Le soir même 2h avant la soirée, au bureau d'Edward

Edward était inquiet. Il tournait nerveusement en rond dans son bureau. Mya l'observait en silence. La lettre était on ne peut plus claire :


[c]Chère Mya,

Ayant eu vent de vos exploits,
nous vous invitons ce soir à une petite réception dans Paris.
La soirée se déroulera à l'ancien Parc des Plaisir,
Place T*** dans le 11ème arrondissement à partir de 18h.
Nous comptons sur votre présence.
En espérant que la soirée vous sera agréable.

XXX[/c]

Elle ne pouvait douter qu'il s'agissait là d'une lettre de défi. Un défi contre ce groupe de criminels dont sa mère lui avait parlé. Mya en était terriblement excitée. A sa connaissance, son père n'avait pas encore reçu sa propre lettre de défi ! Elle était la première de la famille ! Son orgueil en était comblé.
Seulement, Edward ne semblait pas enclin à la laisser partir. Il reflétait l'inquiétude même. Son front était plissé et ses sourcils d'ordinaire artistiquement taillés étaient broussailleux et constamment froncés. Ses petits yeux noirs fixaient ses pieds qui déambulaient d'un bout à l'autre de la pièce.
Mya raffolait des défis, celui-ci semblait tout à fait à sa hauteur. Elle ne travaillait pas dans le crime pour la sécurité de l'emploi. C'était le danger, l'adrénaline que lui apportait son métier qui l'intéressait. Edward le savait très bien. Elle savait qu'il allait la laisser y aller.

Enfin, il céda et donna son accord. Ce fut tout juste si elle ne sauta pas de joie. Elle couru dans la pièce attenante et se rua dans son dressing.
Elle opta pour une robe rouge et blanche certes peu discrète mais pratique en cas de combat. Le corset lui soutiendrait la poitrine et la jupe large, n'allant que jusqu'aux genoux, ne la gênerait pas dans ses déplacements.
Dans un accès de frivolité, elle se munie d'escarpins à talons aiguilles noirs. Elle glissa un couteau et son étui contre sa cuisse. Puis elle revêtit un gilet noir à épaulettes qui lui permit de cacher un pistolet sous son aisselle. Elle se coiffa et se maquilla puis prit un sac dans lequel elle fourra un autre révolver et deux trois babioles avant de descendre dans le parking où elle retrouva Edward dans une VolksWagen noire.

« Souviens-toi, hum, commença Edward une fois qu'ils furent sortis du parking, tu dois être très prudente, hum. En cas de danger, hum, fuis sans hésitation. Ces gars sont vraiment, hum, très forts, alors, hum, évite de te faire éliminer.
_ La fuite est une réaction lâche.
_ Pas dans cette situation ! Hum ! Si tu sens que tu ne peux, hum, pas les battre, ça ne sert à rien de te faire tuer pour rien. Tu y reviendras, plus forte, hum, mieux entraînée, hum et tu les vaincra.
_ Je n'aurais pas besoin d?une deuxième chance. »

Edward renonça dans un soupir à convaincre sa protégée. Elle se rendrait bien compte, elle préservera sa vie.

20 : 00 Paris, devant Le Parc des Plaisirs

L'ancien Parc des Plaisirs était un vieux cabaret qui avait fait faillite puis s'était reconverti en salle de réception. La voiture s'arrêta devant un tapis crème. Edward fit ses dernières recommandations mais elles tombèrent dans l'oreille d'une sourde et Mya s'éclipsa avant que son mentor n'ait fini de parler. Il bougonna et ordonna au chauffeur de rentrer à la Défense. Mya suivit le tapis et pénétra dans le vieux cabaret.

La salle toute en bois, était faite sur le modèle d'un vieux saloon. Un large bar en bois verni avec derrière, au dessus des étagères où se seraient les bouteilles, un immense miroir. Le barman ne savait plus où donner de la tête tant les invités se pressaient autour du bar. A gauche, une scène en bois où jouait un groupe de jazz en costards blancs. Devant la scène, une piste de danse où quelques couples dansaient sans trop de motivation. Eparpillées dans toute la salle, des tables rondes parées de nappes blanches et entourées de fauteuils en bois croulaient sous un buffet ahurissant.

Mya parcouru la salle du regard. Elle ne reconnu aucun visage connu, pas même une célébrité de la pègre. Elle semblait être la seule criminelle ici présente. Elle espérait que tous ces gens ne faisaient pas partie du groupe de criminels montant dont sa mère lui avait parlé, sinon, elle était mal barrée.
Un escalier montait vers une mezzanine, elle leva les yeux et vit qu'un homme avec un chapeau haut de forme l'observait. Lorsqu'il remarqua qu'elle l'avait repéré, l'homme au chapeau recula et descendit l'escalier. Il se fondit dans la masse et elle le perdit de vue.
Tout à coup, Mya sentit une présence derrière elle. Elle se retourna et écarta la main qui s'avançait vers elle.

« Du calme ma fille, ce n'est que moi. »

Aya reconnu son père. Mya fut déçue.

-Alors toi aussi tu as reçu une invitation ? demanda-t-il
- Il faut croire?
- Je comprend que tu sois déçue mais ne laisse pas paraître tes sentiments aussi facilement.
Mya se referma.
- Eh bien, as-tu repéré quelqu'un de louche ? s'enquit-il
- Non, nous sommes les deux seuls.
- Je n'en suis pas si sûr. M'accorderais-tu cette danse ? » demanda-t-il en tendant sa main

Elle la saisit à contrecœur, le boulot c'est le boulot. Il valait mieux accepter son aide. Ils se dirigèrent vers la piste et dansèrent tant bien que mal. Mya se laissa guider par son père tandis qu'elle observait les alentours. Plus de trace de l'homme au chapeau. Les autres invités avaient l'air tout à fait innocents. Aucun d'entre eux ne portait d'armes dissimulées, les femmes étaient vêtues de robes longues, incommodes pour se battre.
Mya remarqua que son père fixait ses escarpins.

« Pour la discrétion. » expliqua-t-elle
Son père lui adressa un regard amusé en guise de réponse. Ils firent un tour sur eux-mêmes et Mya focalisa son attention sur le pianiste en costard blanc. L'homme possédait une moustache comparable à celle d'Edward, impressionnant. Gun C, le père de Mya, la pinça légèrement pour attirer son attention, elle le fusilla du regard. Puis, feignant de ne pas avoir vu le regard meurtrier de sa fille, Gun C déclara d'un ton neutre :

« L'homme avec un haut de forme, il nous regarde, c'est sans doute lui. »

Mya exécuta un demi-tour en dansant, parfaitement accordée avec la musique et détailla le suspect. Il était assez grand, fin, presque maigre. Le rebord du chapeau, qui semblait très coûteux, probablement en peau de taupe, masquait son visage. Son oreille gauche était criblée de piercings, anneaux, clous, diamants... Il était vêtu du costard noir de rigueur mais sa chemise était ample, tout comme son pantalon, et sa cravate était défaite. Il semblait jeune, environ dix-huit ans. Lorsqu'il remarqua le regard de Mya, il eut un sourire en coin qui fit frissonner la jeune fille et il tourna les talons, empruntant la porte de service. Mya ne fit ni une ni deux et lui emboîta le pas, se mouvant le plus naturellement possible que le lui permettait ses escarpins. Elle poussa la porte et se retrouva en haut d'un escalier qu?elle descendit en hâte, manquant de se fouler la cheville à la dernière marche. L'escalier menait à un couloir aux murs de béton et au sol de linoléum vert anis luisant.

Elle suivit le couloir jusqu'à un embranchement. Elle s'arrêta, cherchant un indice qui lui indiquerait quelle voie suivre. Elle inspecta le sol impeccable, à la recherche d'une trace imperceptible qui marquerait le passage du fuyard. Le sol était vraiment impeccable. Elle releva le nez et inspecta les murs. Son regard fut immédiatement accroché par un mince fil noir coincé dans une des rugosités du béton. Elle prit le fil et l'analysa : il n'y avait aucun doute, c'était bien un fil de la veste du fuyard, la couleur noire, tirant sur le gris avec quelques nuances de bleu du fil en témoignait. Elle prit donc à droite, au pas de course.
L'indice était trop flagrant, peu dissimulé. Quelle chance y avait-il pour qu'un fil de la veste de l'homme au chapeau se soit empêtré dans le béton ? Aucune. D'autant plus que l'homme était probablement un tueur finement entraîné, il ne se serait pas risqué à se frotter aux murs cela l'aurait retardé dans sa course. Non, il était évident qu'on cherchait à attirer Mya : c'était un guet-apens.

Mais il restait encore un point à élucider : soit le mystérieux jeune homme ne la prenait pas au sérieux et c'était un test pour montrer qu'elle était à la hauteur, soit c'était un piège. Mya décida qu'il s'agissait de la première option et fonça tête baissée pour tromper son ennemi. Il croirait qu'elle n'avait pas compris le piège et se comportait comme une tueuse de seconde zone.

Elle aperçut une porte, quelques mètres devant elle, et, sans ralentir sa course, elle choisit de la défoncer d'un coup de pieds. Le type était derrière la porte, il sauta sur elle mais Mya s'y attendait, elle exécuta une roue digne d?une gymnaste de haut niveau et échappa à son adversaire. Curieusement, il n'insista pas.

« Je n'en attendais pas moins de toi. Lâcha-t-il avec un sourire en coin.
- Et moi j'espère que vous êtes aussi bon que vous le prétendez. » Rétorqua Mya en fléchissant les genoux, prête à bondir.

Il fit un pas vers la droite, Mya se jeta en avant, prit appui sur son pied gauche, s'éleva dans les airs, passant au dessus de l'inconnu. Elle tendit la main, saisit le bord de son chapeau et l'ôta avant de se rétablir avec une grâce féline sur le sol. Elle fit demi-tour sur un pied, à la façon des ballerines, tout en balançant le chapeau. Elle jeta alors un regard à son adversaire et son cœur manqua un battement. Bien qu'elle tenta de dissimuler sa surprise, il comprit son état d'esprit, exécuta une révérence avec un sourire moqueur et remarqua :

« Surprise, n'est-ce pas ?
- Klaus !
- Pour te servir, Aya. Mais dans ces conditions, je préfèrerais que tu m'appelles Lux.

Jamais Mya n'avait soupçonné Klaus, son camarade de classe aux allures de punk. Mais tout lui apparaissait clairement désormais : il n'avait pas trouvé la lettre de défi dans son casier mais la lui avait apportée directement puisqu'il était lui-même l'initiateur du défi.

- Fais-tu partie de ce groupuscule soit disant imbattable ?
- Question rhétorique, ma chère.
- Je vois. Je n'ai pas vraiment envie de te tuer, tu peux toujours renoncer.
- Ne te moque pas de moi. »

Sur ce, il se jeta en avant, vers Mya, qui s'apprêta à le bloquer. Mais il la contourna et fonça vers une autre porte. Mya le poursuivit, ne voulant pas être trop devancée. Elle passa la porte qui se referma derrière elle. Ils se trouvaient dans un étrange espace, comme s'ils étaient à l'intérieur d'une montagne. Le sol, les murs, le plafond, tout était constitué de roche noire qui faisait ressembler l'endroit à une grotte mystérieuse. Des spots éclairaient abondamment les lieux, baignant la pierre d'une lumière artificielle. A droite, un gouffre, Mya devait éviter de s'en approcher.

Lux s'était juché en haut d'un tas de pierre et dominait, l'air arrogant, l'étrange pièce et Mya qui s'y trouvait. Elle n'allait pas être à l'aise avec ses escarpins... Elle retira sa veste et la laissa glisser à terre. Lux ne put s'empêcher de lâcher un sifflement à la fois admiratif et moqueur.

Mya lui décocha un regard assassin qui rappela à Klaus pourquoi ils étaient là. Elle avait profité de ce moment de calme pour reprendre son souffle et constata que Lux ne présentait pas la moindre trace de fatigue ou même d'essoufflement. D'un geste, elle sortit son pistolet de sous son aisselle, le braqua vers Lux et tira... Il n'était déjà plus là. Soudain, il fut devant-elle et la désarma en donnant un simple coup sur le poignet de la jeune fille hébétée. Elle voulu riposter mais avant même d'avoir débuté le moindre mouvement, Lux avait reculé et se tenait maintenant contre la paroi.

Désorientée, Mya décida qu'il ne servait à rien d'utiliser la moindre arme à feu. Elle avait sous-estimé Klaus, il allait falloir jouer serré. Elle sourit et passa la langue sur ses lèvres, se délectant du challenge qui l'attendait.

Lux était extrêmement rapide, il parvenait à se soustraire à la vue de la jeune fille en un instant. Comment ? Il n'était pas tout à fait comme les autres. C'était un être à part, comme elle. Quelqu'un qui possédait des facultés hors du commun, en l'occurrence se déplacer à une vitesse inhumaine. Maintenant, il fallait que Mya trouve le moyen de l'intercepter. Ou plutôt de l'attaquer avant qu'il ne l'esquive. Il ne devait pas être très dangereux une fois coincé, sa force c'était l'esquive, la vitesse, la fuite.

Mya se rua vers lui, certaine qu'il allait se déplacer, dans le mille ! Lux disparut de son champ de vision. Mya s'arrêta brusquement et lança un coup de pied circulaire qui balaya son ennemi. Lux en fut désorienté mais il se rattrapa sur les mains, poussa sur ses bras et se retrouva sur ses jambes en un rien de temps. Mya voulu encore l'attaquer mais il n'eut qu'à faire un pas en arrière pour éviter le poing de la jeune fille. Il reparut, au bord du gouffre, les mains dans les poches, un sourire narquois aux lèvres. Il se laissa tomber en arrière dans le vide.
Oubliant tous les risques, Mya se précipita à l'endroit où Lux était tombé et s'agenouilla au bord. Elle n'eut que le temps de voir le visage victorieux de son adversaire et de remarquer qu'en fait de gouffre, il s'agissait d'une cuvette avant d'être clouée au sol par les deux jambes de Klaus qu'il avait projetées par-dessus le rebord. Il se remit d'aplomb et écrasa son pied sur le dos de Mya, ce qui arracha un cri de douleur à la jeune fille.
Mya ne pensait plus qu'à une chose : se redresser. Elle se débattit de façon pathétique mais elle calculait chacun de ses mouvements. Elle ramena ses jambes le plus prêt possible de sa main, tâtonna sa cuisse, oppressée par la douleur, remarqua du coin de l’œil que Lux se débattait avec sa veste de costard pour extraire de sous son aisselle un révolver qu'il braqua sur Mya. Il appuya sur la détente.

Au même instant, Mya avait saisit le manche de son couteau et le planta sans attendre dans la cheville de Lux. Il hurla de douleur, perdit l'équilibre et le tir alla se perdre dans les roches, loin du crâne de Mya. Lux s'effondra tandis que Mya reprenait son souffle. Sa poitrine avait été compressée entre le sol et le pied de Lux, empêchant Mya de respirer correctement. Si elle n'avait pas attendu que sa respiration se stabilise, Mya aurait éliminé Lux ce jour là.

Il profita de ce que son adversaire ne l'achevait pas pour s'échapper, boitillant. Même avec le pied en sang, il restait terriblement rapide bien que moins agile. Mya sauta sur ses pieds et fit face à Lux, triomphante. Elle allait gagner, c'était certain. Elle se mit à courir, elle s'approchait de Lux, il sauta dans la cuvette, amortissant le choc en fléchissant les genoux. Elle le suivit, rata sa réception, à cause de ses chaussures inadaptées, et fini en roulé boulé dans les rochers, ce qui lui causa multiples écorchures. Elle se releva, Klaus la dominait, moqueur. Elle lança son poing dans l'abdomen de son ennemi, plus pour l'éloigner et gagner du temps que pour le blesser. Il l'évita sans mal. Une fois debout, Mya fit mine d'agresser Lux avec son poignard, il eut la réaction escomptée et recula. Jusqu'à un premier rocher sur lequel il grimpa alors que Mya tranchait l'air de sa lame. Le couteau frôla la pierre puis fut arrêté par le talon de Lux. Emportée par l'élan, Mya trébucha tandis que Lux envoyait valdinguer le poignard au loin. Lorsqu'elle se retourna, Mya reçu un coup de pied en pleine figure et sa tête partit en arrière.
Cependant, Lux s'effondra, un éclair de douleur avait traversé sa jambe qui s'était dérobée sous lui. Mya repris immédiatement ses esprits, sauta sur la pierre sur laquelle Klaus gisait en se tenant la jambe, s'assit sur le ventre du garçon, l'immobilisant totalement, et voulu saisir son couteau quand elle se rappela qu'il avait été envoyé au loin par Lux. Elle chercha une pierre coupante ou assez grosse pour assommer Lux qui se débattait sous elle. Mais il n'y avait que des petits cailloux, à peine plus gros que l'ongle. Alors que Lux semblait sur le point de se libérer, elle trouva ce qu'elle cherchait et saisit...

Sa chaussure gauche ! Elle appuya la pointe du talon aiguille sur la gorge de Lux, faisant perler une goutte de sang. Aussitôt, il cessa de se débattre.

« Si tu reconnais ta défaite, je te laisse la vie sauve. Proposa-t-elle
Il détourna le regard et sembla réfléchir avant de lâcher avec un certain dédain :
_ D'accord, tu m'as vaincu aujour'?hui. Mais un jour...
_ Tu ne m'auras jamais Klaus. Je te suis supérieure. »

Klaus sembla s'appesantir à cette remarque, il devint comme mou et ne donna ni réplique ni ne montra d'indignation. Mya le planta là, alla ramasser son couteau, son révolver, remit sa veste et franchi la porte.