Note de la fic : Non notée

Le Contrat


Par : Conan
Genre : Action
Statut : C'est compliqué



Chapitre 4


Publié le 22/08/2013 à 19:04:41 par Conan

«  Tu sais, petit, beaucoup de gens pensent que notre temps est fini. Ils se trompent.  »

Le chauve est assis sur une chaise aux coussins de cuir marron. Un bureau d'ébène et d'ivoire le sépare du vieux Sicilien au physique imposant, confortablement installé au fond de son fauteuil marbré de zébrures, aux contours plaqués or. Deux hommes se tiennent debout à une dizaine de mètres derrière le tueur. Dos à la porte, les mains jointes devant eux, des Ray-Ban aux verres fumés cachent leurs yeux, et la crosse d'un pistolet-mitrailleur dépasse de la veste de leur costume. Ils montent la garde à l'entrée du «  Petit Salon  » de Don Trappani.

Ce Petit Salon n'est réservé qu'a deux usages  : les affaires, et les amis. Seulement, la Terre ne porte plus aucun ami d'Aldo Trappani à sa surface, et les affaires du chauve ne se limitent généralement qu'a la mort d'autrui.

Assis, les jambes légèrement écartées et les mains jointes entre ses cuisses, le mastodonte écoute patiemment le Don. Son poitrail se soulève légèrement au rythme de son souffle.

«  Quand les jeunes sont arrivés, je me suis dit  : allons, pourquoi pas  ? Après tout, un peu de sang neuf, quel mal cela pourrait-faire  ? J'ai commencé à les faire travailler. Une petite course par-ci, par-là. C'est tout ce qu'ils demandaient, tu penses, à peine descendus de leur bateau ils devaient bien survivre.  »

Le chauve hoche la tête de temps à autre afin de montrer l'attention qu'il porte au monologue du parrain qui continue son histoire, en roulant les «  r  » et en laissant traîner ses fins de phrases. Parfois, l'une de ses mains aux doigts sertis de chevalières se laisse aller à sa nature Italienne et s'envole de manière plutôt théâtrale que lyrique.

Subitement, sa voix se fait plus forte, plus tonique. Son accent Méditerranéen ne s'en ressent que plus.

«  Mais voilà. Le code d'honneur, ils ne connaissent pas. Ils ne connaissent que celui de la rue. De leurs quartiers de bicots. Ils ne se souviennent pas que moi, Aldo Trappani, je les ai sortis de leurs trous à rats. Je les ai nourris. C'est grâce à moi, si aujourd'hui, le lundi, au lieu d'aller pointer à l'usine, ils peuvent se balader sur la croisette, sur la promenade des Anglais, grâce à moi  !  »

Il s'arrête de parler quelques secondes, le temps de sortir un mouchoir de la poche de sa veste blanche pour éponger la sueur qui perle sur son front, avant de reprendre le ton qu'il avait au départ  :

« Tu as fait du bon boulot l'autre soir. J'ai vu les photos. Du très, très bon boulot. Exactement ce que je voulais ».

Si l'on ne savait pas de quel sujet il s'agissait, tout pourrait porter à croire que le Don parle d'une œuvre d'art. Le cynisme de la situation dessine un petit sourire carnassier au coin de la lèvre du chauve. Un sourire vite dissipé par la suite du discours de Don Trappani.

«  Je ne sais pas comment tu t'y es pris, et je ne veux pas le savoir. Mais le fait est là  : tu es doué. Et j'aurai encore besoin de toi ces prochains jours  ».

Clôturant cette phrase, il se baisse au-dessus de son bureau et appuie sur un petit boiter noir posé dessus avant de dire quelques mots en Italien. Puis, sa phrase terminée, il relâche le bouton. Aussitôt après, la porte du Petit Salon s'ouvre, et une jeune femme aux formes généreuses et à la tenue légère entre dans la pièce en tenant un plateau d'argent sur lequel est posée une enveloppe de papier kraft qu'elle pose sur le bureau avant de repartir sans dire un seul mot. Les deux gardes ferment la porte derrière elle après avoir épié son départ par-dessus leurs verres solaires et reprennent leur position initiale.

Le Don tend l'enveloppe au chauve qui l'ouvre. A l'intérieur se trouvent trois photos, une par homme. L'un d'entre-eux est Maghrébin, les deux autres semblent noirs ou métis.

«  Ces trois petits enfoirés me croient déjà au fond du trou. Ils attendent que le juge m'envoie au mitard pour reprendre le flambeau. Ils pensent vraiment pouvoir enculer ma famille. Je veux que tu t'occupes d'eux.  »
-Tous les trois  ? Interroge le chauve.
-Oui, oui. Tous les trois. Je t'en offre trois mille balles par tête.

Le tueur tourne la photo, cherche dans l'enveloppe, sans rien trouver, puis demande  :
-Il me faut plus d'informations, des noms, des adresses, de quoi les trouver. Il n'y a qu'une photo.

Le Sicilien sourit  :
-T'en fais pas. Ce soir même, ils se réunissent chez le premier, Younis. Dit-il en montrant le Maghrébin sur la photo. C'est leur petit rituel  : avant d'aller conclure un deal, il faut qu'ils se rejoignent chez l'un d'entre-eux, prendre de quoi se donner du courage, se galvaniser. Tout ce que tu as à faire, c'est d'y aller et les envoyer ad-patrès. Moi, je m'occupe du reste.
-Il me faudra une arme. Vous pourrez me la fournir  ?

Le vieil homme écarte largement ses bras, comme pour désigner sa maison toute entière, et part dans un grand éclat de rire  :
-A qui crois-tu t'adresser  ? Tu veux une arme  ? Deux  ? Trois  ? Dix armes  ?

Le tueur sourit.
-Non. Je n'en veux qu'une seule.


Après avoir réglé les formalités, l'homme quitte le Petit Salon, après plus d'une heure d'entrevue avec le Parrain. Il y a longtemps qu'une si juteuse affaire n'avait pas été négociée entre ces murs.

En sortant de la grande villa blanche, isolée dans les collines verdoyantes de l'arrière-pays, baignée par un soleil chaud et bercée par un ciel d'azur, le chauve passe devant la piscine dans laquelle barbotent plusieurs filles de la même tenue que celle ayant apporté le dossier au Parrain, et alors qu'il marche lentement devant elles en remettant ses lunettes de soleil, les rires et les cris cessent, pour laisser la place à un silence lourd et pesant. Le tueur laisse un goût âcre et une odeur de mort derrière lui.


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