La chaleur de la salle était insoutenable. Je sentais la sueur couler le long de mon dos et la morsure cruelle d’un rayon de soleil sur ma nuque. Le silence était parfait, l’atmosphère oppressante. Mes pensées étaient focalisées sur la feuille devant mes yeux sur laquelle s’étalaient des colonnes de noms. A la fin du temps imparti, je devrai décider qui serait sélectionné et qui ne le serait pas. A cette époque je considérais mon travail comme tout à fait satisfaisant et même l’idée de ce qui attendait les recalés ne parvenait pas à faire naître en moi le moindre sentiment d’horreur ou de rébellion. Le logo de la Professorial Corporation était tatoué sur le dos de ma main, indiquant également ma date de naissance, ma date probable de péremption ainsi que la date de ma future entrée dans le domaine public, largement postérieure à la précédente…

Mes yeux quittèrent un instant la feuille pour se poser sur le P et le C enlacés. J’avais de la chance d’être là, ou du moins je le croyais. Mieux valait la PC que la Slaughter Industry où se rendraient la plupart des jeunes gens face à moi. Lorsque la cloche résonna dans la salle, tous posèrent leurs stylos avec une parfaite synchronisation, se levèrent et, dans un rang impeccable, vinrent me remettre leurs tests avant de retourner s’asseoir, le dos droit et le regard fixe.

J’étais entrainé à lire vite, très vite et en une quinzaine de minutes j’avais examiné les cent trente-deux tests théoriques d’aptitude. Trente recalés dont j’énonçais le nom se levèrent à nouveau. Je les imitais.



-Les sélectionnés devront se rendre en salle 3 d’ici dix minutes pour l’épreuve pratique. Les autres, suivez-moi.


Mon ton était froid à l’époque. Désincarné. Ceux à qui je m’adressais ne cillèrent pas, assimilant lentement l’information. Ils étaient nés pour être bêtes, comme j’étais né pour superviser, corriger et obéir. Mais nous devions tous obéir, après tout… Et être performants.

Sans un mot je conduisis les recalés, les « bugués », en salle 4. Elle était assez vaste, vide, carrelée de blanc et de rouge. Sur l’un des murs, un long miroir s’étalait. Il s’agissait en réalité d’une glace sans tain derrière laquelle se trouvait la salle 3, contenant des zappers et des aiguillons d’abattage… Les recalés se mirent en rang, bientôt rejoint par d’autres, venant d’autres épreuves. Tous avaient ce regard vide et servile typique de leur bas niveau de Droit. Au bout de quelques minutes, le miroir s’éleva et je vis les sélectionnés de tout à l’heure nous faire face, armés des outils de leur future profession.

Je sortis de la salle et, dans les hurlements de douleur, l’épreuve pratique d’aptitude de la SI débuta.