Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Qui ose peindre les roses en rouge ?


Par : Loiseau
Genre : Fantastique, Réaliste
Statut : Terminée



Chapitre 5 : Danse à la bougie


Publié le 22/05/2014 à 00:17:50 par Loiseau

Pattes au plafond, tête vers le sol, je regarde Alice en face de moi. Elle court en direction du Lapin Blanc dans un couloir qui semble s’être étiré. Ses jambes gracieuses tricotent le sol comme deux aiguilles en bas blancs. Le lépidoptère azuré me nargue depuis sa poutre. Je me détache du plafond sans bien comprendre ce qui m’y a propulsé. La musique en bas poursuit son court.


-Cet homme a un rire renversant, non ?

-Les chenilles ne parlent pas, voyons.

-Pas plus que les chats, et pourtant nous voilà conversant !


Je hausse les épaules et me désintéresse de la larve longiligne. Alice compte plus. Alice compte toujours plus. Je flotte jusqu’à elle le plus rapidement possible. Le Lapin s’est enfui et ma douce enfant s’est recroquevillée contre un mur.


-Que s’est-il passé, Chat ?

-D’après la chenille c’est à cause de cet homme qui a ri en bas…

-Mais les chenilles ne parlent pas voyons !

-Je sais, je sais… Et le Lapin n’attend jamais, malheureusement. Descendons.

-Tu as l’air triste, Chat.

-Je veux juste être loin d’ici, avec toi.


Elle se redresse doucement et pose ses lèvres fines sur mon museau. Ô délice des sens. Ivresse féline et douceur divine. Ma gorge laisse échapper un ronron. Nous voguons, tête contre tête, vers un monde meilleur où personne ne blesse les enfants, ni les chats.


-Tu as déjà vu l’extérieur, Chat ?


Une larme coule, perle d’émotions contenues, le long de mes moustaches. Mon cœur, ma vie, ma douce Alice… Tu n’as jamais connu le monde extérieur, juste cet enfer de stupre et de haine charnelle. Mais ensemble nous verrons tout. Je t’offrirai un passé heureux, un présent délicieux et un futur radieux.


-Oui Alice. Il est comme cet endroit. Laid. Mais il regorge de diamants, cachés sous la boue. Nous déterrerons chacun de ces diamants. Mais il nous faut d’abord sortir.


Je flotte doucement jusqu’aux escaliers, les pas d’Alice rythmant notre petit défilé. Je jette un œil en là-bas et vois la scène que voici :


Dans un nuage de fumée aux saveurs amères d’opium, d’absinthe et de haschisch des invités rient. Une musique aigrelette, au goût plus désagréable encore que la fumée, s’élève en narguant les oreilles des rares mélomanes de la pièce. La Reine, plante grasse et vénéneuse, répand ses poisons depuis son trône. Son Valet, plus raide que les cartes martelées sur la table par un prestidigitateur raté et le pédant drogué Absolem, se tient à ses côtés. Les tentures pourpres donnent un air sanguin et vicié à la pièce et les chandeliers rappellent quelques messes noires dont Alice pourrait bien être le sacrifice.


Je disparais entièrement, par prudence, et entame la descente des escaliers, Alice près de moi. Les notes de musique s’estompent alors que les invités remarquent la présence de l’ange qui daigne les approcher. Un homme que je n’avais pas vu se lève alors, les yeux brillants. Son chapeau est orné de deux « S » aux airs de salamandres gorgées de venin. Il va voir alors pianiste et lui murmure quelque chose à l’oreille. Une musique plus douce se fait entendre et la pièce paraît soudainement plus accueillante. Hutmacher tend la main vers Alice et susurre.


-M’accorderez-vous cette danse, Fraulein ?


Tremblante, Alice le rejoint et se saisit de sa main. Paralysé d’effroi, je me contente d’assister à la scène fascinante qui se déroule sous mes yeux verts.
Le nazi tourne au rythme de la musique, guidant Alice avec tendresse. Les cheveux noirs de ma mie virevoltent comme des corbeaux, caressent le visage de l’officier, s’en emparent et le relâchent. Chacun retient son souffle et seule la Reine affiche un sourire prédateur. Ses doigts rutilants de bijoux serrant avec force les bras de son fauteuil. Elle claque des doigts et la musique s’arrête. Le couple ne cesse pas de danser pour autant et leurs lèvres sont sur le point de se joindre.

Je ne le tolérerais pas.


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