Note de la fic :
[Confédération][2] Rêves Mécaniques
Par : Gregor
Genre : Science-Fiction, Action
Statut : Terminée
Chapitre 8
Publié le 08/11/2012 à 19:01:09 par Gregor
7.
2119.
Un vent glacial soufflait sur la ville, emmitouflant tout ce qui se trouvait sur son passage dans un manteau de frissons et de torpeurs. Lourdement enveloppé dans une cape de laine épaisse, aux couleurs de l’Ordo Magister, Oddarick serrait ses bras contre son corps, afin de trouver un peu de chaleur. Le climat polaire qui recouvrait désormais de Paris chaque hiver faisait régulièrement chuter les températures sous la barre des moins vingt degrés, plombant la vie quotidienne. Seuls les militaires, équipés pour vivre normalement malgré ce temps, semblaient ne pas remarquer les affres que le ciel livrait à la Terre.
Perdu dans ses pensées, le jeune homme scrutait d’un œil absent les toits de la capitale, où venaient mourir les derniers rayons d’un soleil moribond, atténué par de longues nappes de nuages d’altitudes. De faibles tâches de carmins et d’indigo atténuaient les nuances ternes que l’hiver s’évertuait à entretenir, avant que la nuit ne tombe et ne brise définitivement la trame des couleurs.
Oddarick n’avait cure de ces broutilles météorologiques. Planté ici, il attendait patiemment que celui qui l’avait fait revenir en urgence du front de Russie se manifeste. Le message était parvenu tard dans la matinée. Il l’avait lu à trois reprises, s’assurant qu’il ne comportait aucune erreur. Une joie infinie s’était alors emparée de lui, et il avait quitté ses camarades à regret, mais heureux. Une vie entière remplie de sacrifices et de dévotion à une cause, de durs entraînements, de fastidieux apprentissages, de lectures fastidieuses, venait enfin de trouver là son accomplissement. Après vingt-trois années d’existence à supporter cette enveloppe de chair et de sang, Oddarick pouvait enfin accéder à ce statut plus qu’enviable de cyborg de la Confédération, mû par le désir inflexible de servir l’Esprit de la Machine au travers de son père.
Le vent, cette bise venue de l’Orient, amie cruelle du guerrier qui glaçait le sang et faisait claquer les mâchoires, s’étira un court instant sur ses cheveux blonds, de longueurs irrégulières. Des mèches plus ou moins foncées, qui s’accrochaient parfois, se soulevaient sans rythme particulier, seuls mouvements sur le visage impassible de ce jeune homme au tempérament aussi dur que de l’acier. Une scène, jusqu’alors oubliée dans les méandres de son esprit. Sans accrocs, ils retrouvaient ce corps d’enfant, frêle, coincé dans ses conceptions d’alors. Tout était si facile. Tout demeurait si accessible.
Lentement, la tête du condamné avait chuté vers le sol. Très longtemps, suspendue en l’air, avant qu’elle ne s’écrase dans un bruit mou, amorphe. Oddarick avait tout suivi. Oddarick avait tout regardé. Ce prisonnier pouilleux, imbibé de sang et de larmes, gesticulant et priant qu’on l’épargne, avant de se raidir sous le traitement radical que son propre père lui avait administré.
Lentement, il n’était resté dans son esprit que cette image du prisonnier. Fragile, brisé, totalement à la merci du premier venu. Cette faiblesse de l’organique, ces regards durs pour cet homme qui avait choisi le mauvais camp dans cette guerre. Et qui aujourd’hui, s’enfonçait à nouveau dans les réminiscences d’un autre Homme.
— Je suis si fier de toi, fils.
Oddarick ne changea en rien sa posture. Perdu dans ses pensées, il n’avait pas entendu les pas de son père sur la terrasse. Le chuintement diffus qui s’échappait de son corps de métal aurait dû le tirer de ses rêveries, mais non. Les mains crispées sur les pans sans formes de la lourde cape, il fixait le soleil, inébranlable.
Doucement, Kristian s’avança. Le vent agitait également le lourd manteau gris du Magister, dévoilant partiellement la mécanique de son corps. Un sourire discret animait les restes de son visage, tandis qu’il tendit les bras et étreignit son fils.
— Je suis si fier, répéta-t-il. Si fier que tu sois ici, à présent, parmi nous.
Oddarick se retourna, planta son regard dans celui de son père. Malgré l’acier et la silice qui brisait une partie de celui-ci, il pouvait sans peine discerner la joie profonde qui illuminait le vénérable maitre de ces lieux.
— C’est un honneur pour moi de bientôt vous servir tel que tous les Hommes le devrait, père.
— Tout ceci sera bientôt réalité, mon fils.
Sans un mot, il invita Oddarick à le précéder. Ils laissèrent derrière eux la terrasse sur laquelle ils s’étaient retrouvés après de longs mois de séparation, puis une longue série de couloir et d’escaliers. Après la dizaine de minutes qu’avait duré le périple, ils aboutirent face à une porte en verre démesuré, devant laquelle se tenait le second mentor du jeune homme. Le véritable responsable de son fanatisme pour la Confédération et l’Évolution de l’Homme. Semblable en tous points au Magister, à la différence notable que son visage était totalement dissimulé sous un casque, d’où filtraient plusieurs points lumineux d’un rouge intense.
Oddarick s’approcha, et s’agenouilla respectueusement face à l’homme.
— Commandus Magnus, je suis honoré de vous servir. Jamais je ne vous serais assez reconnaissant de m’avoir éduqué et formé, dans toute votre bonté et votre sagesse.
Javier se baissa au niveau d’Oddarick, et ce qui lui servait d’œil se braqua sur l’éclat gris du regard de son jeune protégé.
— Relève-toi, Oddarick. C’est à moi de m’agenouiller face à ton immense humilité et à ton courage exemplaire.
Il l’aida à se redresser, ne cessant de le fixer. Javier était fier, aussi fier que la Magister, devant ce qu’ils avaient contribué à ériger. Lorsque le temps serait venu, Oddarick deviendrait le chef parfait, le pouvoir absolu capable de guider le destin des Hommes avec autorité et justice. Il n’en était pas moins resté profondément humaniste, ne cessant de se soucier de ses concitoyens et contribuant à rendre les conditions de vie de la population un peu plus décentes.
Sa cybernétisation ne serait qu’un juste retour des choses.
La porte se déroba, laissant passer le cortège. Une autre série de portes vitrées s’ouvrait sur une salle de dimensions conséquentes, soigneusement tenue. Une table d’intervention en occupait le centre, tandis qu’une quantité invraisemblable d’appareils de contrôles et d’outils chirurgicaux se déployait sur de longues étagères, en périphérie de ladite pièce. Une dizaine d’hommes se tenaient dans la salle, concentrés sur diverses tâches. Aucun d’eux ne leva les yeux pour observer le Regalium. Ils ne pouvaient se permettre de détourner leur attention un seul instant. Une vie serait en jeu, et la moindre erreur serait pour eux synonyme de mort.
Une dernière fois, Oddarick contempla les deux cyborgs, sourit, et franchit le sas. Doucement, les jets de vapeur l’enveloppèrent, jusqu’à le rendre invisible.
Il y eut du sang, des larmes, des cris. Après tout, lui non plus n’avait pas souhaité être anesthésié. Malheureusement, les centres de la douleur n’avaient pas été neutralisés par les deux puissantes injections de nanoboost qu’avait programmé l’un des cybernautes. Une dose conséquente de morphine avait été administrée, et en dépit de cela, la brûlure qu’occasionnait sa chair meurtrie l’emmenait vers les portes de la folie. La phase de scission de son corps s’était achevée en une demi-heure, sous des mains expertes. Les outils fourmillaient dans toutes les directions, se rendaient invisibles parfois. Sans attendre, les organes artificiels qui composeraient son nouveau corps furent mis en place à la même cadence, ne laissant à aucun moment le moindre répit à Oddarick. Malgré la barbarie de cette pratique, il restait vissé à ses convictions. Aussi douloureuse que devait être cette cybernétisation, elle était totalement indispensable pour qu’il achève son éveil à la pleine conscience du monde. Accroché à cette idée, il parvenait à concentrer son esprit sur un point précis, inattaquable, tandis qu’autour de lui, sa propre chair finissait de s’étioler en giclures diverses et lambeaux flasques.
L’étrangeté de la scène conservait toute sa fraîcheur, vue de l’extérieur. Pour le Magister, voir son propre fils sur le théâtre de tant de cybernétisation restait, malgré son expérience en la matière, un événement dérangeant. Les cris et les supplications d’Oddarick soulevaient son cœur et crispaient tous son corps d’une horreur glacée, tandis qu’il se contenait de toute remarque. Il ne pouvait qu’imaginer la terreur que ressentait son propre fils, lui à qui il avait promis tant de merveilles au travers de ce passage. Même Keller ne resta pas insensible à la situation, et , d’un geste doux, apposa sa pince gauche sur l’épaule du Magister.
— Nous serons là pour lui.
— Oui, Keller. Il nous fait confiance, après tout.
— À nous de ne pas le décevoir.
L’intense activité tomba graduellement, jusqu’à ce qu’un des cybernautes ne demande aux militaires de les rejoindre. D’un point de vue technique, l’intervention fut banale, comme l’attestait le compte-rendu envoyé sur le terminal personnel de Kristian. Certes, la proto-fusion d’Oddarick avec Le Rezo, symbolisé en l’entité numérique nommée Diogène, avait engendré une architecture cérébrale unique, qui maximisait tout à la fois les capacités du cerveau organique et de l’ensemble cybernétique. Hormis ce détail, il était un cyborg parfaitement classique. À présent, tout en lui, à l’exception notable de la partie gauche de son visage et son hémisphère cérébral droit, la totalité de son corps était une mécanique harmonieuse. Une aura de puissance s’en dégageait, bien qu’il fût encore privé de ses deux mains.
Kristian et Javier remercièrent brièvement l’équipe de cybernaute pour l’excellent travail qu’ils avaient fourni, après quoi ceux-ci se retirèrent.
— Oddarick ? demanda Kristian.
Le jeune homme le fixa. L’expression douloureuse qui avait couvert sont visage n’était plus qu’un souvenir proche.
— Oddarick ? répéta-t-il.
— Tout va bien, père.
Sa voix s’était transformée en un râle rauque, terrifiant, à l’image de ce qu’il était revenu.
— Nous allons achever ce qui a été commencé, mon fils.
La pince droite du Magister se sait d’une autre, disposée sur un plateau en inox. Il l’approcha du poignet béant du Regalium, et la fixa dans un emplacement particulier. Un chuintement sec brisa l’air, et la pince claqua trois fois d'affilée. Le Commandus Magnus répéta l’opération pour l’autre poignet, ce qui entraina la même réaction automatique. Un sourire tiède envahit le visage d’Oddarick. À présent, il se sentait en paix, comme achevé.
La table se redressa, le jeune homme posa pied-à-terre et étreignit son père. Une fierté mutuelle les enveloppait, à l’image de la lourde cape protocolaire que Kristian ceignit aux épaules de son fils.
En silence, ils remontèrent vers la surface. Au passage des trois hommes, les discussions s’arrêtaient, les grades à vous se multipliaient. Sans qu’un seul mot ne fût échangé, tout ce que la Confédération comptait à cet instant de membre au sein du Palais pouvait sentir un changement à la fois fugace et immense. Un nouveau cycle débutait. Un cycle qui ne devait jamais cesser.
2119.
Un vent glacial soufflait sur la ville, emmitouflant tout ce qui se trouvait sur son passage dans un manteau de frissons et de torpeurs. Lourdement enveloppé dans une cape de laine épaisse, aux couleurs de l’Ordo Magister, Oddarick serrait ses bras contre son corps, afin de trouver un peu de chaleur. Le climat polaire qui recouvrait désormais de Paris chaque hiver faisait régulièrement chuter les températures sous la barre des moins vingt degrés, plombant la vie quotidienne. Seuls les militaires, équipés pour vivre normalement malgré ce temps, semblaient ne pas remarquer les affres que le ciel livrait à la Terre.
Perdu dans ses pensées, le jeune homme scrutait d’un œil absent les toits de la capitale, où venaient mourir les derniers rayons d’un soleil moribond, atténué par de longues nappes de nuages d’altitudes. De faibles tâches de carmins et d’indigo atténuaient les nuances ternes que l’hiver s’évertuait à entretenir, avant que la nuit ne tombe et ne brise définitivement la trame des couleurs.
Oddarick n’avait cure de ces broutilles météorologiques. Planté ici, il attendait patiemment que celui qui l’avait fait revenir en urgence du front de Russie se manifeste. Le message était parvenu tard dans la matinée. Il l’avait lu à trois reprises, s’assurant qu’il ne comportait aucune erreur. Une joie infinie s’était alors emparée de lui, et il avait quitté ses camarades à regret, mais heureux. Une vie entière remplie de sacrifices et de dévotion à une cause, de durs entraînements, de fastidieux apprentissages, de lectures fastidieuses, venait enfin de trouver là son accomplissement. Après vingt-trois années d’existence à supporter cette enveloppe de chair et de sang, Oddarick pouvait enfin accéder à ce statut plus qu’enviable de cyborg de la Confédération, mû par le désir inflexible de servir l’Esprit de la Machine au travers de son père.
Le vent, cette bise venue de l’Orient, amie cruelle du guerrier qui glaçait le sang et faisait claquer les mâchoires, s’étira un court instant sur ses cheveux blonds, de longueurs irrégulières. Des mèches plus ou moins foncées, qui s’accrochaient parfois, se soulevaient sans rythme particulier, seuls mouvements sur le visage impassible de ce jeune homme au tempérament aussi dur que de l’acier. Une scène, jusqu’alors oubliée dans les méandres de son esprit. Sans accrocs, ils retrouvaient ce corps d’enfant, frêle, coincé dans ses conceptions d’alors. Tout était si facile. Tout demeurait si accessible.
Lentement, la tête du condamné avait chuté vers le sol. Très longtemps, suspendue en l’air, avant qu’elle ne s’écrase dans un bruit mou, amorphe. Oddarick avait tout suivi. Oddarick avait tout regardé. Ce prisonnier pouilleux, imbibé de sang et de larmes, gesticulant et priant qu’on l’épargne, avant de se raidir sous le traitement radical que son propre père lui avait administré.
Lentement, il n’était resté dans son esprit que cette image du prisonnier. Fragile, brisé, totalement à la merci du premier venu. Cette faiblesse de l’organique, ces regards durs pour cet homme qui avait choisi le mauvais camp dans cette guerre. Et qui aujourd’hui, s’enfonçait à nouveau dans les réminiscences d’un autre Homme.
— Je suis si fier de toi, fils.
Oddarick ne changea en rien sa posture. Perdu dans ses pensées, il n’avait pas entendu les pas de son père sur la terrasse. Le chuintement diffus qui s’échappait de son corps de métal aurait dû le tirer de ses rêveries, mais non. Les mains crispées sur les pans sans formes de la lourde cape, il fixait le soleil, inébranlable.
Doucement, Kristian s’avança. Le vent agitait également le lourd manteau gris du Magister, dévoilant partiellement la mécanique de son corps. Un sourire discret animait les restes de son visage, tandis qu’il tendit les bras et étreignit son fils.
— Je suis si fier, répéta-t-il. Si fier que tu sois ici, à présent, parmi nous.
Oddarick se retourna, planta son regard dans celui de son père. Malgré l’acier et la silice qui brisait une partie de celui-ci, il pouvait sans peine discerner la joie profonde qui illuminait le vénérable maitre de ces lieux.
— C’est un honneur pour moi de bientôt vous servir tel que tous les Hommes le devrait, père.
— Tout ceci sera bientôt réalité, mon fils.
Sans un mot, il invita Oddarick à le précéder. Ils laissèrent derrière eux la terrasse sur laquelle ils s’étaient retrouvés après de longs mois de séparation, puis une longue série de couloir et d’escaliers. Après la dizaine de minutes qu’avait duré le périple, ils aboutirent face à une porte en verre démesuré, devant laquelle se tenait le second mentor du jeune homme. Le véritable responsable de son fanatisme pour la Confédération et l’Évolution de l’Homme. Semblable en tous points au Magister, à la différence notable que son visage était totalement dissimulé sous un casque, d’où filtraient plusieurs points lumineux d’un rouge intense.
Oddarick s’approcha, et s’agenouilla respectueusement face à l’homme.
— Commandus Magnus, je suis honoré de vous servir. Jamais je ne vous serais assez reconnaissant de m’avoir éduqué et formé, dans toute votre bonté et votre sagesse.
Javier se baissa au niveau d’Oddarick, et ce qui lui servait d’œil se braqua sur l’éclat gris du regard de son jeune protégé.
— Relève-toi, Oddarick. C’est à moi de m’agenouiller face à ton immense humilité et à ton courage exemplaire.
Il l’aida à se redresser, ne cessant de le fixer. Javier était fier, aussi fier que la Magister, devant ce qu’ils avaient contribué à ériger. Lorsque le temps serait venu, Oddarick deviendrait le chef parfait, le pouvoir absolu capable de guider le destin des Hommes avec autorité et justice. Il n’en était pas moins resté profondément humaniste, ne cessant de se soucier de ses concitoyens et contribuant à rendre les conditions de vie de la population un peu plus décentes.
Sa cybernétisation ne serait qu’un juste retour des choses.
La porte se déroba, laissant passer le cortège. Une autre série de portes vitrées s’ouvrait sur une salle de dimensions conséquentes, soigneusement tenue. Une table d’intervention en occupait le centre, tandis qu’une quantité invraisemblable d’appareils de contrôles et d’outils chirurgicaux se déployait sur de longues étagères, en périphérie de ladite pièce. Une dizaine d’hommes se tenaient dans la salle, concentrés sur diverses tâches. Aucun d’eux ne leva les yeux pour observer le Regalium. Ils ne pouvaient se permettre de détourner leur attention un seul instant. Une vie serait en jeu, et la moindre erreur serait pour eux synonyme de mort.
Une dernière fois, Oddarick contempla les deux cyborgs, sourit, et franchit le sas. Doucement, les jets de vapeur l’enveloppèrent, jusqu’à le rendre invisible.
Il y eut du sang, des larmes, des cris. Après tout, lui non plus n’avait pas souhaité être anesthésié. Malheureusement, les centres de la douleur n’avaient pas été neutralisés par les deux puissantes injections de nanoboost qu’avait programmé l’un des cybernautes. Une dose conséquente de morphine avait été administrée, et en dépit de cela, la brûlure qu’occasionnait sa chair meurtrie l’emmenait vers les portes de la folie. La phase de scission de son corps s’était achevée en une demi-heure, sous des mains expertes. Les outils fourmillaient dans toutes les directions, se rendaient invisibles parfois. Sans attendre, les organes artificiels qui composeraient son nouveau corps furent mis en place à la même cadence, ne laissant à aucun moment le moindre répit à Oddarick. Malgré la barbarie de cette pratique, il restait vissé à ses convictions. Aussi douloureuse que devait être cette cybernétisation, elle était totalement indispensable pour qu’il achève son éveil à la pleine conscience du monde. Accroché à cette idée, il parvenait à concentrer son esprit sur un point précis, inattaquable, tandis qu’autour de lui, sa propre chair finissait de s’étioler en giclures diverses et lambeaux flasques.
L’étrangeté de la scène conservait toute sa fraîcheur, vue de l’extérieur. Pour le Magister, voir son propre fils sur le théâtre de tant de cybernétisation restait, malgré son expérience en la matière, un événement dérangeant. Les cris et les supplications d’Oddarick soulevaient son cœur et crispaient tous son corps d’une horreur glacée, tandis qu’il se contenait de toute remarque. Il ne pouvait qu’imaginer la terreur que ressentait son propre fils, lui à qui il avait promis tant de merveilles au travers de ce passage. Même Keller ne resta pas insensible à la situation, et , d’un geste doux, apposa sa pince gauche sur l’épaule du Magister.
— Nous serons là pour lui.
— Oui, Keller. Il nous fait confiance, après tout.
— À nous de ne pas le décevoir.
L’intense activité tomba graduellement, jusqu’à ce qu’un des cybernautes ne demande aux militaires de les rejoindre. D’un point de vue technique, l’intervention fut banale, comme l’attestait le compte-rendu envoyé sur le terminal personnel de Kristian. Certes, la proto-fusion d’Oddarick avec Le Rezo, symbolisé en l’entité numérique nommée Diogène, avait engendré une architecture cérébrale unique, qui maximisait tout à la fois les capacités du cerveau organique et de l’ensemble cybernétique. Hormis ce détail, il était un cyborg parfaitement classique. À présent, tout en lui, à l’exception notable de la partie gauche de son visage et son hémisphère cérébral droit, la totalité de son corps était une mécanique harmonieuse. Une aura de puissance s’en dégageait, bien qu’il fût encore privé de ses deux mains.
Kristian et Javier remercièrent brièvement l’équipe de cybernaute pour l’excellent travail qu’ils avaient fourni, après quoi ceux-ci se retirèrent.
— Oddarick ? demanda Kristian.
Le jeune homme le fixa. L’expression douloureuse qui avait couvert sont visage n’était plus qu’un souvenir proche.
— Oddarick ? répéta-t-il.
— Tout va bien, père.
Sa voix s’était transformée en un râle rauque, terrifiant, à l’image de ce qu’il était revenu.
— Nous allons achever ce qui a été commencé, mon fils.
La pince droite du Magister se sait d’une autre, disposée sur un plateau en inox. Il l’approcha du poignet béant du Regalium, et la fixa dans un emplacement particulier. Un chuintement sec brisa l’air, et la pince claqua trois fois d'affilée. Le Commandus Magnus répéta l’opération pour l’autre poignet, ce qui entraina la même réaction automatique. Un sourire tiède envahit le visage d’Oddarick. À présent, il se sentait en paix, comme achevé.
La table se redressa, le jeune homme posa pied-à-terre et étreignit son père. Une fierté mutuelle les enveloppait, à l’image de la lourde cape protocolaire que Kristian ceignit aux épaules de son fils.
En silence, ils remontèrent vers la surface. Au passage des trois hommes, les discussions s’arrêtaient, les grades à vous se multipliaient. Sans qu’un seul mot ne fût échangé, tout ce que la Confédération comptait à cet instant de membre au sein du Palais pouvait sentir un changement à la fois fugace et immense. Un nouveau cycle débutait. Un cycle qui ne devait jamais cesser.
Commentaires
- Pseudo supprimé
12/07/2010 à 16:56:00
Une suite s'impose
- Gamer4Life54
12/07/2010 à 01:45:14
j'aime, je dit : suite.
- GriganDerkel68
12/07/2010 à 00:20:07
Je demande aussi la suite,c'est très bon
- Snake-suicide
11/07/2010 à 23:02:14
Qu'une chose à dire, suite !