Note de la fic : Non notée
L__Autobiographie_de_Kaileena
Par : Pseudo supprimé
Genre : Inconnu
Statut : C'est compliqué
Chapitre 7 : Le Prédateur (suite)
Publié le 19/08/2013 à 01:15:34 par Pseudo supprimé
Le tigre était là, derrière moi. J'étais heureuse de le revoir, pensant qu'il pourrait nous secourir. La joie dans mon expression, je me retournai pour le saluer. Sa prestance était la même, depuis la fois d'avant, mais cela venait par contre plus d'une immobilité que d'une belle démarche. Bien que notre séparation n'eût guère duré, je percevais un certain changement dans son attitude. Ses poils mouillés rebiquaient, ce qui lui octroyait une allure très intimidante. Le bruit de sa gorge semblait un peu hostile. Il ne ronronnait plus. Il grognait. Que pouvait-il bien se passer dans la tête de ce grand animal ? Je me demandais soudain s'il était possible qu'il ne sache plus qui j'étais. Qu'il m'ait oubliée.
À cet instant, Zohak se réveilla. Allongé dans un coin de la paroi, le félin ne l'avait pas remarqué. Lentement, il releva la tête, et s'aperçut qu'une chose inhabituelle survenait. Tandis qu'il se contorsionnait la nuque vers la gracieuse bête, je lui montrais d'un sourire le ravissement dont il m'avait prévenu sur la plage, à la vue de cet être vivant pas tout à fait comme les autres. Nos deux regards se croisèrent.
« Tu as vu, Zohak ? Il est magnifique... »
Son visage se tétanisa tout d'un coup. Il me fit promptement signe de ne rien dire, et par conséquent de ne pas bouger. Le fauve, lui, semblait réservé à d'autres songes. Son regard jaune était tourné vers les bébés. Une supposition incongrue frappa alors mon esprit. Je me demandai si les petites créatures n'étaient pas ses progénitures. Dans ce cas je comprenais parfaitement le risque pour le tigre de nous considérer comme un danger sérieux. La sécurité qu'il pouvait leur souhaiter allait bien au delà de notre accueil chez lui. Nous n'étions pas les bienvenus, ce pourquoi nous devions partir au plus vite. Toutefois, il y avait un autre sentiment qui me faisait regretter cette situation présente. Il m'est difficile de correctement retranscrire ce qui pouvait m'avoir gagné à cet instant, mais il me semble parfois qu'il s'agissait de jalousie. La fascination du félin à mon égard s'était maintenant détournée dans l'instinct protecteur d'un père. Car inconsciemment, c'était bien ce sexe mâle que j'avais attribué à ce tigre, avant même de savoir comment les différencier. Après plusieurs secondes, je fus tirée de mes pensées symboliques par l'éclat d'un reflet qui échappait à la responsabilité météorologique. Dans les ténèbres somnolentes de la caverne, je vis une lame luire, à la ceinture du zervaniste.
L'animal surprit sa présence. Il fit volte-face et le prêtre dégaina son poignard affuté.
La bête rugit. Ses pattes bondirent.
« Nooooon ! » gémissais-je en plein panique.
L'homme se précipita sur son cou. Le monstre le plaqua d'un seul mouvement sur la surface de pierre. Littéralement affolée, j'intervins pour empêcher le drame. En larmes, je sautai sur le dos de la créature. Cette dernière vociféra.
« Kaileena ! Va-t-en ! m'intima l'adulte, en très mauvaise posture, essayant tant bien que mal de repousser la gueule carnassière du monstre.
Sa salive filamenteuse lui aspergeait les paupières.
- Jamais je t'abandonnerai ! m'exclamai-je.
J'étais une petite fille. Oui, j'étais naïve. Et j'ai longtemps pensé que Zohak comptait pour moi, au point que je fasse le serment d'être toujours à ses cotés. Mais en fin de compte je me dis aujourd'hui que mon seul intérêt dans cet agissement était celui personnel de connaître plus tard ce qu'il voulait me cacher. J'avais la conviction que ce jour arriverait. À la condition que le grand homme survive d'ici là. Quant à l'affection, elle n'avait rien à voir avec ce qui m'incitait à la rescousse. De manière subordonnée sinon. Quoi qu'il en soit, lui aussi dut s'y leurrer, car en voyant ma ténacité il sollicita ma collaboration face à ce prédateur.
- A... Appuie sur son bassin ! » me lança-t-il.
J'obéis sans réfléchir, sans le moindre soupçon de ce qu'il envisageait de faire. Il était plus âgé que moi, il avait sûrement une raison. Je ne cherchai pas plus loin, en reculant sur l'arrière du fauve jusqu'à lui faire fléchir les pattes postérieures. Ma petite taille m'empêcha de voir plus loin que ses hautes épaules. Je ne pus donc voir comment le grand homme en vint à bout. Il fit un violent mouvement. Le fauve gémit. Son soubresaut me fit perdre l'équilibre. Alors que je roulai par terre, j'entrevis au dessus mon compagnon se jeter pour la seconde fois sur la bête mystérieusement plaintive. Car je ne voyais nulle part quelle blessure pouvait expliquer sa souffrance. J'avais l'impression d'avoir manqué un paramètre décisif, détachée deux secondes à peine des faits. Ce ne fut pourtant pas là que se concentra ma stupeur quand je vis, horrifiée, avec quelle barbarie l'autre adversaire l'attaqua. Il poussa un cri plus bestial encore que celui du félin. Ce cri avait quelque chose de cruel et de démentiel. Dès ce moment-là, je savais que je ne pourrais plus jamais voir Zohak de la même manière. En réalité, j'avais encore tant de choses à découvrir...
La dague de fer se planta sourdement. Le tigre ne put même pas réagir, si ce n'est d'un faible rictus, aux coins des lèvres. Ses crocs étaient serrés, derrière elles. On aurait dit qu'il se laissait faire, ne bougeant plus un muscle, y compris celui de son diaphragme. Accroché sur l'arme tranchante, son bourreau le tenait toujours de son bras. Tel le châtiment d'une cire noire et brûlante, une coulée de sang lécha sa gorge et son cou, pour ensuite éclabousser la pierre, à petit flot. Ses yeux se plissèrent au ralenti. Sa posture était tragiquement statique. Toute la grotte était plongée dans l'attente. Même Zohak avait encore du mal à réaliser ce qu'il avait commis. Son visage était blanc, à travers l'obscurité. Seul le lointain souffle de la pluie venait perturber le silence de l'instant. Après six secondes, le félin relâcha un dernier râle d'abandon, puis détendit ses muscles, comme tout le reste de son corps inanimé. Sa masse chavira lourdement au sol. Malgré ce forfait, le prêtre jugea plus prudent d'appuyer encore sa domination, en creusant la blessure avec son glaive. Mais cela était inutile. La vie avait déjà quitté le tigre depuis un certain temps.
Tout comme Zohak, je peinais encore à l'accepter, même si je ne pense pas que nous en ayons eu les mêmes préoccupations. La Mort est vraiment quelque chose de bouleversant, pour une jeune fille de l'âge que j'avais. Son absurdité. Son inutilité. Son éternité... Cela est trop dur à concevoir, pour le commun des esprits. Néanmoins il ne me semble pas avoir jamais rapporté ce phénomène sur ma propre entité. Longtemps plus tard (23 ans), je compris le concept de l'Instinct. Et il semblait que le mien me protège de ce genre d'affliction. Pour autant, cela n'en supprimait pas son importance. Le plus dur à admettre était surtout le fait que ce n'était pas là une Fatalité. Le responsable n'était pas le temps qui s'écoule ni un affaiblissement de l'organisme... mais bien un Meurtre. Cela, je ne pouvais absolument pas le tolérer. Dans ma pensée rien ne pouvait justifier que l'on puisse personnellement porter atteinte à l'existence d'autrui. Rien ne justifiait que sa vie passe avant celle d'un autre. À quoi bon toutes ces naissances, alors ? À quoi bon la Sienne ? À quoi bon la mienne ? Et à quoi bon celle de Zohak ? Finalement, quelle fonction devait-il remplir ici-bas que sa victime n'aurait pas fait ? De quel droit son intelligence avait-elle pu se permettre d'en juger ? En un instant, une vague de questions déferla dans mon crâne. J'en perdais mes repères. Je ne savais plus quoi penser, où aller, qui aimer, quand me relever... La grotte tournait autour de moi.
J'étais sur le point de m'évanouir, quand l'image du zervaniste s'approcha de ma personne.
- Kaileena... Qu... Qu'est-ce qui ne va pas... ? Tu ne te sens pas bien... ?
Jamais ce regard si doux ne m'avait à ce point terrifiée. Sa lame était encore ensanglantée, comme une tâche, dans son regard paternel. Une hypocrisie régnait dans cette scène. Il mentait. Il mentait cruellement. Mon coeur ne fit qu'une convulsion.
- Laisse-moi ! aboyai-je. Ne t'approche pas !
- Mais enfin...
Il tendit sa main pour me caresser.
- Va-t-en ! » gémis-je, hystérique.
C'est alors que la surface rocailleuse crissa sous mes doigts. La pierre se fissura. Un craquement brisa la roche qui explosa en poussière. La caverne entière subit une violente secousse. Des graviers tombèrent du plafond. Zohak tituba. Des vapeurs opaques jaillirent des fentes et tourbillonnèrent de façon chaotique, me faisant vibrer toutes sensations. Ma vue se troubla. J'étais folle furieuse. Ma respiration était effrénée. Un bourdonnement vrombit contre les parois instables. Un vent puissant rentra par l'ouverture de la grotte avec impétuosité. Le grand homme fut projeté en arrière. Tremblante de tous mes membres, je me relevai et m'enfuis vers l'extérieur. Le sang tambourinait mes tempes. Dehors, la pluie aussi.
À cet instant, Zohak se réveilla. Allongé dans un coin de la paroi, le félin ne l'avait pas remarqué. Lentement, il releva la tête, et s'aperçut qu'une chose inhabituelle survenait. Tandis qu'il se contorsionnait la nuque vers la gracieuse bête, je lui montrais d'un sourire le ravissement dont il m'avait prévenu sur la plage, à la vue de cet être vivant pas tout à fait comme les autres. Nos deux regards se croisèrent.
« Tu as vu, Zohak ? Il est magnifique... »
Son visage se tétanisa tout d'un coup. Il me fit promptement signe de ne rien dire, et par conséquent de ne pas bouger. Le fauve, lui, semblait réservé à d'autres songes. Son regard jaune était tourné vers les bébés. Une supposition incongrue frappa alors mon esprit. Je me demandai si les petites créatures n'étaient pas ses progénitures. Dans ce cas je comprenais parfaitement le risque pour le tigre de nous considérer comme un danger sérieux. La sécurité qu'il pouvait leur souhaiter allait bien au delà de notre accueil chez lui. Nous n'étions pas les bienvenus, ce pourquoi nous devions partir au plus vite. Toutefois, il y avait un autre sentiment qui me faisait regretter cette situation présente. Il m'est difficile de correctement retranscrire ce qui pouvait m'avoir gagné à cet instant, mais il me semble parfois qu'il s'agissait de jalousie. La fascination du félin à mon égard s'était maintenant détournée dans l'instinct protecteur d'un père. Car inconsciemment, c'était bien ce sexe mâle que j'avais attribué à ce tigre, avant même de savoir comment les différencier. Après plusieurs secondes, je fus tirée de mes pensées symboliques par l'éclat d'un reflet qui échappait à la responsabilité météorologique. Dans les ténèbres somnolentes de la caverne, je vis une lame luire, à la ceinture du zervaniste.
L'animal surprit sa présence. Il fit volte-face et le prêtre dégaina son poignard affuté.
La bête rugit. Ses pattes bondirent.
« Nooooon ! » gémissais-je en plein panique.
L'homme se précipita sur son cou. Le monstre le plaqua d'un seul mouvement sur la surface de pierre. Littéralement affolée, j'intervins pour empêcher le drame. En larmes, je sautai sur le dos de la créature. Cette dernière vociféra.
« Kaileena ! Va-t-en ! m'intima l'adulte, en très mauvaise posture, essayant tant bien que mal de repousser la gueule carnassière du monstre.
Sa salive filamenteuse lui aspergeait les paupières.
- Jamais je t'abandonnerai ! m'exclamai-je.
J'étais une petite fille. Oui, j'étais naïve. Et j'ai longtemps pensé que Zohak comptait pour moi, au point que je fasse le serment d'être toujours à ses cotés. Mais en fin de compte je me dis aujourd'hui que mon seul intérêt dans cet agissement était celui personnel de connaître plus tard ce qu'il voulait me cacher. J'avais la conviction que ce jour arriverait. À la condition que le grand homme survive d'ici là. Quant à l'affection, elle n'avait rien à voir avec ce qui m'incitait à la rescousse. De manière subordonnée sinon. Quoi qu'il en soit, lui aussi dut s'y leurrer, car en voyant ma ténacité il sollicita ma collaboration face à ce prédateur.
- A... Appuie sur son bassin ! » me lança-t-il.
J'obéis sans réfléchir, sans le moindre soupçon de ce qu'il envisageait de faire. Il était plus âgé que moi, il avait sûrement une raison. Je ne cherchai pas plus loin, en reculant sur l'arrière du fauve jusqu'à lui faire fléchir les pattes postérieures. Ma petite taille m'empêcha de voir plus loin que ses hautes épaules. Je ne pus donc voir comment le grand homme en vint à bout. Il fit un violent mouvement. Le fauve gémit. Son soubresaut me fit perdre l'équilibre. Alors que je roulai par terre, j'entrevis au dessus mon compagnon se jeter pour la seconde fois sur la bête mystérieusement plaintive. Car je ne voyais nulle part quelle blessure pouvait expliquer sa souffrance. J'avais l'impression d'avoir manqué un paramètre décisif, détachée deux secondes à peine des faits. Ce ne fut pourtant pas là que se concentra ma stupeur quand je vis, horrifiée, avec quelle barbarie l'autre adversaire l'attaqua. Il poussa un cri plus bestial encore que celui du félin. Ce cri avait quelque chose de cruel et de démentiel. Dès ce moment-là, je savais que je ne pourrais plus jamais voir Zohak de la même manière. En réalité, j'avais encore tant de choses à découvrir...
La dague de fer se planta sourdement. Le tigre ne put même pas réagir, si ce n'est d'un faible rictus, aux coins des lèvres. Ses crocs étaient serrés, derrière elles. On aurait dit qu'il se laissait faire, ne bougeant plus un muscle, y compris celui de son diaphragme. Accroché sur l'arme tranchante, son bourreau le tenait toujours de son bras. Tel le châtiment d'une cire noire et brûlante, une coulée de sang lécha sa gorge et son cou, pour ensuite éclabousser la pierre, à petit flot. Ses yeux se plissèrent au ralenti. Sa posture était tragiquement statique. Toute la grotte était plongée dans l'attente. Même Zohak avait encore du mal à réaliser ce qu'il avait commis. Son visage était blanc, à travers l'obscurité. Seul le lointain souffle de la pluie venait perturber le silence de l'instant. Après six secondes, le félin relâcha un dernier râle d'abandon, puis détendit ses muscles, comme tout le reste de son corps inanimé. Sa masse chavira lourdement au sol. Malgré ce forfait, le prêtre jugea plus prudent d'appuyer encore sa domination, en creusant la blessure avec son glaive. Mais cela était inutile. La vie avait déjà quitté le tigre depuis un certain temps.
Tout comme Zohak, je peinais encore à l'accepter, même si je ne pense pas que nous en ayons eu les mêmes préoccupations. La Mort est vraiment quelque chose de bouleversant, pour une jeune fille de l'âge que j'avais. Son absurdité. Son inutilité. Son éternité... Cela est trop dur à concevoir, pour le commun des esprits. Néanmoins il ne me semble pas avoir jamais rapporté ce phénomène sur ma propre entité. Longtemps plus tard (23 ans), je compris le concept de l'Instinct. Et il semblait que le mien me protège de ce genre d'affliction. Pour autant, cela n'en supprimait pas son importance. Le plus dur à admettre était surtout le fait que ce n'était pas là une Fatalité. Le responsable n'était pas le temps qui s'écoule ni un affaiblissement de l'organisme... mais bien un Meurtre. Cela, je ne pouvais absolument pas le tolérer. Dans ma pensée rien ne pouvait justifier que l'on puisse personnellement porter atteinte à l'existence d'autrui. Rien ne justifiait que sa vie passe avant celle d'un autre. À quoi bon toutes ces naissances, alors ? À quoi bon la Sienne ? À quoi bon la mienne ? Et à quoi bon celle de Zohak ? Finalement, quelle fonction devait-il remplir ici-bas que sa victime n'aurait pas fait ? De quel droit son intelligence avait-elle pu se permettre d'en juger ? En un instant, une vague de questions déferla dans mon crâne. J'en perdais mes repères. Je ne savais plus quoi penser, où aller, qui aimer, quand me relever... La grotte tournait autour de moi.
J'étais sur le point de m'évanouir, quand l'image du zervaniste s'approcha de ma personne.
- Kaileena... Qu... Qu'est-ce qui ne va pas... ? Tu ne te sens pas bien... ?
Jamais ce regard si doux ne m'avait à ce point terrifiée. Sa lame était encore ensanglantée, comme une tâche, dans son regard paternel. Une hypocrisie régnait dans cette scène. Il mentait. Il mentait cruellement. Mon coeur ne fit qu'une convulsion.
- Laisse-moi ! aboyai-je. Ne t'approche pas !
- Mais enfin...
Il tendit sa main pour me caresser.
- Va-t-en ! » gémis-je, hystérique.
C'est alors que la surface rocailleuse crissa sous mes doigts. La pierre se fissura. Un craquement brisa la roche qui explosa en poussière. La caverne entière subit une violente secousse. Des graviers tombèrent du plafond. Zohak tituba. Des vapeurs opaques jaillirent des fentes et tourbillonnèrent de façon chaotique, me faisant vibrer toutes sensations. Ma vue se troubla. J'étais folle furieuse. Ma respiration était effrénée. Un bourdonnement vrombit contre les parois instables. Un vent puissant rentra par l'ouverture de la grotte avec impétuosité. Le grand homme fut projeté en arrière. Tremblante de tous mes membres, je me relevai et m'enfuis vers l'extérieur. Le sang tambourinait mes tempes. Dehors, la pluie aussi.