Note de la fic : Non notée

Le_lapin_vert,_les_bananes_bleues_et_le_chapeau_magique.


Par : Pseudo supprimé
Genre : Inconnu
Statut : C'est compliqué



Chapitre 4 : Triste mélancolie, nouvelle chance.


Publié le 19/08/2013 à 01:11:51 par Pseudo supprimé

« Désolé si je t'ai parfois quelque peu négligé. Seulement... Seulement, il y a cette peine sans borne, elle m'accable de tous les côtés... Il me coute tellement de retourner là-bas, jour après jour, plonger malgré moi au sein de cette infâme puanteur pour être sans cesse étouffé. Étouffé par ces relents toxiques...
Mon ami... J'ignore si tu pourras un jour comprendre pourquoi ils ont eux-mêmes condamné leur monde... Le recouvrant, tout entier, de cet asphalte nauséabond et répugnant, de cette matière infâme sur laquelle vogue, et vibre le vacarme de leur monstre de métal... Tout y est si horrible, tellement affreux... Mais la vérité... C'est que je n'en peux plus de cette douleur. »

Du cœur de la nuit émanait une terrible complainte, celle d'un homme, d'une pauvre créature à qui l'on a tout pris. Le faible murmure qui s'élevait péniblement semblait s'éteindre, se perdre par delà les ténèbres. Il y avait bien longtemps que le foyer s'était tari. Des jours entiers peut-être, une vie...
Alors même que tous dormaient, le triste magicien, lui, veillait. Assis à même le sol, adossé à l'un des larges pieds de son frêle bureau. Bien que semblant s'adresser à quelqu'un, il n'en attendait nulle réponse : l'obscurité l'engloutissait entièrement. Sur le meuble, derrière lui, le chapeau semblait dormir d'un sommeil agité.

« Vois-tu... soupira l'homme d'une voix mourante. L'aspect de ce monde est si repoussant pour des créatures telles de nous... Bien sûr avant il n'en allait pas comme ça. Dans un monde peuplé d'une luxuriante végétation, où une vie simple suffisait à faire rayonner le monde de bonheur tout était si... féerique... Mais lorsque l'on puise toute sa force dans la joie de vivre des autres, lorsque l'on ne peut exister que grâce à cela alors même qu'il n'y en a que si peu... Il devient tellement dur de créer à nouveau ce bonheur qui nous fait vivre, si difficile de subsister.
À chaque nouveau voyage, c'est un immuable et inexorable retour en enfer. Incapable de trouver ailleurs cette joie enfantine, ces rires et ces sourires, je suis comme condamné par un pacte morbide, à retourner encore et encore dans cette effroyable fournaise en espérant y croiser ne serait-ce qu'un sourire. Plonger dans les profondeurs abyssales de cette froideur métallique pour avoir, peut-être, la chance de prolonger de quelques jours mon sursis, le sursis de notre monde à nous ! Cloué, enchaîné par cette macabre maladie dans le désert stérile de mon existence, je suis tout simplement à bout de force... Ce n'est même plus une vie...
Avant je... »

Une brise glaciale se glissa soudainement sous une des nombreuses fenêtres, charriant quelques feuilles mortes dans son sillage, feuilles qu'elle écrasa doucement sur le parquet. De légers craquements retentirent à travers la pièce. Brusquement, le magicien s'arrêta dans son discours, craignant le réveil prématuré de son interlocuteur. Un long frisson lui hérissait les membres, son faible soupir se traçait lentement à travers la fraicheur nocturne. Frigorifié, l'homme se leva discrètement.
Dire qu'avant il faisait tout ça simplement par choix. Par amour pour eux, pour leur apporter simplement un léger soupçon de... de couleur à leur vie, à leur vie déjà si comblée. À cette époque, sa seule apparition, sa simple vue suffisait à faire rayonner le monde de cette tension merveilleuse, de ce souffle de vie ! Alors, tout était encore si simple, ici un ruisseau, des arbres par là, de l'harmonie, tout simplement... Et voilà qu'il en était réduit à quelques petits tours de magie pour leur faire oublier durant quelques minutes leurs soucis. Alors qu'aussitôt sortis de la salle leurs sourires s'évanouissaient lamentablement...
Plongé dans la triste mélancolie de ces siècles passés, le magicien ferma entièrement la vitre. Et c'est appuyé contre les lourds rideaux de velours qu'il poursuivit d'une voix lasse, là où il en était resté :

« Avant je pouvais nous faire vivre tous... Mais maintenant qu'il est devenu aussi dur de subsister à travers l'horreur de ce semblant de société, à présent qu'ils ont tué leur propre monde, qu'à chaque coup de pioche, qu'à chaque coup de hache je me meurs un peu plus, je me dis que cette macabre comédie n'a que trop durée... »

Oui, trop durée c'était bien cela. Alors qu'avant il forgeait des royaumes, alors qu'il créait les contes, et les histoires, bâtissait un monde où il se faisait bon de vivre, il en était plus qu'à vivre depuis des siècles dans le souvenir de ce qu'il aurait pu advenir 'si jamais'... Si jamais ils avaient été raisonnables. Si jamais ils s'étaient aimés. Si jamais... Mais plus rien ne restait que les guerres, les décombres, les malades, les relents et la mort qui les surplombaient tous, là-bas, sur Terre.
Lentement, le magicien s'accouda au rebord de la fenêtre. Portant son regard au-dehors, il contemplait son monde à lui, son petit monde, fait de douceur et d'éther. Peut-être aurait-il dû y consacrer plus de temps après tout... Mais cette maladie...
Bâillant de fatigue, il continua doucement, résolu à expliquer à quelqu'un qui ne l'entendait pas les motivations de ce qui resterait sans doute ses dernières actions :

« Cette maladie... Elle me ronge de l'intérieur. Devoir semer de bon tout autour de soi a quelque chose de mauvais lorsque l'on ne le fait plus par choix, mais par contrainte... Quelle ironie qu'après tout ce que je leur ai apporté, ce soit eux qui me tuent sans même le savoir ! Mais c'est un peu comme des enfants, tu sais ? Mêmes adultes ils se comportent comme tels. On n’y peut rien... Ni toi, ni moi...
Si je te dis ça, c'est par ce que tu n'es pas ce que je suis. Depuis tout le temps, les milliers d'années que l'on se connait, je te dois tant, tu m'as aidé dans tout ce que j'ai pu accomplir. Après tout, tu as le droit de savoir qu'il ne me reste plus longtemps. »

L'homme secoua la tête, un masque de regret au coin des lèvres. Peut être avait il bien fait de ne pas le réveiller. Le chapeau dormait sans doute tranquillement. Imaginant du haut de son sommeil une plaine féerique et un futur radieux. Il préférait le savoir encore heureux d'être avec son compagnon, ne serait-ce qu'un jour de plus.

« C'est drôle d'imaginer que dans peu de temps on disparaîtra... Cela fait sans doute des milliers d'années que je n'y avais pas songé... Mais je ne veux pas partir en laissant ce monde dans une danse totalement éprise avec la mort... Je ne veux pas quitter ce monde sans rien laisser derrière moi. Alors, je ferais sur Terre un dernier spectacle, avec toi mon ami, si tu le veux bien, cette fois-ci non plus pour nous, plus pour survivre à travers leur joie comme ces derniers siècles, mais bel et bien pour leur simple bonheur ! Pour leur vie à eux !
Faire vivre à nouveau ces pauvres enfants qui tuent leur avenir sans le savoir ! Afin de leur redonner un peu de bonheur sans rien attendre en retours, comme je l'avais toujours fait jusqu'alors !
Simplement pour les voir à nouveau sourire, à nouveau rire dans l'innocence ! Ils méritent bien cela. Personne ne devrait avoir un futur aussi sombre.
Demain, je mourrais au moins dans la nostalgie de ce qu'ils auraient pu être si tant de haine ne s'était immiscée en eux. Demain, tout rentrera dans l'ordre... »

À quelques pas de lui, le chapeau semblait s'agiter dans son sommeil. L'Homme sourit une dernière fois à l'idée de tout remettre en ordre, à l'idée de leur laisser à tous une deuxième chance de faire quelque chose de bien de leur foyer.

« Ne t'en fais pas mon ami, j'userais de mes dernières forces pour revenir seul ici, afin qu'ils n'observent pas mon trépas. Je te laisserais là-bas si tu le désires, sur cette Terre en renaissance. Oui... Dors bien mon cher chapeau, la fin de mon histoire ne sera que le commencement de la tienne, demain sera l'avènement d'une ère nouvelle dont tu seras le guide. Je crois en toi... »


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