Note de la fic : Non notée
Kaileena,_l__Imperatrice_du_Temps_[V2]_
Par : Pseudo supprimé
Genre : Inconnu
Statut : C'est compliqué
Chapitre 6 : Le Prédateur
Publié le 19/08/2013 à 01:13:48 par Pseudo supprimé
[Bon, j'vais dire comme sur JVC, v'là une musique d'accompagnement. 'faut savoir qu'elle peut être un avantage comme un inconvénient selon le lecteur, vu que chacun a sa propre vision du chapitre. C'est déjà assez de lire mon chapitre, mais si certain providentiel lecteur voulait bien me dire s'il y a une musique à laquelle mon texte lui fait penser, comme ça j'aurais un meilleur recul sur l'effet qu'il peut procurer. Maintenant... a bailar ! ]
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[c]Le Prédateur[/c]
Les flots se fracassaient avec une surprenante brutalité. Quelque chose n'allait pas bien, dans le climat. Une froideur. Une frénésie. Les premiers branchages de la forêt virevoltaient dans tous les sens, devant nous, faisant fuir ses habitants. Les doigts de mon ami augmentèrent leur pression sur les miens. Toute la plage semblait reculer au travers de la végétation, tandis qu'au fur et à mesure, le niveau de l'eau montait, plus loin sur le rivage. Dans le ciel opaque, rien ne laissait paraître la moindre luminosité, si fort qu'on aurait cru se trouver à l'intérieur d'une maison. A l'instant où j'y levai la tête, je sentis sur mes joues des picotements d'humidité, puis sur mes mains de vraies gouttes de pluie. Le temps nous préparait une gâterie. Pour sa part, Zohak n'avait pas l'air de bien l'appréhender, à en juger par son expression tendue, les yeux grands ouverts sous des sourcils froncés. Je le scrutais, en attendant qu'il m'informe de ce que nous ferions, débarrassés de compagnons et de bâtiments. Il dirigea ses yeux vers le bas, mais ne me fixa franchement qu'après quelques secondes, comme s'il accaparait son attention à autre chose. Un tremblement grimpa de nulle part, avant que l'horizon ne se mette à gronder. C'était un orage qui approchait. Le zervaniste enfila sa capuche et jeta plusieurs coups d'oeil vers la jungle. Il n'y avait plus comme nuance que celle du gris, pour chaque décor. Les impacts de goutte s'accélérèrent. Les muscles du grand homme se crispèrent. Son souffle était haletant.
« Mon dieu? ! Pitié? !
Il m'entraîna avec lui. Sans même me laisser le temps de me mettre en marche. Il me fallut me hâter, pour ne plus tendre le bras.
- Viens ! me fit-il pressé. Nous devons trouver un abri au plus vite ! Dépêche-toi !
- Ah ? Mais ce n'est qu'un simple orage... ? Il y en avait des plus embêtants, sur le bateau...
Tout à coup, l'île fut illuminée. Je pus à peine voir un trait perforer les nuages, presque immédiatement suivi d'une gigantesque détonation. Les lieux s'ébranlèrent, vibrèrent de tous cotés. J'en crus perdre mes tympans. A quelques mètres soudain, le tronc d'un palmier prit feu sur toute sa longueur. Déjà son écorce crépitait.
- Ce n'est pas un simple orage ! criait Zohak.
La phrase de mon compagnon mit deux secondes et quelque pour atteindre ma conscience. Le phénomène m'avait figée sur place, en dépit de la pluie grandissante. Je sentis la peur me submerger. Lentement, l'arbre incendié bougea, puis se plia derrière les feuillages dans un concert de sifflement. Coeur battant, je m'agrippai à la toge du prêtre. Au loin, de nouveaux éclairs assassins retentirent.
- Viens ! » reprit mon ami.
L'averse tant attendue fondit sur nous, lorsqu'il me souleva et m'emporta sous les végétaux. Nos vêtements étaient déjà trempés. Mes cheveux bruns se collaient à mes joues, cachant mes yeux derrière eux. A moins que je fusse victime de cette gêne visuelle, ou d'un autre vertige inconnu, la baie entière de notre débarquement était maintenant inondée, peut-être même jusqu'aux racines les plus avancées. Les sables étaient tournés et retournés par les rouleaux aquatiques, là -bas. Puis nous nous enfonçâmes dans la jungle avec précipitation. Les épaisses gouttes d'eau que les feuilles ne pouvaient pas arrêter martelaient la flore du niveau inférieur, les buissons, les hautes tiges... De fins courants dévalaient les pentes. Ces filets dynamiques suintaient comme du sang, coulaient dans la terre comme une lame coupe les peaux. Il y avait réellement de la douleur dans ce nouveau spectacle, de voir la nature peu à peu envahie par un seul élément. J'essayais de bien choisir où poser les pieds, au cours de notre marche, mais il arrivait souvent que de la boue me les fasse déraper, tandis que le grand homme veillait à me tenir la main. Grâce à elle, j'arrivais à rester debout dans tous nos déplacements. Je lui devais aussi ceux-là , n'ayant aucune idée à savoir comment agir en de telles circonstances. À peine pouvais-je assez réfléchir pour mettre un pas devant l'autre. Et je ne prenais gare si une branche venait à mordre ma robe, quitte à faire craquer certaines fois son tissu. Tout cela m'indifférait, abasourdie par la tempête. Autour de nous, d'autres animaux cherchaient eux-aussi un abri. Tous les volatiles s'envolaient vers les reliefs. Les arbres chaviraient tels des dominos. La mer était déchaînée. Les cieux étaient survoltés.
Plus nous avancions vers l'intérieur de l'île, plus les chemins étaient abruptes. Bientôt, je finis par dégager ma main de l'emprise de Zohak et m'en servis pour m'appuyer contre les rochers humides, que nous grimpions alors. De jeunes ruisseaux défilaient à une vitesse démesurée entre mes talons. J'avais à peine le temps de voir y dériver des petites feuilles et des bouts de branches. L'environnement était en train de complètement se désagréger. Certains blocs de pierre se disloquaient suite à l'écroulement de ceux qui les surplombaient. La pression de l'eau rendait effectivement le terrain beaucoup plus meuble. En s'effondrant, la roche allait parfois jusqu'à tordre des cocotiers plantés sur son passage funèbre. La forêt n'était plus qu'une image d'apocalypse, dont les colonnes tombaient une à une sans que rien n'y puisse changer. Sa défaite était scellée : l'Eau avait vaincu la Terre, et sa domination était assurée. Par je ne sais quel moyen, quelque chose au fond de moi me disait que jamais ces lieux n'avaient connu autant de dégâts. C'était la première fois qu'ils étaient ainsi ravagés. Ce n'était pas un fait habituel dans ce secteur du monde. Je n'en touchais aucun mot à Zohak. C’aurait été ridicule, je ne me basais sur rien. De tout, il était la seule base que j'avais.
Le zervaniste se protégea la vue, sa main plaquée en visière sur son front. L'averse brouillait la forme qu'il avait distinguée. Près des éboulis, vers la droite, en hauteur, se trouvait une cavité sombre dans la paroi. Le grand homme reconnut là une grotte. La mine comblée, il nous amena dans cette direction escarpée sans tenir compte de l'effort nécessaire pour y escalader. Le problème n'était pas pour autant dans ce paramètre. Mon coeur s'oppressa.
« Zohak ! » m'époumonai-je.
Un son brusque partit. L'humain se retourna. Une grosse pierre de la taille d'un tonneau roulait-boulait droit sur lui, depuis le sommet de la colline. Juste avant qu'il ne l'écrase, mon ami se jeta par devant lui, secoué de terreur. Nous vîmes le rocher rebondir un peu plus bas pour ensuite éclater contre un monticule. Zohak me regarda, suffoquant à cause de l'adrénaline. Devais-je le lui dire ? Je ne savais pas pourquoi j'avais crié. Autrefois, il m'était bien sûr arrivé d'éprouver une angoisse subite, mais jamais au point de la concrétiser par une alerte comme celle que je venais de faire. Comme si, d'instinct, je savais qu'un danger immédiat nous guettait réellement. Un mauvais pressentiment. Cela me semblait irréel. Ce n'était pas possible. Personne ne pouvait doubler autant de millisecondes sur la ligne du temps. Sûrement pas avec si peu de connaissances. Je devais avoir triché, mais comment ? Le zervaniste avait l'air dépassé, à balbutier dans le vide.
« K... ! Kaileena... ! Comment... ! M... Mer... ! »
La foudre frappa de nouveau. Le sol trembla. Je m'en allais aider mon compagnon à se relever des autres gravats, puis nous reprîmes notre course jusqu'à la caverne...
Dès que nous y entrâmes, l'adulte se laissa tomber à plat ventre, et se tourna indifféremment vers le plafond noir de jais. Personnellement, je fus apaisée de ne plus subir la douche permanente qu'offrait le dehors. Du peu de lumière qu'elle en recevait, la paroi paraissait être de l'onyx, d'où nous pouvions encore exulter qu'elle paraisse. De plus, la grotte s'avérait être assez large pour accueillir dix personnes. Progressivement, ma respiration finit par se calmer.
« Je l'avais dit, que cette île était maudite...
Zohak ne me répondit pas. Je crois qu'il fermait les yeux, à ce moment. Quoi, ne devait-il pas l'admettre ? Son silence m'exaspérait à la longue.
- Pourquoi tu es comme ça, Zohak ? Depuis qu'on est arrivés ici, tu n'arrêtes pas... d'être bizarre... J'ai peur, tu sais...
Seul un souffle givré par le froid émana de sa bouche.
- Pourquoi est-ce que nous sommes venus ici ?
J'entendis alors sa respiration se taire.
Il y avait quelque chose qui l'interpellait, dans mes paroles.
- Qu'est-ce qu'il y avait, dans le sable... ?
- Il est à présent trop tard pour aller le vérifier. »
Le timbre de sa voix sonnait avec une certaine réprobation. Ma question, cependant, n'était pas indiscrète. Il était évident que c'était à cause de ce secret, si nous avions accosté sur cette île et, dans une autre mesure, si nous y étions bloqués. Or, à cette heure-là , le zervaniste ne pouvait plus me considérer comme une contingence de leur escale. J'étais sur le même plan que lui. Étrangère, accidentée, et inquiète. Alors pourquoi refusait-il que je sache ce qu'il savait néanmoins ? Après toutes les minutes qu'ils avaient passées à les observer, le prêtre n'avait plus besoin de retrouver les dénivelés intacts pour se souvenir de leur nature. Ce qui n'était pas mon cas, malheureusement. En effet, mon compagnon l'avait bien souligné, cette tempête et cette marée n'avaient sans doute pas manqué de balayer tout ce que cette plage donnait à découvrir de ce qui m'intéressait. Les Sables n'ont jamais pu empêcher l'Eau de les façonner à sa guise. Et celle-ci n'a jamais été créative. Je voyais déjà leurs courbes devenues planes, sous l'influence des vagues implacables. Vraiment, cet orage était inopportun. Cela s'ajouta encore à mon indignation de ne plus pouvoir assouvir ma curiosité à propos de la mystérieuse entreprise zervaniste. Dans ma crainte et mon mal-être, j'avais la conviction que Zohak finirait un jour par me divulguer ce secret. Un jour ou l'autre, s'il était mon ami, ce n'était qu'une affaire de temps pour que nous en parlassions, ensemble...
Je ne tardai pas à m'habituer à l'obscurité. Parfois, des éclairs de lumière emplissaient la caverne, l'espace d'un dixième de seconde. Ainsi je pus remarquer d'étranges sculptures, aux angles des murs, pas plus grandes que la tête d'un humain et aussi blanches que du lait bovin. Même des trous avaient été percés là où se seraient trouvées nos orbites, ainsi que nos narines. Le haut était aussi nu que le crâne de mon ami, et le bas exhibait une série d'espèce de dents. Mais il n'y avait pas de mâchoire, comme sur tout organisme normal. De part et d'autre, le parterre était jonché de bois encore plus singuliers. Certains avaient poussé à la suite de leurs voisins, deux fois au maximum, de sorte qu'ils semblaient cassés en plusieurs points. Leurs formes-même apparaissaient trop régulières pour le végétal. Leur couleur, pâle également, se démarquait sans problème de la pénombre. Je n'avais aucune idée de la signification de ces curieux objets. Derrière moi, Zohak était proche de s'endormir.
J'entendis alors des petits gémissements, étouffés dans un coin sombre. Les parois de la roche renvoyaient faiblement un écho. On aurait dit des cris animaux. La grotte se prolongeait vers le fond, dans l'obscurité la plus totale. A tâtons, j'avançais avec prudence vers ce bruit qui m'intriguait. La main longeant les murs, j'écoutais les geignements se rapprocher. Quelques pas plus tard, je me rendis compte qu'ils étaient à mes pieds. C'est alors que je vis plusieurs paires d'yeux se refléter dans la lumière furtive de l'extérieur. Il s'agissait de nouveaux félins, beaucoup plus petits, et semblables en de nombreux points à celui que j'avais rencontré dans la forêt. Eux étaient à peine plus hauts que mes mollets, et leurs miaulements étaient beaucoup plus doux. Je me mis à sourire, attendrie par ces mignons bébés. Ils semblaient tellement vulnérables... si fragiles... Leurs gémissements me témoignaient leur anxiété, vis-à -vis du mauvais temps. Ce fut un réflexe, de ma part. Je passai mes doigts sur leur maigre pelage, afin de les rassurer. Mais comme de raison, le contact de mes ongles n'eut d'abord d'autre effet que de les terroriser encore davantage. L'inconnu n'est pas près de se voir ravir son monopole phobique, que ce soit dans l'espace, le temps, ou la rencontre d'une enfant perdue. C'était peut-être même la première fois qu'ils avaient affaire à des humains. De quoi justifier pire que de l'épouvante. Cependant, ils se familiarisèrent bientôt avec mon odeur, et l'un d'eux s'avança pour se blottir contre mes genoux. Ils me faisaient confiance, je ne m'étais jamais sentie aussi flattée. Instantanément, je les caressais mieux de mes mains. Décidément, Zohak avait raison : j'adorais les animaux.
Il fallut attendre quelques secondes avant que je ne me rende compte d'une présence dans mon dos. Une autre créature avait pénétré dans la caverne. Son ombre se rapportait tout au fond sur la roche, noyant la mienne. D'après le son de ses grognements, je reconnus l'être qui m'avait trouvée, dans les environs de la rivière...
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[c]Le Prédateur[/c]
Les flots se fracassaient avec une surprenante brutalité. Quelque chose n'allait pas bien, dans le climat. Une froideur. Une frénésie. Les premiers branchages de la forêt virevoltaient dans tous les sens, devant nous, faisant fuir ses habitants. Les doigts de mon ami augmentèrent leur pression sur les miens. Toute la plage semblait reculer au travers de la végétation, tandis qu'au fur et à mesure, le niveau de l'eau montait, plus loin sur le rivage. Dans le ciel opaque, rien ne laissait paraître la moindre luminosité, si fort qu'on aurait cru se trouver à l'intérieur d'une maison. A l'instant où j'y levai la tête, je sentis sur mes joues des picotements d'humidité, puis sur mes mains de vraies gouttes de pluie. Le temps nous préparait une gâterie. Pour sa part, Zohak n'avait pas l'air de bien l'appréhender, à en juger par son expression tendue, les yeux grands ouverts sous des sourcils froncés. Je le scrutais, en attendant qu'il m'informe de ce que nous ferions, débarrassés de compagnons et de bâtiments. Il dirigea ses yeux vers le bas, mais ne me fixa franchement qu'après quelques secondes, comme s'il accaparait son attention à autre chose. Un tremblement grimpa de nulle part, avant que l'horizon ne se mette à gronder. C'était un orage qui approchait. Le zervaniste enfila sa capuche et jeta plusieurs coups d'oeil vers la jungle. Il n'y avait plus comme nuance que celle du gris, pour chaque décor. Les impacts de goutte s'accélérèrent. Les muscles du grand homme se crispèrent. Son souffle était haletant.
« Mon dieu? ! Pitié? !
Il m'entraîna avec lui. Sans même me laisser le temps de me mettre en marche. Il me fallut me hâter, pour ne plus tendre le bras.
- Viens ! me fit-il pressé. Nous devons trouver un abri au plus vite ! Dépêche-toi !
- Ah ? Mais ce n'est qu'un simple orage... ? Il y en avait des plus embêtants, sur le bateau...
Tout à coup, l'île fut illuminée. Je pus à peine voir un trait perforer les nuages, presque immédiatement suivi d'une gigantesque détonation. Les lieux s'ébranlèrent, vibrèrent de tous cotés. J'en crus perdre mes tympans. A quelques mètres soudain, le tronc d'un palmier prit feu sur toute sa longueur. Déjà son écorce crépitait.
- Ce n'est pas un simple orage ! criait Zohak.
La phrase de mon compagnon mit deux secondes et quelque pour atteindre ma conscience. Le phénomène m'avait figée sur place, en dépit de la pluie grandissante. Je sentis la peur me submerger. Lentement, l'arbre incendié bougea, puis se plia derrière les feuillages dans un concert de sifflement. Coeur battant, je m'agrippai à la toge du prêtre. Au loin, de nouveaux éclairs assassins retentirent.
- Viens ! » reprit mon ami.
L'averse tant attendue fondit sur nous, lorsqu'il me souleva et m'emporta sous les végétaux. Nos vêtements étaient déjà trempés. Mes cheveux bruns se collaient à mes joues, cachant mes yeux derrière eux. A moins que je fusse victime de cette gêne visuelle, ou d'un autre vertige inconnu, la baie entière de notre débarquement était maintenant inondée, peut-être même jusqu'aux racines les plus avancées. Les sables étaient tournés et retournés par les rouleaux aquatiques, là -bas. Puis nous nous enfonçâmes dans la jungle avec précipitation. Les épaisses gouttes d'eau que les feuilles ne pouvaient pas arrêter martelaient la flore du niveau inférieur, les buissons, les hautes tiges... De fins courants dévalaient les pentes. Ces filets dynamiques suintaient comme du sang, coulaient dans la terre comme une lame coupe les peaux. Il y avait réellement de la douleur dans ce nouveau spectacle, de voir la nature peu à peu envahie par un seul élément. J'essayais de bien choisir où poser les pieds, au cours de notre marche, mais il arrivait souvent que de la boue me les fasse déraper, tandis que le grand homme veillait à me tenir la main. Grâce à elle, j'arrivais à rester debout dans tous nos déplacements. Je lui devais aussi ceux-là , n'ayant aucune idée à savoir comment agir en de telles circonstances. À peine pouvais-je assez réfléchir pour mettre un pas devant l'autre. Et je ne prenais gare si une branche venait à mordre ma robe, quitte à faire craquer certaines fois son tissu. Tout cela m'indifférait, abasourdie par la tempête. Autour de nous, d'autres animaux cherchaient eux-aussi un abri. Tous les volatiles s'envolaient vers les reliefs. Les arbres chaviraient tels des dominos. La mer était déchaînée. Les cieux étaient survoltés.
Plus nous avancions vers l'intérieur de l'île, plus les chemins étaient abruptes. Bientôt, je finis par dégager ma main de l'emprise de Zohak et m'en servis pour m'appuyer contre les rochers humides, que nous grimpions alors. De jeunes ruisseaux défilaient à une vitesse démesurée entre mes talons. J'avais à peine le temps de voir y dériver des petites feuilles et des bouts de branches. L'environnement était en train de complètement se désagréger. Certains blocs de pierre se disloquaient suite à l'écroulement de ceux qui les surplombaient. La pression de l'eau rendait effectivement le terrain beaucoup plus meuble. En s'effondrant, la roche allait parfois jusqu'à tordre des cocotiers plantés sur son passage funèbre. La forêt n'était plus qu'une image d'apocalypse, dont les colonnes tombaient une à une sans que rien n'y puisse changer. Sa défaite était scellée : l'Eau avait vaincu la Terre, et sa domination était assurée. Par je ne sais quel moyen, quelque chose au fond de moi me disait que jamais ces lieux n'avaient connu autant de dégâts. C'était la première fois qu'ils étaient ainsi ravagés. Ce n'était pas un fait habituel dans ce secteur du monde. Je n'en touchais aucun mot à Zohak. C’aurait été ridicule, je ne me basais sur rien. De tout, il était la seule base que j'avais.
Le zervaniste se protégea la vue, sa main plaquée en visière sur son front. L'averse brouillait la forme qu'il avait distinguée. Près des éboulis, vers la droite, en hauteur, se trouvait une cavité sombre dans la paroi. Le grand homme reconnut là une grotte. La mine comblée, il nous amena dans cette direction escarpée sans tenir compte de l'effort nécessaire pour y escalader. Le problème n'était pas pour autant dans ce paramètre. Mon coeur s'oppressa.
« Zohak ! » m'époumonai-je.
Un son brusque partit. L'humain se retourna. Une grosse pierre de la taille d'un tonneau roulait-boulait droit sur lui, depuis le sommet de la colline. Juste avant qu'il ne l'écrase, mon ami se jeta par devant lui, secoué de terreur. Nous vîmes le rocher rebondir un peu plus bas pour ensuite éclater contre un monticule. Zohak me regarda, suffoquant à cause de l'adrénaline. Devais-je le lui dire ? Je ne savais pas pourquoi j'avais crié. Autrefois, il m'était bien sûr arrivé d'éprouver une angoisse subite, mais jamais au point de la concrétiser par une alerte comme celle que je venais de faire. Comme si, d'instinct, je savais qu'un danger immédiat nous guettait réellement. Un mauvais pressentiment. Cela me semblait irréel. Ce n'était pas possible. Personne ne pouvait doubler autant de millisecondes sur la ligne du temps. Sûrement pas avec si peu de connaissances. Je devais avoir triché, mais comment ? Le zervaniste avait l'air dépassé, à balbutier dans le vide.
« K... ! Kaileena... ! Comment... ! M... Mer... ! »
La foudre frappa de nouveau. Le sol trembla. Je m'en allais aider mon compagnon à se relever des autres gravats, puis nous reprîmes notre course jusqu'à la caverne...
Dès que nous y entrâmes, l'adulte se laissa tomber à plat ventre, et se tourna indifféremment vers le plafond noir de jais. Personnellement, je fus apaisée de ne plus subir la douche permanente qu'offrait le dehors. Du peu de lumière qu'elle en recevait, la paroi paraissait être de l'onyx, d'où nous pouvions encore exulter qu'elle paraisse. De plus, la grotte s'avérait être assez large pour accueillir dix personnes. Progressivement, ma respiration finit par se calmer.
« Je l'avais dit, que cette île était maudite...
Zohak ne me répondit pas. Je crois qu'il fermait les yeux, à ce moment. Quoi, ne devait-il pas l'admettre ? Son silence m'exaspérait à la longue.
- Pourquoi tu es comme ça, Zohak ? Depuis qu'on est arrivés ici, tu n'arrêtes pas... d'être bizarre... J'ai peur, tu sais...
Seul un souffle givré par le froid émana de sa bouche.
- Pourquoi est-ce que nous sommes venus ici ?
J'entendis alors sa respiration se taire.
Il y avait quelque chose qui l'interpellait, dans mes paroles.
- Qu'est-ce qu'il y avait, dans le sable... ?
- Il est à présent trop tard pour aller le vérifier. »
Le timbre de sa voix sonnait avec une certaine réprobation. Ma question, cependant, n'était pas indiscrète. Il était évident que c'était à cause de ce secret, si nous avions accosté sur cette île et, dans une autre mesure, si nous y étions bloqués. Or, à cette heure-là , le zervaniste ne pouvait plus me considérer comme une contingence de leur escale. J'étais sur le même plan que lui. Étrangère, accidentée, et inquiète. Alors pourquoi refusait-il que je sache ce qu'il savait néanmoins ? Après toutes les minutes qu'ils avaient passées à les observer, le prêtre n'avait plus besoin de retrouver les dénivelés intacts pour se souvenir de leur nature. Ce qui n'était pas mon cas, malheureusement. En effet, mon compagnon l'avait bien souligné, cette tempête et cette marée n'avaient sans doute pas manqué de balayer tout ce que cette plage donnait à découvrir de ce qui m'intéressait. Les Sables n'ont jamais pu empêcher l'Eau de les façonner à sa guise. Et celle-ci n'a jamais été créative. Je voyais déjà leurs courbes devenues planes, sous l'influence des vagues implacables. Vraiment, cet orage était inopportun. Cela s'ajouta encore à mon indignation de ne plus pouvoir assouvir ma curiosité à propos de la mystérieuse entreprise zervaniste. Dans ma crainte et mon mal-être, j'avais la conviction que Zohak finirait un jour par me divulguer ce secret. Un jour ou l'autre, s'il était mon ami, ce n'était qu'une affaire de temps pour que nous en parlassions, ensemble...
Je ne tardai pas à m'habituer à l'obscurité. Parfois, des éclairs de lumière emplissaient la caverne, l'espace d'un dixième de seconde. Ainsi je pus remarquer d'étranges sculptures, aux angles des murs, pas plus grandes que la tête d'un humain et aussi blanches que du lait bovin. Même des trous avaient été percés là où se seraient trouvées nos orbites, ainsi que nos narines. Le haut était aussi nu que le crâne de mon ami, et le bas exhibait une série d'espèce de dents. Mais il n'y avait pas de mâchoire, comme sur tout organisme normal. De part et d'autre, le parterre était jonché de bois encore plus singuliers. Certains avaient poussé à la suite de leurs voisins, deux fois au maximum, de sorte qu'ils semblaient cassés en plusieurs points. Leurs formes-même apparaissaient trop régulières pour le végétal. Leur couleur, pâle également, se démarquait sans problème de la pénombre. Je n'avais aucune idée de la signification de ces curieux objets. Derrière moi, Zohak était proche de s'endormir.
J'entendis alors des petits gémissements, étouffés dans un coin sombre. Les parois de la roche renvoyaient faiblement un écho. On aurait dit des cris animaux. La grotte se prolongeait vers le fond, dans l'obscurité la plus totale. A tâtons, j'avançais avec prudence vers ce bruit qui m'intriguait. La main longeant les murs, j'écoutais les geignements se rapprocher. Quelques pas plus tard, je me rendis compte qu'ils étaient à mes pieds. C'est alors que je vis plusieurs paires d'yeux se refléter dans la lumière furtive de l'extérieur. Il s'agissait de nouveaux félins, beaucoup plus petits, et semblables en de nombreux points à celui que j'avais rencontré dans la forêt. Eux étaient à peine plus hauts que mes mollets, et leurs miaulements étaient beaucoup plus doux. Je me mis à sourire, attendrie par ces mignons bébés. Ils semblaient tellement vulnérables... si fragiles... Leurs gémissements me témoignaient leur anxiété, vis-à -vis du mauvais temps. Ce fut un réflexe, de ma part. Je passai mes doigts sur leur maigre pelage, afin de les rassurer. Mais comme de raison, le contact de mes ongles n'eut d'abord d'autre effet que de les terroriser encore davantage. L'inconnu n'est pas près de se voir ravir son monopole phobique, que ce soit dans l'espace, le temps, ou la rencontre d'une enfant perdue. C'était peut-être même la première fois qu'ils avaient affaire à des humains. De quoi justifier pire que de l'épouvante. Cependant, ils se familiarisèrent bientôt avec mon odeur, et l'un d'eux s'avança pour se blottir contre mes genoux. Ils me faisaient confiance, je ne m'étais jamais sentie aussi flattée. Instantanément, je les caressais mieux de mes mains. Décidément, Zohak avait raison : j'adorais les animaux.
Il fallut attendre quelques secondes avant que je ne me rende compte d'une présence dans mon dos. Une autre créature avait pénétré dans la caverne. Son ombre se rapportait tout au fond sur la roche, noyant la mienne. D'après le son de ses grognements, je reconnus l'être qui m'avait trouvée, dans les environs de la rivière...