Note de la fic : Non notée
2044
Par : Garyu
Genre : Polar, Science-Fiction
Statut : C'est compliqué
Chapitre 2 : De tristes retrouvailles
Publié le 22/09/2014 à 22:52:36 par Garyu
27 Février 2044 ; 23h51 : De tristes retrouvailles.
La chaussée était recouverte de gadoue, mélange de neige fondue et de boue. Une fluide circulation éclaboussait les rares passants, des fêtards ou des dealers, les rues étaient loin d'être sûres à cette heure tardive. Un camion de livraison était stationné en face d'une épicerie, un chauffeur barbue somnolait les mains sur le volant, observant secrètement d'un œil alerté les piétons. En effet, ce qu'il transportait était loin d'être de la viande morte, mais ni plus ni moins une unité de police. Trois hommes, un tas d'ordinateurs et une odeur de friture emplissaient le coffre. Les écrans offraient un défilé d'images caméras, aucune rue n'était épargnée dans les environs et la reconnaissance faciale permettait l'identification de n'importe qui, en à peine une seconde, qu'il soit connu des services de police ou non. Aujourd'hui, une simple naissance ou un renouvellement de carte d'identité vous donnait un aller simple vers les fichiers des forces de l'ordre. Soudainement, un signal sonore retentit depuis l'un des moniteurs causant l'excitation de son responsable qui referma sa veste et réajusta son oreillette-micro.
- On l'a coincé, s'exclama-t-il tout en pianotant sur son clavier. Merde, il est pas loin du tout, la ruelle derrière l'épicerie ! Vite !
Rapidement, les deux autres hommes se levèrent, et enfilèrent un casque avant d'enfoncer la double-porte du camion et de filer par la ruelle, l'arme au poing, sous la surveillance avisée du chauffeur qui porta une main discrète à son oreille et tapota sur le volant, dont il émanait une faible lumière.
- Le commandant Besson prend la relève, déclara la voix du barbu dans les écouteurs des deux hommes. Il tient à vous diriger. Commandant, c'est à vous.
Une voix au timbre grave lui répondit, douce et charmeuse :
- Merci lieutenant. Capitaine Deckan, lieutenant Chollet, donnez-moi la vision.
Les deux officiers cherchèrent du doigt la petite caméra de leur casque et l'activèrent, le commandant confirma alors l'arrivée de l'image sur son écran. Il n'émit plus aucun son alors qu'ils contournaient l'épicerie et débouchaient sur le local poubelle. Une ruelle étroite s'enfonçait dans le pénombre à leur gauche, le commandant leur ordonna d'y pénétrer. Leurs chaussures s'enfonçaient dans le sol boueux, donnant un bruit de succion à leur démarche rapide. Au fur et à mesure qu'ils avançaient, les portes se fermaient, les gens rentraient chez eux et les fenêtres étaient violemment claquées. Les rares personnes qu'ils croisaient les toisaient d'un œil noir, presque une habitude à avoir dans les quartiers difficiles comme celui-ci. La routine, c'était de détester les forces de l'ordre. Cependant, rien ne perturbait la concentration des deux hommes qui continuaient d'évoluer dans les allées de plus en plus sombres et sinueuses. Au loin, des cloches sonnaient minuit, puis plus rien ne vint perturber l'ouïe des policiers. Une rue étroite les empêchèrent d'avancer côte à côte et Victor Deckan prit la tête. A ce moment là, un coup de feu déchira la nuit. Les hommes n'avaient pas besoin de réfléchir, ils foncèrent vers l'avant, en quête de celui qui avait tiré. Cependant, deux voies se proposèrent à eux : une rue s'enfonçait encore plus loin dans le pénombre et une autre donnait vers une cour, ils levèrent la tête : ils se tenaient là où leur cible avait été filmée à peine deux minutes plus tôt. Le lieutenant Chollet jura :
- Merde , cria-t-il en jetant un regard à son coéquipier.
Deckan eut une sueur froide, il ne pouvait pas se permettre de le perdre maintenant, après ces journées passées dans la camionnette ce serait l'échec de trop, il ne pouvait pas tenir plus longtemps sur place, il lui fallait agir.
- 10-85, s'exclama-t-il vers son coéquipier. Je veux que tout le quartier soit encerclé, je pars à droite, seul. Je me fous de l'avis de Besson, ajouta-t-il alors que son équipier semblait vouloir protester. On a plus le temps : c'est maintenant ou jamais.
Les deux amis se fixèrent un instant, une légère hésitation scintillait dans les yeux de Chollet, mais la détermination qu'il lisait dans le regard de son partenaire lui enleva tout doute, puis il soupira avant de lui faire signe de déguerpir.
- Rattrape-le, conclut-il avant d'avancer sur sa gauche vers la cour, sa voix faisant place au silence alors que les deux hommes s'éloignaient l'un de l'autre. Central, ici Chollet, je veux un 10-85 ! Je répète un 10-85, on encercle tout le...
Victor Deckan progressait d'une rapide foulée dans le dédale de rues qui se dévoilait devant lui. Dans sa tête, de noires pensées se bousculaient. Il repensait à ce qu'avait dit Besson quand il lui avait confié l'affaire, à contrecœur :
- Aurez-vous le cran de l'abattre si nécessaire, Deckan ? Ou le laisserez-vous partir, faisant de vous un traître ? Je connais les liens que vous avez tissé avec le capitaine Gauthier, vous avez fait équipe longtemps, alors que vous n'étiez que lieutenant... Je suis navré que vous insistiez autant pour avoir l'affaire, mais je ne peux vous refuser cela. Ne me décevez pas, avait-il conclu en tendant le dossier à Deckan quelques semaines plus tôt.
Quand il y pensait, l'idée d'abattre Christian Gauthier le répugnait. Ce n'était pas le fait de tuer un homme qu'il repoussait mais bien évidemment de loger une balle dans le corps de son ami, le voir souffrir. Cet homme qui fut comme un père pour lui, semblait aujourd'hui un étranger. C'était pendant son enquête qu'il s'était aperçu qu'il ne le connaissait pas aussi bien qu'il l'eut crût. Comment expliquer qu'un homme avide de justice comme lui ait pu rejoindre le groupe Pureté ? Cet amas de terroristes technophobes, défenseurs du « vrai être humain », un homme dépourvu d'implants et de prothèses. Ironie du sort, beaucoup de gens les soutenaient, surtout chez les plus pauvres, incapables de se payer le moindre membre mécanique. Dans cette nouvelle ère, la notion de bien et de mal n'avait jamais semblé aussi floue qu'aujourd'hui.
En 2033, le groupe Pureté avait fait explosé un hôpital militaire, des centaines de civils et de militaires tués. Deux mois plus tard, quatre de leurs membres se faisaient exécutés sur la chaîne de télévision publique. Était-ce mal de les avoir condamnés à mort, ou était-ce bien d'avoir vengé toutes ces vies innocentes ? Pour Deckan, les forces de polices étaient là pour ce genre de problèmes : faire ce mal pour le bien commun. Même si cela impliquait de la famille, ou ce qui s'en rapprochait. Gauthier l'avait lui même dit à l'époque, il le voyait encore relevé ses yeux de son journal alors qu'il sirotait un café tout en lisant le dernier numéro du Parisien et répondre à sa question enfantine, produit des quatre années d'endoctrinement à l'école des officiers : « Qu'est-ce la justice pour vous, monsieur ? » :
- Tout d'abord, arrête tout de suite les « monsieur », gamin, et appelle moi Christian, avait-il commencé avant de baisser les yeux vers sa revue. Attends donc, et ne sois pas impatient, tu comprendras vite ce qu'est la justice aujourd'hui.
- Mais, comprendre quoi mon...Christian, avait alors rétorqué Victor, curieux.
Gauthier n'avait pas répondu tout de suite, c'était seulement après un long silence perturbé par sa radio qui indiquait une urgence, qu'il répliqua, le regard légèrement absent alors qu'il ajustait sa ceinture :
- La justice c'est faire abstraction de soi-même et s'offrir comme rempart face au crime.
Victor trébucha et s'arrêta momentanément pour reprendre son souffle, perdu dans ses pensées et grogna, ce n'était pas le moment pour lui de remuer le passé et surtout de s'arrêter après si bon chemin. Un coup de feu retentit à nouveau, plus proche. Deckan jura et désactiva la sécurité de son arme en faisant glisser son doigt sur le dos de l'arme. Il courut alors le plus rapidement possible vers la source de la détonation et tomba nez à nez avec un cadavre. L'homme était un arabe, la vingtaine, affalé au sol, le regard fixe, un revolver à la main. Le pauvre n'avait sûrement jamais eut le temps de se défendre, son sweat à capuche était tâché de sang et la balle l'avait traversé pour finir sa course dans le mur, logé dans un impact au dessus de lui. Il avait été pris par surprise, le policier ne vérifia même pas son pouls et progressa alors vers la rue qui terminait sur un local. Derrière les murs qui s'élevaient face à lui, on entendait des voitures klaxonner. Alors qu'il avançait l'arme levée, il perçut des voix provenant de la porte entrouverte, malgré le brouhaha de la circulation. Il pénétra alors dans le pièce, en hurlant aux deux silhouettes qui se dessinaient :
- Police !
Les deux individus apparaissent à présent nettement à Victor. L'un était Christian Gauthier, des poches sous les yeux, la joue gauche gonflée et rougie, les cheveux grisonnants et ce même regard bleu où se profilait cette éternelle étincelle d'intelligence. Quant à l'autre individu, c'était lui le plus mystérieux : son visage était caché par un casque, son corps enveloppé d'une veste de cuir et il portait un pantalon de motard. Finalement, il pointait une arme sur Gauthier, à peine inquiété par celle tournée vers lui. Victor portait son regard sur ce dernier, qui le fixait lui aussi à travers son casque. Il s'exprima, d'une voix extrêmement grave, vraisemblablement modifiée :
- Mr. Deckan, s'exclama-t-il presque enjoué. J'en suis presque triste, mais je viens de finir mon entretien. Navré que vos retrouvailles soient aussi courtes.
Et sans sommation, il tourna son arme vers Gauthier, mais il ne tira pas. Deckan ne perdit pas de temps et appuya sur la détente à multiples reprises, cependant aucune balle ne fonça vers l'inconnu et aucune détente ne se fit entendre. L'instrument meurtrier, cette fois-ci, n'accomplit pas sa basse besogne, alors qu'elle était plus que nécessaire à ce moment-là. Deckan, apeuré, horrifié, se tourna alors vers son acolyte, son mentor, son ami et sprinta jusqu'à lui.
- C'est la fin, annonça le motard.
Victor était juste derrière Gauthier, qui ne bougeait pas, comme résolu à mourir. Il se tenait droit face à la mort, il n'avait pas dit un mot depuis l'entrée de son compagnon quelques secondes auparavant.
- Non, Non, Non, hurla Deckan, le cœur battant.
Trois détonations coupèrent les paroles de Deckan, comme un point entre les mots. Les projectiles fusèrent et pénétrèrent le quinquagénaire.Gauthier, criblé de balles, atterrit dans les bras du policier. Victor, les yeux embués de larme fixa son mentor, dont les iris brillaient de vie pour la dernière fois. Il n'y eut aucune parole, seulement des pleurs de la part de Deckan. L'étranger avait quitté les lieux. Et les bottes des forces d'intervention martelaient le pavé de la ruelle, le lieutenant Chollet débarqua dans la pièce, accompagné de plusieurs policiers armés et équipés de gilets pare-balles. Il constata la mort de Christian, et il sombra lui aussi dans un silence peiné puis posa sa main sur l'épaule de Deckan, secoué par les sanglots.
Dehors, la pluie avait repris.
La chaussée était recouverte de gadoue, mélange de neige fondue et de boue. Une fluide circulation éclaboussait les rares passants, des fêtards ou des dealers, les rues étaient loin d'être sûres à cette heure tardive. Un camion de livraison était stationné en face d'une épicerie, un chauffeur barbue somnolait les mains sur le volant, observant secrètement d'un œil alerté les piétons. En effet, ce qu'il transportait était loin d'être de la viande morte, mais ni plus ni moins une unité de police. Trois hommes, un tas d'ordinateurs et une odeur de friture emplissaient le coffre. Les écrans offraient un défilé d'images caméras, aucune rue n'était épargnée dans les environs et la reconnaissance faciale permettait l'identification de n'importe qui, en à peine une seconde, qu'il soit connu des services de police ou non. Aujourd'hui, une simple naissance ou un renouvellement de carte d'identité vous donnait un aller simple vers les fichiers des forces de l'ordre. Soudainement, un signal sonore retentit depuis l'un des moniteurs causant l'excitation de son responsable qui referma sa veste et réajusta son oreillette-micro.
- On l'a coincé, s'exclama-t-il tout en pianotant sur son clavier. Merde, il est pas loin du tout, la ruelle derrière l'épicerie ! Vite !
Rapidement, les deux autres hommes se levèrent, et enfilèrent un casque avant d'enfoncer la double-porte du camion et de filer par la ruelle, l'arme au poing, sous la surveillance avisée du chauffeur qui porta une main discrète à son oreille et tapota sur le volant, dont il émanait une faible lumière.
- Le commandant Besson prend la relève, déclara la voix du barbu dans les écouteurs des deux hommes. Il tient à vous diriger. Commandant, c'est à vous.
Une voix au timbre grave lui répondit, douce et charmeuse :
- Merci lieutenant. Capitaine Deckan, lieutenant Chollet, donnez-moi la vision.
Les deux officiers cherchèrent du doigt la petite caméra de leur casque et l'activèrent, le commandant confirma alors l'arrivée de l'image sur son écran. Il n'émit plus aucun son alors qu'ils contournaient l'épicerie et débouchaient sur le local poubelle. Une ruelle étroite s'enfonçait dans le pénombre à leur gauche, le commandant leur ordonna d'y pénétrer. Leurs chaussures s'enfonçaient dans le sol boueux, donnant un bruit de succion à leur démarche rapide. Au fur et à mesure qu'ils avançaient, les portes se fermaient, les gens rentraient chez eux et les fenêtres étaient violemment claquées. Les rares personnes qu'ils croisaient les toisaient d'un œil noir, presque une habitude à avoir dans les quartiers difficiles comme celui-ci. La routine, c'était de détester les forces de l'ordre. Cependant, rien ne perturbait la concentration des deux hommes qui continuaient d'évoluer dans les allées de plus en plus sombres et sinueuses. Au loin, des cloches sonnaient minuit, puis plus rien ne vint perturber l'ouïe des policiers. Une rue étroite les empêchèrent d'avancer côte à côte et Victor Deckan prit la tête. A ce moment là, un coup de feu déchira la nuit. Les hommes n'avaient pas besoin de réfléchir, ils foncèrent vers l'avant, en quête de celui qui avait tiré. Cependant, deux voies se proposèrent à eux : une rue s'enfonçait encore plus loin dans le pénombre et une autre donnait vers une cour, ils levèrent la tête : ils se tenaient là où leur cible avait été filmée à peine deux minutes plus tôt. Le lieutenant Chollet jura :
- Merde , cria-t-il en jetant un regard à son coéquipier.
Deckan eut une sueur froide, il ne pouvait pas se permettre de le perdre maintenant, après ces journées passées dans la camionnette ce serait l'échec de trop, il ne pouvait pas tenir plus longtemps sur place, il lui fallait agir.
- 10-85, s'exclama-t-il vers son coéquipier. Je veux que tout le quartier soit encerclé, je pars à droite, seul. Je me fous de l'avis de Besson, ajouta-t-il alors que son équipier semblait vouloir protester. On a plus le temps : c'est maintenant ou jamais.
Les deux amis se fixèrent un instant, une légère hésitation scintillait dans les yeux de Chollet, mais la détermination qu'il lisait dans le regard de son partenaire lui enleva tout doute, puis il soupira avant de lui faire signe de déguerpir.
- Rattrape-le, conclut-il avant d'avancer sur sa gauche vers la cour, sa voix faisant place au silence alors que les deux hommes s'éloignaient l'un de l'autre. Central, ici Chollet, je veux un 10-85 ! Je répète un 10-85, on encercle tout le...
Victor Deckan progressait d'une rapide foulée dans le dédale de rues qui se dévoilait devant lui. Dans sa tête, de noires pensées se bousculaient. Il repensait à ce qu'avait dit Besson quand il lui avait confié l'affaire, à contrecœur :
- Aurez-vous le cran de l'abattre si nécessaire, Deckan ? Ou le laisserez-vous partir, faisant de vous un traître ? Je connais les liens que vous avez tissé avec le capitaine Gauthier, vous avez fait équipe longtemps, alors que vous n'étiez que lieutenant... Je suis navré que vous insistiez autant pour avoir l'affaire, mais je ne peux vous refuser cela. Ne me décevez pas, avait-il conclu en tendant le dossier à Deckan quelques semaines plus tôt.
Quand il y pensait, l'idée d'abattre Christian Gauthier le répugnait. Ce n'était pas le fait de tuer un homme qu'il repoussait mais bien évidemment de loger une balle dans le corps de son ami, le voir souffrir. Cet homme qui fut comme un père pour lui, semblait aujourd'hui un étranger. C'était pendant son enquête qu'il s'était aperçu qu'il ne le connaissait pas aussi bien qu'il l'eut crût. Comment expliquer qu'un homme avide de justice comme lui ait pu rejoindre le groupe Pureté ? Cet amas de terroristes technophobes, défenseurs du « vrai être humain », un homme dépourvu d'implants et de prothèses. Ironie du sort, beaucoup de gens les soutenaient, surtout chez les plus pauvres, incapables de se payer le moindre membre mécanique. Dans cette nouvelle ère, la notion de bien et de mal n'avait jamais semblé aussi floue qu'aujourd'hui.
En 2033, le groupe Pureté avait fait explosé un hôpital militaire, des centaines de civils et de militaires tués. Deux mois plus tard, quatre de leurs membres se faisaient exécutés sur la chaîne de télévision publique. Était-ce mal de les avoir condamnés à mort, ou était-ce bien d'avoir vengé toutes ces vies innocentes ? Pour Deckan, les forces de polices étaient là pour ce genre de problèmes : faire ce mal pour le bien commun. Même si cela impliquait de la famille, ou ce qui s'en rapprochait. Gauthier l'avait lui même dit à l'époque, il le voyait encore relevé ses yeux de son journal alors qu'il sirotait un café tout en lisant le dernier numéro du Parisien et répondre à sa question enfantine, produit des quatre années d'endoctrinement à l'école des officiers : « Qu'est-ce la justice pour vous, monsieur ? » :
- Tout d'abord, arrête tout de suite les « monsieur », gamin, et appelle moi Christian, avait-il commencé avant de baisser les yeux vers sa revue. Attends donc, et ne sois pas impatient, tu comprendras vite ce qu'est la justice aujourd'hui.
- Mais, comprendre quoi mon...Christian, avait alors rétorqué Victor, curieux.
Gauthier n'avait pas répondu tout de suite, c'était seulement après un long silence perturbé par sa radio qui indiquait une urgence, qu'il répliqua, le regard légèrement absent alors qu'il ajustait sa ceinture :
- La justice c'est faire abstraction de soi-même et s'offrir comme rempart face au crime.
Victor trébucha et s'arrêta momentanément pour reprendre son souffle, perdu dans ses pensées et grogna, ce n'était pas le moment pour lui de remuer le passé et surtout de s'arrêter après si bon chemin. Un coup de feu retentit à nouveau, plus proche. Deckan jura et désactiva la sécurité de son arme en faisant glisser son doigt sur le dos de l'arme. Il courut alors le plus rapidement possible vers la source de la détonation et tomba nez à nez avec un cadavre. L'homme était un arabe, la vingtaine, affalé au sol, le regard fixe, un revolver à la main. Le pauvre n'avait sûrement jamais eut le temps de se défendre, son sweat à capuche était tâché de sang et la balle l'avait traversé pour finir sa course dans le mur, logé dans un impact au dessus de lui. Il avait été pris par surprise, le policier ne vérifia même pas son pouls et progressa alors vers la rue qui terminait sur un local. Derrière les murs qui s'élevaient face à lui, on entendait des voitures klaxonner. Alors qu'il avançait l'arme levée, il perçut des voix provenant de la porte entrouverte, malgré le brouhaha de la circulation. Il pénétra alors dans le pièce, en hurlant aux deux silhouettes qui se dessinaient :
- Police !
Les deux individus apparaissent à présent nettement à Victor. L'un était Christian Gauthier, des poches sous les yeux, la joue gauche gonflée et rougie, les cheveux grisonnants et ce même regard bleu où se profilait cette éternelle étincelle d'intelligence. Quant à l'autre individu, c'était lui le plus mystérieux : son visage était caché par un casque, son corps enveloppé d'une veste de cuir et il portait un pantalon de motard. Finalement, il pointait une arme sur Gauthier, à peine inquiété par celle tournée vers lui. Victor portait son regard sur ce dernier, qui le fixait lui aussi à travers son casque. Il s'exprima, d'une voix extrêmement grave, vraisemblablement modifiée :
- Mr. Deckan, s'exclama-t-il presque enjoué. J'en suis presque triste, mais je viens de finir mon entretien. Navré que vos retrouvailles soient aussi courtes.
Et sans sommation, il tourna son arme vers Gauthier, mais il ne tira pas. Deckan ne perdit pas de temps et appuya sur la détente à multiples reprises, cependant aucune balle ne fonça vers l'inconnu et aucune détente ne se fit entendre. L'instrument meurtrier, cette fois-ci, n'accomplit pas sa basse besogne, alors qu'elle était plus que nécessaire à ce moment-là. Deckan, apeuré, horrifié, se tourna alors vers son acolyte, son mentor, son ami et sprinta jusqu'à lui.
- C'est la fin, annonça le motard.
Victor était juste derrière Gauthier, qui ne bougeait pas, comme résolu à mourir. Il se tenait droit face à la mort, il n'avait pas dit un mot depuis l'entrée de son compagnon quelques secondes auparavant.
- Non, Non, Non, hurla Deckan, le cœur battant.
Trois détonations coupèrent les paroles de Deckan, comme un point entre les mots. Les projectiles fusèrent et pénétrèrent le quinquagénaire.Gauthier, criblé de balles, atterrit dans les bras du policier. Victor, les yeux embués de larme fixa son mentor, dont les iris brillaient de vie pour la dernière fois. Il n'y eut aucune parole, seulement des pleurs de la part de Deckan. L'étranger avait quitté les lieux. Et les bottes des forces d'intervention martelaient le pavé de la ruelle, le lieutenant Chollet débarqua dans la pièce, accompagné de plusieurs policiers armés et équipés de gilets pare-balles. Il constata la mort de Christian, et il sombra lui aussi dans un silence peiné puis posa sa main sur l'épaule de Deckan, secoué par les sanglots.
Dehors, la pluie avait repris.