Note de la fic :
Quand Viendra l'An Mille après l'An Mille (Vae Victis)
Par : Conan
Genre : Action, Réaliste
Statut : C'est compliqué
Chapitre 25
Publié le 08/06/2014 à 01:30:14 par Conan
Enfin, ils parviennent au poste de garde, l'ultime frontière entre le monde réel et les enfers, comme une île au milieu de la mort. Après avoir foulé des petits monticules de corps déchiquetés par les balles, les membres de la première compagnie passent au-dessus du muret de sacs de sable et rejoignent ceux à qui ils doivent leurs vies.
-Bah dis, hé, vous l'avez échappé belle ! Scande une voix dans la pénombre.
Tandis que ses subordonnés soufflent et boivent dans leurs gourdes à grandes gorgées, Louis se dirige en direction de l'homme dressé face à lui, heurtant au passage un vieux panneau renversé sur les pavés ''Pont National – Paris''.
Lorsqu'il arrive assez près du personnage, il distingue un graton de lieutenant sur sa poitrine.
-Vous aviez l'air mal barré. Et avec la nuit qui commence à tomber, vous étiez encore plus dans la mouise. Lieutenant Brest.
-Capitaine Berger. Au nom de mes hommes, merci. Vraiment. Souffle Louis en enserrant la main que l'autre vient de lui tendre.
-C'est bien vous, la première compagnie du cent dix-sept ?
-C'est exact.
Brest se tourne alors vers un abri fait de sacs à terre et surmonté d'un toit en tôle recouvert d'un filet de camouflage :
-Grivier ! Appelle l’état-major, dis-leur qu'on a réceptionné la première compagnie !
-Bien pris mon lieutenant! Répond une voix venant du poste.
-Voilà bien deux heures qu'on essaye de vous joindre. La sixième compagnie vous a devancé, ils s'en sont sortis indemnes, apparemment tous les parias de la zone affluaient sur vous.
Une nouvelle rafale de mitrailleuse lourde déchire l'air et les fait sursauter. A quelques mètres d'eux, un homme en uniforme se tient debout derrière sa machine de guerre de calibre 50, montée sur trépieds derrière une barricade.
-Mon lieutenant, il en arrive d'autres ! S'écrie-t-il, ses manches retroussées dévoilant la quantité de poudre noire qui recouvre ses bras et ses mains.
Brest regarde en direction du pont : en effet, de l'autre côté de la rive, une nouvelle vague de parias se rue vers le barrage en hurlements et en cris.
-Tous aux postes de combat, ça revient ! Ordonne-t-il.
Les hommes de sa garnison, au chiffre d'une petite vingtaine, se précipitent contre les fortifications de fortune en armant fusils et armes automatiques, puis dans la foulée vident leurs chargeur sur le groupe compact, rapidement rejoints par ceux de la première compagnie qui tiennent à faire le coup de feu aux cotés de leurs sauveurs, comme pour honorer une dette envers eux.
Après seulement une petite vingtaine de mètres de charge, tous les parias sont terrassés par le tir de barrage, et seul un rescapé boiteux tente de retourner en arrière, rapidement abattu d'une balle en plein crâne.
-Hé bah dites, ils ont l'air de vous en vouloir mon capitaine ! Sourit le lieutenant tandis que les soldats rechargent leurs armes fumantes. Bon, je pense que c'était leur dernier assaut, on devrait être tranquille pour la soirée.
-Pour les miens, faites-moi un état des blessés et des munitions, préparez-vous à repartir !
Les soldats s'éloignent en silence afin de se regrouper dans la rue qui suit le pont.
Peu habitué à se laisser emporter par ses émotion, Louis s'assied sur une chaise en bois posée près d'un poste de tir, et une fois que sa troupe se trouve assez loin de la barricade, prend sa tête entre ses mains, et laisse échapper un long gémissement.
-Ça va aller ? Demande le lieutenant en s'installant à coté de lui.
Le capitaine relève la tête, révélant un visage marqué par l'exténuation et la lassitude.
-J'ai bien cru qu'on allait tous y passer.
-Vous avez eu beaucoup de casse ?
-Un mort et Dieu sait combien de blessés.
-Vous ne vous en tirez pas trop mal en fait.
Louis le fixe du regard, comme pour l'inviter à en dire davantage. Le lieutenant continue alors :
-Quand on nous a signalé que le jus avait été coupé autours de leur enclos, une patrouille de dix hommes a été envoyée là-bas pour rendre compte de l'état des défenses. Il n'y en a qu'un seul qui soit revenu. Et encore. Ce qu'il a vu, et ce qu'ils ont fait à ses amis était tellement horrible qu'il est devenu fou à lier. Il a été placé en asile, voilà un mois maintenant.
-Et vous, depuis combien de temps êtes-vous là ?
-Deux mois. Et ça commence à faire vraiment long. Plus qu'un et on est relevés.
-Vous avez eu des pertes ?
-Oh non, c'est pas tant ça le souci. On est en bonne santé, y'a du ravitaillement en rations et en munitions tous les trois jours. Moralement, c'est plus dur. On se fait attaquer au moins trois fois par semaine, souvent le soir, quand il commence a faire sombre. Allez savoir pourquoi. Puis régulièrement, il faut débarrasser la chaussée de tous leurs cadavres avant qu'ils n'empestent trop et ne nous fassent contracter une saloperie. Avant on les jetais dans la Seine, mais ça a tellement pollué les eaux qu'elle est devenue imbuvable jusqu'à l'embouchure de la Manche. Alors on doit les charger dans des brouettes et les débarrasser à l'arrière, dans un camion affrété pour le transport de cadavres, pour aller les cramer ou les enterrer je ne sais où.
-Vous avez en effet l'air d'être assez seuls. Admet Louis en scrutant les bâtiments délabrés aux alentours.
-Dites vous que la ceinture Sud de Paris est totalement prise en étau par ces saloperies, si bien qu'ils déambulent dans toute la banlieue en liberté tant on a du mal à les contrôler. Et plus on en tue, plus il semble qu'ils soient nombreux. Alors, vous imaginez bien, près des trois-quarts de la population a quitté la ville depuis longtemps, et je ne vous parle pas de ceux qui ont rejoint le front. Ça laisse des quartiers entiers totalement vides. Un immense désert urbain. Mais ne vous y méprenez pas : à chaque pont, à chaque carrefour, à chaque artère, vous trouverez un poste comme le notre. C'est simple, les quelques milliers de civils qu'il reste dans la ville ne travaillent plus qu'au profit de l'armée et du gouvernement qui s'est retranché sur l’Île de la Cité.
En entendant ce nom, Berger se rappelle de sa mission, et de l'horaire qui lui a été fixé. Militaire avant tout, il ne se laisse pas endormir par ce qu'il vient de vivre, et se lève en réajustant son ceinturon.
-C'est d'ailleurs là que nous devons nous rendre. Mon lieutenant, merci encore pour votre soutien. Dit-il en tendant la main à Brest.
-C'est tout naturel mon capitaine. Répond-t-il en le saluant. Bon courage sur le front !
Louis se dirige vers sa troupe. Les hommes, assis par terre ou allongés le long des trottoirs, fument, discutent et se reposent. En le voyant arriver, les chefs de sections sortent les hommes de leur torpeur afin de les rassembler.
-Bien, combien avons-nous de blessés ?
-Vingt et un mon capitaine ! Répond le lieutenant Guilet.
-Transportables ?
-Affirmatif.
-Dans ce cas nous les emmenons avec nous, ils seront soignés sur place. Préparez-vous à repartir, dans moins d'une heure nous aurons atteint l’Île de la Cité.
-Bah dis, hé, vous l'avez échappé belle ! Scande une voix dans la pénombre.
Tandis que ses subordonnés soufflent et boivent dans leurs gourdes à grandes gorgées, Louis se dirige en direction de l'homme dressé face à lui, heurtant au passage un vieux panneau renversé sur les pavés ''Pont National – Paris''.
Lorsqu'il arrive assez près du personnage, il distingue un graton de lieutenant sur sa poitrine.
-Vous aviez l'air mal barré. Et avec la nuit qui commence à tomber, vous étiez encore plus dans la mouise. Lieutenant Brest.
-Capitaine Berger. Au nom de mes hommes, merci. Vraiment. Souffle Louis en enserrant la main que l'autre vient de lui tendre.
-C'est bien vous, la première compagnie du cent dix-sept ?
-C'est exact.
Brest se tourne alors vers un abri fait de sacs à terre et surmonté d'un toit en tôle recouvert d'un filet de camouflage :
-Grivier ! Appelle l’état-major, dis-leur qu'on a réceptionné la première compagnie !
-Bien pris mon lieutenant! Répond une voix venant du poste.
-Voilà bien deux heures qu'on essaye de vous joindre. La sixième compagnie vous a devancé, ils s'en sont sortis indemnes, apparemment tous les parias de la zone affluaient sur vous.
Une nouvelle rafale de mitrailleuse lourde déchire l'air et les fait sursauter. A quelques mètres d'eux, un homme en uniforme se tient debout derrière sa machine de guerre de calibre 50, montée sur trépieds derrière une barricade.
-Mon lieutenant, il en arrive d'autres ! S'écrie-t-il, ses manches retroussées dévoilant la quantité de poudre noire qui recouvre ses bras et ses mains.
Brest regarde en direction du pont : en effet, de l'autre côté de la rive, une nouvelle vague de parias se rue vers le barrage en hurlements et en cris.
-Tous aux postes de combat, ça revient ! Ordonne-t-il.
Les hommes de sa garnison, au chiffre d'une petite vingtaine, se précipitent contre les fortifications de fortune en armant fusils et armes automatiques, puis dans la foulée vident leurs chargeur sur le groupe compact, rapidement rejoints par ceux de la première compagnie qui tiennent à faire le coup de feu aux cotés de leurs sauveurs, comme pour honorer une dette envers eux.
Après seulement une petite vingtaine de mètres de charge, tous les parias sont terrassés par le tir de barrage, et seul un rescapé boiteux tente de retourner en arrière, rapidement abattu d'une balle en plein crâne.
-Hé bah dites, ils ont l'air de vous en vouloir mon capitaine ! Sourit le lieutenant tandis que les soldats rechargent leurs armes fumantes. Bon, je pense que c'était leur dernier assaut, on devrait être tranquille pour la soirée.
-Pour les miens, faites-moi un état des blessés et des munitions, préparez-vous à repartir !
Les soldats s'éloignent en silence afin de se regrouper dans la rue qui suit le pont.
Peu habitué à se laisser emporter par ses émotion, Louis s'assied sur une chaise en bois posée près d'un poste de tir, et une fois que sa troupe se trouve assez loin de la barricade, prend sa tête entre ses mains, et laisse échapper un long gémissement.
-Ça va aller ? Demande le lieutenant en s'installant à coté de lui.
Le capitaine relève la tête, révélant un visage marqué par l'exténuation et la lassitude.
-J'ai bien cru qu'on allait tous y passer.
-Vous avez eu beaucoup de casse ?
-Un mort et Dieu sait combien de blessés.
-Vous ne vous en tirez pas trop mal en fait.
Louis le fixe du regard, comme pour l'inviter à en dire davantage. Le lieutenant continue alors :
-Quand on nous a signalé que le jus avait été coupé autours de leur enclos, une patrouille de dix hommes a été envoyée là-bas pour rendre compte de l'état des défenses. Il n'y en a qu'un seul qui soit revenu. Et encore. Ce qu'il a vu, et ce qu'ils ont fait à ses amis était tellement horrible qu'il est devenu fou à lier. Il a été placé en asile, voilà un mois maintenant.
-Et vous, depuis combien de temps êtes-vous là ?
-Deux mois. Et ça commence à faire vraiment long. Plus qu'un et on est relevés.
-Vous avez eu des pertes ?
-Oh non, c'est pas tant ça le souci. On est en bonne santé, y'a du ravitaillement en rations et en munitions tous les trois jours. Moralement, c'est plus dur. On se fait attaquer au moins trois fois par semaine, souvent le soir, quand il commence a faire sombre. Allez savoir pourquoi. Puis régulièrement, il faut débarrasser la chaussée de tous leurs cadavres avant qu'ils n'empestent trop et ne nous fassent contracter une saloperie. Avant on les jetais dans la Seine, mais ça a tellement pollué les eaux qu'elle est devenue imbuvable jusqu'à l'embouchure de la Manche. Alors on doit les charger dans des brouettes et les débarrasser à l'arrière, dans un camion affrété pour le transport de cadavres, pour aller les cramer ou les enterrer je ne sais où.
-Vous avez en effet l'air d'être assez seuls. Admet Louis en scrutant les bâtiments délabrés aux alentours.
-Dites vous que la ceinture Sud de Paris est totalement prise en étau par ces saloperies, si bien qu'ils déambulent dans toute la banlieue en liberté tant on a du mal à les contrôler. Et plus on en tue, plus il semble qu'ils soient nombreux. Alors, vous imaginez bien, près des trois-quarts de la population a quitté la ville depuis longtemps, et je ne vous parle pas de ceux qui ont rejoint le front. Ça laisse des quartiers entiers totalement vides. Un immense désert urbain. Mais ne vous y méprenez pas : à chaque pont, à chaque carrefour, à chaque artère, vous trouverez un poste comme le notre. C'est simple, les quelques milliers de civils qu'il reste dans la ville ne travaillent plus qu'au profit de l'armée et du gouvernement qui s'est retranché sur l’Île de la Cité.
En entendant ce nom, Berger se rappelle de sa mission, et de l'horaire qui lui a été fixé. Militaire avant tout, il ne se laisse pas endormir par ce qu'il vient de vivre, et se lève en réajustant son ceinturon.
-C'est d'ailleurs là que nous devons nous rendre. Mon lieutenant, merci encore pour votre soutien. Dit-il en tendant la main à Brest.
-C'est tout naturel mon capitaine. Répond-t-il en le saluant. Bon courage sur le front !
Louis se dirige vers sa troupe. Les hommes, assis par terre ou allongés le long des trottoirs, fument, discutent et se reposent. En le voyant arriver, les chefs de sections sortent les hommes de leur torpeur afin de les rassembler.
-Bien, combien avons-nous de blessés ?
-Vingt et un mon capitaine ! Répond le lieutenant Guilet.
-Transportables ?
-Affirmatif.
-Dans ce cas nous les emmenons avec nous, ils seront soignés sur place. Préparez-vous à repartir, dans moins d'une heure nous aurons atteint l’Île de la Cité.
Commentaires
- Droran
08/06/2014 à 21:56:50
Chapitre intéressant. Pauvre France
Je me demande ce qu'est ce "front", vers quelle guerre suicide ils seront envoyés...