Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Déambulation d'estropiés


Par : MonsieurClayton
Genre : Réaliste
Statut : C'est compliqué



Chapitre 2


Publié le 25/04/2011 à 13:45:19 par MonsieurClayton

Je dormais. C'était une de ces rares siestes que je m'offre quand ma nuit a été trop courte. Je savais que ma mère devait me réveiller pour que je me rende chez un quelconque assureur. Seulement, c'est en pleurant qu'elle m'appela. Ses mots sonnèrent comme un clou gigantesque que l'on enfonce dans le crâne d'une fourmi. Je réagis en une seconde à peine et enfilai le premier pull trouvé.
« C'est arrivé quand?
-Hier. Sa mère te croyait au courant » Je ne l'étais pas.
Je pris mes clef, un billet, et sortis de la maison en un instant. En poussant la porte du garage, j'avais Thomas au téléphone. « Je peux passer? » Un faible oui, et je suis déjà sur mon scooter. Je fis plusieurs détours, achetai des cigarettes, sans vraiment savoir ce que je faisais. Mon visage se déformait à intervalles réguliers, sans que je parvienne pourtant à pleurer. « Merde, merde... » c'est tout ce que j'arrivais à exprimer. Je me garai sans faire attention, sonnai, fis les cent pas. La mère m'ouvrit en quelques secondes. Quelques embrassades. Lucille, la petite amie de Thomas était là elle aussi. Sur leur visage, ce ton grave, unique. Celui qui balaie le doute et le refus auxquels je m'accrochais alors que je conduisais.
« Où est-il?
-Dans le salon. »
Il lisait le journal, assis. Je n'avais pas besoin d'y jeter un oeil pour savoir ce qu'il y était écrit. Je le pris dans mes bras, et tout de suite mon épaule s'imbiba d'eau salée.

On est restés assis là un moment. Je fumais cigarette sur cigarette, alors que je pensais avoir arrêté. Il m'en prit quelques-unes. Mes mains tremblèrent quelques instants, mais je réussis à les arrêter en me concentrant sur ce que je sais faire de mieux : bloquer toute émotion. J'aurais voulu lui passer ce don que j'avais acquit lorsque que l'on m'amputa moi aussi de mon père.
On ne parlait que très peu. Et tout ce que nous avons pu dire fut tout à fait négligeable. Les filles étaient parties. Assurance. Elles s'engouffraient dans ce dédale administratif et abominable qu'implique la mort d'un parent. On vous fait remplir des papiers, chacun vous confrontant à la perte. Je ne me souviens pas de quelqu'un ayant passé cette épreuve seul.
Claude arriva après une ou deux heures. Il parla trop, maladroitement, mais fis la chose la plus censée et bénéfique qui pouvait être faite à ce moment là: il alluma une console de jeu. Thomas brancha une manette supplémentaire, et pendant les quelques minutes qui suivirent il me sembla qu'il se détendit très légèrement, que nos idioties le firent rire franchement.
Quand les filles revinrent et que la console s'éteignit, l'atmosphère antérieure s'installa à nouveau. Claude et moi laissâmes Thomas seul avec sa copine et, après avoir parlé un peu avec sa mère, sortîmes de la maison.

On déambula pendant un moment dans la ville. On ne savait pas quoi faire. Il s'agissait de ne pas être envahissant, tout en étant bien présents. On fit quelques courses. Bières, chips, bonbons. Trop de choses, qui pourrissent encore maintenant dans ma chambre.
On se demanda pourquoi on avait acheté tout ça tout de suite après être sortis du supermarché.
Rien à faire. On avait beau connaître la situation, on était complètement pommés.


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