Note de la fic : Non notée

Sangs_Croises


Par : Pseudo supprimé
Genre : Inconnu
Statut : C'est compliqué



Chapitre 2


Publié le 19/08/2013 à 01:10:38 par Pseudo supprimé

Le camion roulait, nous étions à l'arrière avec une poignées d'autres survivants. Certains dormaient, d'autres non. L'un d'eux me fixait étrangement tout en astiquant son fusil. Il était bouffi et plutôt grand, bien plus que moi en tout cas. Il parlait de temps en autre à son arme, il lui faisait des promesses qu'on ne ferait qu'à une femme. Son visage boursouflé se posa sur moi, il me montra ses dents noires et cracha au sol.
« - Ne jamais faire de promesse à une femme si on est pas sûr de la tenir. Déclara-t-il.
- J'avais une femme autrefois...lançais-je sans trop de conviction.
- Moi, je l'ai toujours. Me fit-il en écarquillant les yeux. Regarde-là. Elle est belle non ? »
Il me parlait de sa vieille carabine. Encore un pauvre gars touché par la folie. J'ai toujours eu pitié de ces gens-là.
« - Eh ! J'te cause ! Elle est pas belle ma Charlène ? S'emporta-t-il. »
Charlène. Un prénom que j'aurais même pas donné à une prostitué. Je lâchai un soupir, puis levai les yeux vers lui.
«- C'est un fusil. Il y en a pleins d'autre comme lui. Dis-je. »
Et là, j'avais commis une erreur. L'enrobé se leva et plaça son fusil à l'épaule et la peur ne tarda pas à se faire sentir sur tout l'équipage. Mon fils me regardait, la peur au visage, je le pris dans mes bras pour le rassurer. Un homme se mit entre le gros et moi. Assez vieux et barbu, il puait l'alcool.
« -Laisse-les tranquille Clarence, ordonna-t-il. Ils ont eu assez d'emmerdes comme ça.
- Il a insulté Charlène ! Cet infâme petit fils de chien a insulté Charlène !
- Tu n'as qu'une balle. Tu priverais un fils de son père ? C'est ça que tu veux ? Être semblable aux autres sauvages
- Non... Non... »
Il plaça le fusil sous son menton, il baissa les yeux puis nous lança un dernier regard. Il allait mourir, on le savait tous. Le gosse le suppliait de ne pas faire ça, il lui disait même qu'on était tous des gentils et qu'on devait aider les gens. Encore des espoirs d'enfants. Aucun d'entre-nous n'avait encore espoir. Clarence, puisque c'était son nom, caressait le bois de la crosse puis passa son doigt sur la gâchette, il se mit à hurler puis pressa la détente. Ce fut rapide. La balle traversa son lobe frontal et explosa son cerveau. La bâche qui nous servait de plafond était couverte de sang, de fragments d'os et de cervelle. Le corps partit en arrière et passa par dessus bord. Mon chérubin pleurait, il ne cessait de répéter qu'il avait vu trop de gens mourir et que...et qu'il voulait rejoindre sa mère. Il fallait qu'on quitte le groupe.
Le camion s'arrêta devant un tunnel et on nous ordonna de sortir. Ils nous abandonnaient. Le véhicule repartit sur les chapeaux de roues aussitôt que nous fûmes à terre. La fin du monde avait ça de bon. Elle rapprochait les hommes. Nous avions repris notre marche, vers on ne sait où. On se contentait de suivre la route, en direction de l'ouest. Le voyage fut interrompu à cause de la nuit, c'est qu'elle tombe bien vite celle-là, ou que je n'ai plus la notion du temps. Nous avions trouvé une voiture aux portières ouvertes, elle avait encore ses fauteuils. Une véritable aubaine.
J'ai dû brûler ma veste pour faire un feu. Nous nous fîmes cuire des rats. Un festin de roi dans ce bas-monde. Il fallait que je parle à mon fils, que je lui explique pourquoi les hommes préfèrent se suicider.
« - Il faut qu'on parle. Lui dis-je.
- Pourquoi il est mort ? On aurait pu l'en empêcher.
- Il y a des gens qui ne vont plus bien dans leur tête, d'autres qui en ont marre de survivre. Pour eux, la mort est une libération.
- Je veux être libre. Me déclara-t-il. »
Il venait de me poignarder en plein coeur.
«  - Tu voudrais être mort ? Lui demandai-je.
Oui. Me répondit-il.
- Tu n'as pas le droit de dire ça. Si tu meurs, je meurs. On doit atteindre la côte ouest. Ça sera mieux là-bas, tu verras. »
J'étais même pas convaincu par mes dires. Au fond, il avait raison. Je n'ai pas le droit de lui faire endurer ça. Mais c'est peut-être le dernier enfant au monde. Un cadeau de dieu.
« - Et... On ne mangera jamais d'hommes ? Me questionna-t-il. Même si on meurt de faim ?
- On meurt déjà de faim.
- Mais on ne le fera pas. On est pas des fous, hein papa ?
- Non, nous ne sommes pas fous.
- Il y a quoi à l'ouest.
- La ville et l'océan. »
Il n'avait même pas écouté ma réponse. Il s'est endormit directement. Pauvre gosse. Exténué et affamé. Je l'ai bordé, puis je n'ai pas tardé à le rejoindre au pays des rêves.


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