Note de la fic : Non notée
Publié le 19/08/2013 à 01:12:27 par Pseudo supprimé
Les diodes luminescentes rouges clignotèrent le temps d'une seconde, puis furent suivies par la voix nasillarde du présentateur radio. La maudite machine ne captait pas vraiment la station, il en résultait un bruit de friture qui rendit la voix inaudible au bout de quelques secondes. Les quelques rares rayons du Soleil en cette heure de la matinée pénétraient à travers les stores vénitiens mal fermés pour se planter sur mon lit, affublé d'un drap fushia froissé. Mes paupières peinaient à s'ouvrir, comme scellés par cette nuit de sommeil. Ma vision était trouble. J'avais comme une boule au ventre, comme si j'avais mangé mexicain la veille et que j'en avais repris trois fois. Peu à peu, je vis plus clair, au fur et à mesure que mes yeux s'ouvraient à la lumière du jour. Mon réveil indiquait huit heures quinze. Il ne s'agissait pas d'être en retard.
Mon bras moyennement musclé s'abattit sur le réveil qui se tut instantanément. Je posais un pied sur la moquette de ma chambre, puis deux, puis, je relevais mon torse. Je me tenais debout, dans ma chambre de deux mètres sur trois. La moquette bleue marine trop vieille, et le papier-peint un peu vieillot puaient l'humidité. La poussière avait élu domicile sur les meubles, alors que les mites, elles, s'étaient installé dans mon placard, dévorant cette tonne de tissu qui leur était offerte. L'ampoule à économie d'énergie commença à irradier la pièce quelques secondes après avoir appuyé sur l'interrupteur gris. Je fis quelques pas hésitants jusqu'à la porte, situé juste en face de moi. La poignée était froide.
Je me retrouvais dans la grande pièce à vivre de dix mètres carrés. Mon sofa recyclé, et sa housse tachée mille fois, ma télévision datant de la dernière décennie, mon mobilier du même acabit. Pas de doute, je suis bien chez moi. Je n'ai qu'à faire un pas à ma droite pour me retrouver dans la petite cuisine équipée ouverte. Elle était, hélas, à l'image du reste : Un four qui ne chauffait pas assez, un lave-vaisselle qui ne lavait plus, et une table en vieux bois trop petite. J'étais à présent totalement réveillé, et je fixais le calendrier. La feuille blanche indiquait le cinq Juillet, la date d'hier. Je saisis le morceau de papier pour le froisser et l'arracher de son socle pour découvrir celle d'aujourd'hui. Avec un sentiment proche de l'effroi, je vis les lettres rouges : Six Juillet. Et en dessous, écrit au feutre bleu, presque effacé, des écritures qui ressemblaient vaguement à mon écriture.
« RDV Université Lille 3. Ne pas oublier. »
Cela faisait une éternité que cela devait se produire. Je me souviens encore du moment ou j'ai écrit ces quelques mots sur ce calendrier. Depuis dix ans, j'ai attendu ce moment. Depuis dix ans, j'ai essayé d'imaginer à quoi cette journée pourrait ressembler. Elle a commencé avec une matinée banale, mais se terminera sous un coucher de Soleil inoubliable en compagnie charmante...
« — Espérons... », marmonnais-je d'une voix enrouée.
Je fouillais à l'intérieur de quelques placards qui sentait affreusement le renfermé. J'y dénichais un paquet de chocolat en poudre quasi-vide, une bouteille de lait guère mieux, et un paquet de céréales ouvert depuis plusieurs semaines. Je grattais le paquet de chocolat pour extraire le cacao, secouais la bouteille pour espérer recueillir assez de liquide, et gouttais les céréales devenues bien trop molles. Un parfait petit-déjeuner de célibataire endurci quoi. Ma vie n'a pas changé en dix ans... J'avalais goulument les trois gorgées qui achevèrent de me réveiller et de me mettre en forme pour la journée qui m'attendait, et je me levais énergiquement. Pas la peine de faire la vaisselle, j'allume la télévision d'une pression sur le bouton ON de la télécommande, et je files dans ma chambre préparais des vêtements convenables.
« — Le bras de fer continue entre l'État et les syndicats. Dix mille selon la police, cinquante-trois mille selon la CGT, les manifestations ont rencontré un franc succès à travers toute la France, contre cette réforme qui n'enchante guère... Rappelons que la Réforme concerne un possible allongement de la retraite à soixante-dix ans. La pénurie d'essence continue, seul une raffinerie est en état de fonctionnement totale. La SNCF annonce de grands bouleversements à travers tout le réseau : Un TGV sur trois, un TER sur cinq... »
La télévision se tut alors que je sortais de ma chambre, les bras chargés de vêtements. Une chemise à carreau bleue bien repassée, et un pantalon en Jean's. La télécommande fit un vol plané jusque sur le sofa. Je me dirigeais dans la petite salle de bain, à l'opposé de la cuisine et à l'entrée de la maison. Je tournait les deux robinets de la douche pour obtenir une eau tiède. Le pommeau cracha son venin transparent dans un bruit calcaire. Au bout d'une minute, le fluide s'épanchait de façon plus fluide. De la buée commença à se former sur le miroir au dessus du lavabo blanc alors que je me dévêtit pour sentir l'eau suinter sur ma peau. Quel pied.
Lorsque je sortis, j'étais habillé, pomponné, parfumé, coiffé, et prêt pour conquérir le monde. Le silence de mon appartement me tenaillait. Je me précipitais sur une petite console sur laquelle était posé maladroitement une chaine Hifi assez récente, contrairement au reste du mobilier. Je pressa le commutateur rouge, et les baffes se mirent à lancer quelques dizaines de décibels de musiques. Je réglais la station radio sur Central Radio, et fila dans ma chambre. Là, j'attrapai un sac à dos, et y enfourna quelques changes. Je parts ensuite dans la cuisine pour y dénicher une bouteille d'eau, quelques biscuits, et un sandwich. Je finis de le remplir avec mon portefeuille en cuir, et plusieurs billets. Pendant ce temps, l'animateur déblatérait ses nouvelles :
« — La mobilisation continue : Les jeunes, les moins jeunes, de toute profession projette de manifester cet après-midi Avenue des Champs Élysée. Le premier ministre et le chef de l'État ont confirmé qu'ils ne céderaient pas devant ces démonstrations de force, et que cette réforme allait, à terme, régler tout les problèmes de la France. »
Encore une fois, je fis taire le bavard en commutant le même bouton rouge. Sac au dos, j'ouvris la porte de mon appartement pour en sortir. Je tournais plusieurs fois la clé dans la serrure pour la sceller. L'ascenseur arriva à mon étage quelques secondes après avoir appuyé sur le bouton d'appel. Il était aussi propre qu'une chambre d'hôpital. Aussi aseptisé et froide également... Je m'y engouffrais pour lui ordonner de rejoindre le rez-de-chaussée. Il exécuta cette requête en moins d'une minute, défiant les lois de l'apesanteur. Cette étage était semblable à un cabinet médical : Quelques plantes en plastique pour faire joli, une ou deux chaises en bois, et une table basse qui regroupe une trentaine de journaux de l'avant-guerre, que personne ne veut. La porte en verre s'ouvrit dans un bourdonnement grave, au contact de mon pass, et en un instant, je me retrouvais plongé dans l'univers froid et pollué des rues de Paris Nord. Je regardai ma montre : Huit heures cinquante-cinq. Il me restait largement le temps d'aller jusqu'à ma destination à pied. Je commençais alors mon périple, à travers vitrines de magasins d'antiquités, façades dégarnies de trop vieilles maisons, jardins publics, ou bâtiments administratifs. Des hommes en uniformes patrouillaient régulièrement devant ces derniers, cette présence policière était devenue indispensable avec les derniers incidents...
Ce n'est qu'après une dizaine de minute que je parvins à la Gare du Nord. Une façade de pierre grise, entrecoupée par plusieurs larges fenêtres, donc quelques unes présentent des carreaux brisées, héritages des dernières manifestations.
La France a bien changé en 10 ans.
Une boule s'en prend soudainement à mon estomac et le lacère.
C'est la dernière ligne droite.
Mon bras moyennement musclé s'abattit sur le réveil qui se tut instantanément. Je posais un pied sur la moquette de ma chambre, puis deux, puis, je relevais mon torse. Je me tenais debout, dans ma chambre de deux mètres sur trois. La moquette bleue marine trop vieille, et le papier-peint un peu vieillot puaient l'humidité. La poussière avait élu domicile sur les meubles, alors que les mites, elles, s'étaient installé dans mon placard, dévorant cette tonne de tissu qui leur était offerte. L'ampoule à économie d'énergie commença à irradier la pièce quelques secondes après avoir appuyé sur l'interrupteur gris. Je fis quelques pas hésitants jusqu'à la porte, situé juste en face de moi. La poignée était froide.
Je me retrouvais dans la grande pièce à vivre de dix mètres carrés. Mon sofa recyclé, et sa housse tachée mille fois, ma télévision datant de la dernière décennie, mon mobilier du même acabit. Pas de doute, je suis bien chez moi. Je n'ai qu'à faire un pas à ma droite pour me retrouver dans la petite cuisine équipée ouverte. Elle était, hélas, à l'image du reste : Un four qui ne chauffait pas assez, un lave-vaisselle qui ne lavait plus, et une table en vieux bois trop petite. J'étais à présent totalement réveillé, et je fixais le calendrier. La feuille blanche indiquait le cinq Juillet, la date d'hier. Je saisis le morceau de papier pour le froisser et l'arracher de son socle pour découvrir celle d'aujourd'hui. Avec un sentiment proche de l'effroi, je vis les lettres rouges : Six Juillet. Et en dessous, écrit au feutre bleu, presque effacé, des écritures qui ressemblaient vaguement à mon écriture.
« RDV Université Lille 3. Ne pas oublier. »
Cela faisait une éternité que cela devait se produire. Je me souviens encore du moment ou j'ai écrit ces quelques mots sur ce calendrier. Depuis dix ans, j'ai attendu ce moment. Depuis dix ans, j'ai essayé d'imaginer à quoi cette journée pourrait ressembler. Elle a commencé avec une matinée banale, mais se terminera sous un coucher de Soleil inoubliable en compagnie charmante...
« — Espérons... », marmonnais-je d'une voix enrouée.
Je fouillais à l'intérieur de quelques placards qui sentait affreusement le renfermé. J'y dénichais un paquet de chocolat en poudre quasi-vide, une bouteille de lait guère mieux, et un paquet de céréales ouvert depuis plusieurs semaines. Je grattais le paquet de chocolat pour extraire le cacao, secouais la bouteille pour espérer recueillir assez de liquide, et gouttais les céréales devenues bien trop molles. Un parfait petit-déjeuner de célibataire endurci quoi. Ma vie n'a pas changé en dix ans... J'avalais goulument les trois gorgées qui achevèrent de me réveiller et de me mettre en forme pour la journée qui m'attendait, et je me levais énergiquement. Pas la peine de faire la vaisselle, j'allume la télévision d'une pression sur le bouton ON de la télécommande, et je files dans ma chambre préparais des vêtements convenables.
« — Le bras de fer continue entre l'État et les syndicats. Dix mille selon la police, cinquante-trois mille selon la CGT, les manifestations ont rencontré un franc succès à travers toute la France, contre cette réforme qui n'enchante guère... Rappelons que la Réforme concerne un possible allongement de la retraite à soixante-dix ans. La pénurie d'essence continue, seul une raffinerie est en état de fonctionnement totale. La SNCF annonce de grands bouleversements à travers tout le réseau : Un TGV sur trois, un TER sur cinq... »
La télévision se tut alors que je sortais de ma chambre, les bras chargés de vêtements. Une chemise à carreau bleue bien repassée, et un pantalon en Jean's. La télécommande fit un vol plané jusque sur le sofa. Je me dirigeais dans la petite salle de bain, à l'opposé de la cuisine et à l'entrée de la maison. Je tournait les deux robinets de la douche pour obtenir une eau tiède. Le pommeau cracha son venin transparent dans un bruit calcaire. Au bout d'une minute, le fluide s'épanchait de façon plus fluide. De la buée commença à se former sur le miroir au dessus du lavabo blanc alors que je me dévêtit pour sentir l'eau suinter sur ma peau. Quel pied.
Lorsque je sortis, j'étais habillé, pomponné, parfumé, coiffé, et prêt pour conquérir le monde. Le silence de mon appartement me tenaillait. Je me précipitais sur une petite console sur laquelle était posé maladroitement une chaine Hifi assez récente, contrairement au reste du mobilier. Je pressa le commutateur rouge, et les baffes se mirent à lancer quelques dizaines de décibels de musiques. Je réglais la station radio sur Central Radio, et fila dans ma chambre. Là, j'attrapai un sac à dos, et y enfourna quelques changes. Je parts ensuite dans la cuisine pour y dénicher une bouteille d'eau, quelques biscuits, et un sandwich. Je finis de le remplir avec mon portefeuille en cuir, et plusieurs billets. Pendant ce temps, l'animateur déblatérait ses nouvelles :
« — La mobilisation continue : Les jeunes, les moins jeunes, de toute profession projette de manifester cet après-midi Avenue des Champs Élysée. Le premier ministre et le chef de l'État ont confirmé qu'ils ne céderaient pas devant ces démonstrations de force, et que cette réforme allait, à terme, régler tout les problèmes de la France. »
Encore une fois, je fis taire le bavard en commutant le même bouton rouge. Sac au dos, j'ouvris la porte de mon appartement pour en sortir. Je tournais plusieurs fois la clé dans la serrure pour la sceller. L'ascenseur arriva à mon étage quelques secondes après avoir appuyé sur le bouton d'appel. Il était aussi propre qu'une chambre d'hôpital. Aussi aseptisé et froide également... Je m'y engouffrais pour lui ordonner de rejoindre le rez-de-chaussée. Il exécuta cette requête en moins d'une minute, défiant les lois de l'apesanteur. Cette étage était semblable à un cabinet médical : Quelques plantes en plastique pour faire joli, une ou deux chaises en bois, et une table basse qui regroupe une trentaine de journaux de l'avant-guerre, que personne ne veut. La porte en verre s'ouvrit dans un bourdonnement grave, au contact de mon pass, et en un instant, je me retrouvais plongé dans l'univers froid et pollué des rues de Paris Nord. Je regardai ma montre : Huit heures cinquante-cinq. Il me restait largement le temps d'aller jusqu'à ma destination à pied. Je commençais alors mon périple, à travers vitrines de magasins d'antiquités, façades dégarnies de trop vieilles maisons, jardins publics, ou bâtiments administratifs. Des hommes en uniformes patrouillaient régulièrement devant ces derniers, cette présence policière était devenue indispensable avec les derniers incidents...
Ce n'est qu'après une dizaine de minute que je parvins à la Gare du Nord. Une façade de pierre grise, entrecoupée par plusieurs larges fenêtres, donc quelques unes présentent des carreaux brisées, héritages des dernières manifestations.
La France a bien changé en 10 ans.
Une boule s'en prend soudainement à mon estomac et le lacère.
C'est la dernière ligne droite.