Je rentrais chez moi. J'avais 15 minutes de marche en admettant que je ne meurs pas sur la route en dérivant un peu trop de mon trottoir. La phase était dure, j'avais la tête dans une brume épaisse, mes yeux me rendaient coupable de mon état plus que douteux. Ma musique n'était pas assez forte pour camouflé un bruit étrange juste derrière moi, je me retourne, un vieux joggeur, cheveux blancs, tout en sueur dans sa tenue noire atrocement moulante.

Je fais une pause sur le côté, pour attendre qu'il passe. J'ai toujours eu un grand respect pour ces mecs qui courent sans cesse le long des routes. Peut-être parce que je n'arriverai jamais à faire ça, ou bien parce que si je le faisais, ça me ferait chier de devoir attendre derrière un con. Alors, il passe en me faisant un signe de main amical. j'évite de dire quoique ce soit, il pourrait se douter que je suis une sorte de déchet aux yeux incroyablement brillants. Alors je lui lâche un sourire sympathique. Et il continue son chemin. Il m'aura sûrement oublié au bout du premier mètre parcouru, mais, pas moi. En marchant dans la même direction de lui, je le vois continuer sa foulée toujours plus loin. Je le voyais partir en me sentant coupable.

Je ne sais pas pourquoi, il était toujours la, à courir. sans montrer un quelconque signe de faiblesse. Mais, le hasard lance toujours sa pièce pour parier sur l'avenir d'un homme qui n'a rien demandé. Sans le connaître, je m'inquiétais pour lui. Surtout que le premier jet positif, la première condition de son passage, c'était moi. La condition était remplie. Alors pourquoi pas une deuxième ? Pile, et une voiture qui perd le contrôle le percute, il meurt sur le coup. Face, son cœur cesse de battre a cause de son âge, de l'effort, ou de n'importe quoi qui pourrait provoquer un arrêt cardiaque. Pile, un arbre tombe pour des raisons douteuses, l'écrase et il resterait bloqué dessous des jours durant, et finalement, mourrait de faim. Face, La combustion spontanée. Pile, une rupture d'anévrisme. Face, face et encore face, un avion se crashe. Pile, pile, pile, pile, toujours pile, un astéroïde tombe.

Il pourrait y a voir des centaines de raisons imaginables et valables pour que cet homme ne finisse jamais son trajet. Mais, je ne saurais jamais la fin. Je le voyais courir sur plusieurs centaines de mètres, puis, plus rien. Il était sorti de mon champ de vision. Je suppose qu'il a réussi... En fait j'en sais rien. Absolument rien. Peut-être qu'il n'a pas survécu. Mais lui au moins, il ne s'est soucié de rien. Il a vécu ses derniers moments avec une certaine sérénité, et sans inquiétude. J'inspire, et regarde les voitures. Pile, ou face ?