Note de la fic :
Comment tuer sa mère (en cinq façons) ?
Par : faces-of-truth
Genre : Nawak
Statut : Terminée
Chapitre 12
Publié le 29/08/2013 à 17:35:26 par faces-of-truth
Détruire mon monde. Tel était le but de cette journée qui commençait. Je m’étais levé tôt, en silence, et avais ouvert les volets de ma fenêtre pour regarder le lever du soleil. Ce jour était important, très probablement le plus important de toute ma vie, et je comptais le vivre à cent pour cent. Je voulais le voir naître en sachant que tout était à faire et le contempler mourir en me disant que tout avait changé. Mon sommeil cette nuit avait été parfait, profond et sans rêves. Nul besoin de ces derniers, vu que tout était paré pour une réussite inéluctable.
Le grand cercle doré s’éleva derrière les arbres du parc près de chez moi, et ses rayons colorèrent les nuages du matin. Ils étaient rosés et les oiseaux se mirent à chanter. Leur concert allait sûrement durer jusqu’à la fin, et lorsqu’ils s’arrêteraient, un silence de mort s’abattrait sur le monde, signe de mon œuvre.
Nous étions vendredi. Ma mère partait travailler toute la journée, et ma sœur devait s’en aller le soir à sa soirée avec le Julien. L’équation parfaite pour appliquer mon plan. Je sentis un puissant et étrange frisson me parcourir l’échine ; un sentiment nouveau me glaça le sang tout en me comblant de joie. Le mélange de l’angoisse pure et du grand bonheur. C’était de l’excitation. Mais pas celle que l’on éprouve quotidiennement, là c’était mille fois plus intense. Je réalisai que les moments précédant les quatre tentatives de ces dernières semaines n’avaient pas eu droit à cette ambiance. J’avais sûrement eu, au fond de moi, la sensation que ce n’était pas le moment ou la bonne méthode. Car aujourd’hui, je savais. Je savais que rien ne pourrait se mettre en travers de mon chemin. Car quoi qu’il arriverait, je passerais à l’acte.
J’entendis ma mère se préparer, mettre ses chaussures et son manteau, marcher dans le salon, ouvrir la porte d’entrée et la refermer derrière elle. Je l’observai depuis ma croisée prendre la voiture et quitter notre impasse. Une dernière virée au travail.
Sylvie se leva et descendit prendre son petit déjeuner. Il était temps pour moi de commencer mon apocalypse. J’inspirai profondément. Je m’habillai et quittai ma chambre.
Je rejoignis ma sœur, occupée à étaler une généreuse cuillerée de Nutella sur un bout de pain.
-C’est pas avec ça que Juju va avoir le béguin pour toi, dis-je en guise de bonjour.
Elle ne me lança même pas un regard.
-Et comment va Virginie ? Elle supporte toujours ton bout de gras ? répondit-elle.
Je ris intérieurement. Je me servis un verre de jus d’orange. En buvant, je parcourus la brique des yeux, me souvenant de ma première tentative.
-Ah… Elle, au moins, n’a pas à supporter une larmoyante et très féminine culpabilité sur la prise de poids.
Je me saisis de ma poudre au chocolat, en versai dans mon bol déjà sur la table, et le remplis de lait chaud.
-Par contre, moi, je dois la subir quand elle réalise qu’elle mange trop, ajoutai-je en remuant avec ma cuillère. Tu n’imagines pas mon bonheur quand c’est le ramadan.
J’attrapai un bout de pain et y déposai la célèbre pâte de chocolat aux plastifiants.
-Alors, ta petite soirée, ça se passe où ? demandai-je.
-Chez des gens que tu ne connais pas.
-Mais que toi, tu connais, affirmai-je d’un ton ironique.
-Pas vraiment, non.
-Quelle honnêteté, je suis sûre que Maman est au courant.
-Tu comptes me balancer ?
-Pas vraiment, non.
Elle mordit sa tartine, mâcha lentement et déglutit délicatement.
-Etrange, fit-elle, je ne m’attendais pas à ce que tu me couvres.
-Oui, disons que c’est le Matthieu qui se lève du bon pied ; ça te plait ?
-Je me rends surtout compte que tu as eu des réveils merdiques toute ta vie, mon pauvre.
Je trempai mon pain dans le chocolat au lait, puis le mangeai.
-Et ch’est à quelle heuche ? quémandai-je, la bouche pleine.
Sylvie but son café, se mit debout et commença à enlever les miettes sur la table.
-Vingt heures. Ne t’en fais pas, je sais que tu as hâte que je déguerpisse, mais tu ne me verras pas de la journée.
-Je m’en douche. Mmh, il y a du boulot pour le maquillache.
-Je suis sûre que la blague était très drôle, mais avec tout ça dans ton bec, c’était incompréhensible.
J’avalai.
-Je disais que je m’en doutais car…
-Il faut que je me lave les cheveux, me coupa-t-elle, alors si tu veux, tu peux aller te doucher en premier, tu prendras moins de temps.
Je finis mon bol et me levai.
-Vas-y, je débarrasse, dit-elle.
Je passai à côté d’elle et fis mine de renifler l’air d’un air écœuré. Je montai à l’étage et me rendis dans la salle de bain. La radio passait How You Remind Me de Nickelback. En me déshabillant, j’aperçus le sèche-cheveux, pendu par le fil au tiroir d’une étagère. Je ressentis une sorte de nostalgie en me remémorant le temps où j’étais plein d’espoir et si imaginatif. La bonne vieille époque…
Je m’enfermai dans la douche et fermai les yeux alors que l’eau me coulait sur le visage. Je mis du temps à savourer cet instant. Qui savait où je prendrais mon prochain bain ? Je me savonnais et me rinçais à l’eau chaude en autant de temps qu’il en aurait fallu à ma sœur pour se laver le corps et les cheveux. Elle devait bien rager en bas.
Lorsque je fus assez propre à mon goût, je sortis de la cabine et vis les miroirs complètement embués. L’air était moite et la chaleur digne d’un sauna. Lire la facture d’eau pourrait suffir à tuer ma mère.
En sortant enfin sec de la pièce, je découvris ma sœur, les sourcils froncés.
-Putain, pas trop tôt ! s’énerva-t-elle.
J’ouvris la bouche comme pour parler, mais ne dis finalement rien et rentrai dans ma chambre en l’ignorant. Je m’habillai, fis mon lit, et descendis mon tee-shirt de la veille au rez-de-chaussée pour le mettre au lave-linge. Histoire de faire comme si c’était un jour comme un autre.
Je parcourus la maison dans les moindres recoins, pour « profiter » une dernière fois de ses murs, de ses meubles… J’allumai l’ordinateur et me connectai à Headpage. Je jetai un œil sur les photographies et les écrits que mes contacts y avaient postés. Un mec s’était immortalisé en train de croquer du PQ, des dessins pas drôles mimaient de parodier l’actualité, un chat dormait sur un porte-serviette, des filles tiraient la langue et d’autres simulaient la moue… Je soufflai d’un air exaspéré, puis cliquai sur l’onglet « Paramètres ».
« Gestion du compte »
« Supprimer »
« Etes-vous sûr ? »
« Votre compte a bien été supprimé »
J’éteignis l’écran en me levant, puis me rendis à nouveau dans ma chambre. Un moustique volait au plafond. Mais je n’en avais rien à battre, je ne risquais pas de dormir ici ce soir. J’ouvris mon porte-monnaie et le vidai sur la couverture de mon lit. Je pris ensuite la chaise de mon bureau et montai dessus pour saisir au sommet de ma bibliothèque ma tirelire à économies secrète. C’était une réplique collector de Minas Tirith, la fameuse Cité des Hommes du Seigneur des Anneaux. En l’ouvrant, j’en sortis une liasse de billets. Je réunis le magot, pris un briquet et descendis le tout dans le petit jardin devant l’entrée.
La fraîcheur matinale m’offrit un frisson très agréable qui parcourut l’ensemble de mon corps. J’allumai une flamme, et l’approchai de ma micro-fortune. Le bout des billets se contracta lentement avant de s’embraser. J’éloignai mes doigts du feu qui grignotait l’argent et m’approchai du caniveau dans la rue. C’était beau à regarder. Lorsque mes doigts commencèrent à sentir la chaleur d’un peu trop près, je lâchai ma prise qui termina sa désintégration sur le sol. Sans nouvelle proie, les flammes moururent sur un tas de cendres.
Je repartais vers la maison lorsque j’entendis un miaulement. Je me retournai et vis Croquette sur l’autre trottoir en train de m’observer. Savait-il ce que je faisais ? Pouvait-il le sentir ? Peu m’importait, j’étais content de le voir, car il était lui aussi sur ma liste.
-Viens, dis-je d’un ton mielleux, viens me voir…
L’animal me fixa avec son air idiot, sans bouger.
-Approche… Tu as faim ?
Il était méfiant. Ce matou ne me faisait vraiment pas confiance.
-Allez, viens…
Je fis mine de sortir quelque chose de ma poche et de le poser sur le sol. Je vis ses yeux chercher l’objet invisible. Il ne percevait que le mouvement.
-Viens donc voir…
D’un pas craintif et alerte, Croquette s’avança vers moi. Lentement, prêt à filer au moindre geste brusque.
-Approche… Voilà, c’est bien…
Il en était à la moitié du chemin. Puis soudainement, il s’arrêta, posant son ventre à terre.
-Qu’est-ce que tu fais… ? Pourquoi tu ne viens pas ?
Il me regardait, sans broncher. Je tendis délicatement ma main vers lui. Ses pupilles se dilatèrent en la voyant approcher. Je rampai doucement dans sa direction et mis mon doigt juste sur son nez, afin qu’il le renifle. Il sniffa mon index, puis le lécha avec sa langue râpeuse.
Je pus me mettre à côté de lui. Là, je l’attrapai avec mes deux mains, le soulevai et l’amenai au bord de l’impasse. Il miaula.
Sans qu’il ait le temps de réagir, je le balançai loin devant moi. Il retomba sur ses pattes avec difficulté et hérissa ses poils. Je fonçai alors vers lui en courant. Il prit peur et s’enfuit à toute vitesse. Je le coursai sur cent mètres en lui jetant des cailloux et des bâtons. Lorsque je m’arrêtai, je le vis continuer son sprint, disparaissant au loin à grandes foulées vers un autre quartier. Sans se retourner. Je repris mon souffle et repartis tranquillement à la maison.
A midi, Sylvie prépara des pâtes au saumon. Elle fut surprise de ne pas voir Croquette débarquer et la supplier en se roulant au sol pour avoir sa part. Lorsque je la rejoignis dans la cuisine, je ne pus m’empêcher de fixer la nouvelle plaque de cuisson sur laquelle bouillait l’eau dans la casserole. Cet endroit où ma sœur m’avait surpris et avait cru que je voulais cramer la baraque. Si seulement elle savait…
Elle avait une serviette sur ses cheveux et était en peignoir.
-Ça t’a pris tout ce temps juste pour te laver ? demandai-je.
-Lâche-moi la bride, tu veux ?
Dès que tout fut cuit, je me servis les deux tiers du plat dans une assiette et partis sur le sofa bouffer en regardant la télé. Pour prendre des forces, rien de mieux que les sucres lents !
Je matai une sitcom pas drôle où les rires enregistrés tentaient en vain de m’inciter à rigoler. Autant dire que cela me fit autant d’effet qu’un porno gay. Je zappai hasardeusement sur la trentaine de chaînes disponibles et dus en conclure avec tristesse que les directeurs de diffusion faisaient un épique concours de celui qui programmerait la plus grosse merde. Je n’aurais pas aimé être dans le jury !
Sylvie mangeait dans un bol devant l’ordinateur, probablement occupée sur Headpage à échanger des fadaises avec son Julien. Pff. Je n’osais même pas imaginer ce qui se disait.
Je pris un yaourt et un bout de cake au chocolat en dessert et pris garde à laisser tomber des morceaux par terre. Pour mon dernier round, je devais être fidèle à moi-même, vous ne pensez pas ?
Lorsque j’eus fini, je filai à l’étage me brosser les dents puis allai contempler une dernière fois ma collection de comics dans ma bibliothèque. Aaah… Mes Spider-Man, X-Men, Batman, Justice League, Superman…
« J’espère pouvoir continuer à vous lire après ce soir, quoiqu’il advienne… »
Dans un recul mélancolique, je lâchai des yeux ces bijoux littéraires et remis en marche mon programme du jour.
Je fermai la porte de ma chambre et saisis mon portable. Je composai le numéro de Virginie et lançai l’appel. Je posai l’appareil contre mon oreille et attendis. La tonalité résonna quatre fois avant que ça ne décroche.
-Allô ? fit Virginie.
Le ton de sa voix était enjoué. Elle avait sûrement lu mon nom sur son écran. Et comme je ne faisais jamais l’effort de prendre des nouvelles, elle avait dû bondir au plafond.
-C’est Matthieu, répondis-je d’un ton neutre.
Je la voyais se tordre de joie rien qu’en l’écoutant.
-Matthieu ! Ça me fait plaisir de t’entendre ! Comment vas-tu ? Tu m’as manqué, si tu seulement tu pouvais imaginer… Tu étais très occupé, non ?
-Non, pas du tout, je me suis plutôt ennuyé en fait.
Silence.
-Ah… Mais pourquoi tu ne me l’as pas dit ? On aurait pu se voir, sortir, aller au ciné, faire…
-Euh, je viens de dire que je m’étais ennuyé. Tu crois qu’aggraver la situation m’aurait fait du bien ?
Je sentis un froid glacial se poser soudainement. Je percevais sa respiration décontenancée à l’autre bout du fil.
-Je… Excuse… Moi…
Je soupirai d’exaspération.
-Oui, oui, je t’excuse. Je t’excuse toujours d’ailleurs, tous les jours, tous les mois. Ça va durer longtemps comme ça ?
Je posai mon front contre la vitre de la fenêtre.
-Eh bah réponds ! pressai-je.
Son souffle s’accélérait.
-Je… J’ai dû faire quelque chose qu’il ne fallait pas pour que tu sois dans un état pareil… Je… Je…
-Tu t’excuses ?
-Je…
-Hum ?
-Que puis-je faire d’autre… ?
-Mais ça, c’est à toi de me le dire, ma chère. Qu’est-ce que tu as offrir aux autres à part des pleurnicheries ?
J’avalai ma salive.
-Euh… Je… Qu’est-ce que j’ai fait… ?
Je me tus.
-C’est ma faute… ? C’est… Quelque chose t’a contrarié… ? C’est moi… ?
Mon mutisme l’angoissa de plus belle. Elle était perdue.
-Je vais faire ce qu’il faut alors… Matthieu, je vais me remettre en question, changer ce qui ne va pas chez moi et… et je vais tout faire pour que tout redevienne comme avant.
Je claquai alors ma langue.
-Le hic, dis-je alors, ou plutôt les hics… De un, c’est que c’est trop tard. Tu m’as gonflé au point que ma patience a éclaté comme un ballon d’hélium. De deux, tu ne peux pas tout refaire comme c’était avant, parce que justement avant, je n’éprouvais déjà pas grand-chose pour toi, tu comprends ?
Nouveau silence.
-J’avais envie d’une gonzesse, et j’ai juste choppé la plus nunuche et cucul la praline de toutes celles qui étaient à disposition pour avoir une bouche à embrasser dès que l’envie m’en prenait. Vu la date de notre dernière galoche, je te laisse deviner où en est mon désir pour toi aujourd’hui…
Cette fois, ce fut le bruit de sanglots croissants qui se fit entendre.
-Allez, maintenant elle chiale…
-Tu me quittes ??! pleura Virginie.
-Dis donc, tu es très perspicace tout d’un coup, t’as trouvé ça toute seule ? Où c’est l’un de tes trente frères et sœurs qui t’a soufflé la réponse ?
Elle essaya de dire quelque chose, mais elle hoquetait de chagrin. La moindre de ses paroles fut inaudible.
-Alors, il va falloir faire un effort parce que je ne comprends absolument rien à ce que tu baragouines en fait.
-Je… Je…
-Oui, oui, je sais, tu t’excuses, tu pleures, t’es au bout du rouleau, tu veux te rattraper… Un peu d’originalité, bon sang !
-Non, je…
-Essaie de parler dans ta langue, t’y arriveras peut-être mieux, qui sait ?
-Arrête… S’il te plait…
-Non, non, j’arrête pas ! Tu m’as cassé les couilles pendant tout ce temps, tu vas pas m’empêcher maintenant de te dire ce que j’ai sur le cœur !
Elle était complètement en larmes ; ça en grésillait dans le téléphone.
-Je ne c… comprends pas ce qui se passe… Je… Je ne pensais pas… que tu avais ça en toi, Matthieu…
-Le voilà, le souci, continuai-je. Tu penses mal, tout est à corriger chez toi ; et c’est un service que je te rends en te disant tout ça, parce que d’autres mecs vont profiter de cette faiblesse que tu as. Tu as le chic pour te faire manipuler et croire à tout bout de champ n’importe quelle connerie que l’on va te raconter ! Pas étonnant que votre religion soit si merdique et que vous viviez encore comme au Moyen-Âge. Mais c’est pas juste le fait d’être une sale bougnoule qui te pénalise, tu as aussi un pépin dans ta petite tête de gourdasse, et cette naïveté, cette incrédulité alarmante me fait vraiment pitié !
Soudain, je compris que je venais d’atteindre la limite.
-Va te faire foutre, cracha-t-elle alors. Je ne veux plus entendre parler de toi. Je t’emmerde, espèce de c…
Et elle raccrocha. Je lâchai mon téléphone qui s’écrasa au sol et me laissai tomber sur mon lit. Je me dégoutais. Ce que je venais de déblatérer à cette pauvre fille m’avait brisé le cœur. Chaque mot était volontairement cruel pour qu’elle n’ait pas à me regretter, et à chaque fois, ça m’avait enfoncé une pique dans la poitrine.
Je ne pensais pas ressentir cela à l’issue de cette épreuve. Virginie était une bonne poire, mais elle ne méritait assurément pas toutes ces insultes et ces invectives. Si elle me connaissait vraiment, elle aurait deviné que je n’étais pas sincère dans mes propos. Je n’étais pas raciste. Je pouvais comprendre la réticence face à une certaine catégorie de la population, mais je trouvais idiot et futile de juger et de mépriser un être uniquement sur sa couleur de peau ou son ethnie. A mon sens, toute personne qui attaque un individu sur ses origines ou sur sa couleur de peau fait indirectement un éloge à ce dernier : cela signifie qu’il n’a rien d’autre à lui reprocher. Et c’était ce qu’il venait de se passer avec Virginie.
Il me fallut plus de deux heures pour me remettre de la confrontation avec ma nouvelle ex. C’était la première fois que je ressentais la culpabilité. En général, j’étais toujours fier de mes sales coups et des pleurs que je provoquais ; mais cette fois, j’avais enduré un déchirement totalement inconnu. Et ça ne me plaisait pas. J’aurais voulu être content de moi, me dire qu’elle avait bien mérité toute cette méchanceté ; mais non, c’était impossible.
Je devais cependant prendre sur moi et aller de l’avant. Le jour n’était pas fini, Maman allait rentrer et il me restait encore une chose à régler.
Machinalement, je me saisis du papier posé sur l’étagère face à moi, me levai et allai marcher dans le couloir jusqu’à la chambre de ma sœur. Je vis qu’il y avait de la lumière dans la salle de bain. La voie était libre !
J’ouvris la porte et pénétrai dans son sanctuaire. Les volets de la fenêtre étaient ouverts et les rayons du soleil de fin d’après-midi rendirent les couleurs rouges de la tapisserie encore plus chaleureuses. Des affaires de toilette étaient posées en vrac sur un petit meuble sous un miroir. Le placard dévoilait une collection de robes. Certaines avaient été cousues par Maman mais je n’aurais su dire lesquelles.
Je cherchai son sac à main des yeux et le vis par terre contre son lit. Je le saisis et y fourrai mon papier. Quelque chose brilla dans l’obscurité, bien au fond. Cela m’intrigua et, jetant un œil en arrière pour être sûr d’être seul, j’y plongeai ma main pour savoir de quoi il s’agissait. C’était un sachet contenant quelque chose de mou. Lorsque je le mis à la lumière du jour, je découvris ce que c’était. Une capote. Mon cœur se serra soudainement. Sylvie avait un préservatif qu’elle amenait à sa soirée où elle passait la nuit. Et en fouillant encore un peu, je découvris qu’il y en avait trois au total. Ma sœur. Ma grande sœur…
-Alors, tu trouves ton bonheur ?
Je bondis sur place et pivotai devant la nouvelle venue.
-Toujours prête à surgir dans le dos des gens, lançai-je.
-Rappelle-moi lequel de nous deux ne devrait pas être là où il est actuellement, dit Sylvie en partant vers son miroir sans me regarder.
Ce fut à cet instant que je me rendis compte qu’elle était en sous-vêtements. Elle ne portait qu’un soutien-gorge rouge et un petit string de la même couleur. J’enfonçai discrètement ma prise au fond de son sac.
-T’aurais pas un peu de blé pour me dépanner ? Je voulais pas te déranger pendant que tu te…
-Tu sais, Matthieu, me coupa-t-elle, j’ai bien réfléchi ces derniers temps, et je pense avoir compris quelque chose…
Je m’approchai lentement de la sortie.
-Oh, tu sais penser ? Première nouvelle.
Elle se retourna et me fit face. Je m’efforçai de ne pas la regarder ailleurs que dans les yeux, mais ce fut plus qu’impossible. Ses cheveux blonds étaient parfaitement peignés, ils étaient éclatants et tombaient sur ses épaules. Ses yeux et sa bouche étaient maquillés avec le plus grand soin. Le bleu entre ses paupières était ensorcelant, ses lèvres étaient pulpeuses. Son grand corps fin avait une petite courbe sur le côté. Je m’arrêtai au nombril, mais trop tard. Mon travelling visuel m’avait grillé.
-Je crois avoir deviné ce qui ne va pas chez toi, continua-t-elle.
Je déglutis. Elle s’avança dans ma direction.
-Euh, en fait, moi je crois que ça devient glauque comme situat…
-Je sais pourquoi tu passes ton temps à me charrier, à me fuir…
Elle tendit sa main droite et saisit la mienne. Sa peau était très douce.
-Je comprends pourquoi tu fais tout ton possible pour que ça ne marche pas entre Julien et moi…
Elle m’attira vers elle ; je suivis le mouvement. Elle me dépassait de quelques centimètres. Son parfum m’enivra aussitôt.
-C’est parce qu’en fin de compte, tu es amoureux de moi…, acheva-t-elle dans un sourire.
J’eus un rictus nerveux à cette dernière phrase.
-Q-Quoi ?!
Ma respiration devint saccadée, mais Sylvie, elle, ne broncha pas.
-Tu es… Oh putain… Tu es complètement malade ! m’emportai-je. C’est dégueulasse !
Elle était complètement timbrée, d’où sortait-elle ça ?
-Faut vraiment te faire soigner, tu sais, fis-je en la fixant. Non, parce que là, t’as atteint un point de non-retour…
Ses doigts serrèrent mes poignets.
-Matthieu…, murmura-t-elle. Aie au moins l’honnêteté de le reconnaître. Fais-le au moins pour toi…
-Arrête…
Qu’est-ce qu’elle faisait ? Merde, elle avait pété les plombs ?! Alors, elle leva mes mains et les déposa sur ses seins. J’hallucinais, ce n’était pas possible ! Mon cœur battait la chamade. Je ne comprenais plus ce qu’il se passait. Elle approcha son visage du mien. Ces yeux bleus… Mon dieu… Je refusais de l’admettre… Non, je ne voulais pas dire le mot… Mais c’était pourtant le cas… Merde… Elle était magnifique…
-Matthieu…
Elle frotta son nez contre le mien. Mes doigts malaxèrent délicatement sa poitrine. Son souffle caressait ma joue. Elle prit une de mes mains et la descendit entre ses jambes. Oh putain… Je sentais son sexe sous le fin tissu qu’elle portait… Elle en fit de même en rentrant son avant-bras sous mon pantalon et en m’allumant la trompe à travers le calbute. Ma concupiscence était dénoncée. Je n’osais pas penser à ce qu’il était en train d’advenir. A ce que nous faisions. Puis, je la vis entrouvrir ses lèvres et les déposer avec douceur sur les miennes. Je sentis le goût sucré de son léger maquillage ainsi que sa chaleur intérieure entrer dans ma bouche. Elle m’embrassa lentement et sensuellement. Je suivis la danse. Je baisai minutieusement sa lèvre inférieure tandis que sa supérieure s’aplatissait sur la mienne. Avec sa main libre, elle appuya sur l’arrière de mon crâne et nous nous enfonçâmes l’un dans l’autre. Je sentis la langue de Sylvie s’infiltrer et chercher la mienne. Je menai celle-ci à leur rencontre, et caressai délicatement celle de ma sœur en la faisant pivoter autour. Nos respirations se mélangeaient, nos yeux étaient clos pour savourer ce moment. Nous nous touchions mutuellement de plus en plus vivement à mesure que notre baiser gagnait en intensité. Je pris sa langue entre mes lèvres et la suçai. Je ne réfléchissais plus, j’agissais seulement. Je ne voulais rien d’autre. La fusion de nos corps s’enlaçant était tout ce qui importait. Elle pencha sa tête sur le côté pour que je puisse profiter de plus de profondeur. Ce nouvel angle offrit de nouvelles sensations encore plus délicieuses. Le bruit érotique de l’union de nos bouches faisait naître une vive satisfaction en moi. Elle m’embrassait plus férocement dès que je ralentissais le rythme et je redoublais d’effort pour m’en excuser. Nos volontés communes s’alliaient pour que chaque seconde soit mémorable.
Alors, au final d’un dernier et lent baiser, nous nous séparâmes enfin. J’aurais tellement voulu que cela dure éternellement… Je n’avais jamais vécu un moment pareil… Ça avait été si… magique…
Nous étions encore nez à nez. Front contre front. Je l’observai alors qu’elle reprenait son souffle. Ses sublimes yeux bleus allaient me faire fondre. Un petit filet de salive unissait encore nos lèvres inférieures. Puis, elle se mit à sourire d’un air satisfait.
Le retour sur Terre fut plus violent que le plus puissant des coups de poing. Le regard triomphant que Sylvie me lança me détruisit. Elle m’avait manipulé. Elle m’avait fait avouer…
-Espèce de…, murmurai-je en reculant. Espèce de salope…
J’avais été berné. L’enculée de pétasse, elle… Comment avait-elle osé ?!!
-Tu es une sale pute, feulai-je en m’essuyant le visage et la bouche. Une putain de connasse malsaine…
Elle garda le silence en me fixant. J’avais l’impression que les murs se rapprochaient, que j’étais comprimé dans cet infâme traquenard dans lequel je m’étais fourré comme un débutant. Je ne savais plus où aller, ni quoi répondre hormis des insultes. Alors, ce fut ce que je fis. Je balançai, invectives sur invectives, au visage de Sylvie toute la haine que j’éprouvais pour elle à cet instant. J’étais tellement sous le choc que je n’entendais même pas ce qui sortait de ma bouche. Lorsque j’eus fini, je chargeai un crachat sur ma langue et le projetai sur ma sœur. Elle le reçut juste au dessus du nombril.
Je fis volte face et quittai la pièce en claquant la porte derrière moi. Comme un mioche vexé de sa punition, je m’enfermai dans ma chambre et plongeai dans mon lit en pleurant. J’enfonçai le plus possible ma tête dans mon coussin pour étouffer mes sanglots en espérant ainsi sauver le peu d’honneur qu’il me restait.
Mais je me doutais bien que la violence de mon affliction devait être ouïe jusqu’au rez-de-chaussée. Quel piètre spectacle ! Je ne faisais que croître ma honte car je n’avais pas la force de retenir mes larmes.
Méritais-je cette humiliation ? Etais-ce une forme de justice pour me faire payer ce que j’avais fait subir à Virginie ? Pour toutes mes fautes passées ? Je ne savais plus quoi penser. Je ne voulais qu’une chose. En finir avec toute cette histoire, et faire disparaître cette vie dans laquelle je pourrissais de l’intérieur.
J’avais encore le goût de Sylvie dans la bouche.
Depuis le bout de l’impasse où je vivais, j’observais le soleil couchant. Comme je me l’étais promis à son lever. Le disque lumineux disparaissait derrière des maisons et des arbres, et ses rayons moururent petit à petit, laissant la place à l’obscurité. C’était un sentiment étrange de se dire que, pour la dernière fois, un proche avait pu profiter de la chaleur et de la lumière d’Hélios.
La journée s’achevait donc. Et, comme en témoignaient mes yeux encore rougis, tout ne s’était pas passé comme je l’avais imaginé au départ. Néanmoins, j’avais atteint mon objectif. J’avais redéfini mon univers, détruit ce qui m’appartenait, effacer de ma vie ce qui restait de bon et de loyal… Démolir pour reconstruire. Mon plan tenait encore la route. Lorsque le jour renaîtrait, tout aurait changé.
Je contemplai la nuit dévorer le quartier alors que les secondes s’écoulaient. Tout disparut alors dans les ténèbres. Il ne restait plus que ma rue, avec ma maison. Et moi.
Je repartis vers ma baraque. Maman était rentrée et Sylvie attendait que Julien passe la prendre. Je traversai le petit jardin et ouvris la porte d’entrée. Il faisait chaud à l’intérieur. Ça sentait les croque-monsieur. Le pain chaud et le fromage râpé cuisant finirent d’adoucir mes sens, pourtant prêts à s’alarmer pour la suite.
En allant me laver les mains, je croisai sur mon chemin le chariot à argenterie de Maman, vide. Mon dernier échec. Celui qui m’avait fait prendre conscience de ce qu’il fallait vraiment faire pour réussir. Je le frôlai de la main au passage.
Le téléphone sonna. Maman débarqua dans le salon et décrocha.
-Allô ? demanda-t-elle.
Soudain, son visage se raidit et parcourut la salle des yeux. Je m’accroupis aussitôt et me planquai derrière la table pour ne pas être vu. Etais-ce que je pensais ?
-C’est toi ? fit-elle alors, en baissant la voix. Comment vas-tu ?
Elle s’appuya sur le dossier du sofa en collant le combiné contre son oreille.
-Les enfants sont là, oui, je ne peux pas parler plus fort… J’ai eu des problèmes ces derniers temps et je… Aaah… Je n’ai eu beaucoup de moments à moi, tu sais… Je crois que ça devient vraiment ingérable… Il… Oui… Je sais… Je le pense aussi… Bon sang, si tu savais ce que ça me fait… Comment le prendraient-ils… ? Je crois que je n’aurais jamais la force de… Oui… ?
Elle se mit à renifler. L’émotion la submergeait.
-Tu ferais ça… ? Je… Je ne sais pas quoi dire… Depuis que j’ai divorcé avec mon ex-mari, je ne trouve plus les mots justes pour quoi que ce soit…Merci… Merci… Oui, je pense que ça m’aiderait beaucoup… On… On va fixer une date… Et on leur annoncera pour nous… Ensemble… Mon amour…
Eh oui. C’était la deuxième fois de ma vie que j’entendais Maman parler à l’amant qu’elle nous cachait, à Sylvie et moi. Je supposais qu’elle le contactait au boulot, histoire qu’on ne soit pas dans les parages pour apprendre son existence.
Je ne m’attendais pas à être témoin d’un tel moment ce soir là. Mais peut-être était-ce le Destin qui, dans un signe d’encouragement, me rappelait les enjeux de mon entreprise ?
Oui, Maman. Tu avais fauté. Je te condamnais à mort pour avoir osé remplacer mon père par cet inconnu ! Comment avais-tu pu ? Et tu nous avais menti tout ce temps… Tous ces secrets, toutes ces viles cachotteries avaient achevé de faire de toi une mère incapable de gérer sa maison et ses enfants. Mère indigne. Mère infidèle. Mère lâche. Mère menteuse. Mère capricieuse. Mère colérique. Mère nostalgique. Mère ratée…
Ta vie inavouée t’avait rendue inapte à gérer tes responsabilités envers nous. Tu n’étais plus assez attentive, plus assez attentionnée. Tu ne vivais plus que pour ton autre obsession. Et celle-ci était si abjecte que tu ne pouvais même pas avoir le courage de nous en faire part.
Oui, Maman… Pour avoir violé ton engagement maternel et pour avoir tenté de dénaturer notre famille, j’allais appliquer ma sentence. Ce soir.
La madre acheva sa discussion par un mièvre « Merci… A très vite… », et partit vite se cacher pour s’essuyer les yeux.
« Gardes des mouchoirs pour tout à l’heure, Maman, je crois que tu vas en avoir besoin après ce que je vais te faire… »
Car s’il y avait bien une conclusion à toutes ces interrogations que je m’étais posées ces derniers temps, c’était bien celle là… Qu’est-ce qui nous rend donc heureux ? Hein, cher lecteur ? Pour moi, c’est clairement la famille. On aura beau avoir tout l’argent du monde, être privé de ce bonheur-là n’offrira jamais le baume au cœur qui nous fait vivre comme on le voudrait vraiment au fond de soi. Bien-sûr, vivre dans la pauvreté à manger des insectes au dîner avec toute sa troupe pour vomir à plusieurs n’est pas une vie idyllique. Mais un homme qui n’aime pas ses enfants ou sa femme, qui se persuade qu’il n’est heureux que seul, reclus… S’il sonde le fond de son âme, sera-t-il toujours du même avis ? A-t-il la même notion que nous autres de ce qu’est une destinée parfaite ? Si le bonheur n’est qu’une espérance, croire en ses fils et ses filles n’en est-il pas le plus chaleureux de tous ? Si l’amour que l’on porte à notre conjoint est partagé, peut-on se déclarer malheureux ? Si l’homme qui vit avec une famille qui le hait, et qu’il doit vivre avec eux, ne peut-il pas partir en créer une autre ? Car il est bon d’être clair sur la véritable définition de ce grand mot. Une famille, c’est une entité émotionnelle et sentimentale que l’on crée, volontairement, dans le but et l’espoir d’aimer et d’être aimé, de partager et de savourer sa vie avec ses proches. Et c’est un élément aussi précieux que le soleil pour les hommes. Celui qui rentre chez lui le soir sans son petit monde dans lequel il peut se laisser vivoter en toute confiance est à mon sens un individu à plaindre. C’est l’oxygène de l’humanité, la source de l’âme sociale, l’eau qui fait tourner le moulin d’une existence.
Et toi, Maman… Tu avais détruit notre famille en voulant nous en imposer une nouvelle, dont je ne voulais pas. Je n’avais donc plus de famille. Et je n’étais ainsi pas prêt d’être heureux. A cause de toi.
Je n’étais pas devenu optimiste sur la notion d’unité relationnelle entre les hommes, loin de là. Je savais juste que je ressentais un manque cruel. Et qu’il était temps que j’en fasse part à la responsable.
A vingt heures pile, Sylvie descendit en trombe les escaliers.
-Julien est là, il m’attend dans la voiture, dit-elle en allant embrasser notre mère. Gros bisous !
-Bisous, ma puce, répondit la maternelle. Tu es superbe !
Le compliment avait visiblement fait plaisir à Sylvie, qui souriait comme une gamine sur le coup. Je la contemplai dans sa tenue de soirée. Elle portait une jolie robe à motifs et était préparée comme un mannequin. Je ne pus m’empêcher de repenser aux capotes dans son sac… et à notre dernière entrevue.
-Passe une bonne soirée. Et ne reviens pas trop tard demain, commanda la madre.
-Promis, Maman !
Sylvie mit un petit blouson en cuir, sortit dehors et jeta toutefois un ultime regard dans ma direction avant de refermer la porte derrière elle. Puis je me retrouvai seul avec ma cible.
Cette dernière me regarda. Elle semblait toujours émue par sa conversation avec l’amant, et tenta avec difficulté de le dissimuler.
-Je vais préparer la table. Tu viens m’aider ? demanda-t-elle d’une voix douce.
Ahurissant comme un petit coup de fil peut vous faire oublier que votre fils a voulu cramer la baraque à peine deux semaines plus tôt.
-Bien-sûr, répondis-je. Tu m’accordes deux secondes ? Je vais aux toilettes et je reviens.
-Pas de problème, chéri.
Je pivotai, me dirigeai vers la porte menant au garage et l’ouvris. L’air y était bien plus frais. Je me faufilai entre la voiture et le mur, et ouvris la caisse à outils de jardinage. Je me saisis de deux petites haches et repartis dans la maison.
Nouveau choc thermique. Mon pouls s’accéléra. Mes jambes tremblèrent alors que je marchais. Je cachai mes armes dans mon dos et rejoignis Maman dans la cuisine. Elle était retournée et nettoyait quelque chose dans l’évier. La télévision était allumée, mais ma concentration était telle que je crus que le présentateur parlait une langue étrangère que je ne connaissais pas.
-Dis, Maman. Je peux te parler ?
Je fus surpris de mon assurance soudaine.
-Bien-sûr, Matthieu. Je t’écoute.
-En fait, c’est de toi qu’il s’agit.
Elle me fit face et m’observa.
-Oui ? fit-elle d’un ton curieux.
-En fait, je suis très frustré ces derniers temps.
La madre ne comprenait visiblement pas de quoi je parlais. Normal, me direz-vous.
-Frustré ? Comment ça ? Sois plus clair…
-Je vais être bref : pourquoi tu ne meurs pas ?
Un silence glacial se posa alors dans la pièce.
-Q… Qu… ?
-Tu as parfaitement entendu.
Je révélai alors mes deux haches.
-Ça fait trop longtemps que j’essaie de te tuer discrètement. Maintenant, j’en ai marre.
Le grand cercle doré s’éleva derrière les arbres du parc près de chez moi, et ses rayons colorèrent les nuages du matin. Ils étaient rosés et les oiseaux se mirent à chanter. Leur concert allait sûrement durer jusqu’à la fin, et lorsqu’ils s’arrêteraient, un silence de mort s’abattrait sur le monde, signe de mon œuvre.
Nous étions vendredi. Ma mère partait travailler toute la journée, et ma sœur devait s’en aller le soir à sa soirée avec le Julien. L’équation parfaite pour appliquer mon plan. Je sentis un puissant et étrange frisson me parcourir l’échine ; un sentiment nouveau me glaça le sang tout en me comblant de joie. Le mélange de l’angoisse pure et du grand bonheur. C’était de l’excitation. Mais pas celle que l’on éprouve quotidiennement, là c’était mille fois plus intense. Je réalisai que les moments précédant les quatre tentatives de ces dernières semaines n’avaient pas eu droit à cette ambiance. J’avais sûrement eu, au fond de moi, la sensation que ce n’était pas le moment ou la bonne méthode. Car aujourd’hui, je savais. Je savais que rien ne pourrait se mettre en travers de mon chemin. Car quoi qu’il arriverait, je passerais à l’acte.
J’entendis ma mère se préparer, mettre ses chaussures et son manteau, marcher dans le salon, ouvrir la porte d’entrée et la refermer derrière elle. Je l’observai depuis ma croisée prendre la voiture et quitter notre impasse. Une dernière virée au travail.
Sylvie se leva et descendit prendre son petit déjeuner. Il était temps pour moi de commencer mon apocalypse. J’inspirai profondément. Je m’habillai et quittai ma chambre.
Je rejoignis ma sœur, occupée à étaler une généreuse cuillerée de Nutella sur un bout de pain.
-C’est pas avec ça que Juju va avoir le béguin pour toi, dis-je en guise de bonjour.
Elle ne me lança même pas un regard.
-Et comment va Virginie ? Elle supporte toujours ton bout de gras ? répondit-elle.
Je ris intérieurement. Je me servis un verre de jus d’orange. En buvant, je parcourus la brique des yeux, me souvenant de ma première tentative.
-Ah… Elle, au moins, n’a pas à supporter une larmoyante et très féminine culpabilité sur la prise de poids.
Je me saisis de ma poudre au chocolat, en versai dans mon bol déjà sur la table, et le remplis de lait chaud.
-Par contre, moi, je dois la subir quand elle réalise qu’elle mange trop, ajoutai-je en remuant avec ma cuillère. Tu n’imagines pas mon bonheur quand c’est le ramadan.
J’attrapai un bout de pain et y déposai la célèbre pâte de chocolat aux plastifiants.
-Alors, ta petite soirée, ça se passe où ? demandai-je.
-Chez des gens que tu ne connais pas.
-Mais que toi, tu connais, affirmai-je d’un ton ironique.
-Pas vraiment, non.
-Quelle honnêteté, je suis sûre que Maman est au courant.
-Tu comptes me balancer ?
-Pas vraiment, non.
Elle mordit sa tartine, mâcha lentement et déglutit délicatement.
-Etrange, fit-elle, je ne m’attendais pas à ce que tu me couvres.
-Oui, disons que c’est le Matthieu qui se lève du bon pied ; ça te plait ?
-Je me rends surtout compte que tu as eu des réveils merdiques toute ta vie, mon pauvre.
Je trempai mon pain dans le chocolat au lait, puis le mangeai.
-Et ch’est à quelle heuche ? quémandai-je, la bouche pleine.
Sylvie but son café, se mit debout et commença à enlever les miettes sur la table.
-Vingt heures. Ne t’en fais pas, je sais que tu as hâte que je déguerpisse, mais tu ne me verras pas de la journée.
-Je m’en douche. Mmh, il y a du boulot pour le maquillache.
-Je suis sûre que la blague était très drôle, mais avec tout ça dans ton bec, c’était incompréhensible.
J’avalai.
-Je disais que je m’en doutais car…
-Il faut que je me lave les cheveux, me coupa-t-elle, alors si tu veux, tu peux aller te doucher en premier, tu prendras moins de temps.
Je finis mon bol et me levai.
-Vas-y, je débarrasse, dit-elle.
Je passai à côté d’elle et fis mine de renifler l’air d’un air écœuré. Je montai à l’étage et me rendis dans la salle de bain. La radio passait How You Remind Me de Nickelback. En me déshabillant, j’aperçus le sèche-cheveux, pendu par le fil au tiroir d’une étagère. Je ressentis une sorte de nostalgie en me remémorant le temps où j’étais plein d’espoir et si imaginatif. La bonne vieille époque…
Je m’enfermai dans la douche et fermai les yeux alors que l’eau me coulait sur le visage. Je mis du temps à savourer cet instant. Qui savait où je prendrais mon prochain bain ? Je me savonnais et me rinçais à l’eau chaude en autant de temps qu’il en aurait fallu à ma sœur pour se laver le corps et les cheveux. Elle devait bien rager en bas.
Lorsque je fus assez propre à mon goût, je sortis de la cabine et vis les miroirs complètement embués. L’air était moite et la chaleur digne d’un sauna. Lire la facture d’eau pourrait suffir à tuer ma mère.
En sortant enfin sec de la pièce, je découvris ma sœur, les sourcils froncés.
-Putain, pas trop tôt ! s’énerva-t-elle.
J’ouvris la bouche comme pour parler, mais ne dis finalement rien et rentrai dans ma chambre en l’ignorant. Je m’habillai, fis mon lit, et descendis mon tee-shirt de la veille au rez-de-chaussée pour le mettre au lave-linge. Histoire de faire comme si c’était un jour comme un autre.
Je parcourus la maison dans les moindres recoins, pour « profiter » une dernière fois de ses murs, de ses meubles… J’allumai l’ordinateur et me connectai à Headpage. Je jetai un œil sur les photographies et les écrits que mes contacts y avaient postés. Un mec s’était immortalisé en train de croquer du PQ, des dessins pas drôles mimaient de parodier l’actualité, un chat dormait sur un porte-serviette, des filles tiraient la langue et d’autres simulaient la moue… Je soufflai d’un air exaspéré, puis cliquai sur l’onglet « Paramètres ».
« Gestion du compte »
« Supprimer »
« Etes-vous sûr ? »
« Votre compte a bien été supprimé »
J’éteignis l’écran en me levant, puis me rendis à nouveau dans ma chambre. Un moustique volait au plafond. Mais je n’en avais rien à battre, je ne risquais pas de dormir ici ce soir. J’ouvris mon porte-monnaie et le vidai sur la couverture de mon lit. Je pris ensuite la chaise de mon bureau et montai dessus pour saisir au sommet de ma bibliothèque ma tirelire à économies secrète. C’était une réplique collector de Minas Tirith, la fameuse Cité des Hommes du Seigneur des Anneaux. En l’ouvrant, j’en sortis une liasse de billets. Je réunis le magot, pris un briquet et descendis le tout dans le petit jardin devant l’entrée.
La fraîcheur matinale m’offrit un frisson très agréable qui parcourut l’ensemble de mon corps. J’allumai une flamme, et l’approchai de ma micro-fortune. Le bout des billets se contracta lentement avant de s’embraser. J’éloignai mes doigts du feu qui grignotait l’argent et m’approchai du caniveau dans la rue. C’était beau à regarder. Lorsque mes doigts commencèrent à sentir la chaleur d’un peu trop près, je lâchai ma prise qui termina sa désintégration sur le sol. Sans nouvelle proie, les flammes moururent sur un tas de cendres.
Je repartais vers la maison lorsque j’entendis un miaulement. Je me retournai et vis Croquette sur l’autre trottoir en train de m’observer. Savait-il ce que je faisais ? Pouvait-il le sentir ? Peu m’importait, j’étais content de le voir, car il était lui aussi sur ma liste.
-Viens, dis-je d’un ton mielleux, viens me voir…
L’animal me fixa avec son air idiot, sans bouger.
-Approche… Tu as faim ?
Il était méfiant. Ce matou ne me faisait vraiment pas confiance.
-Allez, viens…
Je fis mine de sortir quelque chose de ma poche et de le poser sur le sol. Je vis ses yeux chercher l’objet invisible. Il ne percevait que le mouvement.
-Viens donc voir…
D’un pas craintif et alerte, Croquette s’avança vers moi. Lentement, prêt à filer au moindre geste brusque.
-Approche… Voilà, c’est bien…
Il en était à la moitié du chemin. Puis soudainement, il s’arrêta, posant son ventre à terre.
-Qu’est-ce que tu fais… ? Pourquoi tu ne viens pas ?
Il me regardait, sans broncher. Je tendis délicatement ma main vers lui. Ses pupilles se dilatèrent en la voyant approcher. Je rampai doucement dans sa direction et mis mon doigt juste sur son nez, afin qu’il le renifle. Il sniffa mon index, puis le lécha avec sa langue râpeuse.
Je pus me mettre à côté de lui. Là, je l’attrapai avec mes deux mains, le soulevai et l’amenai au bord de l’impasse. Il miaula.
Sans qu’il ait le temps de réagir, je le balançai loin devant moi. Il retomba sur ses pattes avec difficulté et hérissa ses poils. Je fonçai alors vers lui en courant. Il prit peur et s’enfuit à toute vitesse. Je le coursai sur cent mètres en lui jetant des cailloux et des bâtons. Lorsque je m’arrêtai, je le vis continuer son sprint, disparaissant au loin à grandes foulées vers un autre quartier. Sans se retourner. Je repris mon souffle et repartis tranquillement à la maison.
A midi, Sylvie prépara des pâtes au saumon. Elle fut surprise de ne pas voir Croquette débarquer et la supplier en se roulant au sol pour avoir sa part. Lorsque je la rejoignis dans la cuisine, je ne pus m’empêcher de fixer la nouvelle plaque de cuisson sur laquelle bouillait l’eau dans la casserole. Cet endroit où ma sœur m’avait surpris et avait cru que je voulais cramer la baraque. Si seulement elle savait…
Elle avait une serviette sur ses cheveux et était en peignoir.
-Ça t’a pris tout ce temps juste pour te laver ? demandai-je.
-Lâche-moi la bride, tu veux ?
Dès que tout fut cuit, je me servis les deux tiers du plat dans une assiette et partis sur le sofa bouffer en regardant la télé. Pour prendre des forces, rien de mieux que les sucres lents !
Je matai une sitcom pas drôle où les rires enregistrés tentaient en vain de m’inciter à rigoler. Autant dire que cela me fit autant d’effet qu’un porno gay. Je zappai hasardeusement sur la trentaine de chaînes disponibles et dus en conclure avec tristesse que les directeurs de diffusion faisaient un épique concours de celui qui programmerait la plus grosse merde. Je n’aurais pas aimé être dans le jury !
Sylvie mangeait dans un bol devant l’ordinateur, probablement occupée sur Headpage à échanger des fadaises avec son Julien. Pff. Je n’osais même pas imaginer ce qui se disait.
Je pris un yaourt et un bout de cake au chocolat en dessert et pris garde à laisser tomber des morceaux par terre. Pour mon dernier round, je devais être fidèle à moi-même, vous ne pensez pas ?
Lorsque j’eus fini, je filai à l’étage me brosser les dents puis allai contempler une dernière fois ma collection de comics dans ma bibliothèque. Aaah… Mes Spider-Man, X-Men, Batman, Justice League, Superman…
« J’espère pouvoir continuer à vous lire après ce soir, quoiqu’il advienne… »
Dans un recul mélancolique, je lâchai des yeux ces bijoux littéraires et remis en marche mon programme du jour.
Je fermai la porte de ma chambre et saisis mon portable. Je composai le numéro de Virginie et lançai l’appel. Je posai l’appareil contre mon oreille et attendis. La tonalité résonna quatre fois avant que ça ne décroche.
-Allô ? fit Virginie.
Le ton de sa voix était enjoué. Elle avait sûrement lu mon nom sur son écran. Et comme je ne faisais jamais l’effort de prendre des nouvelles, elle avait dû bondir au plafond.
-C’est Matthieu, répondis-je d’un ton neutre.
Je la voyais se tordre de joie rien qu’en l’écoutant.
-Matthieu ! Ça me fait plaisir de t’entendre ! Comment vas-tu ? Tu m’as manqué, si tu seulement tu pouvais imaginer… Tu étais très occupé, non ?
-Non, pas du tout, je me suis plutôt ennuyé en fait.
Silence.
-Ah… Mais pourquoi tu ne me l’as pas dit ? On aurait pu se voir, sortir, aller au ciné, faire…
-Euh, je viens de dire que je m’étais ennuyé. Tu crois qu’aggraver la situation m’aurait fait du bien ?
Je sentis un froid glacial se poser soudainement. Je percevais sa respiration décontenancée à l’autre bout du fil.
-Je… Excuse… Moi…
Je soupirai d’exaspération.
-Oui, oui, je t’excuse. Je t’excuse toujours d’ailleurs, tous les jours, tous les mois. Ça va durer longtemps comme ça ?
Je posai mon front contre la vitre de la fenêtre.
-Eh bah réponds ! pressai-je.
Son souffle s’accélérait.
-Je… J’ai dû faire quelque chose qu’il ne fallait pas pour que tu sois dans un état pareil… Je… Je…
-Tu t’excuses ?
-Je…
-Hum ?
-Que puis-je faire d’autre… ?
-Mais ça, c’est à toi de me le dire, ma chère. Qu’est-ce que tu as offrir aux autres à part des pleurnicheries ?
J’avalai ma salive.
-Euh… Je… Qu’est-ce que j’ai fait… ?
Je me tus.
-C’est ma faute… ? C’est… Quelque chose t’a contrarié… ? C’est moi… ?
Mon mutisme l’angoissa de plus belle. Elle était perdue.
-Je vais faire ce qu’il faut alors… Matthieu, je vais me remettre en question, changer ce qui ne va pas chez moi et… et je vais tout faire pour que tout redevienne comme avant.
Je claquai alors ma langue.
-Le hic, dis-je alors, ou plutôt les hics… De un, c’est que c’est trop tard. Tu m’as gonflé au point que ma patience a éclaté comme un ballon d’hélium. De deux, tu ne peux pas tout refaire comme c’était avant, parce que justement avant, je n’éprouvais déjà pas grand-chose pour toi, tu comprends ?
Nouveau silence.
-J’avais envie d’une gonzesse, et j’ai juste choppé la plus nunuche et cucul la praline de toutes celles qui étaient à disposition pour avoir une bouche à embrasser dès que l’envie m’en prenait. Vu la date de notre dernière galoche, je te laisse deviner où en est mon désir pour toi aujourd’hui…
Cette fois, ce fut le bruit de sanglots croissants qui se fit entendre.
-Allez, maintenant elle chiale…
-Tu me quittes ??! pleura Virginie.
-Dis donc, tu es très perspicace tout d’un coup, t’as trouvé ça toute seule ? Où c’est l’un de tes trente frères et sœurs qui t’a soufflé la réponse ?
Elle essaya de dire quelque chose, mais elle hoquetait de chagrin. La moindre de ses paroles fut inaudible.
-Alors, il va falloir faire un effort parce que je ne comprends absolument rien à ce que tu baragouines en fait.
-Je… Je…
-Oui, oui, je sais, tu t’excuses, tu pleures, t’es au bout du rouleau, tu veux te rattraper… Un peu d’originalité, bon sang !
-Non, je…
-Essaie de parler dans ta langue, t’y arriveras peut-être mieux, qui sait ?
-Arrête… S’il te plait…
-Non, non, j’arrête pas ! Tu m’as cassé les couilles pendant tout ce temps, tu vas pas m’empêcher maintenant de te dire ce que j’ai sur le cœur !
Elle était complètement en larmes ; ça en grésillait dans le téléphone.
-Je ne c… comprends pas ce qui se passe… Je… Je ne pensais pas… que tu avais ça en toi, Matthieu…
-Le voilà, le souci, continuai-je. Tu penses mal, tout est à corriger chez toi ; et c’est un service que je te rends en te disant tout ça, parce que d’autres mecs vont profiter de cette faiblesse que tu as. Tu as le chic pour te faire manipuler et croire à tout bout de champ n’importe quelle connerie que l’on va te raconter ! Pas étonnant que votre religion soit si merdique et que vous viviez encore comme au Moyen-Âge. Mais c’est pas juste le fait d’être une sale bougnoule qui te pénalise, tu as aussi un pépin dans ta petite tête de gourdasse, et cette naïveté, cette incrédulité alarmante me fait vraiment pitié !
Soudain, je compris que je venais d’atteindre la limite.
-Va te faire foutre, cracha-t-elle alors. Je ne veux plus entendre parler de toi. Je t’emmerde, espèce de c…
Et elle raccrocha. Je lâchai mon téléphone qui s’écrasa au sol et me laissai tomber sur mon lit. Je me dégoutais. Ce que je venais de déblatérer à cette pauvre fille m’avait brisé le cœur. Chaque mot était volontairement cruel pour qu’elle n’ait pas à me regretter, et à chaque fois, ça m’avait enfoncé une pique dans la poitrine.
Je ne pensais pas ressentir cela à l’issue de cette épreuve. Virginie était une bonne poire, mais elle ne méritait assurément pas toutes ces insultes et ces invectives. Si elle me connaissait vraiment, elle aurait deviné que je n’étais pas sincère dans mes propos. Je n’étais pas raciste. Je pouvais comprendre la réticence face à une certaine catégorie de la population, mais je trouvais idiot et futile de juger et de mépriser un être uniquement sur sa couleur de peau ou son ethnie. A mon sens, toute personne qui attaque un individu sur ses origines ou sur sa couleur de peau fait indirectement un éloge à ce dernier : cela signifie qu’il n’a rien d’autre à lui reprocher. Et c’était ce qu’il venait de se passer avec Virginie.
Il me fallut plus de deux heures pour me remettre de la confrontation avec ma nouvelle ex. C’était la première fois que je ressentais la culpabilité. En général, j’étais toujours fier de mes sales coups et des pleurs que je provoquais ; mais cette fois, j’avais enduré un déchirement totalement inconnu. Et ça ne me plaisait pas. J’aurais voulu être content de moi, me dire qu’elle avait bien mérité toute cette méchanceté ; mais non, c’était impossible.
Je devais cependant prendre sur moi et aller de l’avant. Le jour n’était pas fini, Maman allait rentrer et il me restait encore une chose à régler.
Machinalement, je me saisis du papier posé sur l’étagère face à moi, me levai et allai marcher dans le couloir jusqu’à la chambre de ma sœur. Je vis qu’il y avait de la lumière dans la salle de bain. La voie était libre !
J’ouvris la porte et pénétrai dans son sanctuaire. Les volets de la fenêtre étaient ouverts et les rayons du soleil de fin d’après-midi rendirent les couleurs rouges de la tapisserie encore plus chaleureuses. Des affaires de toilette étaient posées en vrac sur un petit meuble sous un miroir. Le placard dévoilait une collection de robes. Certaines avaient été cousues par Maman mais je n’aurais su dire lesquelles.
Je cherchai son sac à main des yeux et le vis par terre contre son lit. Je le saisis et y fourrai mon papier. Quelque chose brilla dans l’obscurité, bien au fond. Cela m’intrigua et, jetant un œil en arrière pour être sûr d’être seul, j’y plongeai ma main pour savoir de quoi il s’agissait. C’était un sachet contenant quelque chose de mou. Lorsque je le mis à la lumière du jour, je découvris ce que c’était. Une capote. Mon cœur se serra soudainement. Sylvie avait un préservatif qu’elle amenait à sa soirée où elle passait la nuit. Et en fouillant encore un peu, je découvris qu’il y en avait trois au total. Ma sœur. Ma grande sœur…
-Alors, tu trouves ton bonheur ?
Je bondis sur place et pivotai devant la nouvelle venue.
-Toujours prête à surgir dans le dos des gens, lançai-je.
-Rappelle-moi lequel de nous deux ne devrait pas être là où il est actuellement, dit Sylvie en partant vers son miroir sans me regarder.
Ce fut à cet instant que je me rendis compte qu’elle était en sous-vêtements. Elle ne portait qu’un soutien-gorge rouge et un petit string de la même couleur. J’enfonçai discrètement ma prise au fond de son sac.
-T’aurais pas un peu de blé pour me dépanner ? Je voulais pas te déranger pendant que tu te…
-Tu sais, Matthieu, me coupa-t-elle, j’ai bien réfléchi ces derniers temps, et je pense avoir compris quelque chose…
Je m’approchai lentement de la sortie.
-Oh, tu sais penser ? Première nouvelle.
Elle se retourna et me fit face. Je m’efforçai de ne pas la regarder ailleurs que dans les yeux, mais ce fut plus qu’impossible. Ses cheveux blonds étaient parfaitement peignés, ils étaient éclatants et tombaient sur ses épaules. Ses yeux et sa bouche étaient maquillés avec le plus grand soin. Le bleu entre ses paupières était ensorcelant, ses lèvres étaient pulpeuses. Son grand corps fin avait une petite courbe sur le côté. Je m’arrêtai au nombril, mais trop tard. Mon travelling visuel m’avait grillé.
-Je crois avoir deviné ce qui ne va pas chez toi, continua-t-elle.
Je déglutis. Elle s’avança dans ma direction.
-Euh, en fait, moi je crois que ça devient glauque comme situat…
-Je sais pourquoi tu passes ton temps à me charrier, à me fuir…
Elle tendit sa main droite et saisit la mienne. Sa peau était très douce.
-Je comprends pourquoi tu fais tout ton possible pour que ça ne marche pas entre Julien et moi…
Elle m’attira vers elle ; je suivis le mouvement. Elle me dépassait de quelques centimètres. Son parfum m’enivra aussitôt.
-C’est parce qu’en fin de compte, tu es amoureux de moi…, acheva-t-elle dans un sourire.
J’eus un rictus nerveux à cette dernière phrase.
-Q-Quoi ?!
Ma respiration devint saccadée, mais Sylvie, elle, ne broncha pas.
-Tu es… Oh putain… Tu es complètement malade ! m’emportai-je. C’est dégueulasse !
Elle était complètement timbrée, d’où sortait-elle ça ?
-Faut vraiment te faire soigner, tu sais, fis-je en la fixant. Non, parce que là, t’as atteint un point de non-retour…
Ses doigts serrèrent mes poignets.
-Matthieu…, murmura-t-elle. Aie au moins l’honnêteté de le reconnaître. Fais-le au moins pour toi…
-Arrête…
Qu’est-ce qu’elle faisait ? Merde, elle avait pété les plombs ?! Alors, elle leva mes mains et les déposa sur ses seins. J’hallucinais, ce n’était pas possible ! Mon cœur battait la chamade. Je ne comprenais plus ce qu’il se passait. Elle approcha son visage du mien. Ces yeux bleus… Mon dieu… Je refusais de l’admettre… Non, je ne voulais pas dire le mot… Mais c’était pourtant le cas… Merde… Elle était magnifique…
-Matthieu…
Elle frotta son nez contre le mien. Mes doigts malaxèrent délicatement sa poitrine. Son souffle caressait ma joue. Elle prit une de mes mains et la descendit entre ses jambes. Oh putain… Je sentais son sexe sous le fin tissu qu’elle portait… Elle en fit de même en rentrant son avant-bras sous mon pantalon et en m’allumant la trompe à travers le calbute. Ma concupiscence était dénoncée. Je n’osais pas penser à ce qu’il était en train d’advenir. A ce que nous faisions. Puis, je la vis entrouvrir ses lèvres et les déposer avec douceur sur les miennes. Je sentis le goût sucré de son léger maquillage ainsi que sa chaleur intérieure entrer dans ma bouche. Elle m’embrassa lentement et sensuellement. Je suivis la danse. Je baisai minutieusement sa lèvre inférieure tandis que sa supérieure s’aplatissait sur la mienne. Avec sa main libre, elle appuya sur l’arrière de mon crâne et nous nous enfonçâmes l’un dans l’autre. Je sentis la langue de Sylvie s’infiltrer et chercher la mienne. Je menai celle-ci à leur rencontre, et caressai délicatement celle de ma sœur en la faisant pivoter autour. Nos respirations se mélangeaient, nos yeux étaient clos pour savourer ce moment. Nous nous touchions mutuellement de plus en plus vivement à mesure que notre baiser gagnait en intensité. Je pris sa langue entre mes lèvres et la suçai. Je ne réfléchissais plus, j’agissais seulement. Je ne voulais rien d’autre. La fusion de nos corps s’enlaçant était tout ce qui importait. Elle pencha sa tête sur le côté pour que je puisse profiter de plus de profondeur. Ce nouvel angle offrit de nouvelles sensations encore plus délicieuses. Le bruit érotique de l’union de nos bouches faisait naître une vive satisfaction en moi. Elle m’embrassait plus férocement dès que je ralentissais le rythme et je redoublais d’effort pour m’en excuser. Nos volontés communes s’alliaient pour que chaque seconde soit mémorable.
Alors, au final d’un dernier et lent baiser, nous nous séparâmes enfin. J’aurais tellement voulu que cela dure éternellement… Je n’avais jamais vécu un moment pareil… Ça avait été si… magique…
Nous étions encore nez à nez. Front contre front. Je l’observai alors qu’elle reprenait son souffle. Ses sublimes yeux bleus allaient me faire fondre. Un petit filet de salive unissait encore nos lèvres inférieures. Puis, elle se mit à sourire d’un air satisfait.
Le retour sur Terre fut plus violent que le plus puissant des coups de poing. Le regard triomphant que Sylvie me lança me détruisit. Elle m’avait manipulé. Elle m’avait fait avouer…
-Espèce de…, murmurai-je en reculant. Espèce de salope…
J’avais été berné. L’enculée de pétasse, elle… Comment avait-elle osé ?!!
-Tu es une sale pute, feulai-je en m’essuyant le visage et la bouche. Une putain de connasse malsaine…
Elle garda le silence en me fixant. J’avais l’impression que les murs se rapprochaient, que j’étais comprimé dans cet infâme traquenard dans lequel je m’étais fourré comme un débutant. Je ne savais plus où aller, ni quoi répondre hormis des insultes. Alors, ce fut ce que je fis. Je balançai, invectives sur invectives, au visage de Sylvie toute la haine que j’éprouvais pour elle à cet instant. J’étais tellement sous le choc que je n’entendais même pas ce qui sortait de ma bouche. Lorsque j’eus fini, je chargeai un crachat sur ma langue et le projetai sur ma sœur. Elle le reçut juste au dessus du nombril.
Je fis volte face et quittai la pièce en claquant la porte derrière moi. Comme un mioche vexé de sa punition, je m’enfermai dans ma chambre et plongeai dans mon lit en pleurant. J’enfonçai le plus possible ma tête dans mon coussin pour étouffer mes sanglots en espérant ainsi sauver le peu d’honneur qu’il me restait.
Mais je me doutais bien que la violence de mon affliction devait être ouïe jusqu’au rez-de-chaussée. Quel piètre spectacle ! Je ne faisais que croître ma honte car je n’avais pas la force de retenir mes larmes.
Méritais-je cette humiliation ? Etais-ce une forme de justice pour me faire payer ce que j’avais fait subir à Virginie ? Pour toutes mes fautes passées ? Je ne savais plus quoi penser. Je ne voulais qu’une chose. En finir avec toute cette histoire, et faire disparaître cette vie dans laquelle je pourrissais de l’intérieur.
J’avais encore le goût de Sylvie dans la bouche.
Depuis le bout de l’impasse où je vivais, j’observais le soleil couchant. Comme je me l’étais promis à son lever. Le disque lumineux disparaissait derrière des maisons et des arbres, et ses rayons moururent petit à petit, laissant la place à l’obscurité. C’était un sentiment étrange de se dire que, pour la dernière fois, un proche avait pu profiter de la chaleur et de la lumière d’Hélios.
La journée s’achevait donc. Et, comme en témoignaient mes yeux encore rougis, tout ne s’était pas passé comme je l’avais imaginé au départ. Néanmoins, j’avais atteint mon objectif. J’avais redéfini mon univers, détruit ce qui m’appartenait, effacer de ma vie ce qui restait de bon et de loyal… Démolir pour reconstruire. Mon plan tenait encore la route. Lorsque le jour renaîtrait, tout aurait changé.
Je contemplai la nuit dévorer le quartier alors que les secondes s’écoulaient. Tout disparut alors dans les ténèbres. Il ne restait plus que ma rue, avec ma maison. Et moi.
Je repartis vers ma baraque. Maman était rentrée et Sylvie attendait que Julien passe la prendre. Je traversai le petit jardin et ouvris la porte d’entrée. Il faisait chaud à l’intérieur. Ça sentait les croque-monsieur. Le pain chaud et le fromage râpé cuisant finirent d’adoucir mes sens, pourtant prêts à s’alarmer pour la suite.
En allant me laver les mains, je croisai sur mon chemin le chariot à argenterie de Maman, vide. Mon dernier échec. Celui qui m’avait fait prendre conscience de ce qu’il fallait vraiment faire pour réussir. Je le frôlai de la main au passage.
Le téléphone sonna. Maman débarqua dans le salon et décrocha.
-Allô ? demanda-t-elle.
Soudain, son visage se raidit et parcourut la salle des yeux. Je m’accroupis aussitôt et me planquai derrière la table pour ne pas être vu. Etais-ce que je pensais ?
-C’est toi ? fit-elle alors, en baissant la voix. Comment vas-tu ?
Elle s’appuya sur le dossier du sofa en collant le combiné contre son oreille.
-Les enfants sont là, oui, je ne peux pas parler plus fort… J’ai eu des problèmes ces derniers temps et je… Aaah… Je n’ai eu beaucoup de moments à moi, tu sais… Je crois que ça devient vraiment ingérable… Il… Oui… Je sais… Je le pense aussi… Bon sang, si tu savais ce que ça me fait… Comment le prendraient-ils… ? Je crois que je n’aurais jamais la force de… Oui… ?
Elle se mit à renifler. L’émotion la submergeait.
-Tu ferais ça… ? Je… Je ne sais pas quoi dire… Depuis que j’ai divorcé avec mon ex-mari, je ne trouve plus les mots justes pour quoi que ce soit…Merci… Merci… Oui, je pense que ça m’aiderait beaucoup… On… On va fixer une date… Et on leur annoncera pour nous… Ensemble… Mon amour…
Eh oui. C’était la deuxième fois de ma vie que j’entendais Maman parler à l’amant qu’elle nous cachait, à Sylvie et moi. Je supposais qu’elle le contactait au boulot, histoire qu’on ne soit pas dans les parages pour apprendre son existence.
Je ne m’attendais pas à être témoin d’un tel moment ce soir là. Mais peut-être était-ce le Destin qui, dans un signe d’encouragement, me rappelait les enjeux de mon entreprise ?
Oui, Maman. Tu avais fauté. Je te condamnais à mort pour avoir osé remplacer mon père par cet inconnu ! Comment avais-tu pu ? Et tu nous avais menti tout ce temps… Tous ces secrets, toutes ces viles cachotteries avaient achevé de faire de toi une mère incapable de gérer sa maison et ses enfants. Mère indigne. Mère infidèle. Mère lâche. Mère menteuse. Mère capricieuse. Mère colérique. Mère nostalgique. Mère ratée…
Ta vie inavouée t’avait rendue inapte à gérer tes responsabilités envers nous. Tu n’étais plus assez attentive, plus assez attentionnée. Tu ne vivais plus que pour ton autre obsession. Et celle-ci était si abjecte que tu ne pouvais même pas avoir le courage de nous en faire part.
Oui, Maman… Pour avoir violé ton engagement maternel et pour avoir tenté de dénaturer notre famille, j’allais appliquer ma sentence. Ce soir.
La madre acheva sa discussion par un mièvre « Merci… A très vite… », et partit vite se cacher pour s’essuyer les yeux.
« Gardes des mouchoirs pour tout à l’heure, Maman, je crois que tu vas en avoir besoin après ce que je vais te faire… »
Car s’il y avait bien une conclusion à toutes ces interrogations que je m’étais posées ces derniers temps, c’était bien celle là… Qu’est-ce qui nous rend donc heureux ? Hein, cher lecteur ? Pour moi, c’est clairement la famille. On aura beau avoir tout l’argent du monde, être privé de ce bonheur-là n’offrira jamais le baume au cœur qui nous fait vivre comme on le voudrait vraiment au fond de soi. Bien-sûr, vivre dans la pauvreté à manger des insectes au dîner avec toute sa troupe pour vomir à plusieurs n’est pas une vie idyllique. Mais un homme qui n’aime pas ses enfants ou sa femme, qui se persuade qu’il n’est heureux que seul, reclus… S’il sonde le fond de son âme, sera-t-il toujours du même avis ? A-t-il la même notion que nous autres de ce qu’est une destinée parfaite ? Si le bonheur n’est qu’une espérance, croire en ses fils et ses filles n’en est-il pas le plus chaleureux de tous ? Si l’amour que l’on porte à notre conjoint est partagé, peut-on se déclarer malheureux ? Si l’homme qui vit avec une famille qui le hait, et qu’il doit vivre avec eux, ne peut-il pas partir en créer une autre ? Car il est bon d’être clair sur la véritable définition de ce grand mot. Une famille, c’est une entité émotionnelle et sentimentale que l’on crée, volontairement, dans le but et l’espoir d’aimer et d’être aimé, de partager et de savourer sa vie avec ses proches. Et c’est un élément aussi précieux que le soleil pour les hommes. Celui qui rentre chez lui le soir sans son petit monde dans lequel il peut se laisser vivoter en toute confiance est à mon sens un individu à plaindre. C’est l’oxygène de l’humanité, la source de l’âme sociale, l’eau qui fait tourner le moulin d’une existence.
Et toi, Maman… Tu avais détruit notre famille en voulant nous en imposer une nouvelle, dont je ne voulais pas. Je n’avais donc plus de famille. Et je n’étais ainsi pas prêt d’être heureux. A cause de toi.
Je n’étais pas devenu optimiste sur la notion d’unité relationnelle entre les hommes, loin de là. Je savais juste que je ressentais un manque cruel. Et qu’il était temps que j’en fasse part à la responsable.
A vingt heures pile, Sylvie descendit en trombe les escaliers.
-Julien est là, il m’attend dans la voiture, dit-elle en allant embrasser notre mère. Gros bisous !
-Bisous, ma puce, répondit la maternelle. Tu es superbe !
Le compliment avait visiblement fait plaisir à Sylvie, qui souriait comme une gamine sur le coup. Je la contemplai dans sa tenue de soirée. Elle portait une jolie robe à motifs et était préparée comme un mannequin. Je ne pus m’empêcher de repenser aux capotes dans son sac… et à notre dernière entrevue.
-Passe une bonne soirée. Et ne reviens pas trop tard demain, commanda la madre.
-Promis, Maman !
Sylvie mit un petit blouson en cuir, sortit dehors et jeta toutefois un ultime regard dans ma direction avant de refermer la porte derrière elle. Puis je me retrouvai seul avec ma cible.
Cette dernière me regarda. Elle semblait toujours émue par sa conversation avec l’amant, et tenta avec difficulté de le dissimuler.
-Je vais préparer la table. Tu viens m’aider ? demanda-t-elle d’une voix douce.
Ahurissant comme un petit coup de fil peut vous faire oublier que votre fils a voulu cramer la baraque à peine deux semaines plus tôt.
-Bien-sûr, répondis-je. Tu m’accordes deux secondes ? Je vais aux toilettes et je reviens.
-Pas de problème, chéri.
Je pivotai, me dirigeai vers la porte menant au garage et l’ouvris. L’air y était bien plus frais. Je me faufilai entre la voiture et le mur, et ouvris la caisse à outils de jardinage. Je me saisis de deux petites haches et repartis dans la maison.
Nouveau choc thermique. Mon pouls s’accéléra. Mes jambes tremblèrent alors que je marchais. Je cachai mes armes dans mon dos et rejoignis Maman dans la cuisine. Elle était retournée et nettoyait quelque chose dans l’évier. La télévision était allumée, mais ma concentration était telle que je crus que le présentateur parlait une langue étrangère que je ne connaissais pas.
-Dis, Maman. Je peux te parler ?
Je fus surpris de mon assurance soudaine.
-Bien-sûr, Matthieu. Je t’écoute.
-En fait, c’est de toi qu’il s’agit.
Elle me fit face et m’observa.
-Oui ? fit-elle d’un ton curieux.
-En fait, je suis très frustré ces derniers temps.
La madre ne comprenait visiblement pas de quoi je parlais. Normal, me direz-vous.
-Frustré ? Comment ça ? Sois plus clair…
-Je vais être bref : pourquoi tu ne meurs pas ?
Un silence glacial se posa alors dans la pièce.
-Q… Qu… ?
-Tu as parfaitement entendu.
Je révélai alors mes deux haches.
-Ça fait trop longtemps que j’essaie de te tuer discrètement. Maintenant, j’en ai marre.
Commentaires
- Darkzehl
08/11/2013 à 08:06:15
Vraiment, bravo pour ce fic. C'est le premier que je lis (je suis tomber sur ce site par hasard) et je trouve génial ce que tu as fait jusqu'à la. J'attends une suite avec impatience.
- MrBlackOrigami
22/10/2013 à 00:15:42
Superbe fic', franchement c'est juste excellent ! T'as vraiment un talent pour l'écriture ! Ca m'a fait penser à un étrange mélange entre du Amélie Nothomb et du Stephen King mais en plus intense et avec une certaine originalité ! Un grand merci pour cette lecture en tout cas =) !
- NPTK
19/09/2013 à 20:58:57
Wow... Pas d'autres mots