Note de la fic : Non notée
Publié le 23/07/2017 à 17:19:46 par Mati07
Je n'ai absolument aucun souvenir du trajet jusqu'à la demeure d’Élise, tout ce que je sais, c'est qu'Ombre a pratiquement dû me traîner jusque là. Je n'arrive pas à y croire. Je ne veux pas y croire. Patriarche ne peut pas être mort, que deviendra l'Ordre sans lui ? Les mots de David résonnent dans ma tête... Cela signifie-t-il que les Templiers ont gagné ? Qu'ils peuvent maintenant diriger Paris, et même la France, comme bon leur semble ? Non, je suis sûr que Patriarche avait prévu quelque chose pour les en empêcher. Il ne peut pas nous avoir abandonnés comme ça !
J'entends une voix m'appeler au loin, et je reviens à la réalité. J'y suis bien forcé puisque Ombre est en train de me secouer dans tous les sens – encore. J'ai la tête qui tourne, mais je reconnais le palier de la maison d'Élise. La porte est grande ouverte, et j'aperçois une dizaine d'Assassins dans le salon. Nous entrons, prenons soin de refermer la porte derrière nous (je ne pense pas qu'il y avait d'autres Assassins après nous), et nous dirigeons vers la cheminée, tout à droite de la pièce. Le sofa est déjà occupé et beaucoup sont assis par terre. Je les imite et ne peux m'empêcher de pousser un profond soupir de soulagement. Cette journée a été éprouvante, autant physiquement qu'émotionnellement. Quelques-uns de mes camarades jettent des coups d’œil fréquents à la porte d'entrée, et je ne peux que les comprendre ; notre seule envie est de voir Patriarche débarquer ici, indemne, nous annonçant que les Templiers sont éliminés, que nous pouvons retourner au QG, notre deuxième maison. Mais nous savons pertinemment que c'est impossible. Je mets plusieurs minutes à remarquer l'absence d'Ombre, elle était pourtant avec moi lorsque je me suis dirigé vers le salon. Peut-être est-elle montée jusqu'au bureau d'Élise. Je la rejoindrais bien, mais mes jambes n'ont plus la force de me porter pour le moment. Je fixe les flammes de la cheminée tandis que mes yeux me brûlent de fatigue. Je me sens tellement vide... Que faire maintenant que notre Chef est mort ? L'Ordre va-t-il être désorganisé pendant des semaines, voire des mois, le temps de trouver un remplaçant ? C'est probable, et c'est ce que voulait Baraos.
Voilà qui me donne une raison de plus pour le détester.
-Sabre ? appelle doucement la voix d'Ombre derrière moi.
Je me retourne lentement pour découvrir une Ombre effarée, la mine sombre. Quelqu'un a mis du Steri-strip sur sa plaie. Je n'ose pas imaginer ce qu'elle doit ressentir : je ne connaissais Patriarche que depuis quelques mois à peine, je le respectais et l'admirais. Mais pour elle, qui a intégré l'Ordre à ses onze ans, il devait être comme un père. Elle a perdu son père une deuxième fois. Elle avance, s'accroupit dans mon dos et passe ses bras autour de mes épaules, en croisant ses mains sous mon menton. Je ne sais pas très bien quoi faire, alors je pose maladroitement une main sur les siennes et penche ma tête contre la sienne. Je devine des larmes silencieuses perler sur ses joues.
Nous restons ainsi, les autres Assassins, Ombre et moi, pendant plusieurs minutes. Je ne sais pas combien de temps exactement, peut-être dix minutes comme une heure. Il nous faut du temps pour nous remettre de cette attaque et pour faire notre deuil. Nous sommes sans nouvelles du reste de l'Ordre, et pour certains, la douleur de ne pas savoir si des amis sont sains et saufs ou non doit être insupportable. Une voix nous appelle, Ombre et moi, depuis les escaliers. Je reconnais la voix d'Élise. Elle se tient debout sur le palier, les bras tendus en face d'elle, les mains jointes devant sa taille. Elle nous sourit doucement avant de faire un léger signe de tête en direction de son bureau. Nous nous levons lentement et la suivons. Élise referme silencieusement la porte et, à ma grande surprise, je découvre une deuxième chaise face au bureau. Ombre et moi nous asseyons tandis qu'Élise fait de même en face de nous.
-Je vous présente toutes mes condoléances. J'étais moi-même proche de Patriarche, et sa mort est une perte immense et douloureuse.
-Merci, répondis-je d'une voix cassée. Je ne sais pas ce que l'Ordre va devenir sans lui.
-C'est pour cela que nous sommes venus ici, explique Ombre d'une petite voix en se tournant vers moi. Tu te souviens que Patriarche m'a confié une enveloppe avant la bataille ?
-Oui, pourquoi ?
-Elle contient des instructions ainsi que le nom du successeur qu'il s'est choisi.
-Tu serais le choix le plus logique, lui dis-je. Il te connaît depuis longtemps et te considère comme...
Je m'interromps en me rendant compte que je parle du chef au présent. Mais non, il n'est plus là, je dois maintenant en parler au passé. Je vais avoir beaucoup de mal à m'y faire.
-Je suis d'accord avec Sabre, approuve Élise. Vous êtes la personne toute désignée pour le remplacer.
-Nous allons très vite être fixés, dit Ombre en sortant la lettre de son manteau.
Elle commence à l'ouvrir d'une main tremblante. Élise et moi la fixons avec un intérêt grandissant alors qu'elle en sort une feuille pliée en quatre. Ses yeux s’agrandissent avant même qu'elle ne déplie le papier, et restent rivés sur le haut de la page. Elle finit par lever lentement la tête vers moi.
-C'est écrit « À Sabre ».
Je sens mon cœur rater un battement alors que les paroles de Patriarche à David me reviennent en tête :
[c]« Je ne te laisserais pas tuer mon plus grand espoir aussi facilement ! »[/c]
Quatre semaines ont passées depuis que je suis devenu le Chef des Assassins. La nouvelle a évidemment été très contestée, beaucoup ont cru à un complot. Qui peut les blâmer ? Cela ne fait même pas un an que je suis dans l'Ordre, Patriarche s'est juste basé sur mes compétences et son intuition pour me choisir comme successeur. Cela paraît tellement absurde dit comme ça, tellement insensé ! Et c'est pourtant ce qui est arrivé. Ombre et Élise m'ont soutenu, bien sûr, mais je ne sais pas si nous avons réussi à convaincre beaucoup d'Assassins, mis à part ceux qui se trouvaient dans la demeure à ce moment-là.
En tant que Chef, la première chose que j'ai fais était d'envoyer des groupes d'Assassins afin d'éliminer les soldats de la BAR restant dans le QG et de prendre les documents importants, de ne laisser aucune trace qui permettrait d'identifier le bâtiment comme notre ancien repaire. Hélas, ils ont aperçu deux individus qui sont parvenu à s'échapper avec quelques documents. Je n'ose pas le dire, mais je soupçonne certains membres de l'Ordre de les avoir laissé fuir délibérément afin de me discréditer en tant que nouveau Chef. Non, je dois leur faire confiance, même si ce n'est qu'en extérieur.
Heureusement, j'ai aussi hérité du réseau d'information de Patriarche. Le nom de ses contacts principaux sont notés sur la feuille qu'il ma légué. Grâce à eux, j'ai facilement retrouvé les voleurs, deux agents de la BAR qui comptent échanger ces informations contre une promotion, et pas des moindres. Lesdits agents, Marc Lerri et Robin Jains, souhaitent entrer directement dans l'Ordre des Templiers en tant qu'apprentis.
Retour au présent. Les lieux et les personnes avec qui Lerri et Jains doivent échanger les informations leur seront communiqués dans deux jours. J'avais envoyé deux Assassins en mission pour placer des micros dans le casque des agents pendant qu'ils dormaient. Une fois que nous aurons entendu le lieu de la rencontre, nous nous y rendrons et ferons d'une pierre deux coups : nous tuerons les agents et leurs contacts et récupérerons nos informations. Ces missions sont de la plus haute importance et ne doivent absolument pas rater. C'est pourquoi je vais m'en occuper, et Ombre aussi. Je suis dans le bureau d'Élise, devenu mon bureau provisoire, en train de revoir une énième fois mon plan d'attaque pour essayer d'y trouver des failles. Quelqu'un frappe à la porte, et je l'enjoins à entrer. Je découvre Silence, un homme de la quarantaine, barbu et au regard tueur, et accessoirement un des seuls vétérans à m'avoir soutenu avec Ombre et Élise. Il me salue en parlant.
-Chef, commence-t-il, on a un problème. La BAR a installé des brouilleurs tout en haut de la Tour Eiffel. Impossible de joindre les autres Assassins, et les micros de Lerri et Jains sont devenu muets.
Je frappe du poing sur la table. Ils auraient deviné notre plan ? Non, sinon ils se seraient juste débarrassés des micros. Mais j'ai du mal à croire que ce soit une coïncidence.
-Bon, dis-je en me levant, trouve Mike et dit-lui d'essayer de rétablir les communications. Je vais nous débarrasser de ces brouilleurs.
-Bien Monsieur, répond Silence en saluant une nouvelle fois avant de sortir.
J'enfile rapidement mon manteau, boucle mon armure et saisit mon équipement. Je sors sur le balcon, relève ma capuche et grimpe sur le toit avant de me diriger vers le symbole de Paris.
Je n'ai pas besoin de m'approcher de très près pour remarquer qu'il se passe quelque chose d'anormal. Des barrières jaunes bloquent l'accès au périmètre, et une foule dense de touristes et d'habitants en colère se presse tout autour de la Tour. Je repère une entrée dans les barrières, gardée par trois soldats de la BAR. Je pourrais les tuer, mais je préférerai éviter d'avoir leurs collègues sur le dos. D'autant plus qu'il y aurait une centaine de témoins.
Je place une bombe à pétard sur le sol avant de fendre la foule. Une fois près de l'entrée, j'appuie sur le détonateur dans ma poche. Aussitôt, des détonations semblables à des coups de feu retentissent loin derrière, bientôt suivies de hurlements perçants. Les gardes, alarmés, se frayent un chemin en laissant l'entrée sans surveillance. Je m'y faufile en faisant attention à ce que personne ne me voit, bien que ce soit inutile puisque tout le monde est tourné vers le pétard.
Je m'approche d'un des pieds de la Tour et utilise mon grappin pour me hisser sur une poutre à bonne hauteur. Je progresse lentement, difficilement, en essayant de m'assurer de ne pas être vu en bas. Le vent glacé commence à souffler de plus en plus fort, s'insinuant dans les moindres plis de mes vêtements, engourdissant mes doigts. Parfois, je me le prends en plein visage et j'ai du mal à respirer. Heureusement, je crois apercevoir le sommet. Encore un ou deux coups de grappin et j'y serais.
J'atteins enfin l'antenne de la Tour. Je vois immédiatement un petit boîtier neuf, entouré de bandes jaunes de la BAR. Je découpe ces dernières avec ma lame secrète pour pouvoir ouvrir le boîtier. Je dois m'y prendre à plusieurs reprises pour l'ouvrir à cause de mes doigts gelés. Énervé, je sors une nouvelle fois ma lame pour faire levier. La petite porte s'ouvre avec violence, à deux doigts de se décrocher. Je sectionne quelques fils, en arrache d'autres, produisant de grosses gerbes d'étincelles. L'appareil est HS.
J'observe le ciel en attendant la confirmation dans mon oreillette que les communications sont rétablies. Le ciel est d'un blanc-gris uni ; je ne serai pas étonné qu'il se mette à neiger. Un grésillement dans mon oreille manque de me faire glisser. Bordel ! Il manquerait plus que ça, je finirai en bouilli aux pieds de la Tour Eiffel.
-Chef ? appelle une voix.
-C'est Sabre, je corrige. (Je déteste qu'on m'appelle « Chef ».)
-Ici Mike. Les communications sont rétablies, mais j'ai cru entendre quelque chose d'intéressant. Je vous fais écouter.
Encore un grésillement. J'attends quelques secondes, puis j'entends une voix inconnue, noyée sous la friture.
-Oui, tout est prêt, dit-elle. Je retrouve Lerri dans une heure dans l'entrepôt des Marais. Quelqu'un d'autre s'occupe de Jains à celui construit sur l'ancien square près du Pont Neuf.
-Qui voudrait s'occuper d'un crétin dans un entrepôt abandonné ? demande une seconde voix.
-Quelqu'un qui sait ce qu'il fait, répond simplement l'autre. Nous aurons les infos et supprimerons ces éléments inutiles.
Bon sang ! Ils étaient censés échanger leurs informations dans deux jours, pas dans une heure ! La situation est plus que grave. J'ordonne immédiatement à Mike de me mettre en contact avec Ombre. J'attends quelques secondes qui paraissent être des heures, les yeux fixés sur la Seine. Finalement, j'entends la voix d'Ombre dans mon oreille, et elle doit bien sentir que quelque chose ne va pas.
-Que se passe-t-il, Sabre ? s'inquiète-t-elle.
-Les infos seront échangées dans une heure, j'explique précipitamment. Je vais aux Marais pour Lerri, occupes-toi de Jains. Il se dirige à l'entrepôt abandonné près du Pont Neuf.
-Compris, répond-elle. J'y serais dans un quart d'heure. Permission de tuer Jains et son contact ?
-Accordé. Ombre, fais-toi discrète. Et... Soit prudente.
-Toi aussi, Sabre, souffle-t-elle d'un air inquiet avant de mettre fin à la communication.
J'entends une voix m'appeler au loin, et je reviens à la réalité. J'y suis bien forcé puisque Ombre est en train de me secouer dans tous les sens – encore. J'ai la tête qui tourne, mais je reconnais le palier de la maison d'Élise. La porte est grande ouverte, et j'aperçois une dizaine d'Assassins dans le salon. Nous entrons, prenons soin de refermer la porte derrière nous (je ne pense pas qu'il y avait d'autres Assassins après nous), et nous dirigeons vers la cheminée, tout à droite de la pièce. Le sofa est déjà occupé et beaucoup sont assis par terre. Je les imite et ne peux m'empêcher de pousser un profond soupir de soulagement. Cette journée a été éprouvante, autant physiquement qu'émotionnellement. Quelques-uns de mes camarades jettent des coups d’œil fréquents à la porte d'entrée, et je ne peux que les comprendre ; notre seule envie est de voir Patriarche débarquer ici, indemne, nous annonçant que les Templiers sont éliminés, que nous pouvons retourner au QG, notre deuxième maison. Mais nous savons pertinemment que c'est impossible. Je mets plusieurs minutes à remarquer l'absence d'Ombre, elle était pourtant avec moi lorsque je me suis dirigé vers le salon. Peut-être est-elle montée jusqu'au bureau d'Élise. Je la rejoindrais bien, mais mes jambes n'ont plus la force de me porter pour le moment. Je fixe les flammes de la cheminée tandis que mes yeux me brûlent de fatigue. Je me sens tellement vide... Que faire maintenant que notre Chef est mort ? L'Ordre va-t-il être désorganisé pendant des semaines, voire des mois, le temps de trouver un remplaçant ? C'est probable, et c'est ce que voulait Baraos.
Voilà qui me donne une raison de plus pour le détester.
-Sabre ? appelle doucement la voix d'Ombre derrière moi.
Je me retourne lentement pour découvrir une Ombre effarée, la mine sombre. Quelqu'un a mis du Steri-strip sur sa plaie. Je n'ose pas imaginer ce qu'elle doit ressentir : je ne connaissais Patriarche que depuis quelques mois à peine, je le respectais et l'admirais. Mais pour elle, qui a intégré l'Ordre à ses onze ans, il devait être comme un père. Elle a perdu son père une deuxième fois. Elle avance, s'accroupit dans mon dos et passe ses bras autour de mes épaules, en croisant ses mains sous mon menton. Je ne sais pas très bien quoi faire, alors je pose maladroitement une main sur les siennes et penche ma tête contre la sienne. Je devine des larmes silencieuses perler sur ses joues.
Nous restons ainsi, les autres Assassins, Ombre et moi, pendant plusieurs minutes. Je ne sais pas combien de temps exactement, peut-être dix minutes comme une heure. Il nous faut du temps pour nous remettre de cette attaque et pour faire notre deuil. Nous sommes sans nouvelles du reste de l'Ordre, et pour certains, la douleur de ne pas savoir si des amis sont sains et saufs ou non doit être insupportable. Une voix nous appelle, Ombre et moi, depuis les escaliers. Je reconnais la voix d'Élise. Elle se tient debout sur le palier, les bras tendus en face d'elle, les mains jointes devant sa taille. Elle nous sourit doucement avant de faire un léger signe de tête en direction de son bureau. Nous nous levons lentement et la suivons. Élise referme silencieusement la porte et, à ma grande surprise, je découvre une deuxième chaise face au bureau. Ombre et moi nous asseyons tandis qu'Élise fait de même en face de nous.
-Je vous présente toutes mes condoléances. J'étais moi-même proche de Patriarche, et sa mort est une perte immense et douloureuse.
-Merci, répondis-je d'une voix cassée. Je ne sais pas ce que l'Ordre va devenir sans lui.
-C'est pour cela que nous sommes venus ici, explique Ombre d'une petite voix en se tournant vers moi. Tu te souviens que Patriarche m'a confié une enveloppe avant la bataille ?
-Oui, pourquoi ?
-Elle contient des instructions ainsi que le nom du successeur qu'il s'est choisi.
-Tu serais le choix le plus logique, lui dis-je. Il te connaît depuis longtemps et te considère comme...
Je m'interromps en me rendant compte que je parle du chef au présent. Mais non, il n'est plus là, je dois maintenant en parler au passé. Je vais avoir beaucoup de mal à m'y faire.
-Je suis d'accord avec Sabre, approuve Élise. Vous êtes la personne toute désignée pour le remplacer.
-Nous allons très vite être fixés, dit Ombre en sortant la lettre de son manteau.
Elle commence à l'ouvrir d'une main tremblante. Élise et moi la fixons avec un intérêt grandissant alors qu'elle en sort une feuille pliée en quatre. Ses yeux s’agrandissent avant même qu'elle ne déplie le papier, et restent rivés sur le haut de la page. Elle finit par lever lentement la tête vers moi.
-C'est écrit « À Sabre ».
Je sens mon cœur rater un battement alors que les paroles de Patriarche à David me reviennent en tête :
[c]« Je ne te laisserais pas tuer mon plus grand espoir aussi facilement ! »[/c]
Quatre semaines ont passées depuis que je suis devenu le Chef des Assassins. La nouvelle a évidemment été très contestée, beaucoup ont cru à un complot. Qui peut les blâmer ? Cela ne fait même pas un an que je suis dans l'Ordre, Patriarche s'est juste basé sur mes compétences et son intuition pour me choisir comme successeur. Cela paraît tellement absurde dit comme ça, tellement insensé ! Et c'est pourtant ce qui est arrivé. Ombre et Élise m'ont soutenu, bien sûr, mais je ne sais pas si nous avons réussi à convaincre beaucoup d'Assassins, mis à part ceux qui se trouvaient dans la demeure à ce moment-là.
En tant que Chef, la première chose que j'ai fais était d'envoyer des groupes d'Assassins afin d'éliminer les soldats de la BAR restant dans le QG et de prendre les documents importants, de ne laisser aucune trace qui permettrait d'identifier le bâtiment comme notre ancien repaire. Hélas, ils ont aperçu deux individus qui sont parvenu à s'échapper avec quelques documents. Je n'ose pas le dire, mais je soupçonne certains membres de l'Ordre de les avoir laissé fuir délibérément afin de me discréditer en tant que nouveau Chef. Non, je dois leur faire confiance, même si ce n'est qu'en extérieur.
Heureusement, j'ai aussi hérité du réseau d'information de Patriarche. Le nom de ses contacts principaux sont notés sur la feuille qu'il ma légué. Grâce à eux, j'ai facilement retrouvé les voleurs, deux agents de la BAR qui comptent échanger ces informations contre une promotion, et pas des moindres. Lesdits agents, Marc Lerri et Robin Jains, souhaitent entrer directement dans l'Ordre des Templiers en tant qu'apprentis.
Retour au présent. Les lieux et les personnes avec qui Lerri et Jains doivent échanger les informations leur seront communiqués dans deux jours. J'avais envoyé deux Assassins en mission pour placer des micros dans le casque des agents pendant qu'ils dormaient. Une fois que nous aurons entendu le lieu de la rencontre, nous nous y rendrons et ferons d'une pierre deux coups : nous tuerons les agents et leurs contacts et récupérerons nos informations. Ces missions sont de la plus haute importance et ne doivent absolument pas rater. C'est pourquoi je vais m'en occuper, et Ombre aussi. Je suis dans le bureau d'Élise, devenu mon bureau provisoire, en train de revoir une énième fois mon plan d'attaque pour essayer d'y trouver des failles. Quelqu'un frappe à la porte, et je l'enjoins à entrer. Je découvre Silence, un homme de la quarantaine, barbu et au regard tueur, et accessoirement un des seuls vétérans à m'avoir soutenu avec Ombre et Élise. Il me salue en parlant.
-Chef, commence-t-il, on a un problème. La BAR a installé des brouilleurs tout en haut de la Tour Eiffel. Impossible de joindre les autres Assassins, et les micros de Lerri et Jains sont devenu muets.
Je frappe du poing sur la table. Ils auraient deviné notre plan ? Non, sinon ils se seraient juste débarrassés des micros. Mais j'ai du mal à croire que ce soit une coïncidence.
-Bon, dis-je en me levant, trouve Mike et dit-lui d'essayer de rétablir les communications. Je vais nous débarrasser de ces brouilleurs.
-Bien Monsieur, répond Silence en saluant une nouvelle fois avant de sortir.
J'enfile rapidement mon manteau, boucle mon armure et saisit mon équipement. Je sors sur le balcon, relève ma capuche et grimpe sur le toit avant de me diriger vers le symbole de Paris.
Je n'ai pas besoin de m'approcher de très près pour remarquer qu'il se passe quelque chose d'anormal. Des barrières jaunes bloquent l'accès au périmètre, et une foule dense de touristes et d'habitants en colère se presse tout autour de la Tour. Je repère une entrée dans les barrières, gardée par trois soldats de la BAR. Je pourrais les tuer, mais je préférerai éviter d'avoir leurs collègues sur le dos. D'autant plus qu'il y aurait une centaine de témoins.
Je place une bombe à pétard sur le sol avant de fendre la foule. Une fois près de l'entrée, j'appuie sur le détonateur dans ma poche. Aussitôt, des détonations semblables à des coups de feu retentissent loin derrière, bientôt suivies de hurlements perçants. Les gardes, alarmés, se frayent un chemin en laissant l'entrée sans surveillance. Je m'y faufile en faisant attention à ce que personne ne me voit, bien que ce soit inutile puisque tout le monde est tourné vers le pétard.
Je m'approche d'un des pieds de la Tour et utilise mon grappin pour me hisser sur une poutre à bonne hauteur. Je progresse lentement, difficilement, en essayant de m'assurer de ne pas être vu en bas. Le vent glacé commence à souffler de plus en plus fort, s'insinuant dans les moindres plis de mes vêtements, engourdissant mes doigts. Parfois, je me le prends en plein visage et j'ai du mal à respirer. Heureusement, je crois apercevoir le sommet. Encore un ou deux coups de grappin et j'y serais.
J'atteins enfin l'antenne de la Tour. Je vois immédiatement un petit boîtier neuf, entouré de bandes jaunes de la BAR. Je découpe ces dernières avec ma lame secrète pour pouvoir ouvrir le boîtier. Je dois m'y prendre à plusieurs reprises pour l'ouvrir à cause de mes doigts gelés. Énervé, je sors une nouvelle fois ma lame pour faire levier. La petite porte s'ouvre avec violence, à deux doigts de se décrocher. Je sectionne quelques fils, en arrache d'autres, produisant de grosses gerbes d'étincelles. L'appareil est HS.
J'observe le ciel en attendant la confirmation dans mon oreillette que les communications sont rétablies. Le ciel est d'un blanc-gris uni ; je ne serai pas étonné qu'il se mette à neiger. Un grésillement dans mon oreille manque de me faire glisser. Bordel ! Il manquerait plus que ça, je finirai en bouilli aux pieds de la Tour Eiffel.
-Chef ? appelle une voix.
-C'est Sabre, je corrige. (Je déteste qu'on m'appelle « Chef ».)
-Ici Mike. Les communications sont rétablies, mais j'ai cru entendre quelque chose d'intéressant. Je vous fais écouter.
Encore un grésillement. J'attends quelques secondes, puis j'entends une voix inconnue, noyée sous la friture.
-Oui, tout est prêt, dit-elle. Je retrouve Lerri dans une heure dans l'entrepôt des Marais. Quelqu'un d'autre s'occupe de Jains à celui construit sur l'ancien square près du Pont Neuf.
-Qui voudrait s'occuper d'un crétin dans un entrepôt abandonné ? demande une seconde voix.
-Quelqu'un qui sait ce qu'il fait, répond simplement l'autre. Nous aurons les infos et supprimerons ces éléments inutiles.
Bon sang ! Ils étaient censés échanger leurs informations dans deux jours, pas dans une heure ! La situation est plus que grave. J'ordonne immédiatement à Mike de me mettre en contact avec Ombre. J'attends quelques secondes qui paraissent être des heures, les yeux fixés sur la Seine. Finalement, j'entends la voix d'Ombre dans mon oreille, et elle doit bien sentir que quelque chose ne va pas.
-Que se passe-t-il, Sabre ? s'inquiète-t-elle.
-Les infos seront échangées dans une heure, j'explique précipitamment. Je vais aux Marais pour Lerri, occupes-toi de Jains. Il se dirige à l'entrepôt abandonné près du Pont Neuf.
-Compris, répond-elle. J'y serais dans un quart d'heure. Permission de tuer Jains et son contact ?
-Accordé. Ombre, fais-toi discrète. Et... Soit prudente.
-Toi aussi, Sabre, souffle-t-elle d'un air inquiet avant de mettre fin à la communication.