Chapitre 1


"Royaume de Zgravvir
3 semaines après la mort du prince de lumière"



Dans le royaume de Zgravvir, Namira, dont les pensées s'entrechoquaient en elle, raclait le sol à l'aide de ses griffes. Elle était partie de sa demeure à très grande vitesse pour oublier la vie qu'elle était en train de mener. Non pas qu'elle la déteste. Dremth et Drésiala avaient fait en sorte que son frère Nylrillar et elle disposent de tout ce dont ils auraient besoin pour vivre confortablement.

Ils s'étaient ainsi installés dans l'une des nombreuses cavernes libres de ce royaume. Ses grottes n'avaient malheureusement pas la tiédeur et le calme de celles du royaume de Varìannor, mais Namira savait qu'elle allait devoir s'accommoder de cela comme du reste.
Des jours avaient passé depuis leur fuite du royaume de Varìannor. Peut-être même des semaines. Elle avait perdu le fil du temps qui avançait sans l'attendre alors qu'elle faisait le deuil de son compagnon, Aunareth.

Sa mort avait causé un grand trouble chez les dragons, plus que Namira n'aurait jamais pu l'imaginer. De prince, il était devenu hors-la-loi et tueur de roi, puis de tueur de roi, il était devenu l'un des plus grands héros des dragons avant de finir en martyr des démons.
Chaque dragon avait honoré sa mémoire lors d'une cérémonie et son honneur avait au moins été sauf.

Plusieurs jours auparavant, la dragonne avait voulu retourner au royaume pour retrouver le corps d'Aunareth, mais les démons qui poursuivaient leur invasion étaient si nombreux qu'elle ne put ne serait-ce que retrouver le tunnel par lequel ils étaient passés pour s'enfuir.
Ainsi, l'aura de lumière qu'elle avait aperçue au loin lors de leur fuite du royaume de Varìannor était le dernier signe de vie d'Aunareth. Un signe bien tragique. Il n'y avait aucun doute, il était sûrement mort,
"Parti rejoindre son père" comme l'avait dit Dremth.

Alors que le temps passait, elle s'était à peine rendue compte que les troupes démoniaques de son père, Formvottis, étaient sorties de leur territoire et avaient pris position dans le royaume de Kramoor, l'ancien royaume du roi Greliath dont on n'avait plus eu aucun signe de vie.
Ils y avaient eu plusieurs escarmouches et les démons les avaient pour l'instant toutes remportées. Nul doute, qu'ils prenaient du terrain sur les dragons et ces derniers ne pouvaient pas compter sur l'aide des autres races telles que les humains, les elfes et les nains car ces derniers étaient trop occupés à se cacher pour pouvoir créer un semblant de résistance entre eux. On disait même que des humains avaient dans l'idée de s'allier avec les démons.
"Pauvres créatures. Ils ne savent pas ce qui les attendent si jamais ils acceptaient de les rejoindre. La mort... et bien d'autres déceptions." S'attrista Namira.

La dragonne cessa de penser à tout cela et se concentra un peu plus sur ce qu'elle faisait. Elle venait de dessiner sur le sol, à l'aide de ses griffes, un dessin informe. Namira ne savait pas pourquoi elle avait dessiné cela. Cette figure n'avait ni queue ni tête, débarrassé de toute logique et de tout sens artistique. En bref, elle était sans valeur. Elle l'écrasa de sa patte comme l'on écrase une mouche, et le dessin disparut. Elle entendit alors un vrombissement. Le son lui était familier. C'était celui des ailes d'un dragon. Tous ses souvenirs du vrombissement des ailes de Aunareth, venant la rejoindre, le sourire sur le visage, lui revinrent en mémoire. Namira essaya de sécher les larmes qui commençaient déjà à sortir de ses yeux.

Elle se retourna et vit son frère Nylrillar qui venait la rejoindre. Il n'avait pas cessé de rester avec elle alors qu'elle se mourrait intérieurement. Elle n'avait rien dit, mais son frère était resté sans rien demander. Il l'avait aidé à supporter sa peine. C'était plus que ne pouvait espérer sa fière soeur qui était resté la tête haute malgré son regard plein de gratitude.
Nylrillar s'approcha d'elle et lui dit.

-Ma soeur, que fais-tu là ? il fait déjà nuit ! Ce n'est pas bon pour toi de rester aussi longtemps éloigné de tous.

Namira observa autour d'elle. Elle n'en croyait pas ses yeux. Etait-elle restée aussi longtemps, seule à regarder dans le vide? Elle avait tellement apprécié cet endroit qu'elle devait en avoir fait une deuxième demeure dans son esprit.

-Nylrillar, ne t'inquiète pas pour moi, je vais bien.
-Oui tu m'as dit cela aussi il y a deux semaines. Et puis un soir, tu t'es effondrée sur le sol en pleine assemblée alors que nous avions été invités par Drésiala. Ne viens pas me dire que tu vas mieux maintenant.

Namira vint près de son frère et le serra de toutes ses forces.
-Je suis désolé Nylrillar. Je ne suis simplement pas d'humeur à parler avec... d'autres...
-Pourtant, si tu tentais de te laisser aller, tu irais mieux, je peux te l'assurer. Pense à te rendre à cet étrange endroit qu'ils appellent "La Vague du ciel". Pourquoi ce canyon porte-t-il un nom aussi étrange, je me le demande. Mais les parcours sont assez simples et détendent l'esprit. Tu devrais voler un peu plus.
-Et c'est toi qui me dit cela ? Ironisa-t-elle.
-Excuse-moi. Mais sache qu'au final, c'est ce que j'ai fais après que... que Aunareth soit venu me parler. Et tout est allé mieux. Ca marchera avec toi aussi, ma sœur.

Namira regarda le ciel maintenant étoilé. Le jour avait donc laissé place à la nuit sans même qu'elle s'en rende compte. Les journées allaient-elles donc toutes se passer comme celle-ci ? Son avenir était-il déjà perdu pour elle ?
-Il n'est pas mort. Déclara alors Namira.
-Comment ? Demanda le dragon aux écailles cuivrées.
-Aunareth n'est pas mort.
-On en a déjà parlé. Il faut que tu acceptes qu'il soit parti... Pour toujours. On ne va pas continuer à se chamailler avec de telles absurdités.
-Nylrillar, tu ne comprends pas. Je voulais dire que son avenir n'était pas tracé.

Déterminé, Namira s'éloigna de son frère et déclara.
-La vie et la mort ne sont que de simples chemins que l'esprit d'un être suit. Cet esprit fait la différence entre les deux dimensions mais pas le corps. Peu importe que Aunareth soit mort. Je le ramènerai de ce chemin et le renverrai sur le sentier de la vie.
-Namira, arrête ! Tu es encore en train de délirer! Nul ne peut faire cela. Nous ne sommes pas des esprits divins.
-Non Nylrillar, je ne délire pas. Je vois très clair désormais. Aunareth est le seul dragon qui puisse détruire notre père ainsi que ses démons. Il faut le ramener à la vie par tous les moyens.
-Depuis tout ce temps, ne crois-tu pas que des mages auraient trouvé une échappatoire à la mort ?
-Aunareth m'a parlé d'un dragon qui avait réussi à s'échapper de ses griffes ! Il se nommait Derlyas. Nous l'avons croisé lorsque nous sommes allés dans la ville des nains, Drazgoor. Tu te souviens de cette ville ? Elle était près de Drakkengard.
-Oui cela me revient.
-J'irai là-bas et je trouverai ce dragon. Avec lui, nous découvrirons comment ramener Aunareth et ainsi nous sauverons ce monde de la destruction.

Toute à ses désirs, Namira ne vit pas le regard inquiet que lui portait Nylrillar. Son frère tenta de la raisonner.
-Par les esprits, ma soeur, cette quête ne t'apportera rien d'autre que la souffrance si tu échoues.
Et si tu réussis, quel en sera le prix pour nous ? Pour les royaumes encore debout ? Tu nous abandonnerais tous pour partir à la recherche d'une chimère ?
-Peu importe le prix! S'écria la dragonne avec fureur. Je trouverai le moyen, quel qu'en soit le prix, quel que soit le nombre de vies qu'il faudra sacrifier, quel que soit le temps qu'il me faudra!