Je cherche le pass pour manger dans mon sac. Romain m'attend.
- Tu te bouges oui ? J'ai faim moi ! Grogne-t-il.
- Bah je comprends pas, il était là tout à l'heure...
- Bon, tu me rejoins dans le self, la moitié de la classe est passée. On ne mange que tous les deux par contre hein. À toute.
Il n'avait pas envie de m'aider depuis le petit incident de tout à l'heure.
Je regarde Romain introduire son pass à coté du tourniquet, se laver les mains et rentrer dans le bâtiment.
Clémentine arrive, je saute sur l'occasion.
- Euh au fait Clémentine, merci pour tout à l'heure avec Maxime, je sais pas comment j'aurais réagi sans toi.
- Ah ça ce n'est rien, il peut être con mais c'est un agneau.
Un agneau. Pourquoi pas.
- Oki, je lui réponds avec mon sourire de con, et tu n'aurais pas vu un pass par terre? Le mien est introuvable.
Mouvement de tête de Clémentine pour regarder les alentours.
- Ah non désolée, tu vas faire comment ?
- Je n'en sais rien... Le signaler à une pionne sûrement. Impossible de passer en dessous ou au-dessus, ils ont pensé à tous ces cons.
- T'a qu'à passer avec moi.
- Euh... Avec toi ?
- Viens me répond-elle, sourire aux lèvres.
Je la suis dans le couloir, et on arrive au tourniquet.
- Serre toi le plus possible.
J'obéis. Je suis très près de son visage, elle prend soin de décaler sa tête sur le côté, puis met son pass. La barre nous pousse, on arrive in extremis à passer. Elle se retire rapidement, fière d'elle.
- Merci, c'est sympa, Romain n'avait pas l'air de vouloir m'aider et encore moins de se serrer contre moi.
- De rien, c'est normal, t'aurais fait pareil.
Ça c'est sûr.
- Sinon, tu viens d'où ?
- Lyon, on avait un appartement avec ma mère.
- Et ton père ?
- Il est parti avec une autre femme quand j'étais plus jeune.
- Ah okay, désolée me répond-elle, déçue. C'est sûrement ce qui me dégoutte le plus chez l'homme, sa capacité à aller voir ailleurs.
- On n'est pas tous comme ça.
- J'espère...
De peur que la conversation ne prenne fin, je change de sujet.
- Au fait, c'est ton copain Maxime, c'est ça ? Je fais le mec innocent.
- Oui, tu as vu une mauvaise image de lui, c'est juste qu'il est... spécial.
- Et sans vouloir te vexer, tu lui trouves quoi à cette brute ?
- À cette brute ? C'est ton premier jour et tu le juges ? J'aime pas les gens qui jugent sans connaître...
Elle se retourne. Je l'ai vexée. Mais quel con... Tentative de rattrapage.
- Ça te dirais de manger avec moi et Romain ?
- Marché conclu.
Je lui tend la main, elle me la serre. Sa peau est douce. Romain va faire la gueule par contre lui....

J'arrive avant Clémentine sur la table.
- Romain, faut que t'assure sur ce coup-là, steu plait...
- Humf ? répond-il la bouche pleine.
- Coucou Romain, j'espère que je vous dérange pas, Juan m'a dit que je pouvais, dit Clémentine en s'asseyant.
Le regard de Romain passe de mes yeux doux à la frimousse de Clémentine, qui se sert un verre d'eau. Il continue de manger, résigné.
- Bon alors, ton père. Tu avais quel âge quand il est parti ?
- J'avais 12 ans, ma mère m'avait annoncé que papa était tombé amoureux d'une autre femme, que ça arrivait de temps en temps.
- Et ça t'a fait quoi ?
Elle était captivée par ce que je lui racontais, moi qui trouvais ça ennuyeux.
- Il était comment ?
- Euh...
Je me rend compte que j'ai oublié son image, son physique...
- A vrai dire, je me souviens juste qu'il était brun... euh, et qu'il avait un tatouage serpent sur le ventre.
- Oki.
Romain se lève, et me glisse en partant:
- Je te laisse avec elle, mais fait attention aux pécheurs mecs.
Je souris. J'avais eu peur de l'avoir vexé. C'est un vrai pote en fait.
Je reprends avec Clémentine
- Au fait, je peux t'appeler Clem?
- Bah oui bien sûr me répond t-elle avec ce sourire qui me fait craquer.
- Oki. Tu voulais pas manger avec tes amies au fait?
- On n'est pas dans la même classe, donc on a des horaires décalés. Je passe mon temps à les attendre dans la cour, je m'emmerde.
- Pourtant, je pense que certains payeraient pour passer la récré avec toi.
- Des lourdauds bons à rien, incapables de tenir une conversation et de faire une multiplication.
- Moi je peux rester avec toi si tu veux, je suis fort en maths.
Elle rigole.
- Ça me va, merci beaucoup.
- Normal, pour le pass
Excuse bidon, elle n'y voit que du feu.

Dans la cour, on discute beaucoup, en en apprend sur l'autre, je connais son nom, Clémentine Marl, son adresse et les noms de ses parents. On se découvre, et on s'entend comme larrons en foire. Le temps passe si vite... Ses copines arrivent, Clem me parlait du devoir de maths, ou elle n'avait rien compris.
- Ah bah merci beaucoup Juan, t'es trop mignon. T'es différent des autres, tu cherches pas à me draguer, t'es un super ami.
Elle me fait une bise et s'éloigne avec ses amies. Je plane...
Romain me rejoint.
- Pfou... Mais comment tu fait ? Elle a l'air de t'adorer, me reprocha presque Romain, les mecs du lycée la suivent depuis 2 ans, ils ont presque tous abandonné, et toi t'arrive comme une fleur et elle te tombe dans les bras...
- Bah... J'en sais rien moi, c'est mon charisme légendaire sûrement, lui répliquais-je, rêveur
- Va falloir passer sur le corps de son Maxime alors...En plus, tu me laisseras tout seul si tu te cases avec elle ?
- Mais non, je me suis déjà attaché à toi, je te laisserai pas mec.
- Bon bah ça va alors.
Il m'assène une tape amicale dans le dos comme le ferait deux vieux amis. La sonnerie retentit, la fin de l'après-midi se déroule sans encombres.