Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Mussolini


Par : Negatum
Genre : Action
Statut : C'est compliqué



Chapitre 3 : MARCO (3)


Publié le 27/08/2010 à 17:26:46 par Negatum

-Dommage. Et étonnant, pour un fasciste. Je n'ai pas menti, vous savez. Je suis en effet parti à Petersbourg avec une bourse du tsar. Mais je m'étais engagé dans le parti bolchevique depuis 1914, quand j'étais encore dans le Caucase. Si vous voulez savoir, c'était le seul parti qui nous acceptait quand on ne parlait pas le russe. J'était là en Octobre, quand Lénine a pris le pouvoir, et j'ai fait partie des dirigeants du Kominterm. Je peut vous assurer que la IIIem Internationale a gardé un oeil sur vous, tout ce temps. (1)

Marco ne put s'empêcher de sourire. Il cherchait à se justifier? A lui expliquer ce qu'il se passait? Ivan avait peut être changé de camp, mais même avec un revolver, c'était le même homme.

-Parfait. Vous ne voulez pas me tuer, vous l'auriez déjà fait. Le Kominterm ne tuerait pas un modeste bureaucrate comme moi. On fait quoi, maintenant? L'entrée de service n'a pas de garde.

-Elle donne aussi sur une ruelle commerçante. Bien essayé.
-J'aurais essayé quelque chose si le piége avait été moins évident. Là, c'est à peine une blague.

-Avancez, Galiani.

Marco obéit, docile.

-On va prendre tranquillement le chemin qui passe par les jardins du palais.

-Vous avez conscience que c'est à l'autre bout des ministères?

Ivan rabattit son manc6teau sur lui pour ne pas être reconnu. Puis, il brandit le revolver à bout de bras.
-Tentez quoi que ce soit, et je n'aurais aucune pitié pour les cinq ans que nous avons passé ensemble. Passez devant.
Ils traversèrent les couloirs déserts. Marco sentait Ivan terriblement concentré sur sa mission. Lui-même était particulièrement calme. Il se surpris même à s'ennuyer, la situation l'empêchant comme à son habitude de vagabonder dans ses pensées. Peu à peu, le soir tombait, et les bougies mouraient dans les couloirs sans fenêtres. Il était de plus en plus difficile de discerner l'ensemble des lieux qu'ils parcouraient, ce qui rendait Ivan de plus en plus nerveux.

-Halte-là!

Marco et Ivan se figèrent. Ils s'étaient retrouvés dans un grand hall administratif à plusieurs étages. Ils traversaient une balustrade qui surplombait une dizaine de bureaux. En face d'eux, trois soldats. Leurs fusils étaient braqués vers Ivan.

-Ne tentez rien! Déposez votre arme.

"Si il me tue, c'est maintenant", pensa Marco. Il se demandait ce que ça faisait de mourir. Ce qui lui était sans doute le plus insupportable, c'est que la tension du moment l'empêchaient d'agir ou de réfléchir. Dommage, il n'aurait peut-être pas le temps de savourer sa mort.
Il entendit le bruit froid du revolver se poser. Il se retourna, pour découvrir Ivan, les mains déjà en l'air, le visage impavide sous son capuchon noir. "Il va tenter quelque chose".

-Reculez, monsieur Galiani, demanda l'un des gardes. Nous nous occupons de lui.

Marco obéit. Les trois gardes se rapprochèrent de la silhouette encapuchonnée.

-Montre-nous ton visage!

Ivan hésita un moment. Porta ses mains à sa capuche. La releva.

Les trois gardes poussèrent un cri de surprise.

-Koutouzov? C'est vous?
-Noo-ooon. C'est moi.

Ça ne venait pas d'Ivan.

Tout le reste, Marco ne fut pas certain de l'avoir bien vu. Quand la voix retentit à nouveau, il put seulement rester concentrer sur elle. Rien, absolument rien dans ce rire permanent, dans cette vibration irradiante, ne semblait sain. Les aigus descendaient sur les graves, et les mots explosaient comme des obus lumineux.

-Et d'un!

Un coup de feu sonore retentit dans la salle. L'un des hommes décolla sous le choc, touché à la tête. Le sang gicla sur ses camarades. L'un d'entre eux hurla.
-Et de deux!

Quelque chose de très rapide et de très gros bondit du lustre de la salle. Une masse noire et lourde qui frappa de plein fouet le second. Cette fois-ci, le sang éclaboussa la fenêtre, et une des gouttes tomba dans les yeux de Marco.
Le temps que ses mains se lèvent de son regard, un homme gigantesque brandissait un revolver sur le dernier des gardes, pétrifié. Ce dernier devait se pencher pour pouvoir se tenir debout sur la balustrade. Il était large, aussi large que haut, et le froc de moine qu'il portait en guise de vêtement le faisait apparaître comme une caricature monstrueuse. Sa tête colossale et disproportionnée était celle d'un bébé gras et lourd, et ses yeux bleus étaient grands comme des mains.

-On dirait que t'es le troisième, gamin, fit-il avec sa voix de dément.

Marco, cette fois-ci un peu décontenancé, eut un mouvement de recul. Le sang avait taché son costume. Le petit garde, terrifié, braqua son revolver vers le moine.

-Ne... Ne bougez pas!

-Tu as peur, hein, fasciste? fit l'homme en appuyant sur le dernier mot. Tu n'as pas de chance. Je serais intervenu quelques secondes plus tôt que je ne t'aurais peut-être pas tué. Mais tu as vu le visage de mon ami. C'est étrange, hein? Rejoindre le paradis pour avoir été au mauvais moment, au mauvais endroit.

-Le... Le Duce va vous poursuivre.

-Je n'en doute pas, mon jeune ami, continua le monstre en prenant une voix mortellement grave. Mais reprenons, si tu veux.

Sa voix devint celle d'une souris.

-Mourir par ce qu'on a pas de chance. D'une certaine façon, c'est toujours le cas. Les géants économiques parcourent le monde, en fauchant les pauvres proies qu'ils rencontrent comme des grains dans une moissonneuse. Productivité, croissance, industrie sont des mots qui puent le sang. Les pauvres qui meurent de faim, les paysans pillés sans cesse par les seigneurs, les ouvriers exploités par leurs patrons, les bourgeois détruits par leurs orgueils, et ces abrutis de fascistes morts parce qu'ils se croient trop puissant. Donc finalement, c'est toujours la même chose. On est toujours enchaîné à des morts involontaires. Et on fait tout pour l'oublier. Alors je te le rappelle.

-S'il vous plait... Je ne dirais rien.

Le petit garde tourna la tête vers Ivan. Puis, il regarda Marco,d'un air suppliant. Celui-ci haussa les épaules dans un signe d'impuissance. Il n'avait aucune chance contre ce monstre.

-Ah, tiens, fit d'un seul coup le moine en se tournant vers Ivan. Tu vois, il renie déjà son maître! Brave petit fasciste. Tu vois que tu souffres déjà. A ton avis, tu supporterais une telle angoisse longtemps?

-Par pitié, Gapone, fit sèchement Ivan en ramassant son revolver, arrête ça. Ils ne sont pas les seuls du secteur.

-Je l'ai fait, le secteur, camarade Koutouzov, grogna le monstre en riant. C'est le dernier du ministère. On m'a pas entendu car j'ai utilisé des couteaux pour les autres. Donc reprenons.

-Arrêtez, je... je n'ai rien fait, sanglota le petit garde.
Un nouveau coup de feu. Il partit en arrière, le crâne arraché. Son corps vola à travers la pièce.

Le colosse, étonné, regarda Ivan. Celui-ci rechargea son revolver et le braqua de nouveau sur Marco.

-On en a déjà tué trois. Il va falloir traverser le palais pour sortir par une entrée où personne ne nous verra. J'aimerais vraiment éviter qu'on fasse un massacre. C'est envisageable, camarade Gapone?

Le moine sourit.

-Difficilement.


(1) La IIIEM INTERNATIONALE (ou Kominterm) est l'organisation qui rassemble l'ensemble des forces communistes de par le monde. Fondé par Lénine en 1921, ses moyens d'actions sont ambigus: C'est une organisation politique "classique" qui réunit l'ensemble des partis communistes tout en les subordonnant à la volonté de Moscou. Mais c'est aussi une organisation d'essence révolutionnaire, et qui n'hésite pas à utiliser le terrorisme pour déstabiliser les régimes. Quel que soit ces moyens, l'objectif du Kominterm est d'assurer que la révolution de 1917 s'étende à l'ensemble du globe, pour que le communisme accomplisse la fin de l'Histoire.


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