- Tu es là mais tu n'écoutes pas.

Jack regarda Sophia suppliant. La femme comptait pour lui et l'idée de la décevoir une fois de plus lui déplaisait. Après tout, c'est elle qui l'avait mené jusqu'au rang de Capitaine. Sans son appui, il n'en serait pas là.

- Sophia. Écoute moi. Je vais disparaître encore une fois.
- Si tu fais ça, je te renierais de la cour. Tu seras bannis du Royaume. - Tu n'as pas le doit de fuir chaque fois que l'on a besoin de toi.
- Je suis désolé Sophia.

Jack marcha vers le trône, tendit son bras vers la femme dans le fol espoir de se raccrocher auprès d'elle. Il disparut progressivement et son geste mourut dans un évanouissement total.

Le vieux documentaliste secoua nerveusement Jack pour le ranimer. Celui-ci sursauta et porta la main là où quelques instants la sève s'était écoulée. Rien d'autre que le contact rugueux des ses vêtements... Jack porta sa main à la bouche.

- Alors ça y est hein ? Tu y est retourné ?
- Hector, c'était incroyable, bredouilla Jack. Il y avait là à nouveau le Royaume. Et Sophia ! Ainsi que Marie. Et ...
- C'est étonnant oui ! Étonnant oui. C'est donc toi qu'ils ont choisi ! Oui. Sophia dis-tu ? Oui, c'est la Femme sage. Et Marie ? Sans doute la sublimation de la Femme, s'écria Hector en posant son doigt ridé par le temps sur le front de Jack. Mais pourquoi toi ?


Jack recula doucement. Il n'avait jamais vu Hector ainsi, le vieil homme semblait soudainement illuminé, perdu dans ses pensées. Il gesticulait fiévreusement et se rua vers la réserve tout en grommelant pour lui-même. Jack vint à se demander si une fois de plus il n'était pas ailleurs. Où se trouvait la réalité. Il s'agenouilla contre le coin de la table et posa ses mains sur ses yeux pour nier ce qui se déroulait derrière lui.

- Tout ça n'existe pas. Tout ça n'existe pas. Ce n'est qu'une abstraction de mon esprit. Je vais rouvrir les yeux et tout aura disparu !

Jack ouvrit à nouveau les yeux et vit la grosse tête ronde d'Hector qui le fixer étrangement.

- Détrompe-toi Jack ! Tout cela est bien réel. Ne crois pas ce que te diront les gens de ce monde. Tu dois passer dans l'autre Jack ! Tu n'es pas à ta place ici ! Tu dois rejoindre l'Autre ! Tu m'entends Jack ? Tu n'es pas d'ici ! Trouve ta place là-bas, c'est le seul moyen pour tout sauver !

Jack écarquilla les yeux incrédules. Il ne reconnaissait plus Hector, le vieillard se faisait fringuant soudainement. Non pas qu'il changeait mais il gagnait une assurance que l'adolescent ne lui connaissait pas. Comme si celui-ci avait arrêté de jouer un rôle. Hector brandit un livre dont la couverture jaunie subsitait encore veinement et dont les pages poussiéreuses ne semblaient avoir reçu la visite d'un index depuis bien longtemps. Le livre ne portait aucun titre. Hector l'ouvrit et montra la page de garde.

Dessus, on voyait un portrait magnifique d'une jeune demoiselle, le regard perdu dans le lointain. « Sophia, héritière ». Seule mention en bas de page et griffoné à la main. Jack suspecta le vieux documentaliste de l'avoir écrit lui-même à l'instant. Il lui sembla que l'encre était encore fraiche. Il s'approcha pour mieux observer le portrait mais Hector referma brutalement le livre !

- Héritière ! Elle est l'héritière Jack ! Et tu ne dois jamais oublier ça ! C'est très important.
- Je ne comprends pas. Hector ? Qu'est ce qui t'arrive !
- Jack. Tu es l'élu ! Oui, je sais bien. La formule est un peu grotesque mais vos livres de fantasy ont dénaturé ce mot en l'employant à tout va. Jack, tu ne t'es jamais demandé d'où viennent tous les légendes de notre monde ? Elles sont de l'Autre monde ! Et il existe des voyageurs qui passent de l'un à l'autre sans problème. Tout cela est très secret vois-tu et nous n'aimons pas l'évoquer. C'est le privilège d'une poignée de personne et le commun des mortels l'ignore bien heureusement.

Jack se laissa tomber sur la chaise et attrapa le livre d'Hector. Il l'ouvrit. Les pages étaient blanches sauf le portrait. Bien que la femme soit séduisante, il ne reconnaissait pas les traits de Sophia. Il passa les doigts sur l'inscription. Bleu. L'encre bava sur le papier.

- Vous mentiez. Pourquoi ?
- Jack non... Je suis désolé.
- Pourquoi ?
- Écoute toi ! Tu parles à présent ! Jack ! Moi même je n'ai pas toutes les réponse ! Mais tu dois retourner de l'autre côté.

Jack secoua la tête tristement et sortit à reculon de la bibliothèque. Il sentit qu'il heurtait quelque chose. Il se retourna.

- Je suis désolé, souffla-t-il.
- Jack ? Tu parles ?!

Jack posa sa main sur sa bouche brusquement et observa la jeune fille incrédule. Comment allait-il expliquer tout ça ?


- C'est une longue histoire Clémentine.