Note de la fic : Non notée
Publié le 19/08/2013 à 01:16:20 par Pseudo supprimé
C'est alors qu'une chose impossible se produisit. Étalé au sol, Rushu sentit que quelque chose s'éveillait aux tréfonds de l'âme du magicien. Dans les régions les plus noires de son être. Sa main trembla, agitée de légers soubresauts, parcourue de craquements, ondulant presque, tandis que les tendons se déchiraient, les os se ressoudaient... Ses ongles s'allongèrent, gagnant en épaisseur, se courbant, pénétrant dans la chaire rosâtre qui tenait lieu de sol.
Tout le monde s'était figé, accablé par un voile d'obscurité, tombé en un instant. Et l'homme que tous contemplaient n'en était déjà plus un. Son visage, parsemé de craquements sourds se transformait lentement, s'allongeant en un terrible museau canin tandis que son front, recouvert de poils s'étirait vers l'arrière. Les mâchoires s'écartèrent sur de puissantes babines dardées de crocs, tandis qu'une voix difforme, grave et profonde en sortait, évoluant au fil de la transformation vers un grognement sourd :
« Regardez-moi ! Je veux que vous me regardiez, lorsque je vous tuerais !»
Fixant l'attroupement de ses yeux d'un bleu glacial, la créature se mit en mouvements, lentement, laissant glisser ses puissantes griffes sur le sol, comme pour les aiguiser. Ses muscles saillants roulaient tandis qu'elle avançait pas après pas, brulant d'une noire magie, ignorée de tous.
Les équidés, emplis d'une terreur sans bornes, tentèrent de s'enfuir. Courant plus vite qu'il ne l'avait jamais fait !... Mais ce n'était pas suffisant. Mue par la puissance nouvelle que lui octroyaient ses muscles canins, la créature de la nuit franchit d'un bond la distance qui la séparait d'une de ses proies.
Sa mâchoire claqua sur sa cheville, transperçant les chaires, broyant les os, comme des brindilles. Hennissant de douleur, le poney tomba à terre. Il tenta de se relever sur trois pattes, dans un sursaut de détresse. Mais les crocs se refermèrent à nouveau sur l'autre membre, le brisant en un instant, arrachant des larmes de terreur.
S'effondrant à terre, la pauvre victime isolée se retourna. En contemplant l'horizon, elle cria de toutes ses forces en grattant la chair rose de ses sabots... En vain, ses amis étaient partis, ils galopaient au loin... Et le grondement terrible du prédateur se rapprochait inexorablement.
Alors regardant, épouvanté, la créature qui s'approchait en le fixant de ses mêmes yeux démoniaques, elle se mit à gémir de désespoir. Sa fin arrivait.
La bête infernale bondit sur son torse, le labourant de larges coups de griffes. Tranchant le cuir, creusant la chaire, perforant les muscles, broyant les cotes et déchiquetant le mince tissu des poumons. Le massacre se poursuivait sous les hurlements de douleur et de terreur de sa proie encore vivante.
Puis, la créature plongea son museau dans les entrailles qui reposaient à l'air libre. Cherchant son butin, ses mâchoires se refermèrent sur le cœur chaud de sa proie. D'un claquement sec, il éclata dans sa gueule, libérant une gerbe de sang qui coula jusque dans sa gorge.
Tout était fini... Aussi simplement. Baignant dans une mare sanguinaire, le loup porta son regard vers l'astre rayonnant dans le ventre de l'Ogre. C'est alors qu'une plainte surgit, en honneur à cette puissance fantastique qui était là longtemps avant lui, et qui demeurerait bien après sa mort. Immortelle, cette lueur divine réveillait ses instincts d'animal.
Mais, il n'eut pas le temps de finir sa douce mélodie. À peine son ode avait-elle commencé que le sol se mit à onduler vigoureusement. En un instant, une masse titanesque envoya la créature s'écraser à plusieurs mètres.
« Putain bien joué !!! À table ! Je crève la dalle !»
Exultant de bonheur Rushu s'était rué sur le cadavre. Baignant dans son propre sang, l'équidé semblait le regarder de ses yeux vitreux. Mais l'Ogre n'y prêtait pas attention, il avait déjà commencé à manger, gobant tel un serpent une patte en entier avant de la sectionner d'un coup de dent. Soupirant de contentement, il réitéra l'opération. Ça le faisait même rire, les nerfs tressautaient encore, lui chatouillant la bouche. Décidément, c'était vraiment mieux que quand il était géant. Il avait tellement plus à manger !
Au loin le loup s'agitait, roulant au sol, reprenant lentement forme humaine. Ses traits se détendirent peu à peu tandis que ses pattes s'allongaient dans un concert de craquements sonore. Alors, prenant appui sur des pattes qui se réorganisaient encore, le mage aboya d'une voix d'un autre monde :
« Pourquoi tu m'as jeté à terre, t'es fou ?! Qu'est-ce qui te passe par la tête ?!
— J'avais... hummhch... t'allais tout bouffer !»
Cette réponse semblait se suffire à elle-même. Entre deux bouchées Rushu avait pris le temps de répondre, non sans poursuivre son repas. Du corps, les membres avaient tous disparu, et il s'attaquait déjà au tronc, avalant, sans macher et sans distinction. Que ça soit cartilage, veines ou même les os : leur sort restait équivalent, tout finissait dans sa panse sans fond.
« En plus.. hummhch... t'as pris le meilleur morceau !
— Non, mais sans déconner, tu l'as presque fini à toi tout seul ! Et il fait quasiment ta taille en plus ! Tu l'as mis où ?
— J'ai pris que 8 repas aujourd'hui et on est déjà en fin d'après midi ! T'imagines ?!
— Tu viens de le finir à toi tout seul... En même temps vu ce à quoi ressemble ton ventre, je ne serais pas étonné qu'il nous réserve d'autres surprises.»
Le magicien fronçait des sourcils. Ses vêtements déchirés, imbibés de sang lui donnaient l'allure d'un véritable psychopathe. Il poursuivit d'un ton sec :
« À présent, occupons-nous de ce dragon.»
Rushu éructa, avant de tourner vivement la tête. Il s'empressa d'approuver :
« Ouais ! Ouais t'as raison ! Mais c'est moi qui croque le premier cette fois !
— On ne va pas le tuer ! On veut des informations, merde !
— Mais t'as dit qu'on allait s'en “occuper”... De toute façon, avec un peu de chance il sera déjà mort !»
Rien qu'à cette pensée, l'eau lui montait à la bouche. En croquant ce poney, l'Ogre n'avait jamais aussi bien mangé de toute sa vie ; le dragon semblait encore meilleur et bien plus gros encore ! Dans un léger bruit cristallin, quelques gouttes de baves s'écrasèrent sur le tapis moelleux.
Mais le mage le sortit bien vite de ses pensées :
« Lui seul peut nous aider à retrouver ta femme, il doit savoir où elle a atterri. Mais peut-être que tu t'en moques après tout...
— OK ! Rushu grognait de dépit. Ça va, ça va t'as raison... Je le mangerais quand il nous l'aura dit...»