Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Dankor


Par : ElBloobs
Genre : Fantastique, Réaliste
Statut : C'est compliqué



Chapitre 6


Publié le 19/08/2013 à 01:12:27 par ElBloobs

De tous les éléments en présence ce soir là, le vent était de loin le pire. Se levant brusquement, il faisait chuter drastiquement la température et menaçait de déloger les grimpeurs de la paroi déjà dangereuse à cause de la glace et la neige la recouvrant.

-Bordel !

La main d’Iorvik venait de glisser. Sans le poids d’Orvar pour le retenir il se serait sans doute écrasé.

-Ferme ta gueule abruti, tu veux qu’on nous attende là haut ou quoi ?! Orvar n’était finalement peut-être pas si sympathique que ça.

Heureusement, le vent avait emporté avec lui leurs paroles. Pas si mal finalement.

Iorvik était le dernier local que Baste avait engagé. Taciturne, pas très habitué au contact humain et avec une nette tendance à porter sur les nerfs de toute personne autour de lui, il n’en était pas moins un combattant hors-pair, spécialiste des lames courtes au style inhabituel. Il était aussi étonnamment fin et n’avait aucun souci pour passer inaperçu, le candidat parfait en somme.

Baste se repassait le plan en tête, une fois là haut, la moindre accroche leur serait fatale. Un groupe pour s’occuper de préparer la falaise à leur descente, un pour s’occuper du commandement et un dernier pour aller foutre le feu quelque part. Celui-là ne faisait pas partie du plan de base mais, malgré les risques, Baste avait évalué que ça en valait la peine. Le feu est particulièrement efficace pour mettre le bordel.

-Sergent ! Chuchota Dankor, suspendu à quelques mètres de lui, Dorel est presque en haut.

Un coup d’œil suffit à lui confirmer que le jeune homme n’était plus qu’à une cinquantaine de centimètres du rebord. Ils avaient pour ordre d’attendre d’être au moins trois au sommet avant de grimper. Quelques minutes plus tard, Baste et Dankor l’avaient rejoint. Les trois étaient en ligne, crampons plantés dans la roche et piolets enfoncés dans la falaise.

-Allez, les gars seront à notre niveau dans même pas cinq minutes, à trois on monte et on prépare le terrain. Un. Deux…

Les pupilles dilatées par la peur, les mains moites et les muscles contractés par l’escalade, ils étaient prêts.

-Trois.

Un dernier effort sur les bras et les jambes et les soldats se retrouvèrent à plat ventre. Un regard circulaire. Rien. Des tentes silencieuses à une vingtaine de pas et des lumières plus loin. Pas un son si ce n’était le vent. En dix minutes seulement, les trois hommes se trouvèrent rejoints par les douze autres.

-Maintenant, c’est le moment de la fermer et de pas poser de questions, chuchota Baste, vous avez tous votre rôle. Si tout se passe bien, et y à pas de raisons à ce que ça foire, on sera au chaud dans moins de deux heures. Allez, on se bouge le train mesdames.


-Fais chier, pourquoi on a le truc le plus… Chiant ?

Iorvik venait de finir de planter le piton pour faire passer la dernière corde de descente. A part attendre et rester discret, le premier groupe avait fini son boulot.

-Parce qu’y faut quelqu’un pour le faire, c’pas plus compliqué que ça.

Orvar n’avait pas pour habitude de se compliquer la vie.

-Orvar ?

-Ouais Dorel ?

-Ca vient d’où ton nom de famille ?

-Qu’est-ce que ça peut te foutre gamin ?

Le jeune homme se renfrogna immédiatement, il avait de plus en plus de mal avec le contact humain depuis son baptême du feu, mais un montagnard bourru n’est pas le compagnon de conversation idéal quand on se sent seul.

-Baah, je te chambre mon gars ! Un sourire fendait sa face et malgré le regard noir d’Iorvik il était prêt à continuer son histoire. Le nom des Bjornfist c’est pas n’importe quoi, c’est une des plus vieilles familles du coin. Ca veut dire « Poing d’ours », et ouais, pas n’importe quoi ! Paraît que notre ancêtre s’était fait coincer par un putain d’ours alors que ce couillon était parti pisser sans ses armes. La bestiole devait être blessée parce qu’elle a pas hésité à le charger et là… La légende dit que ce putain de type, il a assommé l’ours d’un coup de poing sur le crâne ! Paf, comme ça !

Il accompagnait son histoire de gestes et Dorel se sentait presque revenir à son enfance, quand sa nourrice lui racontait des histoires pour dormir. Elle était presque aussi poilue qu’Orvar d’ailleurs.

-Après, c’est peut-être des conneries, j’en sais rien. Mais ça en jette, et puis les donzelles, elles aiment bien ce genre d’histoires, alors si un jour t’es en rade d’une connerie à raconter à une catin bien roulée, t’auras qu’à lui raconter l’histoire du vieux Orvar, j’peux t’assurer qu’tu pourras la culbuter toute la nuit après ça !

Un clin d’œil appuyé conclut le conte pour adultes du Bjornfist.

-Arrêtes de te faire passer pour un ancêtre, t’as à peine trente ans.

-C’est dans la tête que…

Il fut interrompu par le bruit caractéristique d’une épée tirée de son fourreau. Finalement, ils n’allaient peut-être pas se faire chier longtemps.


-2 torches par personne ?

-C’est bon. Répondirent en chœur à Dankor les 4 hommes du groupe d’incendie.

-Briquets ?

D’autres voix affirmatives.

-Bon, on s’accroupit et on avance, 10 pas entre chacun et vous me lâchez pas. Au moindre bruit suspect, on balance tout sur les tentes les plus proches et on se casse, on y va.

Dankor n’avait que des soldats de son escouade avec lui, des hommes qu’il connaissait et sur qui il pouvait compter. En plus de ça, leur tâche n’était pas spécialement compliquée, laisser des torches allumées à côté de deux ou trois tentes serait largement suffisant pour lancer un incendie fort correct qui laisserait ses marques. Le mieux serait de mettre le feu en priorité aux infrastructures : intendance, cantine, armurerie… Tant de petites choses à l’importance capitale. Et puis… Enlevez à un homme la vie, il ne pourra plus rien faire, enlevez lui sa nourriture et il devient votre allié sans même s’en rendre compte.

Il ne trouvait pas ça lâche comme technique. Beaucoup de soldats l’auraient contredit, arguant que le seul combat honorable est celui entre deux Hommes égaux, face à face. Des soldats qui n’auraient aucune hésitation lorsqu’il s’agirait de violer, piller et tuer femmes et enfants. De l’honneur ? Seulement quand ça arrange. Dankor avait bien entendu des notions d’honneur, mais à sa manière. Même si obéir à ses ordres était généralement sa ligne directrice, il s’autorisait une marge d’interprétation, mais il ne savait toujours pas ce qui arriverait le jour où ses ordres seraient totalement opposés à sa façon de penser.

Au croisement de deux chemins entre les tentes, il prit à droite, toujours en faisant attention aux tendeurs à ses pieds. Il aperçut enfin ce qui l’intéressait : à une centaine de mètres de là, une longue et haute tente, sans doute destinée à la nourriture. Trois torches et elle serait en flammes, le reste irait pour les baraquements autour et leur boulot serait fini.

-C’était quoi ça ?

Dorel était juste derrière lui, et l’ouïe fine du gamin ne le trompait que rarement.

-On aurait dit un bruit d’épée…

Une série de cris dissipa le doute des hommes, on se battait, et ça semblait venir de leur point d’arrivée.

-Il faudrait qu’on y aille Dankor…

Le soldat n’arrivait pas à se dépêtrer de son dilemme, si l’alerte était donnée il ne leur restait plus beaucoup de temps, ils auraient déjà du être partis même. Mais l’intendance…

-Allumez vos torches et balancez les sur des tentes en chemin, je vous rejoins après.

Dorel ne prit pas le temps de poser des questions et repartit en arrière pour alerter les hommes restants. Dankor ne le suivit pas. Il repartit au pas de course en direction de la longue tente, sa main sur son épée. Il avait un boulot à faire comme il aimait à le dire.

Une fois presque arrivé, il s’accroupit de nouveau pour prendre le temps d’examiner le terrain. Deux gardes qui tombaient de sommeil. Le premier ventru et emmitouflé dans un ensemble en fourrure d’ours qui devait sentir le mort, le deuxième dégingandé et aux petits yeux bêtes. Il ne pouvait pas les éviter. Et il ne le tenta même pas.

Il sortit de l’ombre d’un pas assuré, les bras ballants et son épée dans son fourreau et s’avança vers les deux hommes.

-Holà les gars, la relève arrive !

-Hein ? Fit le gros, suspicieux. C’est que dans une heure normalement.

-T’es sur ? Parce que moi on vient de m’envoyer. T’as du te tromper en comptant les heures.

-Allez, c’est bon, dit le maigrichon en regardant son camarade, On se tire d’ici !

Dankor prit son regard le plus froid et dur possible, il n’avait pas envie de tuer ces hommes, mais ils devaient partir immédiatement.

-Tu vois, écoutes-le. Ajouta-t-il à l’adresse du garde méfiant.

-Je pense pas que je vais l’éc…

Il fut interrompu par une lame de couteau de chasse plantée dans la gorge. Il mourut dans un gargouillis inintelligible.

-Tires-toi. Maintenant. Fit Dankor à l’adresse du soldat apeuré.

Il n’hésita plus et s’enfuit en laissant tomber son épée. Deux minutes plus tard et deux torches brûlantes posées, Dankor revenait en direction de la falaise.

Le feu allumé par ses camarades était déjà bien lancé et, telle une bête titanesque, petit à petit, le camp ennemi s’éveillait. Il croisa un vieux soldat, le regard éteint par le sommeil qui le regarda passer sans rien faire. Il prit un autre chemin pour ne pas être gêné par les tentes en feu et bientôt, il entendit le bruit de la bataille, juste à l’endroit où ils étaient venus.

Au détour d’une tente lui apparut la scène. Sept hommes, en arc de cercle, acculés contre le bord de la falaise et défendant les pitons qui auraient du leur permettre de redescendre par là où ils étaient venus. Contre eux, une trentaine de soldats dépenaillés, aucun n’ayant pris le temps de revêtir son équipement complet, mais ils étaient trop nombreux, et d’autres arrivaient.

Dankor tira sa lame et fonça vers le point qu’il jugeait le plus fragile de la ligne de front. Au dernier moment, il hurla pour attirer l’attention des Galoniens.

-Venez à moi, fils de chiens !

Sa lame traça un sillon sanglant dans le ventre d’un ennemi ayant à peine eu le temps de se retourner. Il s’effondra à genoux. Un autre lança son épée vers Dankor, la lame fut contrée et il mourut, la tête tranchée. Un troisième s’élança avant de mourir, percé par derrière.

-Ramènes toi Dank !

Baste retira sa lame et s’écarta pour laisser passer son subordonné qui pénétra le cercle défensif. Les hommes continuaient à reculer, chaque pas les rapprochant de la fin. Soudain, une tente sur leur côté se déchira, laissant passer la carrure massive d’une masse d’un quintal et demi.

-Pour les Bjornfist !

Orvar, parti voir d’où venaient les bruits d’épée, revenait après avoir aidé le groupe chargé d’assassiner le commandement ennemi, aux prises avec une escouade galonienne. Seulement trois hommes revenaient avec lui.

Le charge du colosse, armé d’une hache dans une main et d’une épée courte dans l’autre chamboula la ligne adverse comme une tempête balaye une barque. Il fauchait les têtes et broyait les côtes. Pendant quelques secondes, un dieu de la guerre nordique semblait s’être emparé de son corps. Un des soldats en profita pour s’expliquer.

-Y avait une catin dans le lit du général, je tue pas les catins bordel, elle s’est mise à crier !

Mais le nombre reprit le dessus et même Orvar dut reculer, Iorvik à ses côtés.

-Barrez vous, je les retiens l’temps qu’vous descendiez.

-Pas question !

La protestation d’Iorvik s’étouffa dans sa gorge, une épée lui avait pénétré les côtes.

-Putain…

Et il tomba, face contre terre.

-Barrez vous j’ai dit !

L’épée d’Orvar se planta dans le ventre d’un soldat, sa hache se ficha dans un crâne et d’un coup de pied il fit reculer un galonien fonçant sur lui.

-On fait ce qu’il dit, tout le monde s’attache et on descend !

Baste s’était décidé. Profitant d’un léger recul des ennemis, le groupe, réduit à 8 hommes fonça vers les pitons. Dankor, sa lame couverte de sang, courut tout en dégageant le mousqueton à sa ceinture, il crocheta le filin descendant vers la noirceur de la chute et se jeta dans le vide. D’un coup de reins il se fit pivoter, les pieds vers la falaise pour amortir le choc du mouvement de pendule. Sa dernière vision du petit champ de bataille s’imprima dans sa mémoire de manière fulgurante.

Orvar, percé de mille blessures, ruisselant de sang, se battait encore. Ses cheveux blonds viraient au rouge, de sa bouche ouverte sortaient des cris de guerre destinés aux seules oreilles de ses Dieux nordiques. Les pieds fermement plantés dans le sol, il était un colosse de marbre, inébranlable, et les ennemis se brisaient sur lui comme des vagues sur une muraille. Les cadavres à ses pieds s’entassaient et les soldats prenaient peur. Les survivants se souviendraient longtemps du démon nordique, illuminé par les flammes montant des tentes, le feu mouvant se reflétant sur son visage. Mais une épée se fichait en lui, et d’autres encore qu’il ne pourrait arrêter. Orvar était condamné.

Soudain, Dankor sentit la corde tressauter dans ses mains, et il vit que le piton avait sauté, la glace avait du être ramollie par la chaleur du feu et la bataille. Il restait au moins quatre-vingts mètres de chute. Le soldat vit le bord de la falaise s’éloigner, puis ses yeux se perdirent dans le ciel, étonnamment étoilé, il n’y avait plus de nuages. Son esprit était en paix au moment ou il toucha le sol. Et le rideau se ferma sur son âme, la réalité remplacée par le vide.


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