- On ne se débine pas ! C'est pas comme ça que vous allez devenir des hommes ! Du nerf les filles. Montrez moi ce que vous avez dans le ventre.

Jack sentit le poids de l'armure peser à nouveau sur son buste. Il se redressa à nouveau et posa la main sur le pommeau argenté. Une fière allure assurément se dit-il. Il fit quelques pas dans le chemin poussiéreux puis toisa l'homme qui donnait la voix. Il le connaissait, lui, ainsi que les lieux. Il n'avait rien à craindre ici bas. L'homme se retourna et aperçut Jack. Un sourire traversa le visage balafré de celui-ci, il posa un genoux au sol tout en gardant la tête levé vers Jack.

- Capitaine. C'est un plaisir de vous revoir. Les hommes commençaient à se demander si vous n'aviez pas pris les voiles.
- Pour rien au monde Adam. Pour rien au monde...
- Dame Sophia vous a réclamé maintes fois. Et son impatience n'a pas d'égal, il serait fâcheux de la faire attendre plus longtemps.
- Elle pourra bien attendre quelques minutes de plus, rétorqua froidement Jack.
- Ne restez pas sur votre dernière querelle. Elle aura déjà oublié et vous sautera au coup dès votre apparition.
- C'est bien ce qui me fait peur. Mais je viens d'abord aux nouvelles, je suis absent depuis trop longtemps. Les dames attendront, les affaires du Royaume passent avant.
- Vous ne savez donc pas ?
- Quoi donc ?
- Mais nous sommes en guerre !

Jack sentit le malaise s'insinuer lentement au travers de son armure, gagner patiemment son esprit. Sa main se crispa sur le pommeau. Il tourna la tête vers le château qui surplombait la colline. Là-haut se trouvait Sophia. Il sut qu'il devait la voir au plus vite, il ne pouvait en être autrement. Il mordit sa lèvre inférieure nerveusement. La guerre ? Voilà une chose qui était bien fâcheuse pensa le jeune homme. La guerre... Oui, tout cela devenait terriblement sérieux.

- Je te laisse Adam.

Adam haussa la tête et retourna immédiatement auprès de ses hommes, leur intimant de redoubler d'efforts pour ne pas décevoir le capitaine. Jack retira sa côté de maille pour perdre du poids puis se hâta vers le château.

Il entendit les trompettes résonner quand il passa le pont levis. L'accueil aurait été le même que d'habitude si Sophia ne l'avait pas attendu en bas des marches de la grande porte. Elle fronçait les sourcils pour montrer un semblant de remontrance à Jack. Elle passa une main dans ses cheveux blonds puis fit demi tour vers l'escalier. Jack regarda la démarche gracieuse de la femme, s'accordant un court instant de rêverie sur le balancement des hanches de l'héritière puis se reprit. L'heure n'était pas aux badineries !

Il la retrouva assise dans la salle du trône. Pour une fois, son regard ne s'attarda pas sur les gigantesques fresques qui ornaient les murs mais se focalisa directement sur celle qu'il venait voir. Assise sur le trône aux encolures dantesques, elle fixait Jack de façon désabusée, soutenant sa tête de la main gauche. Elle s'avachit un peu plus dans le siège, oubliant le rang qu'elle se devait de tenir.

Ils étaient seuls dans la pièce.

- Tu ne peux pas savoir à quel point je hais tes fuites. Si tout le monde pardonne ton comportement lunatique, sache que je n'apprécie pas. Je m'inquiète de ne pas savoir où tu es, ce que tu fais, et ce que tu veux.
- Je ne sais pas.
- Ce sont toujours les mêmes excuses avec toi ! Tu ne te rends pas compte du mal que tu me fais !
- Pardonne moi.
- Nous sommes en guerre Jack ! Nos espoirs reposent sur toi. Assume à présent les choix que tu as fait.

Jack s'avança vers Sophia et lui prit avec douceur sa main dans la sienne. Il scruta les yeux bleus de la princesse.

- Je suis là à présent, murmura-t-il.
- Tu dois rester Jack. Définitivement.


Il sourit et se pencha pour l'embrasser.


Il eut l'impression de chuter.


La forêt l'entourait à nouveau.



Au pied de l'arbre qui l'avait meurtri, il vit Marie adossée sur le tronc sinueux. Une flûte à la bouche elle jouait un air ancien rappelant des souvenirs évanescent. Elle se tourna vers le garçon.

- Elle t'ennuie n'est-ce pas ?
- Pas du tout, souffla Jack.
- Tu n'es qu'un éclat de conscience, dit Marie dans un rire cristallin. Oh Jack, je ne voulais pas te blesser. Tu ne comprends pas ?

Jack secoua la tête de droite à gauche. Non, il ne comprenait pas.

- Tu n'est pas encore entier, assura une voix douce. Ca viendra.

Jack vit volte face pour l'identifier. Il s'agissait de l'Enfant.

- Nous veillons Jack. Ne crains rien, rassura Marie.
- Nous sommes en guerre, demanda Jack ?
- Oui, c'est ce qu'on murmure partout, répondit la jeune fille.
- Contre qui ?
- Contre tes démons Jack. Ils assaillent sans relâche, expliqua l'Enfant.

Jack regarda devant lui. Il se trouvait à nouveau dans la salle du trône. Sophia continuait de le fixer.