Note de la fic :
Publié le 24/12/2012 à 14:22:15 par Pronche
Le bruit des bottes en cuir contre les plaques d'acier qui composaient le sol d'un des nombreux hangars de l'immense frégate se répercuta dans l'air.
Ethan avait la tête baissé, les mains dans les poches et les épaules ainsi que le dos courbés en avant, avançant à une cadence de marche plutôt hâtive. Il voulait, et devait même, partir au plus vite de cette ville voire de la planète, s'il ne souhaitait pas devenir complètement fou et désespéré. Les évènements de ces deux derniers jours l'avaient laissé vide de toute énergie. Son cerveau venait d'encaisser une lourde défaite, au goût amer et cendré, le laissant vulnérable pour quiconque oserait l'attaquer. La disparition pour le moins subite d'un de ses proches amis, la destruction de son implant et de son armure, le retour de Purity et la menace d'une guerre contre l'unique espèce intelligente, autre que les humains. Tout ceci déséquilibrait dangereusement sa santé mentale. Ce qui composait les bases de sa vie, son univers, tremblaient fortement sur leurs fondations. Il aurait suffit d'une secousse supplémentaire et il aurait aussitôt sombré dans les ténèbres, tentant vainement d'oublier ses ennuis, par quelque moyen que ce soit.
D'un point de vue extérieur, il passait pour une personne complètement saine d'esprit, quoi qu'un peu triste, du fait qu'il adoptait une attitude défaitiste avec les yeux rivés sur le sol alors que l'intérieur ressemblait plutôt à un ouragan où se mêlaient divers sentiments contradictoires et pensées sombres. Heureusement, le suicide n'en était pas une, du moins, point encore. Pour le moment, une impression de vide, de n’être qu’une simple carcasse sans âme propre, comme s’il lui manquait une partie de lui-même, dominait toutes les autres.
Finalement, le jeune homme aux cheveux gris fut happé de ses pensées et ramené à la réalité lorsqu'il sentit qu'il n'avançait plus et que quelqu'un l'immobilisait avec une prise de fer sur son bras droit. Il tourna la tête pour croiser les petits yeux noirs de la doctoresse de l’Orion.
— Je peux savoir où est-ce que tu étais passé ? Tu devais encore te reposer avant d'effectuer le moindre pas à l'extérieur, ton cerveau n'est pas encore complètement habitué à vivre sans implant donc évite de te ménager.
Ethan lâcha un lourd soupir et regarda son aîné droit dans les yeux, avec un petit sourire triste.
— C'est malheureusement trop tard. Je suis allé voir James. Il m'a clairement fait comprendre que mon exosquelette pouvait partir à la casse. J'ai juste gardé le casque, en souvenir. Désolé mais il faut que j'y aille, j'ai besoin de temps pour réfléchir. Je donnerai des nouvelles dans quelques semaines, le temps de faire le point sur tout ça. Ah, et dit à Anthony que je le remercie de m'avoir sauvé la peau, je le lui revaudrais un de ces quatre.
Difficilement, la femme à la queue de cheval relâcha la pression autour du bras du professeur avant de rétracter sa main.
— Tu ne comptais tout de même pas partir sans me dire au revoir tout de même ?, lança une voix dans le dos d'Ethan, qui sursauta.
Il se retourna pour faire face au colosse. Un autre soupir s’échappa de sa bouche.
— Evite de me faire des frayeurs pareilles Antho’, je préfèrerai éviter de rajouter la crise cardiaque sur mon dossier médical, si possible.
Ce dernier se contenta de lâcher un rire assez bref.
— Vu la liste, ça de plus ou de moins, qu’est-ce que cela change ? M’enfin bref. Sinon, j’ai entendu dire que tu nous quittais déjà. Dommage, j’aurais aimé que tu reste encore un peu plus longtemps dans le coin. En tout cas, évite de te prendre une cuite sans moi, ça m’emmerderai bien de ne pas être là pour voir ça.
Le jeune Gray se contenta de secouer la tête. Malgré les années ou même son grade, Anthony ne changerai jamais : sérieux et professionnel en mission mais complètement blagueur et enfantin une fois rentré au bercail. Et c’est ça qu’Ethan appréciait chez lui.
— Je tâcherai d’y penser. En espérant que nous nous revoyions dans de meilleures conditions. (Il se retourna et commença à avancer avant de lever la main gauche pour faire un signe d’au revoir avec.) A la prochaine !
C’est sur ces mots qu’Ethan Gray reprit sa marche vers son véhicule. Quelques instants plus tard, il y fit face. Son vaisseau ressemblait à une navette de transport de troupes. Ton gris mat, rectangulaire, petit à l’avant et s’élargissant à l’arrière. Le vaisseau disposait de deux ailerons, disposés de chaque côté du moteur, pour aider au vol dans l’atmosphère. Une seule grande pièce composait l’intérieur de l’engin, spécialement aménagée pour en faire un appartement assez basique avec le strict minimum. Il n’y avait aucune cloison qui séparait le poste de pilotage au reste du vaisseau. Le sas d’entrée se trouvait sur le côté gauche. Le professeur s’en approcha et appuya sur la paroi. Une petite plaque de métal se souleva, laissant apparaître un clavier mécanique. Il composa un code, uniquement connu de lui, et attendit que la porte s’ouvre. Cette dernière le récompensa en glissant dans l’alliage de titane, rhénium et thorium (dont les rayonnements alpha ont étés neutralisés, rendant le métal complètement inoffensif pour l’homme) qui composait le blindage du vaisseau.
Des couleurs allant de l'orange au bleu nuit accueillirent l'ancien mercenaire lorsqu'il entra. La pièce dans laquelle il se trouvait était simplement équipée d'un lit, une table, deux chaises, un réfrigérateur et un plan de travail avec deux plaques de cuisson.
Alors qu'il observait silencieusement son second chez-lui, la porte le séparant du monde extérieur se referma et une voix robotisée, au timbre féminin, s'éleva dans les airs.
— Bienvenue à bord Ethan. Contente de te revoir.
Machinalement, le jeune homme se dirigea vers le siège du pilote et s'y installa à son aise.
— Il en va de même pour moi Light. Je ne t'ai pas trop manqué au moins ? demanda-t-il, avec un fin sourire.
Light était le nom par lequel Ethan appelait l'Intelligence Artificielle du vaisseau car celle-ci se matérialisait sous la forme d'une petite boule blanche, d'un diamètre de trois centimètres.
— Non, j'ai profitée de ton absence pour mettre à jour mes banques de données. D'ailleurs, j'ai relevée une diminution de tes chances de survies en milieu hostile à un taux de 10%. Que s'est-il passé ?
Le jeune Gray ne répondit rien, se contentant d'insérer un micro-disque, contenant toutes les dernières informations transmises et reçues par feu l'exosquelette de combat, dans la fente prévue à cet effet. Les secondes s'étirèrent, insatiablement, avant qu'une réponse ne soit donnée par Light.
— N'y avait-il aucun moyen de la sauver ?
— Malheureusement, non. James a vraiment ce qu'il pouvait pour la réparer mais en vain.
— Ils auraient au moins pu t'en donner une autre.
— Quel aurait été l'intérêt ? Ce qui rendait mon armure unique est inutilisable. Système d'absorption : fondu. Bras canon : en pièces détachées. Implant neural : grillé. Même les équipements de base de la combinaison sont bons pour la casse. Et puis, sans augmentation neuronale, plus d'effets de surprise. Je crains que mon cas soit désespéré.
L'espace de quelques instants, un silence assez pesant s'installa, juste avant d'être balayé.
— Tu peux toujours demander à obtenir une autre micro-puce pour te la mettre dans le crâne.
— Idée qui aurait pu fonctionner si nous étions toujours au début du XXIème siècle. Celle que je possédais faisait partie d'une sérié créée en 2030. Je doute qu'ils en fabriquent encore, même 720 ans plus tard.
— Alors, que fait-on désormais ?, questionna l'I.A, sur un ton incertain.
— Rien à part retourner sur Kruah. Cette histoire ne me regarde plus désormais. D'abord Likhan, ensuite la combinaison...j'ai assez laissé de plumes comme ça. Si Jack a des problèmes, je suis sûr qu'il arrivera à se démerder tout seul.
Light ne pipa pas le moindre mot et se contenta de donner vie aux instruments de bord tandis que la partie habitable du vaisseau était plongée dans le noir le plus complet. Le moteur commença à rugir de plus en plus fort. Une longue liste défila sous les yeux du jeune homme, sur un écran holographique émettant une douce lueur verte pomme. Finalement, la voix de Light se fit à nouveau entendre.
— Tous les systèmes sont en ligne et opérationnels. La tour de contrôle nous a donnés l'autorisation de partir. Selon mes estimations, il nous faudra environ sept à huit heures pour arriver à destination. Je suppose que tu souhaite écouter un peu de musique ?
— Tu suppose très bien. Mets-moi Only Human de Sebastian Màrtensson.
— Un choix pour le moins…approprié pour quelqu’un dans ta situation.
Ethan ne put s’empêcher de sourire en entendant le commentaire. Les premières notes de la musique commencèrent à résonner dans l’habitacle.
In the vastest part of space
Where silence grows, I move in grace
but I am deadly as they come
Yes, I'm the one who justice call
When all hope seems to fall apart
— Epargne-moi ton avis, veux-tu ? J’aimerai être parti avant la fin de la journée, si possible.
C'est sur ces mots que le major poussa la manette sur sa gauche, celle des gaz, et se cramponna dans son siège tandis que le véhicule prenait de la vitesse et quittait le hangar, se dirigeant vers la haute atmosphère et l'infinité froide et solitaire qui composait l'espace.
Plusieurs minutes plus tard, l'engin ne se trouvait plus sous l'emprise de la gravité terrestre. Rapidement, il tourna en direction de Mars et commença à accélérer, atteignant peu à peu la vitesse de la lumière. Les étoiles qui se situaient autour du vaisseau s'étirèrent doucement, devenant de longues lignes blanches qui s'étendaient à l'infini, prouvant ainsi qu'il n'était plus très loin de la vitesse requise pour créer un trou de ver. Alors qu'elle s'apprêtait à enclencher la procédure d'entrée dans le sous-espace, Light brisa le silence installé dans le cockpit.
— Ethan, comment comptes tu te défendre maintenant que ta combinaison est détruite ?
Le professeur ne répondit pas dans l'immédiat et quand il le fit, c'était pour poser une question à son tour.
— Te souviens-tu des recherches que j'avais fais à propos d'une arme, que je cherchais comme souvenir ?
— Tu veux dire… cette antiquité ?
Tout en parlant, Light avait fait apparaître l'hologramme d'une arme à feu, de couleur noire mât.
— Exact, je parle bien de ce Glock 17. J'ai réussi à en trouver un, en parfait état.
— Tu comptes te servir de cela pour te défendre ? Tu ne feras pas de mal à une mouche avec ce truc.
Le jeune Gray se contenta d'hausser les épaules.
— Eh bien, figure-toi que tes données sont erronées. Ce petit bijou peut traverser n'importe quel alliage moderne. Pourquoi ? C'est très simple. Les protections actuelles sont faites pour encaisser les tirs d'armes à énergie (lasers et autres grenades à plasma) mais elles sont inefficaces contre tout ce qui est trop ancien. Alors oui, les balles de 9mm parabellum ne traverseront pas les blindages les plus épais, tels que ceux de l'Orion mais au moins, toute armure personnelle récente sera percée comme du beurre.
— C’est…une idée à laquelle je n’aurais pas pensée. Ton argument tombe sous le sens mais comment l’as-tu su ?
— Stands de tir. Je me suis entraîné sur une armure d’entrainement et j’en suis arrivé à cette conclusion.
I'm dangerous
And watching over you
I'm fire
but in the end I'm only human
Mysterious
Might be the sweetest dream
or nightmare
but in the end I'm only human
L’ordinateur de bord resta silencieux. Les minutes s’écoulèrent dans un silence, uniquement brisé par la guitare sèche, la batterie et la voix du chanteur. Finalement, un trou semblable à un siphon mais de couleur noir, apparut devant le vaisseau et l’englouti, le faisant disparaître des radars terriens.