Note de la fic : :noel: :noel: :noel:

Kaileena, l'Impératrice des Papillons


Par : SyndroMantic
Genre : Fantastique, Horreur
Statut : Terminée



Chapitre 11 : La Chute


Publié le 16/07/2010 à 01:01:52 par SyndroMantic

[c]La Chute [/c]




Le sursaut fut tel que je ne pus crier. Victime du plus violent de mes battements de coeur. Je ne voyais même pas ce que serait ma chute. Avec sa diversion, le grand prêtre avait aveuglé ma prévoyance. L'arrière de mon crâne était le pire des vides. L'affolement rompit mon apnée une fois que ma tête se fut dégagée du courant. Terrorisée, je n'avais pour tout repère du danger que son reflet dans le regard de l'humain. Névrotique. Il n'y avait plus d'espoir. Je vis ma vitesse augmenter, les feuilles, le zervaniste et les rochers s'éloigner. Première et dernière prise de vues sous cet angle. Expérience finale de ce monde. Et tout le reste où je ne serais plus... Les temps de ces pensées, je manquai de saisir les fins rameaux qui pendaient sous les rebords. Peut-être trop fragiles ? Peut-être assez solides pour me sauver ? Trop loin, trop tard. Mais encore assez tôt pour m'approcher de la Mort, si lente à venir. Même l'appel de Zohak m'atteignit avant elle.

« Kaaaaaaaaaaaaaaahhh... !

Le tiers de mon nom. Le mien parce qu'autrement il y aurait trop de propriétaires à conceptualiser. Donnerait-on un nom s'il n'y avait personne pour le porter, s'il n'y avait personne à qui l'apprendre ? La mort ne devrait pas s'appeler, non plus qu'un cadavre. Chaque mot est un lien avec ce qu'il désigne, et qui existe. Chaque Kaileena dite ou pensée me raccroche à une réalité. Chacune me lance une corde, tressée de vibrations, d'intonations. Élastiques dès lors qu'on y suspend son écoute. J'écoutai la voix de mon ami le plus attentivement possible. Je m'aggrippai à ses syllabes. Aucun de ses tressaillements vocaux ne m'échappa. J'en aurais presque dansé, je ne sais pourquoi. Ma conscience ne contrôlait rien. Ma vision se troublait. J'entendis alors son timbre choir dans une tonalité incroyablement grave.

- ... Leeeeeeeeeeeeeeehhh... !

A mesure que sa voix descendait, ma propre chute semblait ralentir. Bizarrement, l'eau émettait un sifflement anormal et continu. Les gouttes qu'elles rejetaient s'étendirent en de minces filets rigides. Les éléments se durcissaient. L'air y compris. Autant l'adulte que moi-même, nous nous retrouvâmes coincés dans l'espace temps, incapables d'accélérer le moindre nos gestes. Une force inexorable nous maintenait sur place, en dépit de l'attraction terrestre. Pourtant, il n'en allait pas de même avec la végétation alentour. Sans un bruit, les racines légères s'amollirent, se détendirent, pesant lentement vers l'abîme vertigineuse. Des lianes rectilignes plongèrent dans le vide, pour peu à peu se rapprocher de moi. Elles étaient maintenant assez vieilles pour que je m'en empare. Mes doigts se glissèrent doucement autour de leur écorce. Alors que leur pression s'accentuait, les choses revinrent à la normal.

- ... Naaaaaaaaaaaaaaahhh ! »

Le fracas de l'eau se remit à résonner. Mon poids m'emporta contre la paroi avant de me faire balancer à un mètre environ. Le zervaniste expira, sans vraiment se rendre compte que je m'en étais sortie. Cela m'étonnerait qu'il ait jamais compris ce qu'il s'était vraiment passé, cette fois-là. Ses yeux s'écarquillèrent quand il me repéra, juchée sous les trombes d'eau. Bien vite, il remarqua qu'une altération s'était opérée, dans le décor. Les feuillages étaient beaucoup plus touffus que précédemment. L'immense crevasse s'était encore un peu élargie, et le débit de l'eau était plus calme. Le ciel-même semblait s'être découvert, laissant poindre un soleil plutôt levant que couchant. La nuit ne pouvait pourtant pas être passée. Tandis que je serrais aveuglément la perche qu'on m'avait présentée, lui scrutait les lieux, perplexe. Comment cela pouvait-il se produire ? Quel mystère cet île nous cachait-elle pour alterner de si nombreux visages ? En vérité, l'humain cherchait des réponses beaucoup trop grandes...

Après mes jambes, ce furent à mes bras de chauffer, justement cette fois parce que je ne les bougeais pas. Jamais de la vie. C'était à peine si je voulais respirer. La peur me crispait tout le corps. Je contractais chacun de mes muscles, et en particuliers mes deux membres. Quant à mes doigts, c'est tout qu'ils ne me donnaient plus de sensations. 1 minutes 08 après les premières brulures. Ma peau à cet endroit n'en sortirait pas indemne, pour un certain temps. Cela m'importait peu, je l'aurais même sacrifiée si nécessaire. Je ne voulais pas tomber. Plus maintenant que j'avais l'espoir de m'en tirer. Des bruits me parvinrent, quelques secondes plus tard. Deux mètres au-dessus de moi, Zohak essayait comme il pouvait de m'approcher, aussi loin que son courage ne le lui permettait, soit très peu. D'un sailli rocheux, il me tendit sa main, prudemment courbé sur ses genoux.

« Kaileena ! Tiens ! Attrape ma main !

La première idée que j'eus, ce fut de ne pas bouger d'un pouce. Le moindre faux-geste aurait pu m'être fatal - quoique pour moi la fatalité, c'est vrai, n'ait plus le même sens aujourd'hui. J'étais si peureuse à l'époque. De plus, je n'avais absolument aucune confiance dans le secours de mon ami. Non pas que je l'ais soupçonné de sournoiserie ou de perfidie. Mais il m'était impossible d'imaginer lui confier ma vie. Tuer est une chose aisée. Venir en aide exige beaucoup plus de risques. Le pauvre homme avança prudemment son genou de quelques centimètres, mais recula bien vite dès qu'il eut fait chuter plusieurs gravillons du rebord.

- S'il te plait... me demanda-t-il.

Je rouvris les yeux quand ils m'eurent dépassée. De ma hauteur, je vis les billes de terre taper contre des roches avancées, puis disparaître en poussière dans le vide, par dislocations successives. Au fond du gouffre coulait tout un fleuve souterrain, monstrueux. Une grande fissure le versait d'un coté, une autre l'engloutissait à l'opposé. Instinctivement, je montai mes pieds de quelques millimètres.

- Kaileena... ! me rappela Zohak.

Sa main tremblait. Des veines gonflaient sur son front. Le sang pesait dans l'inclinaison de son visage, teintant sa peau d?une nouvelle couleur. Ajouté à une grimace contractée, ce changement paraissait l'incommoder beaucoup. Lui aussi ne tiendrait peut-être pas longtemps. J'avais trop peu de secondes devant moi. Après une grande expiration, je desserrais lentement mon emprise autour du végétal et montai mon bras droit encore plus lentement vers cette main tendue. L'autre mienne glissa quelque peu. Plus vibrante que jamais, j'étirai mon membre le long de ma liane, prête à la ressaisir au moindre problème.
Je ne sentais presque plus mes muscles.

- Encore un peu... C'est bien, Kaileena... ! me rassurait le prêtre souriant. Continue !

Mais il mentait. Je le savais. A six ans, il manquait encore une bonne trentaine de centimètres à mon bras pour pouvoir ne serait-ce que toucher les bouts du sien. Pourtant, il l'aurait tellement préféré... Je le voyais dans ses yeux. Le vertige que lui procurait la vue de cette faille le pétrifiait littéralement. Il osait à peine le regarder en face. Tout comme moi. Le coeur me cognait dans la poitrine. J'étais au bout de mes forces. Vaines. A ce moment je réalisai que ma volonté n'était pas de m'échapper, je m'en sentais incapable faute d'une meilleure enveloppe physique : c'était de ne pas succomber à la mort. Tout ce que l'adulte avait à m'offrir n'était que folle imprudence. En tout cas trop élevée. Au grand désarroi de mon ami, je rabaissai ma main pour m'empresser de la remettre sur la liane.

- C'est pas la peine, Zohak ! J'y arrive pas ! Laisse moi ! »

Effectivement, le retour de mon bras droit soulagea mes efforts pour me maintenir agrippée. Ma main gauche se reposa le temps que je la replace où elle était un peu avant. Ma chute serait encore retardée, de cette manière. A présent je ne voulais plus rien essayer. Juste attendre. L'odeur de l'extrême n'était pas encore partie, avec ses relents de peur et d'inquiétude. La modération n'avait plus cours dans ma tête, l'espoir aucune limite. Seule restait à croire la venue d'un miracle prochain. Le merveilleux Hasard avait arrangé mon salut. Un événement obscur avait fait descendre une multitude de cordes pour moi. Il pouvait très bien me remonter grâce à elles. J'étais sûre que ma chance arriverait encore.

Il Fallait qu'elle arrive encore.


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