Note de la fic : Non notée
Mon_RDV_avec_cette_fille_tourne_mal
Par : Pseudo supprimé
Genre : Inconnu
Statut : C'est compliqué
Chapitre 4 : Une fin, un début
Publié le 19/08/2013 à 01:14:22 par Pseudo supprimé
Il faisait froid, et la fatigue commençait à se faire sentir.
Je marchais en direction de la casa de Sophia, mais le chemin était long et ennuyeux.
Plus j'avançais, et plus je me demandais s'il ne valait pas mieux retourner chez moi, prendre une bonne douche, et attendre que les messieurs en bleu sonnent à la porte.
J'en avais marre de tout ça, de cette course interminable, de cette odeur putride qui avait pris possession de mon corps et de mes vêtements.
Je voulais simplement être tranquille, pouvoir me poser dans un fauteuil et ne rien faire.
Glander. Ah... oui, glander. J'avais l'impression que cette époque était loin derrière moi...
Je regardais mon portable.
Des appels de ma mère. Elle s'inquiétait sûrement maintenant.
Je n'osais pas lui répondre.
Il était 6h du matin, et les premiers bus allaient bientôt arriver.
Je décidai de prendre ce moyen de locomotion, quitte à passer pour un clochard aux yeux du chauffeur.
Je marchai jusqu'à l'arrêt de bus du 9, le bus qui me mènerait vers cette pute de Sophia, et attendis.
Une demie heure plus tard, le premier bus fit son apparition, et je grimpai les marches pour m'engouffrer à l'intérieur.
Le chauffeur était une chauffeuse. Enfin, un chauffeur déguisé en chauffeuse.
La SMTD aime employer des travestis.
La situation se résumait donc à un clochard puant le vomi et l'urine se faisant conduire par un travelo dans un bus.
Chouette...
Je m'étais assis tout au fond du bus, le plus loin de cette erreur de la Nature qui chantonnait "Et on pousse sur le champignon ! Champi-champi-champignon !" avec un sourire qui laissait découvrir un dégradé de couleur allant du blanc au noir.
De l'art contemporain, sûrement.
Peu importe. J'essayais de faire abstraction de tout ça, et de me reposer un peu. Sophia habitait après le terminus, je le savais car j'avais réussi à checker son adresse en regardant furtivement son carnet de correspondance un jour en classe.
Google Earth avait fait le reste.
Elle habitait une grande maison bleue, adossée à rien du tout.
On y vient en bus, crasseux et puant la mort.
Vous pourrez retrouver ces paroles sur l'album posthume de Maxime Le Forestier.
J'essayais donc récupérer un peu de mes forces, malgré les cris jouissifs du travesti qui n'arrêtait pas de chanter "Appuis sur le champignon-gnon-gnon-gnon-gnon ! Appuis sur le champi, appuis sur la champi, appuis sur le champignon ! Et fourre moi ton champignon dans le cul !!!"
Je me relevais d'un coup, choqué.
Le travelo continuait sa chanson, comme si de rien n'était.
Avais-je bien entendu, ou mes sens me jouaient-ils des tours ?
Je ne le saurai probablement jamais.
Il était 7h30 quand j'arrivai au terminus.
je descendis du bus, le chauffeur me dit "Passez une bonne journée !" en me faisant un clin d'oeil.
Je faillis vomir.
Je marchais jusqu'à cette fameuse maison.
Qu'allais-je dire à Sophia ? Devais-je lui raconter tout ce qui s'était passé ?
Qu'allait-elle dire en me voyant arriver comme ça ?
Les lapins sont-ils vraiment lagomorphes ?
Autant de questions qui torturaient mon esprit déjà assez bien atteint.
Je n'eus pas le temps de chercher des réponses, je tombai nez à nez avec Sophia.
"Toi ? Mais, mais... Qu'est-ce que tu fais là ?
- Ecoute Sophia, c'est une très longue histoire...
- J'ai pas le temps, j'ai mon bus à prendre.
- Celui avec le travelo là, ah..."
Elle ne me répondit pas et continua son chemin, en m'ignorant.
"Hey ! Qu'est-ce qui te prend ? Pourquoi tu fuis ?"
Elle resta muette. Alors voilà, c'est comme ça que ça finit.
Elle m'évite, m'ignore. Moi qui ai tout fait pour la traiter comme une princesse.
Non, ça ne se passerait pas comme ça.
Tu vas m'écouter pauvre connasse, tu vas... ah, ce cul... Mais qu'est-ce qu'il est beau... Non, ressaisis-toi enculé ! Sors ta bite et montre à cette catin qui est le patron ici !!
"Sophia, reste là !
- Et on appuie sur le champi-champignon !
- Toi, ta gueule ! vociférai-je avec force à l'adresse de ce pd refoulé
- Ouh, il est en colère le monsieur qui pue, il voudrait pas plutôt me montrer son joli champignon ?! me répondit le travelo en souriant de ses dents pourries
- Nan mais tu te prends pour qui toi sale travelo de merde ? D'où tu parles à mon mec comme ça ?!"
Sophia... Je retrouvais celle qui faisait battre mon coeur.
Et alors qu'elle arrachait la perruque rousse du chauffeur de bus, je repensais à l'évènement qui m'avait amener jusqu'ici.
J'avais été trop dur avec elle, même si elle n'était pas exempte de reproches.
Elle est si belle, comment ne pas lui pardonner ce geste, après tout...
La voir tabasser le travelo à grands coup de talons dans la gueule confirma ma pensée : je devais la pardonner, et lui présenter des excuses.
Un mâle alpha doit savoir reconnaître ses erreurs quand il en commet.
Car oui, même un mâle alpha fait des erreurs.
"Sophia ?"
Elle se retourna, me regarda, une mèche de cheveux virevoltant au vent lui cachait la vue, elle l'écarta d'un geste sensuel et me répondit, essoufflée : "Oui ?"
Elle avait explosé le travelo qui gisait à terre.
"Tu te débrouilles super bien, c'est bon à savoir si un jour je me fais agressé !"
J'avais réussi à la faire sourire.
Tout n'était pas perdu.
Nous discutâmes longuement devant chez elle et je lui racontai en détail mon aventure depuis que je l'avais laissée au cinéma.
Elle avait de la peine pour moi, et semblait gênée, voire même honteuse.
"Je suis désolée, c'est à cause de moi si tout ça est arrivé. Si je n'avais pas...
- Ne dis rien ! l'interrompis-je - la seule idée de reparler du doigt enculeur me donnait la nausée - C'est ma faute ! J'ai été trop méchant avec toi, je n'aurais pas dû m'emporter comme ça. C'était... stupide."
A ce moment là, je m'attendais à ce que nous nous embrassions. Comme dans les films, des excuses sincères, des retrouvailles passionnées, une histoire d'amour qui finit bien, ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants, blablabla...
Mais rien de tout ça n'arriva. Nous nous contentâmes de nous regarder, c'est tout.
Il y avait comme un malaise entre nous, comme si plus rien ne serait comme avant.
De longues secondes silencieuses défilaient, et, quand je voulus briser enfin ce silence, Sophia prit la parole :
"Bon, et bien... Je crois qu'il est temps de se dire au revoir. Bon courage, bisous."
Mon monde s'écroulait. C'était la rupture la plus pourrie à laquelle j'avais jamais assisté de ma vie. Pas de bol, c'était la mienne.
Je ne la laissai pas faire, bien déterminé à défendre mon bout de gras.
"Quoi au revoir ? Alors ça se finit comme ça ?! Tu ne m'aimes plus ?
- Si mais...
- Mais quoi ? Je t'aime Sophia. J'suis désolé de m'être comporté comme un con, vraiment, mais ne me laisse pas comme ça. Je tiens à toi moi.
- Désolée, ça ne marchera plus, je suis vraiment désolée."
Je ne bougeais plus. Mes muscles de la mâchoire étaient contractées. Le temps se figea. Je luttais pour rester maître mais, les sentiments prirent le dessus.
"SALE PUTE !"
Elle me regarda, choquée, et je partis, sans dire un mot.
J'enjambais le corps du travelo qui, me voyant arriver, essaya de dire "champignon" mais n'y arriva pas.
Ma relation avec Sophia venait de se terminer, brutalement, et pour toujours.
Au même moment, mon téléphone sonna.
C'était ma mère.
Je décrochais le téléphone, stressé à mort.
Les flics avaient dû débarquer à la maison.
"Mais qu'est-ce que tu branles ?
- Maman ?
- Ouais maman... T'étais où ? criait-elle
- Euh... t'es toute seule ?
- Quoi ?? Nan j'suis pas toute seule, j'ai ton chat qui arrête pas de gratter la porte du placard alors qu'il a déjà mangé, et si tu m'expliques pas tout de suite pourquoi t'as pas dormi à la maison cette nuit, il n'aura plus jamais faim... Est-ce tu vois où je veux en venir ? "
Ma mère est censée être secrétaire pour un cabinet de comptabilité, mais je la soupçonne d'avoir trempé dans des affaires louches à Guantanamo.
Apparemment les flics n'étaient pas là, ce qui me rassura.
Je n'avais plus qu'à l'embobiner comme à l'accoutumée.
"Ben j'ai dormi chez Victor en fait, tu vois qui ?
- Non
- Ben c'est un pote de ma classe, le mec là, avec ses cheveux blonds, bouclés.
- Ca me dit rien du tout. Tu me mens ! lança-t-elle
- Mais si, le blond avec son air efféminé, il est déjà venu à la maison !
- Ah, le pédé !
- Voilà !
- Ben il fallait le dire plus tôt !"
Elle était soulagée, et moi aussi.
Je la rassurais et lui disais que je rentrais bientôt, avant de raccrocher et de penser à Victor.
C'est vrai qu'il avait vraiment l'air d'un gay.
Et toutes ces fois où il faisait des blagues sur le fait de se faire enculer par un Congolais.
Et le fait qu'il me fasse la bise pour me dire bonjour.
Et la fois où il m'a touché la bite en soirée quand on était totalement ivres, mais que c'était pas gay car il ne m'avait pas touché les boules.
Etait-il plus qu'un simple mec efféminé ?
Je n'étais plus vraiment sûr de rien, et décidai de parler de mon doute à la personne qui saurait le mieux m'aider à lever le voile sur ce mystère sexuel : le travelo champignon.
Je partis donc vers ce monsie... euh, cette mada... euh, cette personne, qui essayait péniblement de se relever.
La gueule ensanglantée, le travelo peinait à se mettre debout.
Je me posai devant lui et attendis qu'il termine sa besogne, n'osant pas l'interrompre, par respect pour sa démarche.
Quand il eut enfin réussi à poser son cul sur la marche du bus, j'applaudis en le félicitant et lui posai la question qui me brûlait les lèvres :
"Dites euh... Comment est-ce que je dois vous appeler au fait ?
- Bof, tu peux m'appeler Françoise mon chou, répondit-il, elle, j'en sais rien merde, en s'essuyant la joue avec sa manche.
- D'accord très bien... Françoise..., (j'essayais de sourire pour amorcer un climat de confiance, mais pas trop pour qu'il comprenne que mon champignon resterait dans mon slip), très bien ! Dites-moi, est-ce qu'un gars qui vous touche la bite...
- La bite ?
- Oui euh, le champignon quoi.
- Ah...
- Est-ce qu'un gars qui vous touche le champignon pendant une soirée, est-ce que ça signifie qu'il est gay ?
- Oh que oui mon coquin !
- Même s'il ne touche pas les couilles ?
- Alors là ça dépend, il t'a titillé le prépuce ?
- Euh... Je ne crois pas non.
- Dommage, les garçons aiment ça quand on leur titille le prépuce... Tu veux que je te montre ?"
Je lui répondis par un Mawashi-Geiri en pleine tête.
Le travelo tomba, sonné.
"Désolé Françoise, c'était instinctif.
- Pfa grafe.
- Alors c'est gay ou pas ?
- Non, ne t'infètes pas, f'est pas fay" me répondit Françoise en essayant de me faire un clin d'oeil.
Ce clin d'oeil n'avait rien de rassurant et je m'enfuis en courant, loin de ce travelo inquiétant.
Vingt mètres plus loin, je reprenais mon souffle.
Il fallait que je rentre chez moi, le plus vite possible.
Je marchai jusqu'à l'arrêt de bus le plus proche et attendis.
Le bus arriva, et devinez qui était déjà dedans ?
Les weshs.
"Yooooo !!!! Wesh devinez qui c'est ?"
Sofiane m'accueillait comme si j'étais un de ses frères.
"Alors mec, t'as aimé notre cadeau ?
- L'évasion ?
- Ouaiiis ! En mode Hollywood kho !
- D'ailleurs, j'ai récupéré ça, en souvenir."
Je lui montrais le petit mot qu'ils avaient laissé aux flics lors de leur évasion.
Sofiane sourit et me checka la main, comme si j'avais réalisé l'impossible.
"Je t'aime bien toi, me dit-il, mais faut que tu penses à te laver. Tu pues la mort kho.
- J'ai pas encore eu l'occasion de rentrer chez moi en fait.
- Ah... Hey t'oublies pas pour Samedi hein, t'es toujours ope ?"
J'hésitais encore. Je ne le connaissais ni d'Adam, ni d'Eve, ni de Muhammad ni d'Aïcha, mais il avait été vraiment cool avec moi, et s'ils avaient voulu, ils auraient pu me laisser enfermé dans la cellule.
J'acquiesçai à sa question et lui assurai que je serai là Samedi, à la Clochette.
Il sourit, et repartit au fond du bus avec ses potes.
Je m'assis devant et pensai à Samedi.
Je n'arrivais pas à m'imaginer comment se déroulerait ce RDV.
Serait-ce guet-apens ? Sofiane avait-il un travail pour moi ?
Je savais que l'histoire tournerait autour de la drogue, la Clochette est connue pour ça.
Mais pourquoi faire entrer un "inconnu" dans le business ?
Je me posais trop de questions.
Je sortis mon portable et commençai à jouer aux échecs pour passer le temps.
Au bout de cinq minutes, je rangeai le portable dans ma poche, rageant de m'être fait détruire au niveau Débutant.
Fils de pute de cavalier de merde.
Le bus arrivait au terminus, je devais encore prendre le 7 qui me ramènerait chez moi.
Que le chemin était long et ennuyeux !
Alors que je m'engouffrai dans le nouveau bus, un détail m'échappa : comment les weshs avaient-ils réussi à s'échapper de leurs cellules ? Pourquoi étaient-ils aussi sereins ? Les flics ne chercheraient-ils pas à remonter jusqu'à eux ?
Je descendis du bus pour leur poser la question, amis ils n'étaient plus là.
Disparus, volatilisés.
Quand j'entendis la porte se fermer, je compris que le bus démarra. Sans moi.
Je tapai à la porte, le conducteur me regarda et continua sa route.
L'enculé. Je courus et me postai devant le bus, prêt à me faire écraser.
Le conducteur fut obligé de s'arrêter, mais ne décida pas pour autant à ouvrir sa porte.
Au contraire, il ouvra la petite fenêtre et passa sa tête en dehors pour me crier : "Oh ! Qu'est-ce que tu fous là ? Bouge !"
Je n'allais pas me laisser faire !
Je ne bougeai pas et lui ordonnai de me laisser monter.
"Tu montes tu descends, c'est pas un moulin ici ! Allez casse-toi !
- J'ai payé mon ticket ! Laissez moi monter !
- Nan, trop tard ! allez bouge !"
Les passants s'étaient arrêtés et regardaient successivement le chauffeur et moi, leurs yeux vaguant de l'un à l'autre, comme pour un match de ping pong.
Sentant la victoire m'échapper, je me décidai à tenter un flip pour marquer le point décisif :
"J'ai payé mon ticket alors tu vas me laisser monter bâtard !
- Quoi bâtard ?
- Ouais, bâtard.
- Oh putain je vais me le faire celui-là !"
Et alors que le chauffeur descendit du bus en retroussant ses manches, des Témoins de Jéhovah qui avaient assisté à la scène profitèrent de ce moment pour s'adresser au peuple égaré :
"Réveillez-vous ! Jéhovah Dieu est parmi vous ! Monsieur le chauffeur, ne cédez pas à la colère engendrée par le Diable ! Cet enfant est égaré, ramenez le à la raison, ne vous égarez pas comme lui !" annonçait une femme très classe, très élégante, avec un sourire bienveillant.
Le chauffeur lui cracha un gros mollard au visage en lui répondant qu'il en avait rien à foutre de Dieu, et marcha dans ma direction.
"Oh putain mais je vais lui niquer sa race !
- Géraldine, un peu de tenue voyons !
- Toi, TA GUEULE !"
La religieuse se nettoya le visage avant de sortir une bombe lacrymo de son sac et courut vers le chauffeur.
Elle lui aspergea le visage de gaz en criant, pleine de rage "Voici la réponse de Jéhovah, HÉRÉTIIIQUE !!!"
Je m'éloignai de ces gens bizarres, discrètement.
Maintenant je n'avais plus de bus pour rentrer.
J'avais plus que ma gueule à pattes.
Mon calvaire était loin d'être fini...
Je mis un peu plus d'une heure à rentrer chez moi.
Durant tout le trajet j'avais eu droit à des grimaces et des regards inquiets de la part des automobilistes qui croisaient mon chemin.
Parfois j'allais me cacher derrière des voitures ou des arbres quand j'entendais une sirène de police.
Il était 11h, et j'étais enfin rentré chez moi.
La porte était fermée, ma mère était au travail.
Je sortis ma clé, l'insérai dans la serrure et tournai la poignée quand j'entendis :
"Monsieur, vos papiers s'il vous plaît !"
Et merde...
La voix du type me rappelait quelque chose...
"Monsieur, les papiers du véhiculeuh s'il vous plaît !"
Oh shit ! C'était le flic qui m'avait arrêté !
Mais il ne semblait pas s'adresser à moi. Je me retournai discrètement pour m'en assurer et je le vis contrôler une 205 garée sur le trottoir, à quelques mètres de moi.
Je me dépêchai de me faufiler en douce chez moi, et refermai la porte en la verrouillant à double tour. Comme j'habitais une vieille maison de cité, je ne pouvais la fermer que d'un tour.
J'étais enfin chez moi ! Loin de tous ces problèmes, j'étais enfin tranquille, au calme, et surtout, en sécurité.
La première chose que je fis fut de me foutre à poil et de courir sous la douche.
Il fallait que je me décrasse, que je brûle ces fringues qui puaient la mort.
Et pendant que je me touchais le sexe avec du gel douche Tahiti à l'orchidée sauvage, car j'aime quand c'est sauvage, je repensais au flic...
Et à ma caisse !
J'avais laissé ma caisse garée près du ciné pendant deux jours !
Putain de merde ! Quel con !
Il fallait que j'aille la récupérer avant que quelqu'un la vole, ou qu'on la mette en fourrière, ou qu'un chien pisse sur mon pneu arrière gauche, ou qu'un junkie essaie de forcer la serrure pour pouvoir passer la nuit au chaud en écoutant la radio.
Sauf que j'ai pas de radio, problem solved.
Une demie heure plus tard, je sortis enfin de la douche.
J'avais privé 346 Éthiopiens d'eau, mais j'étais propre.
Et prêt à récupérer la bagnole.
Mais pas tout seul. J'irai avec Victor. Après tout, c'est à cause de lui si je me trouve dans la merde aujourd'hui.
Je compose son numéro sur mon portable, ça bip.
Quelques secondes plus tard, je tombe sur la messagerie...
"Yo, t'es bien sur le phone de Vic' mon pote, j'suis pas dispo t'as vu alors laisse moi un message après le bip et je te rappellerai si c'est intéressant ! Hey Mike, toi laisse tomber, me casse pas les couilles avec ta ferraille à la con ! Tchô !"
Fait chier jamais dispo ce mec.
Je décidai de lui laisser un message vocal, pour le prévenir de l'urgence de la situation :
"Rappelle tocard."
Laissez moi vous parler de Victor et de notre rencontre.
Victor est un gars que j'ai rencontré il y a deux ans.
J'étais en fac de droit, je glandais. Il était en fac de droit, il travaillait. Puis il m'a rencontré, et il s'est mis à glander.
Ne jamais sous estimer l'influence d'un gland. Il peut te la mettre profonde.
C'est ce qui est arrivé à Victor. Ma paresse et ma nonchalance l'ont contaminé, et désormais nous errons tous deux comme des clochards à la recherche d'une bouteille de vin vide.
Si vous n'avez pas compris le message, alors je vous pisse à la gueule.
Victor et moi avons foiré notre année de droit, répondant que l'usufruit était un ensemble de fruits exotiques destinés à être préparés en salade.
Notre naïveté nous perdra sans doute.
Du coup, un lundi du mois d'août, nous nous sommes dits qu'il serait bien de chercher un BTS car il commençait doucement à se faire tard.
Il ne restait plus que le BTS Assistant Manager, secrétaire en somme, et c'est ainsi que nous nous sommes lancés dans l'aventure la plus chiante de notre vie.
Mais osef, il était là pour moi, et moi j'étais là pour lui. De temps en temps.
Peu importe, ce qu'il faut retenir de Victor, c'est qu'il est un ami fidèle, mais un peu con.
Ni plus ni moins. Une sorte de labrador qui parle.
Mon téléphone sonna, c'était Victor.
"Ouais ?
- Ouais mec, tu m'as appelé ?
- Ouais, tu fais quoi ?
- Ben j'suis en cours !
- Mytho !
- Comment tu sais, t'y es ?
- Nan.
- Enculé. Tu m'as vu ?
- De quoi j't'ai vu, nan ! Bref, y a moyen que tu me rendes un service mec ?
- Dis-moi tout bébé.
- Vas-y ta gueule. Faut que tu passes chez moi avec ta caisse, j'ai besoin d'aller au ciné récupérer un truc important.
- J'suis devant chez toi connard, je viens de me prendre un PV par un putain de flic !
- Hein ?
- Mais ouais, j'ai oublié mon A, ce bâtard il m'a cassé les couilles. Avec son accent marseillais en plus, Bonjoureuh Monsieur !
- Oh putain...
- Quoi ?
- Je te raconterai. Viens chez moi."
Je marchais en direction de la casa de Sophia, mais le chemin était long et ennuyeux.
Plus j'avançais, et plus je me demandais s'il ne valait pas mieux retourner chez moi, prendre une bonne douche, et attendre que les messieurs en bleu sonnent à la porte.
J'en avais marre de tout ça, de cette course interminable, de cette odeur putride qui avait pris possession de mon corps et de mes vêtements.
Je voulais simplement être tranquille, pouvoir me poser dans un fauteuil et ne rien faire.
Glander. Ah... oui, glander. J'avais l'impression que cette époque était loin derrière moi...
Je regardais mon portable.
Des appels de ma mère. Elle s'inquiétait sûrement maintenant.
Je n'osais pas lui répondre.
Il était 6h du matin, et les premiers bus allaient bientôt arriver.
Je décidai de prendre ce moyen de locomotion, quitte à passer pour un clochard aux yeux du chauffeur.
Je marchai jusqu'à l'arrêt de bus du 9, le bus qui me mènerait vers cette pute de Sophia, et attendis.
Une demie heure plus tard, le premier bus fit son apparition, et je grimpai les marches pour m'engouffrer à l'intérieur.
Le chauffeur était une chauffeuse. Enfin, un chauffeur déguisé en chauffeuse.
La SMTD aime employer des travestis.
La situation se résumait donc à un clochard puant le vomi et l'urine se faisant conduire par un travelo dans un bus.
Chouette...
Je m'étais assis tout au fond du bus, le plus loin de cette erreur de la Nature qui chantonnait "Et on pousse sur le champignon ! Champi-champi-champignon !" avec un sourire qui laissait découvrir un dégradé de couleur allant du blanc au noir.
De l'art contemporain, sûrement.
Peu importe. J'essayais de faire abstraction de tout ça, et de me reposer un peu. Sophia habitait après le terminus, je le savais car j'avais réussi à checker son adresse en regardant furtivement son carnet de correspondance un jour en classe.
Google Earth avait fait le reste.
Elle habitait une grande maison bleue, adossée à rien du tout.
On y vient en bus, crasseux et puant la mort.
Vous pourrez retrouver ces paroles sur l'album posthume de Maxime Le Forestier.
J'essayais donc récupérer un peu de mes forces, malgré les cris jouissifs du travesti qui n'arrêtait pas de chanter "Appuis sur le champignon-gnon-gnon-gnon-gnon ! Appuis sur le champi, appuis sur la champi, appuis sur le champignon ! Et fourre moi ton champignon dans le cul !!!"
Je me relevais d'un coup, choqué.
Le travelo continuait sa chanson, comme si de rien n'était.
Avais-je bien entendu, ou mes sens me jouaient-ils des tours ?
Je ne le saurai probablement jamais.
Il était 7h30 quand j'arrivai au terminus.
je descendis du bus, le chauffeur me dit "Passez une bonne journée !" en me faisant un clin d'oeil.
Je faillis vomir.
Je marchais jusqu'à cette fameuse maison.
Qu'allais-je dire à Sophia ? Devais-je lui raconter tout ce qui s'était passé ?
Qu'allait-elle dire en me voyant arriver comme ça ?
Les lapins sont-ils vraiment lagomorphes ?
Autant de questions qui torturaient mon esprit déjà assez bien atteint.
Je n'eus pas le temps de chercher des réponses, je tombai nez à nez avec Sophia.
"Toi ? Mais, mais... Qu'est-ce que tu fais là ?
- Ecoute Sophia, c'est une très longue histoire...
- J'ai pas le temps, j'ai mon bus à prendre.
- Celui avec le travelo là, ah..."
Elle ne me répondit pas et continua son chemin, en m'ignorant.
"Hey ! Qu'est-ce qui te prend ? Pourquoi tu fuis ?"
Elle resta muette. Alors voilà, c'est comme ça que ça finit.
Elle m'évite, m'ignore. Moi qui ai tout fait pour la traiter comme une princesse.
Non, ça ne se passerait pas comme ça.
Tu vas m'écouter pauvre connasse, tu vas... ah, ce cul... Mais qu'est-ce qu'il est beau... Non, ressaisis-toi enculé ! Sors ta bite et montre à cette catin qui est le patron ici !!
"Sophia, reste là !
- Et on appuie sur le champi-champignon !
- Toi, ta gueule ! vociférai-je avec force à l'adresse de ce pd refoulé
- Ouh, il est en colère le monsieur qui pue, il voudrait pas plutôt me montrer son joli champignon ?! me répondit le travelo en souriant de ses dents pourries
- Nan mais tu te prends pour qui toi sale travelo de merde ? D'où tu parles à mon mec comme ça ?!"
Sophia... Je retrouvais celle qui faisait battre mon coeur.
Et alors qu'elle arrachait la perruque rousse du chauffeur de bus, je repensais à l'évènement qui m'avait amener jusqu'ici.
J'avais été trop dur avec elle, même si elle n'était pas exempte de reproches.
Elle est si belle, comment ne pas lui pardonner ce geste, après tout...
La voir tabasser le travelo à grands coup de talons dans la gueule confirma ma pensée : je devais la pardonner, et lui présenter des excuses.
Un mâle alpha doit savoir reconnaître ses erreurs quand il en commet.
Car oui, même un mâle alpha fait des erreurs.
"Sophia ?"
Elle se retourna, me regarda, une mèche de cheveux virevoltant au vent lui cachait la vue, elle l'écarta d'un geste sensuel et me répondit, essoufflée : "Oui ?"
Elle avait explosé le travelo qui gisait à terre.
"Tu te débrouilles super bien, c'est bon à savoir si un jour je me fais agressé !"
J'avais réussi à la faire sourire.
Tout n'était pas perdu.
Nous discutâmes longuement devant chez elle et je lui racontai en détail mon aventure depuis que je l'avais laissée au cinéma.
Elle avait de la peine pour moi, et semblait gênée, voire même honteuse.
"Je suis désolée, c'est à cause de moi si tout ça est arrivé. Si je n'avais pas...
- Ne dis rien ! l'interrompis-je - la seule idée de reparler du doigt enculeur me donnait la nausée - C'est ma faute ! J'ai été trop méchant avec toi, je n'aurais pas dû m'emporter comme ça. C'était... stupide."
A ce moment là, je m'attendais à ce que nous nous embrassions. Comme dans les films, des excuses sincères, des retrouvailles passionnées, une histoire d'amour qui finit bien, ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants, blablabla...
Mais rien de tout ça n'arriva. Nous nous contentâmes de nous regarder, c'est tout.
Il y avait comme un malaise entre nous, comme si plus rien ne serait comme avant.
De longues secondes silencieuses défilaient, et, quand je voulus briser enfin ce silence, Sophia prit la parole :
"Bon, et bien... Je crois qu'il est temps de se dire au revoir. Bon courage, bisous."
Mon monde s'écroulait. C'était la rupture la plus pourrie à laquelle j'avais jamais assisté de ma vie. Pas de bol, c'était la mienne.
Je ne la laissai pas faire, bien déterminé à défendre mon bout de gras.
"Quoi au revoir ? Alors ça se finit comme ça ?! Tu ne m'aimes plus ?
- Si mais...
- Mais quoi ? Je t'aime Sophia. J'suis désolé de m'être comporté comme un con, vraiment, mais ne me laisse pas comme ça. Je tiens à toi moi.
- Désolée, ça ne marchera plus, je suis vraiment désolée."
Je ne bougeais plus. Mes muscles de la mâchoire étaient contractées. Le temps se figea. Je luttais pour rester maître mais, les sentiments prirent le dessus.
"SALE PUTE !"
Elle me regarda, choquée, et je partis, sans dire un mot.
J'enjambais le corps du travelo qui, me voyant arriver, essaya de dire "champignon" mais n'y arriva pas.
Ma relation avec Sophia venait de se terminer, brutalement, et pour toujours.
Au même moment, mon téléphone sonna.
C'était ma mère.
Je décrochais le téléphone, stressé à mort.
Les flics avaient dû débarquer à la maison.
"Mais qu'est-ce que tu branles ?
- Maman ?
- Ouais maman... T'étais où ? criait-elle
- Euh... t'es toute seule ?
- Quoi ?? Nan j'suis pas toute seule, j'ai ton chat qui arrête pas de gratter la porte du placard alors qu'il a déjà mangé, et si tu m'expliques pas tout de suite pourquoi t'as pas dormi à la maison cette nuit, il n'aura plus jamais faim... Est-ce tu vois où je veux en venir ? "
Ma mère est censée être secrétaire pour un cabinet de comptabilité, mais je la soupçonne d'avoir trempé dans des affaires louches à Guantanamo.
Apparemment les flics n'étaient pas là, ce qui me rassura.
Je n'avais plus qu'à l'embobiner comme à l'accoutumée.
"Ben j'ai dormi chez Victor en fait, tu vois qui ?
- Non
- Ben c'est un pote de ma classe, le mec là, avec ses cheveux blonds, bouclés.
- Ca me dit rien du tout. Tu me mens ! lança-t-elle
- Mais si, le blond avec son air efféminé, il est déjà venu à la maison !
- Ah, le pédé !
- Voilà !
- Ben il fallait le dire plus tôt !"
Elle était soulagée, et moi aussi.
Je la rassurais et lui disais que je rentrais bientôt, avant de raccrocher et de penser à Victor.
C'est vrai qu'il avait vraiment l'air d'un gay.
Et toutes ces fois où il faisait des blagues sur le fait de se faire enculer par un Congolais.
Et le fait qu'il me fasse la bise pour me dire bonjour.
Et la fois où il m'a touché la bite en soirée quand on était totalement ivres, mais que c'était pas gay car il ne m'avait pas touché les boules.
Etait-il plus qu'un simple mec efféminé ?
Je n'étais plus vraiment sûr de rien, et décidai de parler de mon doute à la personne qui saurait le mieux m'aider à lever le voile sur ce mystère sexuel : le travelo champignon.
Je partis donc vers ce monsie... euh, cette mada... euh, cette personne, qui essayait péniblement de se relever.
La gueule ensanglantée, le travelo peinait à se mettre debout.
Je me posai devant lui et attendis qu'il termine sa besogne, n'osant pas l'interrompre, par respect pour sa démarche.
Quand il eut enfin réussi à poser son cul sur la marche du bus, j'applaudis en le félicitant et lui posai la question qui me brûlait les lèvres :
"Dites euh... Comment est-ce que je dois vous appeler au fait ?
- Bof, tu peux m'appeler Françoise mon chou, répondit-il, elle, j'en sais rien merde, en s'essuyant la joue avec sa manche.
- D'accord très bien... Françoise..., (j'essayais de sourire pour amorcer un climat de confiance, mais pas trop pour qu'il comprenne que mon champignon resterait dans mon slip), très bien ! Dites-moi, est-ce qu'un gars qui vous touche la bite...
- La bite ?
- Oui euh, le champignon quoi.
- Ah...
- Est-ce qu'un gars qui vous touche le champignon pendant une soirée, est-ce que ça signifie qu'il est gay ?
- Oh que oui mon coquin !
- Même s'il ne touche pas les couilles ?
- Alors là ça dépend, il t'a titillé le prépuce ?
- Euh... Je ne crois pas non.
- Dommage, les garçons aiment ça quand on leur titille le prépuce... Tu veux que je te montre ?"
Je lui répondis par un Mawashi-Geiri en pleine tête.
Le travelo tomba, sonné.
"Désolé Françoise, c'était instinctif.
- Pfa grafe.
- Alors c'est gay ou pas ?
- Non, ne t'infètes pas, f'est pas fay" me répondit Françoise en essayant de me faire un clin d'oeil.
Ce clin d'oeil n'avait rien de rassurant et je m'enfuis en courant, loin de ce travelo inquiétant.
Vingt mètres plus loin, je reprenais mon souffle.
Il fallait que je rentre chez moi, le plus vite possible.
Je marchai jusqu'à l'arrêt de bus le plus proche et attendis.
Le bus arriva, et devinez qui était déjà dedans ?
Les weshs.
"Yooooo !!!! Wesh devinez qui c'est ?"
Sofiane m'accueillait comme si j'étais un de ses frères.
"Alors mec, t'as aimé notre cadeau ?
- L'évasion ?
- Ouaiiis ! En mode Hollywood kho !
- D'ailleurs, j'ai récupéré ça, en souvenir."
Je lui montrais le petit mot qu'ils avaient laissé aux flics lors de leur évasion.
Sofiane sourit et me checka la main, comme si j'avais réalisé l'impossible.
"Je t'aime bien toi, me dit-il, mais faut que tu penses à te laver. Tu pues la mort kho.
- J'ai pas encore eu l'occasion de rentrer chez moi en fait.
- Ah... Hey t'oublies pas pour Samedi hein, t'es toujours ope ?"
J'hésitais encore. Je ne le connaissais ni d'Adam, ni d'Eve, ni de Muhammad ni d'Aïcha, mais il avait été vraiment cool avec moi, et s'ils avaient voulu, ils auraient pu me laisser enfermé dans la cellule.
J'acquiesçai à sa question et lui assurai que je serai là Samedi, à la Clochette.
Il sourit, et repartit au fond du bus avec ses potes.
Je m'assis devant et pensai à Samedi.
Je n'arrivais pas à m'imaginer comment se déroulerait ce RDV.
Serait-ce guet-apens ? Sofiane avait-il un travail pour moi ?
Je savais que l'histoire tournerait autour de la drogue, la Clochette est connue pour ça.
Mais pourquoi faire entrer un "inconnu" dans le business ?
Je me posais trop de questions.
Je sortis mon portable et commençai à jouer aux échecs pour passer le temps.
Au bout de cinq minutes, je rangeai le portable dans ma poche, rageant de m'être fait détruire au niveau Débutant.
Fils de pute de cavalier de merde.
Le bus arrivait au terminus, je devais encore prendre le 7 qui me ramènerait chez moi.
Que le chemin était long et ennuyeux !
Alors que je m'engouffrai dans le nouveau bus, un détail m'échappa : comment les weshs avaient-ils réussi à s'échapper de leurs cellules ? Pourquoi étaient-ils aussi sereins ? Les flics ne chercheraient-ils pas à remonter jusqu'à eux ?
Je descendis du bus pour leur poser la question, amis ils n'étaient plus là.
Disparus, volatilisés.
Quand j'entendis la porte se fermer, je compris que le bus démarra. Sans moi.
Je tapai à la porte, le conducteur me regarda et continua sa route.
L'enculé. Je courus et me postai devant le bus, prêt à me faire écraser.
Le conducteur fut obligé de s'arrêter, mais ne décida pas pour autant à ouvrir sa porte.
Au contraire, il ouvra la petite fenêtre et passa sa tête en dehors pour me crier : "Oh ! Qu'est-ce que tu fous là ? Bouge !"
Je n'allais pas me laisser faire !
Je ne bougeai pas et lui ordonnai de me laisser monter.
"Tu montes tu descends, c'est pas un moulin ici ! Allez casse-toi !
- J'ai payé mon ticket ! Laissez moi monter !
- Nan, trop tard ! allez bouge !"
Les passants s'étaient arrêtés et regardaient successivement le chauffeur et moi, leurs yeux vaguant de l'un à l'autre, comme pour un match de ping pong.
Sentant la victoire m'échapper, je me décidai à tenter un flip pour marquer le point décisif :
"J'ai payé mon ticket alors tu vas me laisser monter bâtard !
- Quoi bâtard ?
- Ouais, bâtard.
- Oh putain je vais me le faire celui-là !"
Et alors que le chauffeur descendit du bus en retroussant ses manches, des Témoins de Jéhovah qui avaient assisté à la scène profitèrent de ce moment pour s'adresser au peuple égaré :
"Réveillez-vous ! Jéhovah Dieu est parmi vous ! Monsieur le chauffeur, ne cédez pas à la colère engendrée par le Diable ! Cet enfant est égaré, ramenez le à la raison, ne vous égarez pas comme lui !" annonçait une femme très classe, très élégante, avec un sourire bienveillant.
Le chauffeur lui cracha un gros mollard au visage en lui répondant qu'il en avait rien à foutre de Dieu, et marcha dans ma direction.
"Oh putain mais je vais lui niquer sa race !
- Géraldine, un peu de tenue voyons !
- Toi, TA GUEULE !"
La religieuse se nettoya le visage avant de sortir une bombe lacrymo de son sac et courut vers le chauffeur.
Elle lui aspergea le visage de gaz en criant, pleine de rage "Voici la réponse de Jéhovah, HÉRÉTIIIQUE !!!"
Je m'éloignai de ces gens bizarres, discrètement.
Maintenant je n'avais plus de bus pour rentrer.
J'avais plus que ma gueule à pattes.
Mon calvaire était loin d'être fini...
Je mis un peu plus d'une heure à rentrer chez moi.
Durant tout le trajet j'avais eu droit à des grimaces et des regards inquiets de la part des automobilistes qui croisaient mon chemin.
Parfois j'allais me cacher derrière des voitures ou des arbres quand j'entendais une sirène de police.
Il était 11h, et j'étais enfin rentré chez moi.
La porte était fermée, ma mère était au travail.
Je sortis ma clé, l'insérai dans la serrure et tournai la poignée quand j'entendis :
"Monsieur, vos papiers s'il vous plaît !"
Et merde...
La voix du type me rappelait quelque chose...
"Monsieur, les papiers du véhiculeuh s'il vous plaît !"
Oh shit ! C'était le flic qui m'avait arrêté !
Mais il ne semblait pas s'adresser à moi. Je me retournai discrètement pour m'en assurer et je le vis contrôler une 205 garée sur le trottoir, à quelques mètres de moi.
Je me dépêchai de me faufiler en douce chez moi, et refermai la porte en la verrouillant à double tour. Comme j'habitais une vieille maison de cité, je ne pouvais la fermer que d'un tour.
J'étais enfin chez moi ! Loin de tous ces problèmes, j'étais enfin tranquille, au calme, et surtout, en sécurité.
La première chose que je fis fut de me foutre à poil et de courir sous la douche.
Il fallait que je me décrasse, que je brûle ces fringues qui puaient la mort.
Et pendant que je me touchais le sexe avec du gel douche Tahiti à l'orchidée sauvage, car j'aime quand c'est sauvage, je repensais au flic...
Et à ma caisse !
J'avais laissé ma caisse garée près du ciné pendant deux jours !
Putain de merde ! Quel con !
Il fallait que j'aille la récupérer avant que quelqu'un la vole, ou qu'on la mette en fourrière, ou qu'un chien pisse sur mon pneu arrière gauche, ou qu'un junkie essaie de forcer la serrure pour pouvoir passer la nuit au chaud en écoutant la radio.
Sauf que j'ai pas de radio, problem solved.
Une demie heure plus tard, je sortis enfin de la douche.
J'avais privé 346 Éthiopiens d'eau, mais j'étais propre.
Et prêt à récupérer la bagnole.
Mais pas tout seul. J'irai avec Victor. Après tout, c'est à cause de lui si je me trouve dans la merde aujourd'hui.
Je compose son numéro sur mon portable, ça bip.
Quelques secondes plus tard, je tombe sur la messagerie...
"Yo, t'es bien sur le phone de Vic' mon pote, j'suis pas dispo t'as vu alors laisse moi un message après le bip et je te rappellerai si c'est intéressant ! Hey Mike, toi laisse tomber, me casse pas les couilles avec ta ferraille à la con ! Tchô !"
Fait chier jamais dispo ce mec.
Je décidai de lui laisser un message vocal, pour le prévenir de l'urgence de la situation :
"Rappelle tocard."
Laissez moi vous parler de Victor et de notre rencontre.
Victor est un gars que j'ai rencontré il y a deux ans.
J'étais en fac de droit, je glandais. Il était en fac de droit, il travaillait. Puis il m'a rencontré, et il s'est mis à glander.
Ne jamais sous estimer l'influence d'un gland. Il peut te la mettre profonde.
C'est ce qui est arrivé à Victor. Ma paresse et ma nonchalance l'ont contaminé, et désormais nous errons tous deux comme des clochards à la recherche d'une bouteille de vin vide.
Si vous n'avez pas compris le message, alors je vous pisse à la gueule.
Victor et moi avons foiré notre année de droit, répondant que l'usufruit était un ensemble de fruits exotiques destinés à être préparés en salade.
Notre naïveté nous perdra sans doute.
Du coup, un lundi du mois d'août, nous nous sommes dits qu'il serait bien de chercher un BTS car il commençait doucement à se faire tard.
Il ne restait plus que le BTS Assistant Manager, secrétaire en somme, et c'est ainsi que nous nous sommes lancés dans l'aventure la plus chiante de notre vie.
Mais osef, il était là pour moi, et moi j'étais là pour lui. De temps en temps.
Peu importe, ce qu'il faut retenir de Victor, c'est qu'il est un ami fidèle, mais un peu con.
Ni plus ni moins. Une sorte de labrador qui parle.
Mon téléphone sonna, c'était Victor.
"Ouais ?
- Ouais mec, tu m'as appelé ?
- Ouais, tu fais quoi ?
- Ben j'suis en cours !
- Mytho !
- Comment tu sais, t'y es ?
- Nan.
- Enculé. Tu m'as vu ?
- De quoi j't'ai vu, nan ! Bref, y a moyen que tu me rendes un service mec ?
- Dis-moi tout bébé.
- Vas-y ta gueule. Faut que tu passes chez moi avec ta caisse, j'ai besoin d'aller au ciné récupérer un truc important.
- J'suis devant chez toi connard, je viens de me prendre un PV par un putain de flic !
- Hein ?
- Mais ouais, j'ai oublié mon A, ce bâtard il m'a cassé les couilles. Avec son accent marseillais en plus, Bonjoureuh Monsieur !
- Oh putain...
- Quoi ?
- Je te raconterai. Viens chez moi."