nous reste un peu moins de sept jours pour l'organiser.

J'ai essayé de rappeler Sander pour le reste de la journée, mais à nouveau pas de réponses. Ce n'est que le lendemain matin que j'allais enfin commencer à ouvrir les yeux petit à petit sur ce qui était en train de réellement se passer autour de moi.