Note de la fic :
Publié le 07/03/2013 à 04:41:24 par Fukaï
Nous étions le jour de l'équinoxe d'automne. Les gens étaient doucement caressés par un vent frais, messager de l'eau ou espion de la prochaine pluie. Je marchais parmi tout ce monde qui vaquait à ses occupations ou qui occupait ses vacances. En mendiant que je suis, personne ne s'intéressait à moi. Plus pratique pour s'adonner à un peu de vol de bourse si vous voulez mon avis. Mais pour l'instant, je n'en avais pas besoin ; Le contrat que je venais de signer m'octroyait une confortable avance, principalement pour l'achat de fourniture qui me seraient nécessaire au cours de ma première entreprise, mais aussi assez pour offrir un ou deux repas convenables à une personne normale, ou de luxe pour quelqu'un comme moi.
C'est exactement ce que je fis en premier lieu, m'acheter une énorme tourte à la viande, et une bouteille d'hydromel. Quels délices, après plusieurs jours le ventre vide, cet apport de sucre me requinqua, et je me senti d'attaque pour franchir n'importe quel obstacle. Mais pour l'instant, j'étais à une terrasse, savourant ma tourte encore tiède et l'alcool me montant à la tête avec pour seul obstacle la capacité de mon estomac à engranger de la nourriture. Et malgré le vent qui faisait voler mes cheveux blonds vénitiens, je ne pu m'empêcher de sourire en pensant à combien un simple repas peut apporter de plaisir. Savourant jusqu'au bout, je mangeais tout sans laisser la moindre miette, ne prévoyant aucune provision en guise de retraite pour un jour plus dur.
Une fois mes forces et mon courage rassemblés, je me mis en quête des divers objets sur la liste qui m'avait été confiée par cet étrange homme. Aussitôt que je repensais à lui, impossible de me rappeler précisément de son apparence. Je savais qu'il était plutôt jeune, toujours un sourire avenant aux lèvres, mais aucuns de ses traits physiques tels la couleur des yeux, la présence de rides ou de cicatrices, sa taille, ou encore même le son de sa voix ne me revenait à l'esprit. Pour mon bien être mental, je décidais de ne plus y songer et de profiter de la chaleur procurée par l'alcool.
La liste en elle même était courte et variée ; un briquet, une cape, du chocolat, des bougies, un canif et un sac. On pourrait croire qu'un voyage m'attendait. Mais cette supposition devenait fausse une fois le bas de la feuille lu. En effet, complétant la liste, une plan avec pour destination une vielle bâtisse que je savais abandonnée pour être passé plusieurs fois devant, et une indication sur le travail à effectuer. L'écriture tremblante fut difficile à déchiffrée, mais heureusement, j'avais appris mes lettres auprès d'un professeur très exigeant. Voilà ce qu'il y avait de griffonné au bas de la page :
[c]
« Une fois sur place, d'autre indications vous attendrons. En aucun cas vous ne devez sortir de la maison avant le lever du jour. Ensuite, racontez autour de vous ce que vous avez vu durant le nuit sans aucune mention du contrat »
[/c]
La perspectivement de passer une nuit à l'abri de la pluie dans une maison délabré ne me déranger pas plus que ça. En revanche, je savais tout au fond de moi que quelque chose allait rendre cette nuit horrible. Comme si une vieille histoire m'avait choisit pour incarner une de ses nouvelles adaptations.
Soit, j'acceptais la chose et parti à la recherche de mes fournitures. Le sac, la cape et le canif ne furent pas bien compliqués, mais je fut obligé de chaparder le briquet au vendeur car celui-ci craignait d'un gamin inconscient comme moi ne fasse une grosse bêtise avec.
Malheureusement pour le chocolat, je mis beaucoup plus de temps. C'est une denrée relativement rare, généralement réservé à la noblesse ou à de riches marchands. Il y a peu, il fallait encore payer soit même son importation. Le seul endroit où il était en vente à l'étalage était une pâtisserie très raffinée, pionnière dans le domaine de la préparation sous toutes ses formes de la fève à l'arôme corsé.
Je m'y rendis, peu confiant, assuré de me faire expulsé dès le premier pas à l'intérieur. L'établissement faisait envie : une grande boutique avec une belle devanture, une enseigne faisait toute la longueur du bâtiment, on pouvait lire dessus le nom des propriétaires avec des lettres sous la formes de diverses pâtisseries.
Je poussais la porte, quittant le souffle du vent et le chahut de la rue pour entrer dans l'affolement des fourneaux. Je contemplais les lieux, ne sachant pas trop quoi faire quand on m'interpella :
« -Hé petit ! On ne donne rien aux mendiants ici, tu devrais le savoir !
Je balbutiais, mais les mots ne voulaient pas sortir. L'homme qui m'avait parlé était plutôt grand, habillé comme un chef cuisinier, avec une tablier et une toge blanche. Me voyant indécis, il reprit :
-T'as pas compris : Dégage, tu fais fuir la clientèle et tu salope le plancher !
Rapidement, avant de me faire éjecter hors de la boutique à grand renfort de coup de pied au derrière et de noms d'oiseaux, je réussi à balbutier mon sauf-conduit :
-J'ai... Argent... J'ai de l'argent !
-Ah, j'imagine que dans ce cas... Dépêche-toi, approche. Tu as bien de la chance que je n'ai pas d'autre client. »
Je m'avançais vers le comptoir, tout hésitant, foudroyé par le regard examinateur du commerçant. Il pris le pas sur mon indécision :
« -Que faut-il à ce jeune gentilhomme ? Demanda t-il
-Du chocolat. Lui répondis-je d'une voix chevrotante.
-Du chocolat... Du chocolat... M'enfin, mon garçon ! Tu te rends compte que tout ce qui viennent ici le font pour acheter du chocolat ? Alors si tu me demande « du chocolat » ça m'aide pas... Tu veux une fève de cacao ? De la poudre chocolatée à mélanger avec du lait ou du café ? Ou encore, plus simplement une tablette ? A moins que ne préfère une sculpture tout en chocolat ?
Toujours interdit, et maintenant abasourdi devant un telle variété, je gardais la bouche close et les yeux grands ouverts. Le chef continua la conversation pour moi :
-Bon, au vu de tes vêtements, je suppose que tu as eu une rentrée d'argent plutôt exceptionnelle. Non, ne dit rien, l'argent n'a pas de provenance, et encore, même dans le cas où tu l'aurais volé, il serait toujours plus propres que celui de certains nobles qui passent ici...
Il marqua une pause à cet instant, le regard profondément ancré sur le comptoir puis ajouta : On se demande dans quelle époque on vit. Le gouvernement perd la tête, certains clients parlent même de guerre, ils s'en vont au loin du coup, emportant avec eux tout leurs clics et leurs clac... Pas bon pour le commerce... Pas bon pour grand chose à vrai dire...
Machinalement, il avait commencé à frotter le comptoir avec un chiffon tout en parlant, oubliant l'âge de son client et sa condition. Il souffla un grand coup et se repris : Pardon, je ne sais pas ce qui m'a pris. Tout ça ne doit pas vraiment t’intéresser, pas vrai ? Enfin, je me doute bien que les sculptures, les poudre aromatisées et tout ça, ce n'est pas ce qu'il te faut. Laisse moi un instant, je vais te chercher ce que je pense être parfait.
Il disparu dans l'arrière boutique, probablement des cuisines et revient un instant plus tard avec un petit sac en tissu. Il me le tendit avec le sourire :
-Ce sont des pépites. Un peu comme celle de n'importe quelle minerais mais en chocolat. Elles auront sûrement autant de valeur à tes yeux que celles d'or au yeux d'un autre. Enfin, si tu veux un conseil, quitte cette ville au plus vite plutôt que d'acheter des gourmandises. Ça va sentir le roussi sous peu et tu as la chance de ne rien avoir qui te retiens ici.
Puis, il se retourna et fit mine de chercher quelque chose sur les étagères en sifflotant. Je compris le message et déguerpissais en vitesse.
Une fois dehors, je réalisais pleinement l'étrangeté de la scène. Pourquoi m'avait-il laissé partir sans payer et pourquoi m'avait-il fait part de la situation politique du pays ? Je rangeais ma nouvelle acquisition dans mon sac après en avoir senti l'arôme agréable et apprécié le poids.
C'est plein d'interrogations que j'approchais un peu plus de ma destination. Un corbeau assez gras pour être inculpé du festin de toute une famille de rats, oncles et grand-parents compris, me fit sursauter et me tira de mes réflexions en s'élançant dans les airs depuis un jardin privée aux couleurs orangées. Le volatile de malheur tourna un peu au dessus de moi croassant un rire moqueur, puis s'en fut au loin, probablement à la recherche d'une autre pitance ou d'une énième victime à tourmenter.
Au moment de reprendre ma route, je remarquais que les feuilles portées par la brise dansaient un ballet magnifique, tourbillonnant, changeant perpétuellement de couleur, rouge, orange, brun, pourpre, ocre, or, toute les teintes de la saison réunies dans une danse folle. Mais plus encore, une tâche de vert montre son nez au cœur de cette spirale hypnotisante, plus lourde et plus terne, elle restait bien ancrée au sol. Je m'approchais, tendis ma main, brisant le mur de feuille et de vent, et sentis sous mes doigts une douceur depuis longtemps oubliée : Celle d'une couverture. La couverture d'un livre.
Je refermais ma main sur cette relique devenue sacrée de par ma condition de mendiant. Les yeux écarquillés, humides de larmes de bonheur, je serrais contre ma poitrine un fragment de passé, un vestige de temps plus heureux. Le temps suspendis son vol un instant, s'étirant pour me laisser profiter de ce moment magique de renouement avec quelque chose d'oublié.
Et puis, implacable, le sablier se remit en marche et je passais à un examen plus approfondi de mon heureuse découverte. Le livre en question était de petite taille, n'excédant pas les cinq pouces de haut pour les quatre de large. Et au vu de son épaisseur, l'ouvrage ne devait pas contenir plus d'un cinquantaine de pages. Sa couverture, céladon était d'une tendre douceur au toucher, simple, sans aucun ornement et vierge de tout écriture. J'ouvris le volume avec un respect qui aurait fait pleurer de joie un libraire, et pu lire le titre de ce mystérieux livre, inscrit dès la première page en lettres capitales d'un noir plus obscur que le cœur du mal absolu :
[c]SUPERATUS PAVOR
[/c]
Malheureusement, un bruit, indiquant une présence en approche, m'empêcha de continuer ma lecture à cet instant. Je plongeais le livre sous ma chemise, contre mon cœur, et me remis en marche vers cette demeure.
C'est exactement ce que je fis en premier lieu, m'acheter une énorme tourte à la viande, et une bouteille d'hydromel. Quels délices, après plusieurs jours le ventre vide, cet apport de sucre me requinqua, et je me senti d'attaque pour franchir n'importe quel obstacle. Mais pour l'instant, j'étais à une terrasse, savourant ma tourte encore tiède et l'alcool me montant à la tête avec pour seul obstacle la capacité de mon estomac à engranger de la nourriture. Et malgré le vent qui faisait voler mes cheveux blonds vénitiens, je ne pu m'empêcher de sourire en pensant à combien un simple repas peut apporter de plaisir. Savourant jusqu'au bout, je mangeais tout sans laisser la moindre miette, ne prévoyant aucune provision en guise de retraite pour un jour plus dur.
Une fois mes forces et mon courage rassemblés, je me mis en quête des divers objets sur la liste qui m'avait été confiée par cet étrange homme. Aussitôt que je repensais à lui, impossible de me rappeler précisément de son apparence. Je savais qu'il était plutôt jeune, toujours un sourire avenant aux lèvres, mais aucuns de ses traits physiques tels la couleur des yeux, la présence de rides ou de cicatrices, sa taille, ou encore même le son de sa voix ne me revenait à l'esprit. Pour mon bien être mental, je décidais de ne plus y songer et de profiter de la chaleur procurée par l'alcool.
La liste en elle même était courte et variée ; un briquet, une cape, du chocolat, des bougies, un canif et un sac. On pourrait croire qu'un voyage m'attendait. Mais cette supposition devenait fausse une fois le bas de la feuille lu. En effet, complétant la liste, une plan avec pour destination une vielle bâtisse que je savais abandonnée pour être passé plusieurs fois devant, et une indication sur le travail à effectuer. L'écriture tremblante fut difficile à déchiffrée, mais heureusement, j'avais appris mes lettres auprès d'un professeur très exigeant. Voilà ce qu'il y avait de griffonné au bas de la page :
[c]
« Une fois sur place, d'autre indications vous attendrons. En aucun cas vous ne devez sortir de la maison avant le lever du jour. Ensuite, racontez autour de vous ce que vous avez vu durant le nuit sans aucune mention du contrat »
[/c]
La perspectivement de passer une nuit à l'abri de la pluie dans une maison délabré ne me déranger pas plus que ça. En revanche, je savais tout au fond de moi que quelque chose allait rendre cette nuit horrible. Comme si une vieille histoire m'avait choisit pour incarner une de ses nouvelles adaptations.
Soit, j'acceptais la chose et parti à la recherche de mes fournitures. Le sac, la cape et le canif ne furent pas bien compliqués, mais je fut obligé de chaparder le briquet au vendeur car celui-ci craignait d'un gamin inconscient comme moi ne fasse une grosse bêtise avec.
Malheureusement pour le chocolat, je mis beaucoup plus de temps. C'est une denrée relativement rare, généralement réservé à la noblesse ou à de riches marchands. Il y a peu, il fallait encore payer soit même son importation. Le seul endroit où il était en vente à l'étalage était une pâtisserie très raffinée, pionnière dans le domaine de la préparation sous toutes ses formes de la fève à l'arôme corsé.
Je m'y rendis, peu confiant, assuré de me faire expulsé dès le premier pas à l'intérieur. L'établissement faisait envie : une grande boutique avec une belle devanture, une enseigne faisait toute la longueur du bâtiment, on pouvait lire dessus le nom des propriétaires avec des lettres sous la formes de diverses pâtisseries.
Je poussais la porte, quittant le souffle du vent et le chahut de la rue pour entrer dans l'affolement des fourneaux. Je contemplais les lieux, ne sachant pas trop quoi faire quand on m'interpella :
« -Hé petit ! On ne donne rien aux mendiants ici, tu devrais le savoir !
Je balbutiais, mais les mots ne voulaient pas sortir. L'homme qui m'avait parlé était plutôt grand, habillé comme un chef cuisinier, avec une tablier et une toge blanche. Me voyant indécis, il reprit :
-T'as pas compris : Dégage, tu fais fuir la clientèle et tu salope le plancher !
Rapidement, avant de me faire éjecter hors de la boutique à grand renfort de coup de pied au derrière et de noms d'oiseaux, je réussi à balbutier mon sauf-conduit :
-J'ai... Argent... J'ai de l'argent !
-Ah, j'imagine que dans ce cas... Dépêche-toi, approche. Tu as bien de la chance que je n'ai pas d'autre client. »
Je m'avançais vers le comptoir, tout hésitant, foudroyé par le regard examinateur du commerçant. Il pris le pas sur mon indécision :
« -Que faut-il à ce jeune gentilhomme ? Demanda t-il
-Du chocolat. Lui répondis-je d'une voix chevrotante.
-Du chocolat... Du chocolat... M'enfin, mon garçon ! Tu te rends compte que tout ce qui viennent ici le font pour acheter du chocolat ? Alors si tu me demande « du chocolat » ça m'aide pas... Tu veux une fève de cacao ? De la poudre chocolatée à mélanger avec du lait ou du café ? Ou encore, plus simplement une tablette ? A moins que ne préfère une sculpture tout en chocolat ?
Toujours interdit, et maintenant abasourdi devant un telle variété, je gardais la bouche close et les yeux grands ouverts. Le chef continua la conversation pour moi :
-Bon, au vu de tes vêtements, je suppose que tu as eu une rentrée d'argent plutôt exceptionnelle. Non, ne dit rien, l'argent n'a pas de provenance, et encore, même dans le cas où tu l'aurais volé, il serait toujours plus propres que celui de certains nobles qui passent ici...
Il marqua une pause à cet instant, le regard profondément ancré sur le comptoir puis ajouta : On se demande dans quelle époque on vit. Le gouvernement perd la tête, certains clients parlent même de guerre, ils s'en vont au loin du coup, emportant avec eux tout leurs clics et leurs clac... Pas bon pour le commerce... Pas bon pour grand chose à vrai dire...
Machinalement, il avait commencé à frotter le comptoir avec un chiffon tout en parlant, oubliant l'âge de son client et sa condition. Il souffla un grand coup et se repris : Pardon, je ne sais pas ce qui m'a pris. Tout ça ne doit pas vraiment t’intéresser, pas vrai ? Enfin, je me doute bien que les sculptures, les poudre aromatisées et tout ça, ce n'est pas ce qu'il te faut. Laisse moi un instant, je vais te chercher ce que je pense être parfait.
Il disparu dans l'arrière boutique, probablement des cuisines et revient un instant plus tard avec un petit sac en tissu. Il me le tendit avec le sourire :
-Ce sont des pépites. Un peu comme celle de n'importe quelle minerais mais en chocolat. Elles auront sûrement autant de valeur à tes yeux que celles d'or au yeux d'un autre. Enfin, si tu veux un conseil, quitte cette ville au plus vite plutôt que d'acheter des gourmandises. Ça va sentir le roussi sous peu et tu as la chance de ne rien avoir qui te retiens ici.
Puis, il se retourna et fit mine de chercher quelque chose sur les étagères en sifflotant. Je compris le message et déguerpissais en vitesse.
Une fois dehors, je réalisais pleinement l'étrangeté de la scène. Pourquoi m'avait-il laissé partir sans payer et pourquoi m'avait-il fait part de la situation politique du pays ? Je rangeais ma nouvelle acquisition dans mon sac après en avoir senti l'arôme agréable et apprécié le poids.
C'est plein d'interrogations que j'approchais un peu plus de ma destination. Un corbeau assez gras pour être inculpé du festin de toute une famille de rats, oncles et grand-parents compris, me fit sursauter et me tira de mes réflexions en s'élançant dans les airs depuis un jardin privée aux couleurs orangées. Le volatile de malheur tourna un peu au dessus de moi croassant un rire moqueur, puis s'en fut au loin, probablement à la recherche d'une autre pitance ou d'une énième victime à tourmenter.
Au moment de reprendre ma route, je remarquais que les feuilles portées par la brise dansaient un ballet magnifique, tourbillonnant, changeant perpétuellement de couleur, rouge, orange, brun, pourpre, ocre, or, toute les teintes de la saison réunies dans une danse folle. Mais plus encore, une tâche de vert montre son nez au cœur de cette spirale hypnotisante, plus lourde et plus terne, elle restait bien ancrée au sol. Je m'approchais, tendis ma main, brisant le mur de feuille et de vent, et sentis sous mes doigts une douceur depuis longtemps oubliée : Celle d'une couverture. La couverture d'un livre.
Je refermais ma main sur cette relique devenue sacrée de par ma condition de mendiant. Les yeux écarquillés, humides de larmes de bonheur, je serrais contre ma poitrine un fragment de passé, un vestige de temps plus heureux. Le temps suspendis son vol un instant, s'étirant pour me laisser profiter de ce moment magique de renouement avec quelque chose d'oublié.
Et puis, implacable, le sablier se remit en marche et je passais à un examen plus approfondi de mon heureuse découverte. Le livre en question était de petite taille, n'excédant pas les cinq pouces de haut pour les quatre de large. Et au vu de son épaisseur, l'ouvrage ne devait pas contenir plus d'un cinquantaine de pages. Sa couverture, céladon était d'une tendre douceur au toucher, simple, sans aucun ornement et vierge de tout écriture. J'ouvris le volume avec un respect qui aurait fait pleurer de joie un libraire, et pu lire le titre de ce mystérieux livre, inscrit dès la première page en lettres capitales d'un noir plus obscur que le cœur du mal absolu :
[c]SUPERATUS PAVOR
[/c]
Malheureusement, un bruit, indiquant une présence en approche, m'empêcha de continuer ma lecture à cet instant. Je plongeais le livre sous ma chemise, contre mon cœur, et me remis en marche vers cette demeure.