Note de la fic : :noel: :noel: :noel:

Une maisonnette


Par : faces-of-truth
Genre : Horreur
Statut : Terminée



Chapitre 1


Publié le 16/10/2010 à 17:53:19 par faces-of-truth

Sophie adorait sa nouvelle maison de campagne. Cela faisait des années que ses parents lui répétaient sans cesse qu’ils cherchaient un petit village où ils pourraient loger pendant les vacances. Du haut de ses neuf ans, la petite fille avait déjà imaginé tous les jeux possibles dans ce beau paysage et comptait bien savourer ce décalage avec le monde urbain.
La maisonnette avait été vendue par un couple de jeunes gens qui avaient décidé de partir sans donner d’explication concrète. Elle se trouvait un peu en retrait du hameau et était entouré de hauts arbres. Sophie se voyait déjà courir après les animaux, sauter dans les frondaisons abondantes ou même pêcher dans l’étang à cent mètres de distance. Comme la plupart des enfants uniques, être seule ne la dérangeait pas. Mais elle aspirait tout de même à se faire des amis.
Elle trouverait peut-être même un amoureux.

L’arrivée fut éprouvante car il fallut ranger toutes les affaires apportées par les déménageurs. Le soleil cognant ne rendit pas la tâche plus simple.
Le soir, la petite famille prit un dîner bien mérité et tout le monde se coucha tôt, exténué par la journée. Ils dormaient au rez-de-chaussée, la maison n’ayant pas d’étage hormis un grenier. Tout était très propre ; la fillette n’eut à se plaindre d’aucune araignée (ce qu’elle redoutait par-dessus tout à la campagne) ; elle remarqua juste une étrange gravure au pied d’un mur sur le sol. Un mot illisible qui semblait commencer par un N. Son père lui arrangerait ça sans problème. Le sommeil la prit très vite, dans la chaleur de ses draps.

Sophie se réveilla en pleine nuit ; elle avait fait un cauchemar. Un rêve traumatisant, mais elle ne se souvenait pourtant que de petits détails, qui disparaissaient au fil des secondes, comme une goutte de lait diluée dans un verre d’eau.
Un hibou hululait. Les branches des arbres se balançaient en grinçant. Des rongeurs couinaient. Le parquet du salon craquait par moments.
Elle n’avait pas l’habitude de dormir dans cet environnement. Mais elle savait qu’avoir peur était ridicule. Il ne pouvait rien lui arriver.
Les volets de sa chambre étaient clos, elle était plongée dans le noir total. De toute façon, il n’y avait rien à voir ; elle n’avait pas eu le temps d’installer ses jouets sur ses meubles et ses posters sur les murs. Elle n’avait que Bibou, son panda en peluche, qu’elle tenait contre elle.
Soudain, quelque chose retint son attention. Elle tendit l’oreille et perçut des bruits de pas à l’extérieur de la maison. Quelqu’un marchait sur des feuilles mortes.
« C’est surement ton imagination, pensa-t-elle, ou bien un animal. » Mais le bruit persista, et Sophie eut l’horrible impression que l’être qui se déplaçait faisait le tour de la maison. Puis le silence revint. L’enfant resta immobile pendant de longues minutes, à pister le moindre son, mais rien ne bouleversa le discret concert de la campagne endormie. Elle se détendit alors. Mais son cœur fit un bon dans sa poitrine lorsqu’on frappa à la porte d’entrée.
Affolée, elle resta sans bouger et attendit que ses parents se lèvent pour aller voir. Mais ceux-ci devaient dormir profondément et n’entendirent pas. On insista encore trois fois, puis ce fut fini.
Sophie fit semblant d’être morte et entendit avec effroi les pas repasser devant sa fenêtre et s’éloigner dans les arbres.
Il lui fallut deux heures pour retrouver le sommeil.

Le lendemain matin, ce fut avec méfiance qu’elle ouvrit les volets de sa chambre et observa les bois au-delà du jardin. Ses parents lui demandèrent comment avait été sa nuit ; elle préféra passer sous silence son histoire.
Peu après avoir mangé, Sophie alla devant la maison et inspecta le sol, à la recherche d’éventuelles traces. Mais elle ne trouva rien.
A midi, son père parla de la vie dans la forêt la nuit et des anecdotes de ses virées nocturnes en colonie de vacances dans sa jeunesse. Cela la conforta dans l’idée que son imagination lui avait joué un bien vilain tour.
Avec son inséparable panda sur les épaules et ses parents à ses côtés, la fillette visita le petit village où elle fit la rencontre de gens gentils, et se balada dans les bois. Elle découvrit alors le grand marécage dans lequel elle imaginait pouvoir pêcher, mais le bourdonnement des milliers de moustiques virevoltant de part et d’autre l’en dissuada.
Elle passa une merveilleuse journée, et se coucha même un peu tard, mais comme elle était en vacances, ses parents ne lui en voulaient pas.

Cette nuit-là, elle fit un autre cauchemar et se réveilla en sursaut. Mais cette fois, elle se souvenait des grandes lignes : elle avait rêvé qu’elle était bloquée dans le jardin et qu’une chose la poursuivait.
Alors elle entendit des claquements à la porte. Elle se dressa dans son lit et pria pour que ses parents entendent. Mais ils ne bougèrent pas. La personne dehors insistait davantage par rapport à la veille. Au bout d’une dizaine de fois, Sophie se décida à se lever et à réveiller son père et sa mère. A pas de loup, elle avança dans l’obscurité le long du couloir. On tapait toujours. Alors, l’être s’arrêta subitement, comme s’il savait que la petite fille avait quitté son lit. Le silence. Le long silence.
Terrorisée mais surtout intriguée, Sophie mit un pied dans le salon et essaya d’entendre quelque chose. A l’aveuglette, elle saisit la lampe de poche posée sur le buffet à sa droite, l’alluma et orienta la lumière vers la porte d’entrée. La poignée se tourna alors puis fut secouée, comme si on voulait la forcer.
Frôlant la tachycardie, la fillette laissa tomber la lampe qui s’éteignit en s’écrasant par terre. Maintenant, on grattait à la porte.
Sophie se précipita sur le lit de ses parents et les réveilla brusquement. Elle tenta de leur expliquer sans pleurer, mais ce fut difficile.
Le père alla jeter un œil dehors tandis que sa mère la rassurait en la serrant dans ses bras. Lorsqu’il revint, il déclara n’avoir rien vu ni rien entendu. La maternelle assura à sa fille qu’elle avait fait un cauchemar.
Sophie s’endormit avec ses parents, persuadée de l’authenticité de ce qu’elle avait vu. En plongeant dans le sommeil, elle crut percevoir des bruits de pas qui s’éloignaient vers les arbres.

Le lendemain, Sophie fut malade et passa sa journée dans le lit de ses parents. Vers la fin de l’après-midi, elle avala une soupe et se coucha dans sa chambre.
Encore une fois, elle se réveilla en sursaut au beau milieu de la nuit à la suite d’un horrible songe. Une voix avait répété dans sa tête « Ouvre-moi, ouvre-moi… ». Mais ce n’était qu’un rêve.
Elle se rendormit aussitôt.

Au matin, la jeune fille guérie prit son vélo et partit en promenade avec sa mère. Il faisait chaud et le paysage était magnifique. Elles pique-niquèrent sous un grand arbre et ne rentrèrent qu’en début de soirée. Le père faisait des travaux sur le toit. Plaisantant à propos d’une ridicule chute, elles l’observèrent s’atteler avec zèle à son travail.
Plus tard, ils mangèrent un délicieux mouton en regardant la télévision.

Une fois dans son lit, Sophie eut peur de s’endormir. Elle ne voulait plus faire de cauchemars ; elle laissa donc la lumière allumée et lut un livre. Mais ses paupières se firent de plus en plus lourdes à mesure que la nuit progressait et elle commença à céder. Ce fut alors que les bruits de pas se firent de nouveau entendre. Un frisson parcourut l’ensemble de son corps. Ils se rapprochaient lentement. De plus en plus. Ils étaient tout prêts.
Brusquement, elle comprit son erreur et éteignit aussitôt sa lampe. Mais c’était trop tard.
Une main gratta avec les ongles son volet. Toute tremblante et en sanglotant, Sophie se recroquevilla contre son coussin.
Les frottements se firent plus frénétiques. Le bruit était insupportable et ne semblait jamais prendre fin. Alors tout s’arrêta. La malheureuse continuait de pleurer, cachée sous sa couette. Elle entendit quelque chose. Derrière la fenêtre, elle percevait comme des paroles. Elle tendit l’oreille et comprit « Ouvre-moi, c’est chez moi, ouvre-moi, c’est chez moi, ouvre-moi, c’est chez moi… »
Elle sortit sa tête de sous son drap et constata avec horreur que la lumière lunaire illuminait sa chambre : les volets avaient disparu !!! Et derrière sa vitre, se tenait quelqu’un. Une fillette blonde la fixait des yeux. « Ouvre-moi, c’est chez moi, ouvre-moi… » Sophie poussa un hurlement.

Elle se réveilla en sursaut, toute transpirante, dans son lit. La lumière était allumée, son livre était ouvert sur ses genoux. Elle parcourut sa chambre des yeux : tout était normal. Elle s’effondra sur son coussin, encore choquée par cet affreux rêve et se frotta les yeux. « Ouvre-moi… » Alors elle sauta de ses draps et se colla contre son armoire. Derrière ses volets, une voix faible répétait ces mots : « C’est chez moi… »
A la limite de la nausée, Sophie parvint à articuler un « Allez-vous-en, laissez-moi tranquille » désespéré.
Elle s’approcha de la fenêtre à pas calculés et écouta. « Laisse-moi entrer, c’est ma maison. » « Non, ce n’est plus ta maison, va-t-en ! » « Laisse-moi entrer, c’est ma maison. » « Arrête, tu ne rentreras jamais. » « Laisse-moi entrer, c’est ma maison. » « On va te chasser. » « Laisse-moi entrer, c’est ma maison. » « Je vais appeler mes parents. » « Laisse-moi entrer, c’est ma maison. » « Pars. » « Laisse-moi entrer, c’est ma maison. » « Tu me fais pas peur. » « Laisse-moi entrer, c’est ma maison. » « Tu l’auras voulu. »
Sophie coupa son dictaphone et alla réveiller ses parents. Sa mère l’écouta et accepta de la suivre dans sa chambre pendant que son père continuait à dormir.
Elles s’approchèrent de la fenêtre mais aucun son n’en provenait. Voyant le scepticisme sur le visage de sa maternelle, la jeune fille mit l’appareil en lecture. « Laisse-moi entrer, c’est ma maison. » « On va te chasser. » « Laisse-moi entrer, c’est ma maison. » Elle passa toute la bande. Sa mère la réécouta, puis la fixa. Elle lui expliqua que c’était la même voix qui faisait le dialogue : la sienne.
Alors Sophie comprit et fondit en larmes. « Maman… Il y a quelqu’un qui me parle dans ma tête… »

Cela dura toutes les nuits, Sophie faisait un cauchemar, se réveillait, et la voix venait de derrière le volets et répétait sans cesse la même phrase sur le même ton. « Laisse-moi entrer, c’est ma maison. » Ses rêves lui montraient des choses de plus en plus odieuses et terrifiantes. Elle voyait des mains se tendre vers elle dans son sommeil, elle s’étouffait dans ses draps, elle se sentait paralysée.
La jeune fille était souvent malade et ne dormait plus beaucoup. Des cernes apparaissaient sous ses yeux. Le médecin interpréta cela comme la mauvaise transition d’un habitat à un autre car elle ne répondait à aucun test de pathologie grave.
Les parents décidèrent de rentrer en ville dès le lendemain pour voir si un changement aurait lieu. Cela rassura beaucoup leur fille.

Cette nuit-là, Sophie n’eut aucun cauchemar. Elle se réveilla en douceur vers une heure du matin. Le temps passa et la voix ne se fit pas entendre. Elle s’étira en longueur et réfléchit en cherchant Bibou. Elle se rappela l’avoir oublié sur le canapé. Mais ce n’était pas grave, elle n’avait plus vraiment peur. Peut-être la fille blonde avait-elle compris que sa tentative de rentrer dans la maison était vaine. Peut-être ne reviendrait-elle plus jamais.
Elle essaya de penser à des choses gaies, au soleil, aux blagues de son père. Qu’est-ce qu’il avait pu la faire rire aujourd’hui en ratant les dernières marches de son éch… L’échelle !!!
Le cœur de Sophie cessa alors de battre. Pour bricoler la cheminée, son père utilisait une échelle qui lui permettait d’avoir accès au toit. Mais ce jour-là, il était tombé et était de suite parti faire le pitre. Maintenant qu’elle y pensait, il ne l’avait pas rangée.
Elle trembla de plus belle en entendant le sol du grenier grincer longuement. Secouée de spasmes, elle descendit lentement de son lit et s’avança dans le couloir.
Le frigidaire émit un craquement dans la cuisine. Les portes entrouvertes menaçaient de cacher quelque chose derrière elles. Le vent soufflait bruyamment dehors.
La jeune fille parcourut la maison en silence, à l’affût du moindre bruit suspect, de la moindre apparition. La cheminée n’avait rien d’anormal. Elle craignait que cette ouverture ne lui fût fatale. Mais elle avait beau faire le tour de chaque pièce, elle n’y trouvait rien. Elle jeta un œil dans celle où dormaient ses parents. Idem. Alors elle retourna dans sa chambre.
La fenêtre était grande ouverte, l’air était glacial, la pâleur de la Lune colorait les murs et quelqu’un dormait dans son lit.
Tétanisée, elle resta un moment immobile puis parvint à se mouvoir. Elle contourna le lit, s’approcha de l’intrus et lui fit face. C’était la petite fille blonde. Elle avait les yeux ouverts et la fixait d’un air étrange.
Sophie sentit une goutte perler le long de son bras gauche. Elle se rendit compte qu’elle saignait abondamment de la grosse veine. La fillette dans le lit tenait une lame de rasoir dans sa main. « Je t’avais dit de m’ouvrir. »

Elle se réveilla debout, hors de chez elle, au milieu des arbres au clair de Lune, les pieds au bord de l’étang. Elle tenait dans sa main une lame de rasoir et saignait du bras gauche, comme dans son rêve. Il faisait très sombre.
Elle regarda à sa droite et vit la fillette blonde. Cette dernière lui prit la main. Le contact était horriblement froid.
Sophie regarda sa plaie, l’étang, puis la fillette.
« Je t’avais dit de m’ouvrir. » « Pourquoi voulais-tu rentrer ? » « Je ne voulais pas rentrer. » « Mais alors pourquoi voulais-tu que je t’ouvre ? » « Pour que tu sortes. »
La jeune fille regarda le marécage. « Qu’est-ce qu’il y a dedans ? » Lorsqu’elle tourna la tête vers l’inconnue, celle-ci avait la bouche inhumainement ouverte, les yeux sans pupilles et la peau cadavérique.

Quelle ne fut pas la surprise des parents lorsqu’ils découvrirent la chambre de Sophie sans leur fille, la fenêtre grande ouverte.
Ils fouillèrent la maison et les alentours sans aucun résultat.
La police inspecta les lieux et remarqua des gouttes de sang dans le jardin. Celles-ci suivaient un chemin qui menait à l’étang. Les chercheurs y trouvèrent le cadavre d’une enfant, mais ce n’était pas Sophie.
L’autopsie montra qu’il s’agissait d’une fille de huit ans qui avait subi un abus sexuel avant d’être étranglée et abandonnée dans la vase.
Après identification, les parents furent contactés. Il s’agissait des anciens propriétaires de la maison près du marécage ; leur fille avait été enlevée en pleine nuit, et ils ne l’avaient jamais revue malgré toutes les investigations mises en œuvre. Désespérés, ils avaient quitté ce lieu plein de souvenirs.
La fillette s’appelait Norah. Cela faisait deux ans qu’elle attendait qu’on la délivre du marais.
Personne ne put expliquer comment Bibou avait atterri dans les bras du squelette.

Quand à Sophie, son corps ne fut jamais retrouvé.


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