Note de la fic :
Publié le 01/01/2011 à 12:58:04 par MassiveDynamic
"Un jour, on aura de la reconnaissance, tu verras. "
Je suis dans la cave d'un des nombreux logements pittoresques et délabrés des 4000, dans la Courneuve, à Paris. J'étais guetteur, jusqu'à ce soir. Job très simple, je surveille l'arrivée des policiers pendant que les autres font la maille dans l'ombre, leur business, l'argent sale. Tout se passait bien jusqu'à ce l'un des nôtres, Khalid, ait trouvé la mort après un braquage et avoir tué deux policiers qui le poursuivait, il a été abattu à deux pas d'ici. Le quartier est en émeute et la ville est agitée. La répression policière là-dehors a créée des tensions énormes. Et moi, avec Sofiane, on s'est retranché ici, au trente-sixième dessous, par peur d'être blessés.
"Ferme un peu ta gueule toi ! Khalid est mort putain ! C'était lui la plaque tournante, c'était lui qui faisait l'oseille ! On était sous sa protection. Maintenant les dealers de mes-deux vont venir ici sur notre territoire, une fois que les keufs auront foutu le camp ! Alors tais-toi avec tes rêves à la con, t'es né ici, t'y crèveras. On est de la vermine pour eux, rien d'autre, donc fais de l'oseille ou marche à l'ombre ! Ca a toujours été comme ça, et ça changera pas ! Notre avenir c'est la tess' "
Sofiane est terre à terre, et je sais bien qu'il dit vrai. Je suis dé-scolarisé, dix-sept ans, et vraisemblablement sans avenir. Pourtant, j'essaie d'en avoir un. Je lis, me cultive moi-même, je m'éduque comme je peux, quand je ne suis pas à trainer dehors pour surveiller les deals. C'est parfois compliqué, mais je sais qu'un jour, je récolterai le fruit de mes efforts. Mais pas dans ce trou. Ici, tout le monde le sait, nous sommes sans avenir, livrés à nous-mêmes.
"Ouais... Je sais. Mais sans Khalid et avec les descentes de flics qui risquent d'être quotidiens pendant un moment, c'est la merde. Je dois m'occuper de mon père et on est en galère de tout en ce moment, ça va même être chaud de boucler le loyer."
Je n'habite qu'avec mon père, dans la bâtiment conjoint à celui-ci. Ma mère est morte à la naissance, et depuis, mon père, ancien militaire, est devenu fou, littéralement. Un handicapé mental, incapable d'aligner deux phrases sans qu'elles soient incohérentes. Il sait cuisiner, faire le ménage, les tâches quotidiennes de la vie en appartement, mais il est incapable de tenir une conversation. Et, depuis peu, il met un moment avant de me reconnaitre. J'ai peur. Peur de perdre ma dernière famille. Même si son esprit n'est déjà plus présent depuis longtemps. A pars lui, je n'ai personne d'autre. J'ai déjà essayé d'avoir de l'aide de l'état, mais c'était soit l'hôpital psychiatrique, soit un tuteur me prenait en charge et lui avec. Alors, j'ai opté pour le tuteur.
C'était Khalid. Un garçon qui avait le coeur sur la main, et qui, quelques minutes avant de quitter ce monde, avait la main sur le coeur. C'était un gangster, oui, mais c'était aussi la personne la plus dévouée que j'ai rencontré. Il trempait dans des tas d'affaires pas très nets, mais il s'efforçait, une fois avec nous, les petits du quartier, de mettre tout ça de côté, pour nous faire rêver un peu. C'est lui qui me parlait des grandes étendues vertes de la Province, de la mer et son eau cristalline près des côtes bretonnes, de l'american way of life lors de ses courtes missions à Brooklyn. Il savait très bien que la plupart d'entre nous ne connaitra qu'une vie miséreuse éternelle dans ce quartier lamentable, et c'était sa façon à lui de nous motiver, de nous dire de nous en sortir. Ses histoires, ses récits, sa vie. La dernière fois qu'il a parlé avec nous, il y a deux jours, il nous a lancé des paroles franches. Comme un discours d'adieu.
<< Que vous soyez un gangster ou que vous marchiez dans le droit chemin sans jamais vous perdre, l'important, c'est pas l'argent que vous faites, de l'argent j'en ai eu, des millions même, j'en ai vu passé, j'ai fait le tour du monde, j'ai vu des choses innombrables et indescriptibles, mais aussi des choses que je ne vous souhaite pas. Mais peut importe le fric que vous ferez. L'important, les petits, c'est la reconnaissance. Mourrez riche, sans jamais rien avoir accompli, et tout le monde vous oubliera. Et ça, ne l'oubliez pas. >>
Ce sont ses mots, et ils résonnent encore dans ma tête. Cet homme, considéré comme un héros pour nous, il avait son propre réseau et ne risquait rien tant ses contacts s'étendaient de la France à l'outre mer. Pourquoi un braquage sans intérêt, compte tenu de sa fortune, et pourquoi un double meurtre ? A l'heure où tout le monde est trop occupé à se mettre sur la gueule, les petits cris sur les policiers et pleurent Khalid, les flics préparent leurs expéditions punitives, et bien, beaucoup de questions me taraudent. Pas un suicide, puisque s'il aurait voulu mourir, une balle dans la tête aurait suffit. Pas un braquage qui a mal tourné.
Je ne comprends pas, et ses intentions resteront un mystère... Pour un moment du moins.
Je ne sais plus quoi faire, et dans ma bouche seul demeure ce goût amer.