Note de la fic : Non notée

Le_lapin_vert,_les_bananes_bleues_et_le_chapeau_magique.


Par : Pseudo supprimé
Genre : Inconnu
Statut : C'est compliqué



Chapitre 2 : Le chapeau


Publié le 19/08/2013 à 01:11:51 par Pseudo supprimé

Une formidable explosion de lumière pulvérisa la frêle pâleur persistante. Les volutes de fumée se soulevaient d'un seul tenant, épousant la forme indistincte d'une silhouette, qui ne se tenait pas là un instant auparavant. Au milieu de l'éclat, un demi-sourire se dessina, lentement, comme s'il luttait au travers des contours d'un nouvel espace, comme si ses lèvres se relevaient dans un temps qui n'était pas le leur. C'est alors que la scène se figea, tableau de maître au sein de ce monde sans couleurs. La barrière de verre se brisa, tandis que la gueule béante, porte ouverte sur un autre monde volait en éclat.
Seul restait l'homme, immobile, tandis que l'effroyable mâchoire refermait ses gigantesques crocs derrière lui. Soudain, la faille n'était plus. Aussitôt, le magicien put terminer son pas, comme libéré d'une emprise, d'un poids qui se serait littéralement envolé.
Tout en posant le pied à terre, une légère décharge d'énergie fusa. Se répandant au sol, telles les ondes d'une goutte perlante dans l'eau. Celle-ci grimpa aux pieds des tables et des chaises, pour venir allumer l'ensemble des chandelles en un battement de cil.

D'un geste désinvolte, la première de ses mains se saisit de son chapeau, l'envoyant valser à travers la salle jusque sur le bureau, qui trônait dans un coin de la pièce, tandis que la seconde faisait claquer ses doigts sèchement. Le son cristallin qu'ils produisirent résonna doucement, dardant l'air d'une mystérieuse musique hypnotique.
Sans injonctions aucunes, un gros objet bougea, trainant dans son sillage un agaçant bruit de frottement, et soupirant d'aise, l'homme pu se laisse tomber dans le lourd fauteuil de velours qui venait de se déplacer.
Habituée depuis longtemps à cette scène, la grande et majestueuse table centrale se rapprocha à son tour jusqu'à ce que son maître puisse y poser tranquillement les jambes. Ceci fait, elle se figea sans attendre, et, sans plus de mesures, le magicien ferma ses paupières avant de sombrer dans le sommeil. Un sourire de contentement au coin du visage.
 

Dans cette demeure sans âge, bâtie à même la roche, aux meubles en bois puissants, imposants et luisants de vernis, son corps de beau jeune homme offrait un contraste saisissant. Un observateur qui se serait, par le plus grand des hasards, retrouvé devant cette personne lui aurait tout juste donné la vingtaine tant ses traits angéliques, sa chevelure blonde et son visage fin paraissaient enfantins. Seuls ses yeux, masqués par ses paupières closes, auraient pu témoigner combien il était las, combien il était vieux... Peut-être même plus que le monde sur lequel il vivait.
Dans le foyer, le feu crépitait tranquillement, semblant vouloir danser sur la saveur des langoureuses harmonies qui s'envolaient toujours à travers la salle.
À côté, les lourds rideaux ondulaient avec peine, dérangés par quelques murmures qui s'élevaient, à peine audibles.
 
« Hey ! S’indigna une voix. Tu as vu de quelle manière il nous a jetés?
— Oui. Mais c’est normal...
— Normal, normal, il a failli me déchirer cette fois-ci ! Tu te rends compte ?!
— C’est ça façon de nous remercier... C’est tout.
— Mais ! Ce n’est pas de cette manière que l’on remercie ses serviteurs ! Toi tu n’apparais que durant les spectacles pour être applaudi, moi je vois les autres spectateurs tout le temps. Il me porte sur sa tête, et je constate bien que les bonnes gens font soins de leurs couvre-chefs ! Non, je te le dis, il va finir par nous tuer !
— Nous... tuer... Tu crois que.. Qu’il nous ferait cela ... ?»
 
Sur le bureau, la seconde voix, qui émanait de sous le chapeau, se teinta d’angoisse. Jamais il n'avait vu quelqu'un mourir, mais la coiffe lui avait un jour généreusement raconté combien il était horrible d'être happé par la mort, d'agoniser des jours durant, de se sentir s'éteindre sans rien pouvoir faire, tétanisé par une douleur à peine imaginable.
Depuis, il en rêvait tous les soirs, des cauchemars emplis de monstres qui lui arrachaient les entrailles, qui le « vidaient » ainsi qu'il était coutume de pratique chez les humains, pour ensuite déchirer ses pattes en dévorant son corps à grands coups de dents.
Bien sûr, il avait mal quand le magicien l'extirpait du chapeau en le tirant par les oreilles, quand il les jetait d'un air dédaigneux et hautain sur la table de travail, ou encore quand il oubliait de lui donner à boire durant des jours entiers... Mais jamais encore il n'avait fait le rapprochement entre les monstres qui hantaient ses nuits et son maître.
C'est pourquoi il fut aussitôt effrayé de se trouver à quelques mètres seulement de ses pires craintes, pis encore, de se rendre compte qu'il le côtoyait tous les jours et qu'il pouvait le tuer n'importe quand...

Sous le chapeau, le lapin tremblait.
« Mais... mais le maître est gentil, hein.. ?? Balbutia-t-il d'une voix inquiète.
— Humm. Disons que tant qu'on lui sert à quelque chose il ne nous fera aucun mal...»

Un soupire de soulagement s'éleva. Ses inquiétudes n'étaient après tout pas fondées. Comment avait-il pu douter du magicien ? Il commençait même à s'en vouloir.
Toutefois, le couvre-chef poursuivit sur sa lancée, tétanisant la pauvre bête dont le coeur manqua un battement.

« Il a dit un jour que ses tours étaient trop vieux. Que tout le monde connaissait les trucs, et que le public s'en lassait de plus en plus. Après tout, un lapin, c'est normal que ça vive dans un chapeau non ? Par contre, faire apparaître une colombe sur scène ça... ce serait du grand art ! Je crois que... je crois qu'il va bientôt te remplacer... D'ailleurs, je t'ai déjà parlé de ce qui arrivait à ceux qui avaient la malchance de se faire remplacer ?»

Tétanisé, le lapin avait perdu la voix. Oui, voulait-il répondre, oui pour ne pas entendre les horreurs qu'il allait soigneusement lui décrire. Oui pour pouvoir penser à autre chose... Au moins jusqu'à demain...
Mais il ne pouvait plus parler, et le chapeau continua, il lui décrivit ce que le maître faisait à ceux qui ne lui apportaient pas satisfaction. Or, ceux qui partaient ne s'en allaient-ils pas parce que, justement, ils ne le contentaient pas ?
Il lui décrivit alors combien il était simple à l'homme de prendre un scalpel fin, tranchant, et de lui retourner lentement les ongles, un par un, de lui briser des dents de ses gencives saignantes et de lui en arracher doucement les nerfs avec une pince... Ô combien il lui était aisé de lui planter une aiguille brulante dans ses yeux ! Dans ses pauvres yeux pleurants d'épouvante, tandis que son sang coulait à flot de ses pattes amputées et de son corps mutilé... Alors, il tenterait de hurler, mais ses cordes vocales, violemment tranchées au couteau, reposeraient déjà sur la table à côté de lui, et il n'aurait plus de langue pour former les mots.

Alors seulement il appellerait la mort, mais il serait laissé là, des jours entiers, agonisant, se tordant de douleur, ne pouvant même plus pleurer, ne pouvant plus penser.
Et le maître serait loin déjà, riant en sortant la colombe du chapeau, s'extasiant faussement devant le sourire et les applaudissements des spectateurs.

Le chapeau s'arrêta finalement, il sentait les sueurs froides du lapin qui tremblait, recroquevillé contre l'un de ses pans de tissus. Il poursuivit d'un ton mielleux,
« Mais ne t'inquiète pas mon ami, ne t'inquiète pas. Je vais t'aider à t'en sortir... Il te suffira de faire une seule chose pour te liberer de ce monstre...d'une simple petite chose... »


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