III


Le lendemain matin, les vrais cours commençaient. Cette fameuse fille avait rendu ma journée radieuse, mais son gros porc de petit copain me l’avait rapidement gâchée. J’avais d’ailleurs du mal à croire qu’il l’avait pour lui ; elle, si paisible et fragile.

J’étais donc posté devant la salle, dans le couloir sans lumières, seul. Je m’étais assis et j’attendais. J’écoutais le calme tant que je le pouvais. Ne dit-on pas le calme avant la tempête ? J’entendais alors des gens venir par les escaliers. Une fille entra… C’était Elle. On se salua rapidement, puis un long silence s’ensuivit. Un peu gêné, je lui demandais la classique :

-Tu t’appelles comment, déjà ?
-Eva, et toi ?
-Antoine.

Un autre silence, plus lourd que le précédent. Mais enfin elle le rompit :

-C’est toi que Yacine a frappé, hier ?
-Frappé ? Euh… Non, il m’a juste, hmm… menacé…
-T’inquiète pas. Il est un peu colérique, mais il suffit de ne pas trop le contrarier.
-Le contrarier ? Mais je n’ai fait que te regarder !

C’était sorti tout seul. J’ai été un peu embarrassé d’avoir lâché ça comme ça, et j’aurai voulu rattraper mes paroles et les ravaler rapidement avant qu’elles ne tombent dans ses oreilles câlines. Mais c’était trop tard.

-Tu… Tu me regardais ?
-Je… Oui, je l’avoue. Ton entrée en classe hier m’a interpellé plus que tu ne le penses…
-Ah bon ? J’étais si en retard que ça ?
-Non non, ce n’était pas ton retard…C’était toi.

Malheureusement, elle n’eut pas le temps d’entendre la fin de ma phrase que quelqu’un d’autre faisait déjà son apparition dans le couloir. Et c’était malheureusement ce fameux… Yacine.

Il s’approcha d’Eva qui était adossée au mur et l’embrassa. Elle, ne semblait pas particulièrement en joie de le revoir, mais elle joua le jeu et continua à l’enlacer, sans sourire, en rougissant. Puis, après cette odieuse salutation, il vint vers moi. J’étais dans l’ombre et il ne m’avait pas encore reconnu.

-Tu fais ce que tu veux avec Eva mais moi, je préfère qu’on se serre la main pour se dire bonjour.
-Eva ? Tu connais son nom ?

A ce moment-là, il contenait un peu sa colère et commença à souffler comme un buffle. En fallait-il si peu pour invoquer son courroux ?
Il se tourna rapidement vers Eva :

-Tu lui as dis ton nom ?
-Et bien oui, on a un peu discutés.

Puis, se tournant vers moi :

-Je t’avais pourtant bien dit de ne pas lorgner sur elle !

Eva rougit encore en regardant ses pieds. Cette fois-ci, je ne voulais pas me laisser faire. Il ne fallait pas que je perde la face une seconde fois, surtout devant ce si tendre et séduisant morceau de chair !

Je me levais donc ardemment et me rapprocha avec conviction de Yacine :

-Tu vas pas commencer à me dicter ce que je dois faire, je fais ce que je veux. Et puis tu n’as pas l’air de rendre ta copine très heureuse, tu sais…

Sur ce, il ne répondit pas un mot. Eva commençait à s’écarter fébrilement de nous lorsque son copain fit tomber son sac à dos au sol, me fixant nerveusement, droit dans les yeux.