Note de la fic : :noel: :noel: :noel:

Kaileena, l'Impératrice des Papillons


Par : SyndroMantic
Genre : Fantastique, Horreur
Statut : Terminée



Chapitre 4 : Le Refus


Publié le 28/06/2010 à 02:39:06 par SyndroMantic

[c]Le Refus[/c]




Nous marchâmes longtemps, avalés par cette végétation étouffante. Ma vue était en émoi devant tant de nuances colorées. Zohak menait la marche, tenant mon bras fermement. La jungle nous déployait ses décors volages, peu importe notre cap. Le zervaniste l'avait changé plusieurs fois, mais rien n'y faisait, partout les arbres masquaient le ciel. Je me demandais par quelle merveille se faisait que le pont du navire m'ait paru si pauvre en divertissement, tandis que cette vaste jungle était saturée d'accessoires divers. Les feuillages parsemaient la terre, où mes petits pieds se traînaient avec difficulté. Fréquemment, l'adulte-même devait lever son genou, pour avancer au-delà de racines. J'aurais presque mieux rampé dessous, quelques fois, pour peu que le prêtre m'ait lâchée. Heureusement qu'il me prêtait sa main comme appui, dans ces cas, pour que je les franchisse. La présence de mon compagnon ne m'avait jamais été aussi précieuse qu'à ce moment, alors que devant moi je ne voyais qu'ombre funeste. A milles reprises, je remerciais la chance de l'avoir engagé à ma protection. Je n'aurais pas du...

Il me fallut de longues minutes, avant que je me calme de ma vision. Déjà les images de cauchemar s'embrouillaient dans mes pensées, tellement que je n'arrivais plus à me souvenir de quelle taille était ce monstre, qui était sa proie, si la voix n'était pas qu'un bruit de fond, ou bêtement, dans quel sens pointaient ses cornes. J'ignorais ce qu'il s'était passé. Je ne comprenais pas comment de telles folies avaient pu m'assaillir, sans avertissement. Pourtant, le fait n'avait pas semblé surprendre mon ami de la même manière. La colère de ses paroles traduisaient un agacement d'autant plus étrange qu'il ne m'était pas resté en mémoire une quelconque situation ressemblante à celle-ci. Depuis que nous étions venus sur cette l'Île, tous mes repères s'étaient vus chanceler en peu de temps. Le moindre caillou, le premier cri d'un insecte, le plus fin des brins d'herbe étaient nouveaux, pour moi. C'est pourquoi je marchais silencieuse derrière mon guide, renonçant à prendre au sérieux mes visions, qu'il affirmait fausses (Il était sûrement plus avisé que moi). Pourvu qu'auprès de lui je me sente en sécurité ! Par intervalles de 5 secondes tout au plus, le grand homme tripotait la dague à sa ceinture, comme s'il ignorait quelle position convenait le mieux. Mais à qui donc le prêtre comptait-il faire du mal ? Jehak m'avait déjà montré l'usage de cet instrument, hélas. En mon fort intérieur, je souhaitais que l'endroit n'offre pas à mon ami l'occasion de l'utiliser. A peine avions-nous pénétré dans la jungle, je regrettais déjà l'éloignement des zervanistes et, du coup, l'explication de leurs manigances. J'avais beau en avoir une peur bleue, je mourrais d'envie de savoir ce qu'ils tramaient sur le rivage. Mais je ne pouvais me soustraire à l'étreinte de mon compagnon.

« Zohak ! Où on va ? Où est-ce que tu m'emmènes ? »

Il ne me répondit pas. Sa respiration était pressée. Son pas était hésitant. Son regard se hasardait dans tous les sens, même sur moi. En fait, le grand homme était aussi apeuré, dans ce milieu. Son poing me serrait à m'en rompre les doigts. Je le sentis qui tremblait. Peut-être me croyait-il, finalement. Ses yeux étaient ailleurs, si bien que je crus plusieurs fois qu'on s'arrêterait. Nous étions tous les deux anxieux au plus haut point. Je crois que c'est pour cela que je lui faisais confiance. Il était mon ami...

52 minutes plus tard, j'abandonnais. C'était au-dessus de mes forces. Je n'en pouvais plus de marcher ainsi. Nous avions parcouru la jungle, traversé un torrent, longé une colline, descendu jusqu'à une falaise, fait trois fois demi tour, et le tout sans que jamais Zohak ne me concède une seule petite dizaine de secondes de pause. J'espérais tenir sans le décevoir. Je voulais prouver que j'étais résistante. Je crois même avoir considéré cette promenade comme un test du grand zervaniste, à propos de ma fidélité. Sauf que j'en étais incapable, en fin de compte. Je ne sentais plus mes jambes. Les mollets enflammés, je me laissai tomber sur ma longueur, tout juste consciente pour m'allonger sur le dos. Zohak vint me soutenir précipitamment. Le bras sous ma nuque, il appela mon nom en me tapant les joues molles, tentant de me maintenir éveillée.

« Kaileena ! Kaileena, ça va ? Reprend toi ma petite... »

Je me sentais vidée, comme dans l'abîme des consciences. La silhouette du grand homme s'assombrit, devant les rayons du soleil. Les arbres commençaient à tourner, face à mes yeux. Leur vue se troubla, quand mon cerveau se mit à peser. Je ne ressentais plus rien. Lentement, je fermais les paupières. Le sommeil était si bon. La voix inquiète de Zohak se perdit au loin.

Puis je m'évanouissais de fatigue...




Je me réveillai plus tard, enfin. Au-dessus, les branches filtraient mieux la luminosité, à travers leurs feuilles d'émeraude. Mes pupilles éclorent doucement au jour neuf. Les choses étaient différentes. Ma sieste avait duré longtemps, après que je me sois évanouie. Cela faisait presque une heure, que j'étais endormie là. Des halos descendaient entre les cimes végétales. Je ne voyais plus où était le soleil. D'autre part, même les décors m'étaient étrangers. Les arbres n'étaient plus pareils. Des oiseaux y chantaient, beaucoup mieux que les albatros en mer. Les calmes flots d'une rivière accompagnaient leur mélodie, non loin. De l'herbe me caressait les mains. Depuis que mes muscles avaient trop forcé, je devais dire que ces dispositions me procuraient un bien-être comme aucun repos ne m'en avait offert. Je mis 45 secondes à me relever, de mes propres efforts. Il manquait un élément, à cette scène idéale. Tournant sur moi-même, j'appelai mon ami afin qu'il reparaisse.

« Zohak ! Zohak, où es-tu ? »

Les sifflements des volatiles se turent, au son de ma voix. Pas de réponse. Mon coeur s'accélérait. Je lançai mon regard d'un bout à l'autre de la petite clairière. Etait-ce une mauvaise blague ? Il n'aurait pas osé me faire subir telle épouvante, gratuitement. Je longeai le cours d'eau, répétant mon appel, sur une dizaine de mètres. En vain. Le grand prêtre m'avait abandonnée. Si seulement j'avais su vers où le chercher? Mais il n'y avait pas le moindre indice pour m'aider, à cet endroit. J'étais complètement perdue. C'était la première fois que j'étais sans défense en territoire sauvage. Quittant les abords de la rivière, je m'élançais courageusement dans l'exploration de cette zone inconnue, la peur au ventre. Je craignais maintenant cet exotisme ambiant, qui m'avait bercée plus tôt. Les bruits de la jungle m'intimidaient comme jamais. Les chants des oiseaux n'avaient plus rien d'agréable. J'étais littéralement terrorisée. Si jamais j'avais eu besoin d'une arme ? Je ne savais pas à quoi m'attendre, laissée dans la plus grande incertitude. Si je m'éloignais des versants de la montagne, j'avais sûrement l'espoir de regagner la côte, jusqu'au lieu de notre débarquement... Soudain, je sentis une présence, dans mon dos. Zohak à sa place m'aurait déjà avertie. Alors que je me retournais, je fus prise d'un hoquet de terreur :

Face à moi patrouillait une créature plus impressionnante que tout ce que j'avais pu imaginer. Bien qu'elle atteigne presque ma hauteur, son corps s'étendait sur deux mètres, placé entre les troncs, à quatre pattes. Son pelage brun dorait à la lumière, rayé de bandes brunes. Le monstre m'observait de ses yeux jaunes. Ses oreilles étaient relevées, sur sa tête. Ses pattes puissantes étaient pourvues de griffes acérées. Sa longue queue se balançait lentement, derrière lui. Zohak m'en avait déjà parlé. On rangeait cette espèce dans la catégorie des félins. Son nom était le Tigre, seigneur de la jungle (quoique le zervaniste ne m'ait pas dit ce qu'il réservait à qui pénétrait sur son territoire). Il en avait effectivement l'impériale prestance. L'animal bougea, en venant dans ma direction, puis fit les cent pas autour, sans brusquerie. Je vis l'aisance avec laquelle son harmonieuse anatomie se mouvait parmi les racines et les hautes herbes. Rien à voir avec la posture pétrifiée de mes membres. Il était beau... Mais ses griffes ne m'inspiraient pas confiance.

Le grand matou rôda calmement, dans le périmètre. Je me souvins de ce que mon compagnon avait dit, à leur sujet. Ils n'étaient pas dangereux. Ce n'étaient que de simples êtres vivants. Je n'avais en théorie rien à redouter. Peu à peu, mon esprit se détendit. Je finis par relâcher mes muscles, soupirant discrètement. Cette détente me permit de contempler comme il se devait son élégance. Le charisme de cette bête m'hypnotisait. Je mis quelques instants à m'en rendre compte. Sur le bateau, je n'avais de tout temps vu que la virile brutalité des hommes. La couardise de leurs sentiments. La laideur de leur orgueil? Mais ce jour-là, j'avais en face de moi une créature vraiment éblouissante, pour une fois. Ce jour-là j'appris que l'humain n'était pas le seul être concerné par l'esthétique. Loin s'en fallait. Après tout, les zervanistes avaient passé leur voyage à marquer une distance, entre ma nature et leur race. Je n'avais pas vraiment eu la possibilité de m'y assimiler. Faute de ce modèle, mon enfance en cherchait un autre. Le tigre n'avait pas l'air méchant. Un peu sévère, à la limite. Quoiqu'il en soit, j'admirais sa maîtrise de sa personne, comme si la foudre ne pouvait l'effrayer. Je voulais acquérir son sang froid, devant les épreuves futures. J'avais envie de lui ressembler.

Quand il m'eut suffisamment estimée du regard, le fauve s'approcha de moi avec prudence. Mon échine se dressa. J'étais très anxieuse de sa venue, mais au fond moi aussi je désirais aller à sa rencontre. Mes pieds ne bougèrent pas. Plus que quelques mètres nous séparaient. La créature lut dans mes yeux l'engouement que j'éprouvais à l'idée qu'elle me rejoigne. Ses pas hésitèrent sensiblement. J'étais sûre que nous pourrions être de grands amis. Zohak m'avait dit que l'on s'entendrait. Au ralenti, le félin sembla comprendre que j'étais différente. Je perçus des ronronnements émaner de sa gorge. Il était maintenant tout proche. Son museau était à ma portée. Progressivement, je tendis la main vers lui, pour signifier mon accord. Ensuite, nous nous rapprochâmes l'un de l'autre. Il pencha la tête pour sentir mon odeur. Je caressais son front de ma paume timide. J'aurais voulu me blottir auprès de lui. Ses poils étaient si doux... Mais l'animal finit par s'en aller, ôtant son crâne à mon étreinte. Le dos tourné, il trotta entre les buissons, et disparut.

Pendant cette minute, j'étais plutôt contente. Cette rencontre avait été magique. J'aurais tout donné, pour pouvoir "revenir en arrière", et la vivre "tant qu'il m'aurait plu". Ce fut le tout premier des souvenirs que je veux conserver, pour le reste de mes jours. Il fut la base de ce que je voudrais inscrire sur la ligne du temps. Des bouées salutaires afin de ne pas se noyer dans son cours. Quelque chose d'essentiel. Tout en méditant sur l'écoulement de la vie, j'errais au hasard des sentiers, sous l'enchantement de cette nature imprévisible. Tout me paraissait magnifique, les ambiances, les couleurs, les sons,... J'ignorais quel fut le projet des zervanistes, sur cette île, mais dans ce spectacle, je trouvais mon profit émotionnel, en tout cas. J'y aurais établi mon foyer avec plaisir, dès que j'aurais trouvé les grands adultes.

C'est alors que, tirée d'une rêverie entre les troncs épais, j'en surpris un qui comportait une gravure. Son auteur n'avait pas mis beaucoup de soin à sa tâche. La forme des lettres était brouillonne et morcelée. C'était signé du couteau de mon ami :


[c]
Kaileena, sois forte, ma petite
Tu seras une grande fille
Je te fais confiance
Sois courageuse
Je t'accompagne dans ton épreuve
Adieu[/c]


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