* Mairie d'Oraclis, 10: 26, quintalune des moissons d'orge*

- Comment se porte ce jeune homme, Jim?, demanda le maire en entrant dans la salle de réunion, qui avait été réaménagée à l'occasion.
Jim White-Eyes, surnommé ainsi en raison de la couleur très claire de ses yeux, est réputé comme étant le meilleur médecin de tout Oraclis. Il s'occupe des maladies rares qui nécessitent un traitement spécial. On raconte que ses talents lui ont été enseigné par un moine de la province Nord-Est d'Hypérion, il y a bien des années de cela.
- Il va bien mieux qu'il y a deux jours, mais j'ai du le mettre sous perfusion car il ne peut pas s'alimenter correctement. Ne le brusquez pas trop, il est encore fragile.
- J'ai juste quelques questions à lui poser... et quelques réponses à obtenir, répondit calmement le maire, l'air impassible.
- Bien. je vous laisse donc vous... "entretenir" avec lui.
Poignée de main, Jim White-Eyes ressortit de la salle, et referma doucement la porte derrière lui, laissant seuls les deux hommes. Marcello Catarazzi avança doucement vers la table ou se trouvait allongé le jeune survivant, tira une chaise et s'assit en face de lui. Les cernes autour de ses yeux indiquaient qu'il n'avait pas du dormir depuis deux jours. Calmement, il parla:
- Samuel Vice?
Le jeune homme ouvrit lentement les yeux, et répondit brièvement d'une voix faible:
- Vous savez... comment je m'appelle?
- Tu es né à Oraclis il y a 24 ans de cela, et tu as voulu t'engager dans cette expédition de ton propre chef, afin de t'évader de la monotonie de ta vie à la cité, c'est bien ça?
- Oui, mais...comment le savez..?
- Ne t'occupe pas de cela. Maintenant, tu vas me raconter dans les moindres détails ce qui s'est passé, et surtout pourquoi tu es le seul à être revenu en vie.
Une larme coula des yeux de Samuel Vice. Son poing se serra:
- Deux semaines après notre départ, nous vîmes se dérouler...une terre à l'horizon. C'était le matin, et nous venions...de nous réveiller.
"Le Nouveau-Monde existe donc bien, ce n'était pas une légende", pensa le maire.
- La joie commença à envahir les équipages, car nous pensions... que tout ceci ne pouvait être vrai. Seulement...
- Seulement quoi? Parles, vas-y!, s'écria le maire.
Le jeune Samuel regarda le maire. Il déversait des flots de larmes :
-... Cet endroit est maudit!!, cria-t-il.
Entre deux sanglots, il continua:
- Nous avons failli... tous y passer... sans même atteindre cet endroit !!
- Que s'est-il passé?, questionna le maire, surpris.
- Les bateaux commencèrent à sombrer... les uns après les autres. Personne n'a rien vu venir. Seul les quelques caravelles, qui étaient plus rapides... ont survécu. C'est comme si...
Le maire perdait patience:
- Comme si quoi ?!
- ... Comme si la terre elle-même s'était soulevé contre nous. Des rochers gigantesques... ont embroché les bateaux... et les ont soulevés dans les airs. Puis une masse énorme est sortie de l'eau... en tout point semblable à une île.
Ses sanglots continuaient, et devenaient de plus en plus fréquents."Quel prodige", pensa le maire en entendant ces mots. Mais déjà, Samuel reprenait son "histoire" :
- Il ne restait que 3 caravelles en bon état. Nous avons donc décidé... d'accoster sur la plage, et de construire un campement... en débitant les arbres proches de la plage, pour mieux voir... en cas d'attaque.
Reprenant sa respiration après ce court monologue, Samuel continua:
- Cependant, le lendemain matin... à l'aube...
Sa vue se brouilla de larmes à nouveau:
- Nous avons été...attaqués...
- Par quoi donc?, demanda le maire, qui était resté silencieux jusqu'à présent.
- Je n'en sais rien.... tout s'est passé si vite... des formes... puis plus rien. Je me souviens juste d'un grand homme... avec une épée ... aussi grande que moi...
- Ce serait lui qui aurait tranché tout l'équipage de cette manière?, s'exclama le maire.
- Ou..Oui, répondit faiblement Samuel.
La fatigue eut finalement raison du jeune homme qui se rendormi. Un peu troublé de ce qu'il venait d'apprendre, le maire se leva, et sortit de la pièce sans bruit. Tout en marchant, il repensait à cette conversation: tout se bousculait dans sa tête:
- "Bon sang, cela tient de la malédiction. Qu'a-t-il bien pu leur arriver? Ces rochers qui sortent de l'océan, cet homme qui aurait tranché un équipage entier à lui tout seul...
Ne regardant pas sa route, le maire heurta sans le vouloir Miss Mindy, sa secrétaire:
- Veuillez m'excusez, M. Catarazzi!, s'écria-t-elle en remarquant qu'elle l'avait bousculé.
- Non, non, c'est à moi de m'excusez, j'étais dans mes pensées, fit le maire.
En reprenant son chemin, le maire s'interrompit tout à coup et se retourna brusquement:
- Miss Mindy!!, cria-t-il à travers le couloir.
La secrétaire, qui avait bien entendu son nom, accourut aussitôt:
- Un problème, M. Catarazzi?, demanda-t-elle.
Celui-ci sortit un bout de papier de sa poche, et griffonna quelque chose dessus. Miss Mindy en fut tout étonnée:
- Pourriez-vous faire recopier ce message en 3 exemplaires, et les transmettre par pigeon voyageur aux maires d'Océania, Sylvestria et Glassdoor, je vous prie?
- Comme il vous plaira, M. Catarazzi, répondit-elle avec un léger sourire.
- Je vous en remercie, répondit le maire avec le même sourire.
Tandis que sa secrétaire s'empressait d'aller à la salle d'impression des courriers, le maire alla sans se presser dans son bureau, s'installa tranquillement sur sa chaise et ouvrit un livre parlant du... Nouveau-Monde?