Aoflir était assis sur le bout d'une plateforme naturelle en pierre, contemplant au loin les bâtiments massivement en bois du village. En effet, le dragon avait longtemps marché. Il n'avait pas compté, mais plusieurs jours avaient dû passer. Aoflir avait traversé la forêt pour finalement revenir dans un environnement totalement montagneux où ne s’affichait que plateaux et chaînes de montagnes dont certains pics étaient recouverts par le blanc éternel de la neige. Il avait dû loger dans bons nombres de cavernes inhabitées à cause de la hauteur des abris qu'il choisissait. Le jeune dragon avait enfin traversé le massif montagneux, où de l'autre côté s'étendait une plaine où l'herbe y était luxuriante. Un village était bâti au milieu de cette plaine, montrant des habitations en bois ainsi qu'un immense champ de blé à proximité. Visiblement, le village n'était sous aucune autre autorité qu'elle-même. Ce qui, pensa Aoflir, pourrait faciliter son approche du hameau.

Aoflir, à la vue de ce village, avait reprit espoir et regardait depuis plusieurs heures déjà les mouvements de la population. Le dragon voyait les enfants qui jouaient sur une place où aucun bâtiment n'avait été construit. Les parents sûrement, aux aguets du moindre danger pour leurs fils ou filles, et quelques autres personne qui discutaient aux quatre coins du village, étaient aussi présents. Aoflir appréciait cette activité. Ça changeait de la monotonie de la montagne ou quasiment rien, à part quelques éboulis, ne bougeait. Alors que la nuit commençait à tomber sur eux, la populace rentra dans leurs maisons respectives, et les habitations s’illuminèrent presque toutes en même temps. Le village brillait telle une minuscule luciole éclaire les ténèbres, car tout autour, c'était le noir complet.

Aoflir, ne distinguant plus aucun mouvement dans les rues du paisible village, décida qu'il devait lui aussi rentrer se reposer un peu. Il comptait leur parler dès demain, et il savait que, de ce fait, la journée qui suivrait serait longue, très longue.

Il rentra dans la grotte qui était placée derrière lui. La cavité lui offrait une vue sur le village, à l'abri des regards indiscrets car elle était bien trop haut pour qu'un humain à la vue beaucoup moins perçantes qu'un dragon ne puisse l’apercevoir. Au mieux ils verraient sûrement une ombre de la taille d'une puce les scrutant.

Il alluma un petit feu autour duquel il se plaça et se posa. Aoflir regardait les ardentes flammes qui dansaient devant lui, montrant leurs rassurantes couleurs chaudes et leur apaisante chaleur. Aoflir, autour de ce feu, se sentait serein. Il ne pensait plus à rien tandis qu'il admirait l'ardent élément qui bougeait rien pour lui. Plus rien n'avait d'importance pour lui sur le moment. Aucune pensée parasite ne l’envahissait. Son esprit était vide, bercé par la danse du feu. Il s'endormit à proximité, retournant dans les ténèbres de son sommeil.

Aoflir flottait dans un espace vide de tout. Il ne voyait rien autour de lui. Tout était noir. Seules ses brillantes écailles contrastaient avec cet étrange monde. Une voix sortit alors du néant, la même voix caverneuse et grave que la dernière fois, celle qui le voulait. Mais maintenant, Aoflir savait parfaitement à qui il avait affaire, ce qui par le fait de savoir à qui il allait parler, ne le rassura pas. La voix parla alors :

-Même ton propre maître t’a lâchement fui pour permettre sa survie. Ouvre les yeux. Unissons nos forces ! Donne-moi ton corps et tu bénéficieras de ma puissance. Nous ne ferons plus qu'un, et nous contrôlerons le monde. Un monde sans haine et sans peur, sans doute et sans faiblesses, un monde parfait !

-La ferme ! Maudit sois-tu démon venu des enfers. Je te maudis, Schalk'tir! Tu m'entends ?! Cria Aoflir à haute voix. Un silence glacial suivi les dernières paroles du jeune dragon, qui, à ce moment-là, ne voyait pas la peur en face.

-Je vois que tu as compris. Il ria avec une intensité qui fit frissonner Aoflir, mais le dragon savait qu'il ne craignait rien si il se contrôlait et qu'il ne cédait pas à la colère et à la peur.

-Jamais je ne te laisserai prendre possession de mon corps! Jamais je ne te permettrai de voir le monde par mes yeux, jamais je ne te laisserais voir MON monde par mes yeux pour que tu le détruises à nouveau. Plus jamais, tu m'entends ? Plus jamais tu ne feras régner le chaos dans ce monde qui est le mien! Je vis dans la lumière, je ne suis pas les ténèbres !

-En voilà des paroles, qu'elles sont belles -Il ria de nouveau-. Mais si tu arrives à me contrôler, qu’auras-tu en retour? La haine, la colère, parce que tout le monde sauras que tu es le mal en personne.

-Je ne le suis pas, c'est toi qui l’es !

-Non chacun d'entre nous à une part de malveillance dans son cœur. Je peux sentir les ténèbres en toi. Tu es comme moi, mais tu ne le sais pas encore.

-C'est faux, je ne suis pas maléfique! La seule ombre que je perçois dans mon cœur, c'est toi! Et rien d'autre. Je trouverai le moyen d'enlever ta présence de mon cœur qui ne voit que lumière et joie.

-La lumière...elle ne te mènera que vers ta perte !

-Non, ma lumière TE mènera vers TA perte, sache que jamais tu ne m'auras !

-Mais je l'ai déjà fait une fois! Dit-il d'un ton neutre.

Aoflir parut complètement déconcerté par la phrase du démon. Alors il demanda.

-Comment ?

-Tu ne t'en rappelles pas? J'ai réussi à m'emparer de toi, mais ce maudit Lombraj, il ne m’a jamais été fidèle. Tout ce qu'il veut, c'est le pouvoir. J'avais quasiment tué ce sombre lâche, mais la blessure m'a empêché de te prendre pour de bon. Maudit soit-il.

Aoflir était maintenant sous le choc. Si Lombraj ne l'avait pas blessé mortellement au dos, il serait peut être en train de croupir dans son subconscient, contrôlé entièrement par le seigneur des ombres.

-Sache que la prochaine fois que ta lumière s'affaiblira, les ténèbres s'empareront de nouveau de ton corps, et je ferai en sorte que tu restes conscient, pour voir les merveilles que je causerai à ton monde! Pour te montrer ta parfaite impuissance dans une quête qui est déjà perdue d'avance.

Alors la voix disparut dans un écho. Aoflir ne ressentait maintenant plus rien, il était repassé au stade du sommeil pur et simple.