Note de la fic : Non notée

On_s_etait_dit.


Par : Pseudo supprimé
Genre : Inconnu
Statut : C'est compliqué



Chapitre 4


Publié le 19/08/2013 à 01:12:27 par Pseudo supprimé

Mon sang ne fit qu'un tour, alors que toute couleur quitta définitivement mon visage. Bon sang, ce foutu train me rapprochait trop rapidement de ma destination... Qu'est ce que j'allais bien pouvoir dire en arrivant ? Qui vais-je reconnaître ? Mes yeux passèrent en revue le paysage : On arrivait peu à peu dans une ville. Cette ville fait partie de mon passé aussi. Comment je peux y passer sans m'arrêter ? Peu à peu, la vitesse du train diminua. On peut désormais apercevoir des immeubles et des boulevards, et leurs centaines d'habitants qui les font vivre chaque jour. En contrebas de la ville, le train passe dans une sorte de large fossé, entrecoupé régulièrement de tunnels sombres et sales. Les premiers passages commencèrent d'ors et déjà à se lever et se diriger jusqu'aux sorties des wagons. Les imposantes valises commencèrent leur ballet à travers la gare lorsque les portes automatiques s'ouvrirent dans un bruit de dépressurisation. A travers la vitre embuée, j'aperçus tout de même la gare, ses quais, et ses millions de voyageurs pressés. Elle n'a pas changé, malgré les travaux de restauration qui dure depuis dix ans déjà...

Très vite, le convoi redémarra peu après que la voix robotique l'ait prédit. Rapidement, le TGV prit de la vitesse en sortant de la ville, et en redécouvrant une nouvelle fois la campagne proche. Cette fois, c'est réellement la dernière ligne droite. Au bout de plusieurs longues minutes, je vis le ciel se voiler, alors que le train longeait une plaine sur laquelle était posé un petit village. Vu la vitesse du TGV, je serais à ma destination avant midi. Ma montre indiquait onze heures pile au moment ou je la regardais. Lorsque je relevai la tête, je vis tête d'épingle apparaître au bout de la rame. Il tressauta à ma vue, mais continua son chemin en évitant soigneusement mon regard. Je souris.

Mes pensées me rattrapèrent aussitôt qu'il fut passé. Les premières gouttes de pluie effleurèrent les carreaux sales. Bientôt, je ne vis plus le paysage qu'à travers un kaléidoscope déformant. J'essayais de m'efforcer de penser à ce qu'il pouvait se passer. Et si personne ne s'en souvenait à part moi ? Si cela n'avait plus aucune importance pour eux ? Cela fait dix ans que nos chemins se sont séparés, à partir de cette journée ou nous avions partagé nos résultats de bac. A partir de cette soirée passée dans ce parc, à se faire des paris, se défier, boire, et graver ces souvenirs impérissables dans nos mémoires. A partir de ce début de soirée, ou nous nous étions donné un rendez-vous avec notre futur. Un frisson me parcourra l'échine, jusqu'au plus profond de moi-même. L'évocation de ces lointains souvenirs remuait mes tripes, si bien que je me tortillais sur mon siège. Je regardais désormais côté couloir : De l'autre côté, un trentenaire, un ordinateur portable allumé devant lui, tapotait son clavier frénétiquement. Son crâne dégarni reluisait à la lumière de l'écran, tout comme ses petites lunettes carrées. Il portait un complet gris, sûrement un homme d'affaires... De légères secousses me firent retourner à ma contemplation du paysage. Le train voyageait sur une butte qui dominait toute une plaine, et longeait l'autoroute ou des milliers de voitures roulaient. La petite bruine matinale avait cessé, et les nuages gris avait dévoilés un ciel bleu, et un Soleil plus resplendissant que jamais. Au loin, je vis se profilait des terrils, vestiges d'une industrie minière ultra développée dans cette région. Quelques végétations herbacées avaient élus domiciles sur les monticules de charbons — sans grand succès, hélas.

Puis, peu à peu, ces paysages rendirent sa suprématie à la métropole omniprésente lilloise. Des maisons prirent possession des lieux, d'abord avec les villes minières, puis ensuite avec des petites villes rattachées à la mégalopole. Le TGV traversa toute la mégapole, imperturbable dans sa course effrénée. Il ne me restait plus beaucoup de temps, à peine une dizaine de minutes avant l'arrivée. Je serrais mon sac contre moi. Et comme pour confirmer mes pensées, ce fut la voix féminine qui retentit dans toute les rames :
« — Arrivée à Terminus, Lille Flandres dans dix minutes. »
Je scrutais ma montre par réflexe : Elle pointait ses aiguilles sur onze heures. Ma gorge dut faire face à une boule qui me fit mal à chaque bouffée d'air avalée. Mon estomac se serra, et des gargouillements de peur et d'effroi voulurent s'exprimer tous en même temps. Les questions posées durant tout le trajet revinrent à l'assaut de mon esprit, toutes au même moment, et puissance dix. Un décompte final allait commencer.
« — Prenez garde à ne rien oublier à votre place, tout colis abandonné ou suspect sera détruit. »
Nous entrâmes en pleine ville. Les tunnels commençaient à réapparaître et permettaient au train d'atteindre la gare, situé au cœur de ville. J'étais sûr d'être en train de faire une très grosse bêtise. Je vais être seul. Le seul à se souvenir de ce détail insignifiant, qui n'avait aucune importance pour d'autre... Non, je veux y croire, je dois y croire.
« — Attention à l'ouverture des portes. Attendez l'arrêt complet du train, et assurez-vous que la bordure du quai se situe de l'autre côté des portes automatiques. »
Le convoi acheva sa route, ralentit fortement. Une dizaine de voyageurs vacillèrent, et manquèrent de tomber au milieu de la rame. Je vis le quai, des dizaines de passants qui attendaient, et scrutaient à travers les vitres pour tenter d'apercevoir un ami. La plupart des voyageurs autour de moi se levèrent, et firent l'inventaire de leurs bagages, pour être certain de ne rien oublier. Il se précipitèrent vers la sortie, pour pouvoir s'échapper en premier de ce maudit train.
« — La sortie s'effectuera à votre gauche. »
Je me levais à mon tour, et jeta mon sac à dos sur mon épaule. Déjà une quarantaine de personnes attendaient l'ouverture des portes, comme si une liasse de billets les attendait de l'autre côté. Ce fut une minute plus tard que la double-porte s'ouvrit, dans un affreux bruit de succion. Le quai était assez propre, le goudron était parfaitement droit. Je fis quelques pas. Il faisait légèrement plus froid qu'à Paris. Les escalators me portèrent jusqu'au hall de la gare, assailli par des centaines de visiteurs à chaque minute. Un brouhaha général fit naître une horrible migraine. J'hésitais quelques secondes à sortir. Chaque pas me rapprochais un peu plus du rendez-vous fatal. A travers les imposantes baies vitrées, je pus apercevoir les fontaines sur la grande place, les dizaines de restaurants de l'autre bord de la rue, le siège de l'ancienne chaîne de télévision M6 — supprimée des canaux hertziens et numériques il y a trois ans déjà pour des raisons encore flous. Un groupe d'une dizaine de touristes me sortirent de ma contemplation en me faisant signe de me dépêcher. Je franchis alors le seuil de la porte, sans m'en rendre compte. Malgré tout, il faisait assez chaud pour une fin de matinée de Juillet... Je tournais la tête dans tout les sens dans le but de reconnaître quelqu'un, sans résultat probant. Je me remis alors en route. Je me souvenais qu'il y avait une station de métro, non loin de cette gare — je l'avais déjà emprunté dans ma jeunesse. A peine quelques minutes plus tard à marcher sur les pavés de la ville, j'atteignis la bouche de métro souterrain de la métropole. Je m'y engouffrais sans hésitation, à travers les affiches placardées sur les murs, et à moitié arrachées. A mon grand étonnement, rien n'avait changé, contrairement au reste de la ville : Ca puait horriblement un mélange d'urine, de bière, et de fumée de cigarette, et toutes sortes de déchets ménagers gisaient au sol. J'achetais un ticket au guichet, puis passa derrière les portiques automatiques. Je croisais deux policiers en uniforme, accompagnés de leur chien muselé.

« — Présence policière oblige... » pensais-je.
La crise des subprimes de 2007 ne s'est jamais arrêté en Europe. Alors que les États-Unis avaient réussi à remonter la pente grâce à leur économie axé sur le militaire et la guerre contre l'axe du mal, l'Europe n'avait cessé de s'endetter et de s'enfoncer de plus en plus, jusqu'à ne plus pouvoir s'autosuffire. Les pays riches de l'Union n'étaient plus en mesure de pouvoir financer les pays plus limités. Sa puissance s'amenuisait, et les États-Unis accroissaient leur emprise, au grand désespoir des fervents anti-américains et des gauchistes. Finalement, le tournant 2017 — dix ans après le début de cette crise — marqua le début d'une nouvelle ère : Les États-Unis replongèrent dans une crise atroce, qui enterra encore davantage les européens, et propulsa l'Asie et ses quatre milliards d'habitants, et surtout la Chine, première puissance mondiale. La France enchaina les grèves générales et les émeutes, si bien que les présences policières furent obligatoires dans toute les grandes villes afin de les maintenir sous contrôle.
« — Et aujourd'hui, dix ans après, on ramasse encore leurs merdes. » bougonnais-je.
La population mondiale est actuellement de 12 milliards, et l'agriculture, même automatisée et industrialisée peine à nourrir toutes ces bouches. Au passage, la date fixé par les Mayas qui prédisait une soi-disant fin du monde était évidemment fausse. Seul un alignement des planètes s'est produit, qui a provoqué quelques raz-de-marées peu importants...

Mes pensées m'avaient fait avancer jusqu'au portes du métro. Celui-ci arriva en un rien de temps, et les portes automatiques s'ouvrirent. Je me faufilai à travers la foule, et m'accrocha à un des poteaux en métal. Plusieurs personnes âgées lisaient leurs journaux, assis sur les sièges en plastique, une bandes de jeunes gloussait dans le fond de la rame, et une trentaine d'autres personnes aux visages assez blasés patientaient debout jusqu'à leurs arrêts.

Sans faire attention, je me rendis compte que je n'allais pas tarder à rencontrer mes anciens amis d'enfance en tête à tête. Les retrouvailles s'annonçaient chargées en émotion... Ou pas, bien sûr. Je regardais ma montre : Onze heures vingt-trois.


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