Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

L'Apostolat des Oiseaux


Par : Loiseau
Genre : Science-Fiction
Statut : C'est compliqué



Chapitre 18 : Le Concile I


Publié le 03/04/2014 à 21:24:09 par Loiseau

[c]Duc

Le Concile I
[/c]

Nous prenons place autour d’une grande table rectangulaire qui avait dû accueillir autrefois des ouvriers ensanglantés et puants, si elle avait eu une conscience quelconque elle aurait dû être honorée de recevoir l’Apostolat des Oiseaux…
Tous les Apôtres enfilent leurs masques et l’atmosphère devient soudain solennelle. Nous nous saluons et récitons ensemble la prière à l’Oiseau.

[c]Toi dont le chant s’élève, créant les mondes
Toi qui es dans le Rêve
Toi dont les plumes sont parées de couleurs sans noms
Toi dont le bec est d’airain
Toi qui vole parmi les anges
Toi qui a la Connaissance de la Vie
Toi dont la Grâce n’a pas d’égale
Toi qui enchante les cœurs
Toi qui enfantas les rêveurs et les poètes
Toi qui possède milles noms, qu’ils soient tous chantés
Toi qui perce les ténèbres
Toi qui a l’Espace dans l’œil droit et le Temps dans l’œil gauche
Toi qui forge notre Destin
Toi qui nous attends dans le Rêve, Ô miséricordieux
Toi qui fais souffler les vents et pousser les forêts
Toi qui par tes larmes créa les mers
Toi qui inspire les artistes et guide les savants
Toi qui te nourris de musique
Toi qui peux franchir les mondes
Je demande ta protection et ton amour
Moi, ton fils, ta création
Né dans le Rêve, aspiré par la Brèche
A ma mort, accueille-moi près de Toi
Et guide ma Vie vers la paix[/c]



Après un silence quasi-religieux, Vellere prend la parole.

-Mes frères et sœurs, heureux de vous voir. Ce concile a été demandé par Threskion, c’est donc lui qui sera le maitre de cérémonie. Mais comme il est arrivé en retard je laisse d’abord la parole à Pelecanus.


Threskion fait semblant de s’offusquer mais se tait lorsque Pelecanus se lève. Le chef du Cercle du Pélican, vêtu à la pirate, s’éclaircit la gorge et commence à parler.


-Mes amis, vous avez tous appris la mort d’Ardea, notre artificier, chimiste et ami.


Nous hochons la tête en chœur. Tous n’ont pas connu personnellement le Héron, mais sa mort avait causé beaucoup de bruit.


-En fait il n’est pas mort lors d’une mission pour l’Apostolat. Il nous a trahis.


Il accompagne cette affolante déclaration d’un geste ample du bras. Un masque de Héron semblable aux nôtres tombe sur la table. Lynot murmure un « Oh la pute » sourd.
Luscinia se redresse.


-Comment as-tu récupéré son masque ?

-Il me l’a envoyé avec une lettre. J’aurais préféré que nous la lisions tous ensembles mais je ne pouvais pas attendre le Concile…


Il sort une enveloppe un peu froissée de sa poche et la tend à Luscinia. Ce dernier parcours le papier des yeux et son regard se ternit au fur et à mesure de sa lecture. D’un air dégouté il rend le papier à Pel.


-Pourrais-tu nous faire la lecture mon frère ? demande Vellere au Pélican.

-Bien sûr. « Pelecanus, mon frère. Je suis navré, l’Apostolat n’a aucun avenir, c’est de la folie pure. Je te rends ce masque dont tu m’as fait cadeau il y a deux ans, il ne représente rien pour moi. J’espère ne jamais avoir à vous affronter, mais sache que s’il le faut je n’hésiterai pas. Adieu. »


Le silence s’installe dans la pièce, chacun tentant de digérer l‘information. Ceux qui, comme moi, ont connu Ardea ont un goût amer dans la bouche.


-Il a balancé des informations sur nous du coup. Puis ils l’ont fumé, constate Corax.

-Probable. Peut-être qu’ils l’ont gardé à leur service.

Aquila secoue la tête et lève le bras pour prendre la parole. Il sort de sa poche un petit lecteur holographique et le pose sur la table. Après une petite manipulation, l’image s’affiche devant nos yeux, terriblement réaliste.

On y voit Joan Korelski, anciennement Ardea, ligoté à un poteau d’acier. Dans ses yeux se lit une terreur sans nom et d’immenses regrets. La caméra montre successivement le prisonnier et, face à lui, le Grand Inquisiteur Maximillian Kleyn. Lorsque son image s’affiche, je vois Pelecanus serrer les poings.

« Voilà pour avoir trahi ta patrie » lance l’Inquisiteur de la vidéo avant de loger une balle dans le genou d’Ardea qui pousse un hurlement de douleur. Celui qui filme, probablement un soldat, se gausse grassement.

Kleyn se rapproche du Héron et braque son arme sur sa tempe.
« Et voilà pour avoir trahi tes amis, parjure impie. »

Un second coup de feu marque la fin de la vidéo et l’hologramme s’éteint alors que la tête de notre ancien ami s’ouvre en deux dans une gerbe de sang.


Nous restons cois pendant une bonne minute puis je demande d’une voix beaucoup trop rauque :


-Ils ont tout mis en scène… Ardea n’a pas pu trahir son serment, c’est un oiseau comme nous !

-Il n’a jamais été remarquablement impliqué dans notre cause, souligne Vellere.

-Au point de nous trahir ?

-Il a dû en avoir assez de vivre chichement dans une cave glauque en bordure de l’Union Rouge.

-Bordel, mais tous les membres de l’Apostolat sont dans le même cas !


Threskion et Balearica s’agitent, mal à l’aise. Corbin se contente de sourire largement. Ils sont les seuls à posséder des habitations dignes de ce nom, à la fois confortables et à peu près sûres, tandis que les autres doivent vivre cachés dans des quartiers généraux souvent dénudés, voire carrément en ruines. Nous ne leur en avons jamais voulu pour ça car nous avons choisi ce mode de vie. Et si Ardea nous a trahi pour une villa automatisée avec jacuzzi, alors il mérite presque ce qui lui est arrivé. A plus forte raison s’il s’est livré lui-même et n’a pas été torturé, comme Kleyn le suggère sur la vidéo.


-Puisque l’un des nôtres nous a quittés… murmure Pelecanus, j’aimerai vous présenter un ami, qui n’est pas officiellement membre de l’Apostolat mais qui m’a aidé à plusieurs reprises et est doté de grandes capacités intellectuelles et techniques : Shirasagi.


L’inconnu qui accompagne Pel’ se lève et s’incline profondément pour nous saluer. Même si ses traits sont assez caucasiens il porte une tenue traditionnelle japonaise ornée d’un symbole rappelant celui des Transhumanistes - une main robotique serrant un cœur humain – à savoir un crâne d’oiseau cybernétique qui tient un cœur dans son bec. L’un des yeux du nouveau venu a été remplacé par une orbe rougeoyante et sa main gauche n’est faite que de câbles et d’acier. C’est au tour de Vellere de se tendre. Le Vautour n’a jamais apprécié les manipulations génétiques, ni les expérimentations transhumanistes, très répandues dans l’Empire du Soleil. Moi non plus à dire vrai, pourtant je salue ce Shirasagi sans a priori. Si Pelecanus a jugé bon de l’amener au Concile, alors il ne peut pas être mauvais. Une petite voix intérieure me chuchote le nom de Joan mais je reste sourd à ses insinuations.

Un brouhaha s’élève dans la pièce alors que tout le monde se met à discuter avec ses voisins immédiats. Personne ne semble hostile à la présence de Shirasagi, certains le couvent même d’un œil appréciateur. Les amis de nos amis sont nos amis, après tout. Vellere réclame le silence et donne une fois de plus la parole au Pélican.


-Je vous demande, ô mes frères, si vous souhaitez que Shirasagi fasse officiellement partie des nôtres. Qu’il devienne un Apôtre, puisqu’il est déjà un oiseau.

-Ce serait bien qu’il se présente, avant tout. dis-je


Nous nous tournons tous vers le jeune nippon. Ce dernier se racle un peu la gorge, l’air gêné.


-Et bien… Je suis originaire d’Edo. J’ai été élevé dans une famille issue de la noblesse d’épée japonaise, ce qui m’a conduit à apprendre les arts martiaux. J’ai rejoint une équipe de combattants transhumains spécialisés dans l’étude de l’armement chimique à l’âge de seize ans avant de réaliser qu’ils n’étaient qu’une bande de fascistes de plus dans notre monde, puis il y a quelques années j’ai rencontré Pelecanus chez un revendeur de produits chimiques. Nous avons sympathisés et je l’ai aidé dans l’élaboration de certaines substances instables pour fabriquer des bombes. Puis il m’a parlé de l’Apostolat et j’ai décidé de le soutenir autant que possible. Et il y a un mois, il m’a appelé pour que je l’accompagne au Concile. Me voilà donc.


Un résumé simple et clair. J’apprécie, et je vois que je ne suis pas le seul. En outre le jeune homme dégage une réelle aura de sympathie. Corbin résume bien la situation et l’avis général en ces termes :


-T’façons on est sacrément dans la merde, alors pourquoi diable est-ce qu’on ne l’accepterait pas ? Il a l’air bien ce petit. Puis au passage on pourrait virer l’autre gros cul là-bas.


Il désigne nonchalamment Bal’. La Grue se contente de le fusiller du regard, gardant ses munitions verbales pour plus tard. Ces deux-là ne sont pas près de se réconcilier…


-La première proposition me semble judicieuse. La deuxième… Vellere fixe un instant Bal’ avec un sourire amusé aux lèvres.

-La deuxième est bien entendu hors propos. clos-je

-Bien sûr. Quelqu’un s’oppose-t-il à l’entrée de Shirasagi dans l’Apostolat ?


Un « non » choral se soulève comme une vague et Pelecanus ramasse le masque du Héron avant de le tendre à son ami.

Aquila, Vellere et moi-même nous levons, suivis par tous les autres. Nous exécutons le salut apostolique devant le jeune homme qui enfile timidement le masque. J’ai l’impression de discerner un subtil changement dans les couleurs du masque, comme s’il s’adaptait à la personnalité de son nouveau propriétaire. Tour à tour, nous prononçons une phrase de bienvenue puis donnons l’accolade au nouvel Ardea.



Une bonne chose de faite, de nouveaux horizons pour l’Apostolat et un Concile à terminer. Journée chargée, en somme.


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