Note de la fic :
Publié le 20/05/2009 à 20:53:01 par Roi_des_aulnes
http://www.jeuxvideo.com/forums/1-50-28497384-1-0-1-0-nouvelle-l-alchimiste.htm
La vie, c'est...
Non, en fait. La vie, ce n'est pas... Ca n'a jamais été aussi clair que... que quoi, d'ailleurs? La vie, ce n'est pas un amour, ce n'est pas une quête, pas un Dieu, pas une révolution, et c'est encore moins une longue succession de petits plaisirs simples. C'est la vie, tout simplement. Beaucoup de bruits, trop de lumières, un peu de parfum, et c'est fini. Il n'y a pas de sens dans tout ça. Pas de but. Pas d'objectif. Je pense que vous aussi, vous l'avez compris.
Bien sur, il y a toujours des moments où on en trouve, des sens. Quand je me suis allongé à coté de ma femme, encore tremblant, dans la nuit rouge où nous nous étions unis pour la première fois. J'avais l'impression de... de l'avoir trouvé. Ce fameux sens caché derrière les lignes.
Mais les fixs, ça ne compte pas. C'est des autoroutes pleines de lumières et d'éclats, de sourires publicitaires et de violons américains. Mais il y a plus rien, après. Après. Après deux semaines, nous nous disputions déjà. Après dix ans, pendant qu'elle m'attendait, je caressais une autre femme. Après trente ans, je ne la désirais plus. Après cinquante, je la haïssais. Et derrière tout ces après, tout ce temps si long et ennuyeux, il restait cette nuit où j'avais eu le courage d'être un idiot.
Je crois comprendre pourquoi j'écris ça. Le goût âpre de l'alcool permet parfois de relâcher le barrage des souvenirs. De faire fleurir, dans la fange de notre quotidien, quelques histoires.
C'était au lycée. A l'époque, déjà, j'habitais dans un rêve. Une belle maison, un pays libre, des parents modernes, une petite soeur adorable, des amis intelligents. Comme tout les rêves, celui-ci ne fut beau qu'aprés le réveil. Et comme tout les rêves, il ne demandait pas d'explications, avançait droit devant lui, traînait derrière mes yeux fatigués, mes oreilles assourdies.
Je ne sais pas depuis combien de temps Nathan était là. Le lycée était grand, et je n'ai jamais entendu dire qu'il avait été nouveau un jour. Moi, au contraire, j'avais le sentiment de l'être depuis le début. Papillonner d'un groupe à l'autre, écouter sans s'attacher, parler sans s'impliquer, rire aux bons moments, passer ses cahiers sans les donner, échanger les numéros sans les utiliser... J'avais toujours fait ça, sans me poser de questions, pour passer le temps. A seize ans, la vie paraît déjà longue, et ennuyeuse. Il faut bien trouver de quoi s'occuper.
Il fut dans ma classe en première. Il était grand, brun, avec un drôle de sourire à la fois naïf et triomphant, celui d'un bébé. Il regardait la classe avec gourmandise, et s'asseyait un peu au hasard au milieu des groupes. Il ne disait rien, ne riait pas, se contentait de voir, de dévorer les gens avec son sourire. Et on le laissait faire.
Nathan m'a dit un jour, beaucoup plus tard:
-Tu te rend compte, quand même? Dans le lycée, y a plus de deux milles personnes!
-C'est vrai que ça fait beaucoup.
-Non, c'est pas ce que je veux dire. Deux mille personnes! Quand tu penses que chacune d'elle a une histoire, des amis une conscience, un passé... Tu comprends? Ca fait deux mille vies, si on les ajoutes, on peut arriver, à je sais pas, trente ou quarante milles ans de souvenirs! C'est gigantesque! Et quand je pense que j'existe un peu pour tout ça. Si ils se souviennent de moi, je vais peut-être vivre dans les mémoires pendant des siècles!
Mais en fait, Nathan ne les frappa jamais. Ce n'était pas dans ses cordes: Il était transparent. Pas rejeté, non, les plus humiliés des associaux laissent souvent un vague goût amer chez leurs bourreaux. Non, lui, il s'entendait bien avec tout le monde, mais ne se disputait avec personne. ?tait un bon copain partout, un bon ami nulle part. On ne parlait jamais de lui. C'était un fantôme.
C'est par hasard si je l'ai vraiment connu. En quittant un jour le cours de musique, je suis resté, je ne sais plus pourquoi. Il s'était assis au piano, un gros synthétiseur au bruit hideux, et il avait joué deux ou trois notes.
-Tu sais jouer du piano?
-Non, mais... Je veux apprendre. En fait, je voudrais devenir pianiste.
Qu'est ce que je pouvais lui dire? Que tout les pianistes commencent à six ans, et quatre heures par jour? Qu'il commençait à être vieux pour rêver comme ça? Comme pour défier la réalité, j'ai souri, et j'ai dit:
-C'est bien, alors. Bosse bien.
De toute ma vie, je ne l'ai plus jamais vu toucher à un piano. Magie: je me suis demandé si il ne se foutait pas de moi. Intrigué, intéressé, je me suis mis à lui parler. Et le fantôme a prit chair. Aussi soudain qu'un croquemitaine surgit du placard. Un mensonge travesti, un aveu masqué. C'est ça qui la fait naître, qui lui a donné un nom -Nathan- et un visage. Si j'avais déjà su qu'il ne mentait jamais, je ne l'aurai jamais connu.
Ca aussi, c'était un de ces tics. Il m'a expliqué plus tard, en fin d'année de terminale, qu'il s'était juré de ne jamais mentir. Il pouvait éviter les questions, masquer la vérité, mais duper les gens, non. Pourquoi, il ne savait plus vraiment. Il disait que c'était plus amusant comme ça. C'est comme passer du niveau facile à difficile dans un jeu. Tu le fais parce que ça devient plus dur.
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La vie, c'est...
Non, en fait. La vie, ce n'est pas... Ca n'a jamais été aussi clair que... que quoi, d'ailleurs? La vie, ce n'est pas un amour, ce n'est pas une quête, pas un Dieu, pas une révolution, et c'est encore moins une longue succession de petits plaisirs simples. C'est la vie, tout simplement. Beaucoup de bruits, trop de lumières, un peu de parfum, et c'est fini. Il n'y a pas de sens dans tout ça. Pas de but. Pas d'objectif. Je pense que vous aussi, vous l'avez compris.
Bien sur, il y a toujours des moments où on en trouve, des sens. Quand je me suis allongé à coté de ma femme, encore tremblant, dans la nuit rouge où nous nous étions unis pour la première fois. J'avais l'impression de... de l'avoir trouvé. Ce fameux sens caché derrière les lignes.
Mais les fixs, ça ne compte pas. C'est des autoroutes pleines de lumières et d'éclats, de sourires publicitaires et de violons américains. Mais il y a plus rien, après. Après. Après deux semaines, nous nous disputions déjà. Après dix ans, pendant qu'elle m'attendait, je caressais une autre femme. Après trente ans, je ne la désirais plus. Après cinquante, je la haïssais. Et derrière tout ces après, tout ce temps si long et ennuyeux, il restait cette nuit où j'avais eu le courage d'être un idiot.
Je crois comprendre pourquoi j'écris ça. Le goût âpre de l'alcool permet parfois de relâcher le barrage des souvenirs. De faire fleurir, dans la fange de notre quotidien, quelques histoires.
C'était au lycée. A l'époque, déjà, j'habitais dans un rêve. Une belle maison, un pays libre, des parents modernes, une petite soeur adorable, des amis intelligents. Comme tout les rêves, celui-ci ne fut beau qu'aprés le réveil. Et comme tout les rêves, il ne demandait pas d'explications, avançait droit devant lui, traînait derrière mes yeux fatigués, mes oreilles assourdies.
Je ne sais pas depuis combien de temps Nathan était là. Le lycée était grand, et je n'ai jamais entendu dire qu'il avait été nouveau un jour. Moi, au contraire, j'avais le sentiment de l'être depuis le début. Papillonner d'un groupe à l'autre, écouter sans s'attacher, parler sans s'impliquer, rire aux bons moments, passer ses cahiers sans les donner, échanger les numéros sans les utiliser... J'avais toujours fait ça, sans me poser de questions, pour passer le temps. A seize ans, la vie paraît déjà longue, et ennuyeuse. Il faut bien trouver de quoi s'occuper.
Il fut dans ma classe en première. Il était grand, brun, avec un drôle de sourire à la fois naïf et triomphant, celui d'un bébé. Il regardait la classe avec gourmandise, et s'asseyait un peu au hasard au milieu des groupes. Il ne disait rien, ne riait pas, se contentait de voir, de dévorer les gens avec son sourire. Et on le laissait faire.
Nathan m'a dit un jour, beaucoup plus tard:
-Tu te rend compte, quand même? Dans le lycée, y a plus de deux milles personnes!
-C'est vrai que ça fait beaucoup.
-Non, c'est pas ce que je veux dire. Deux mille personnes! Quand tu penses que chacune d'elle a une histoire, des amis une conscience, un passé... Tu comprends? Ca fait deux mille vies, si on les ajoutes, on peut arriver, à je sais pas, trente ou quarante milles ans de souvenirs! C'est gigantesque! Et quand je pense que j'existe un peu pour tout ça. Si ils se souviennent de moi, je vais peut-être vivre dans les mémoires pendant des siècles!
Mais en fait, Nathan ne les frappa jamais. Ce n'était pas dans ses cordes: Il était transparent. Pas rejeté, non, les plus humiliés des associaux laissent souvent un vague goût amer chez leurs bourreaux. Non, lui, il s'entendait bien avec tout le monde, mais ne se disputait avec personne. ?tait un bon copain partout, un bon ami nulle part. On ne parlait jamais de lui. C'était un fantôme.
C'est par hasard si je l'ai vraiment connu. En quittant un jour le cours de musique, je suis resté, je ne sais plus pourquoi. Il s'était assis au piano, un gros synthétiseur au bruit hideux, et il avait joué deux ou trois notes.
-Tu sais jouer du piano?
-Non, mais... Je veux apprendre. En fait, je voudrais devenir pianiste.
Qu'est ce que je pouvais lui dire? Que tout les pianistes commencent à six ans, et quatre heures par jour? Qu'il commençait à être vieux pour rêver comme ça? Comme pour défier la réalité, j'ai souri, et j'ai dit:
-C'est bien, alors. Bosse bien.
De toute ma vie, je ne l'ai plus jamais vu toucher à un piano. Magie: je me suis demandé si il ne se foutait pas de moi. Intrigué, intéressé, je me suis mis à lui parler. Et le fantôme a prit chair. Aussi soudain qu'un croquemitaine surgit du placard. Un mensonge travesti, un aveu masqué. C'est ça qui la fait naître, qui lui a donné un nom -Nathan- et un visage. Si j'avais déjà su qu'il ne mentait jamais, je ne l'aurai jamais connu.
Ca aussi, c'était un de ces tics. Il m'a expliqué plus tard, en fin d'année de terminale, qu'il s'était juré de ne jamais mentir. Il pouvait éviter les questions, masquer la vérité, mais duper les gens, non. Pourquoi, il ne savait plus vraiment. Il disait que c'était plus amusant comme ça. C'est comme passer du niveau facile à difficile dans un jeu. Tu le fais parce que ça devient plus dur.
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Commentaires
- Lucille
21/05/2009 à 20:02:56
J'aime beaucoup le style, assez simple et agréable à lire, même si on devine que tu as du retravailler tes textes plusieurs fois pour qu'ils prennent ce charme.
- momo10
21/05/2009 à 12:04:12
Tes histoires me foutent un pan dans le morale, alors sweet.
- moi-93
20/05/2009 à 22:09:24
j'accroche pas beaucoup mais c'est bien écris et ça a le mérite d'être lu... GG mec
- ArtShoot
20/05/2009 à 21:29:57
Toujours aussi bien
- Rastafari
20/05/2009 à 21:07:18
J'aime :D
- hui
20/05/2009 à 20:57:09