J'avais les yeux ouverts sur mon lit, je regardais mon plafond, appréhendant la chose qui allait se produire. Fatidiquement, mon réveil sonna, m'annonçant que l'heure était venue, il était 6 heures du matin. Je m'étirais et arrêtais mon réveil, une antiquité léguée par mon père. Il n'y avait que des gens pauvres comme moi qui étaient obligés de se réveiller d'une manière aussi barbare, penser aux gens riches m'enragea et je m'allumais une clope pour me calmer. J'enfilais mon habit de travail, un habit de pilote spatial. Cela faisait des années que je ne l'avait pas mis mais il me faisait toujours aussi bien, il faut dire qu'avec le maigre revenu que j'avais, il n'y avait pas beaucoup de chance que je grossisse. Je regardais le calendrier pour m'assurer que la journée était la bonne, nous étions bien le 15 mars 2137, la date à laquelle je devais partir pour ma dernière mission. Je souriais à cette idée, ce seul voyage me permettrais ensuite de vivre comme un roi pour le restant de mes jours.

Je sortis dehors, un taxi gouvernemental m'attendait, nul conducteur n'était visible, mais c'était prévisible. Je me sentais étrangement content d'être important au point que l'on me donne un véhicule informatisé, je n'étais jamais embarqué à bord d'un tel engin. Habituellement je devais marcher, car la conduite manuelle était interdite depuis des années, jugée comme étant beaucoup trop dangereuse. J'embarquais à bord dudit véhicule où des bancs en cuir synthétique m'attendait. Je m'y assis confortablement, faisant tâche avec mon habit sale dans un véhicule propre comme un sou neuf, pas que j'ai la moindre idée de ce qu'était un sou, mais mon père disait toujours ça.

- Êtes-vous bien numéro 129475274? demanda une voix robotique.
- Oui.

Pas que j'ai la moindre idée de mon numéro attribué par le gouvernement, mais comme les robots ne se trompaient jamais, à quoi bon faire des vérifications. Et de toutes façons, je n'avais pas envie de sortir mon portefeuille pour une telle connerie.

- Fumer est interdit selon l'article E-2419 concernant le suicide à long terme et est passible d'une amende, fumer dans une propriété gouvernementale aussi interdit selon l'article G-395 concernant le crime aggravé en terrain gouvernemental et est passible d'un séjour en prison.

Je regardais ma clope, je l'avais presque finie de toutes façons.

- Ouvre la fenêtre arrière droite, dis-je.

J'attendis que ce soit fait pour la jeter hors du véhicule. Quelle connerie ces robots auxquels on ne pouvait pas faire de compromis.

- Merci de votre coopération, le rapport à été envoyé à la police locale de votre quartier et vous serez contacté après votre mission pour les détails du règlement.
- On peux partir maintenant? demandais-je avec exaspération.
- Notre destination est le centre de recherche spatial répondant au nom de code Alpha, est-ce bien votre destination.
- Oui.
- Le trajet va prendre 2 heures, 27 minutes et 54 secondes, nous vous conseillons de vous familiariser avec les termes de votre mission si ce n'est déjà fait.

Comme si ce petit con pouvait savoir combien de secondes ça allait nous prendre pour se rendre. Mais bon, je ne pouvais pas vraiment le contredire puisque c'était lui qui contrôlait la seule horloge visible. Je sortis un enveloppe de mon habit, "Alpha Project", un nom bien américain. J'y avais jeté un petit coup d'oeil, question de savoir quel genre de vaisseau j'allais conduire pour aller me pratiquer dans les machines de simulation, ça faisait tout de même environ 3 ans que je n'avais pas conduit de véhicule spatial. Mais j'étais le meilleur, c'était pourquoi ils m'avaient choisi. Je renversais l'enveloppe, question de voir le reste des feuilles à l'intérieur. Il y avait des feuilles concernant les passagers, des feuilles concernant le vaisseau et des feuilles concernant la mission, de quoi m'ennuyer pendant des heures. Je décidais finalement de ranger toutes les feuilles et de m'étendre sur le siège. J'appuyais sur un bouton devant moi, un verre contenant un liquide transparent sortit d'une petite trappe à côté. J'avalais le contenu du verre et m’endormis immédiatement.

Je me réveillais beaucoup plus tard, je m'étirais en pensant à quel point ça faisait du bien de s'endormir et se réveiller comme un riche pour une fois. Quelques secondes après mon réveil une voix robotique retentit dans l'automobile.

- Nous sommes arrivés à destination, notre destination était le centre de recherche spatial répondant au nom de code Alpha, était-ce bien votre destination?
- Oui.

J'étais enfin arrivé, je sortis du véhicule avec un soupir de soulagement, ce que je pouvais détester ces foutues intelligences artificielle. Je sortis une autre clope d'une poche de mon habit pour garder mon esprit lucide, j'en aurais bien besoin. J'étais incapable de me concentrer sur quoi que ce soit sans cela.

Je me rendis compte que j'étais déjà à l'intérieur du centre de recherche en voyant l'imposant vaisseau qui me faisait face, une merveille de technologie. Je m'en approchait pour l'examiner, la navette avait été construite expressément pour notre mission. Malgré sa construction récente elle n'était pas envahie par la technologie comme les véhicules spatiaux actuels, elle était semblable aux astronefs européens, des hybrides entre la technologie et l'utilisation humaine.

Je commençais à réfléchir, si le vaisseau était de modèle européen, cela voudrait dire qu'il y aurait un gars de l'autre continent à bord. Je me sentais mal à l'aise face à cette situation, je n'avais jamais vu quelqu'un qui ne sois pas américain et je me demandais si ils nous ressemblaient malgré l'océan qui nous séparaient. Mes cours à l'armée m'avaient appris que c'était des gens barbares et handicapés technologiquement, mais en même temps, mes cours m'avaient aussi appris que les IA étaient la meilleure chose qui nous soit arrivé. Je décidais donc de partir sans préjugés.

Je regardais ma montre, elle indiquait 8 heures 30 minutes et nous embarquions à 9 heures. J'aurais bien fait un tour à l'intérieur du vaisseau mais c'était le chef de la mission qui possédait l'autorisation nécessaire pour ouvrir la porte. Je continuais donc de fumer tranquillement, regardant le ciel tout en vidant mon esprit, un exercice très aisé pour moi puisque je ne trimballais jamais de connaissances inutiles contrairement aux autres personnes de ma connaissance. Autours de moi, des robots vaquant à leurs occupations tels des fourmis mécaniques, aucun autre être humain en vue, il faut dire que peu de personnes appréciaient l'extérieur.

Des bruits de pas se firent entendre, un contraste saisissant avec le silence efficace des machines. Un homme de grande taille et habillé comme un millitaire s'approchait de moi. Il avait une démarche de guerrier, toujours à l'affût du danger, nul doute qu'il avait combattu dans maintes guerres, même si je ne savais pas qu'il y avait eu des guerres récemment. Quant il fut assez près pour que je puisse distinguer son visage je remarquais qu'il avait des cheveux blonds et des yeux bleus, c'était surement la première personne que je voyais affublé de tels traits. Il ressemblait à un dieu de la guerre, son torse nu rempli de cicatrices, certaines de lames mais la plupart de balles. Voyant que j'étais visiblement impressionné, il parla le premier.

- Que l'Empereur soit avec toi en cette belle journée, sa grâce nous est acquise puisque le soleil brille de milles feux, me dit-il d'une voix religieuse.
- Euh, vous aussi... dis-je, incertain.

Pour la première fois de ma vie, je me dis que certaines informations inutiles auraient pu me servir, pas parce que j'étais impressionné par l'européen, mais plutôt parce que je n'avais pas compris la moitié de ce qu'il avait dit.

- J'en déduis donc que vous êtes note pilote pour cette noble quête! Je voulais arriver en avance pour vous remercier personnellement d'avoir accepter mon offre de travail. Il était d'abord prévu que nous voyageons, guidés par ces démons informatisés que vous appelez "intelligence artificielle" mais mes contacts ont permis que ce soit un être humain, en chair et en os qui nous conduise au saint Graal.
- Bah, tout le plaisir est pour moi monsieur, votre offre était très généreuse je dois dire...

Le grand homme éclata de rire en me tapant sur l'épaule, sa force me fit presque tomber au sol.

- Vous êtes un comédien vous dites-moi, mes gardes du corps font plus d'argent pour me protéger chaque jour. Au fait, vous avez l'heure?
- Ouaip, il est presque 9 heures.
- Étrange que nous soyons les seuls arrivés, combien sommes nous à faire ce glorieux pèlerinage?

Je tentais de me rappeler combien de feuilles j'avais vu pour les passagers... Quatre? Cinq? Six? Je n'en avait aucune idée, et je ne voulais pas me ridiculiser devant un tel personnage. Je dis donc un chiffre au hasard.

- Nous devions être cinq en me comptant si ma mémoire ne me trompe pas, monsieur?
- Ah c'est vrai, avec toute cette excitation j'ai oublié de me présenter. Je me nomme Brave Premier, septième fils spirituel de l'Empereur, que son nom soit loué.
- Brave Premier? demandais-je, incertain si c'était une blague ou pas.
- Oui, notre père l'Empereur nous donne un nouveau nom lorsque nous entrons à son service, le nom étant lié à notre personnalité. Et comme je suis le premier Brave, c'est pourquoi je m'appelle ainsi.
- C'est... original...
- Cela nous permets d'avoir une famille, le prochain fils brave de l'Empereur sera mon fils spirituel, car nous n'avons pas le droit de prendre femme, mais je ne voudrais pas vous ennuyer avec les coutumes et traditions de mon pays, quel est votre nom?
- Je m'appelle John Smith.
- Un nom typiquement américain, n'est-il pas? me dit-il, le sourire aux lèvres.
- Je suppose oui, répondis-je en soufflant de la fumée vers le ciel.
- Tiens, voilà une autre personne qui arrive, est-il bientôt 9 heures?
- Ouaip, plus que quelques minutes.

La personne s'approchant de nous était visiblement de sexe féminin, j'allais faire une blague salace à mon nouvel ami quand je vis que son visage jovial s'était transformé en masque de colère. Je décidais donc de garder mes commentaires cons pour moi et d'observer plus en détails l'inconnue. Une longue chevelure rousse volait librement au gré du vent. Sa peau quant à elle avait la couleur tannée d'une personne qui est souvent sous le soleil, à peu près la même couleur que celle de Brave. Je regardais ma peau blanche maladive, il était évident qu'ils étaient en bien meilleure santé que moi. La jeune femme avait aussi des yeux émeraude pour couronner le tout. Un autre rapide coup d'oeil vers mon compagnon confirma mes crainte, ses yeux étaient maintenant remplis de haine. Je ne voyais pas vraiment de raison à cela mais si son pays était sexiste, je ne voulais pas empiéter sur ses traditions non plus. La femme se plaça devant lui, m'ignorant complètement, pas que je m'en plaigne, mais je devais avouer que le regard de défi qu'elle jetait au blond m'aurait foudroyé sur place.

- Alors le célèbre Lâche Premier fait parti de l'opération, j'aurais dû me douter que l'Empereur enverrais son plus fidèle chien avec nous, dit-elle, la voix pleine de mépris.
- Sache que tes insultes ne resteront pas impunies monstre. Lorsque nous marcherons sur ton pays d'hérétiques je m'assurerais d'être là pour te voir te faire violer par mes hommes.
- Un travail que seul un vrai homme peux accomplir, est-ce pourquoi tu en est incapable?

La scène qui suivie fut trop rapide pour que mes yeux l'enregistre, tout ce que je vis c'est que quelques secondes après la femme se trouvait au sol et que Brave avait des marques de griffes sur le visage. Je me dirigeais donc vers la femme pour l'aider à se relever. Je lui tendis ma main qu'elle accepta avec un sourire, un sourire rempli de dents aussi acérés que celles d'un requin. En sentant une piqûre sur ma main je regardais la sienne, chacun de ses doigts était terminé par une griffe. De quoi expliquer les marques sur le visage du militaire. Cela expliquait aussi pourquoi il l'avait appelé "monstre". Après l'avoir aidé je regardais Brave et vit qu'il avait vu cette interaction comme une trahison envers lui, je jurais intérieurement pour m'être mis mon patron à dos aussi vite, habituellement ils me détestaient après quelques jours pas quelques minutes.

- Femme, si tu m'insulte une fois de plus, je jure devant l'Empereur que je vais te brûler vive.

La femme se contenta se montrer ses dents au militaire, mais j'étais persuadé qu'elle ne l'insulterait plus, il n'avait pas l'air d'être le genre de personne que l'on aime avoir comme ennemi.

- C'est bien ici la départ pour le projet Alpha? demanda une voix inconnue.

Un frisson parcourut mon corps au moment même où je posais les yeux sur le nouveau venu. Toute la partie droite de son corps était robotisé, un cyborg, mais ce n'était pas ça qui m'avait fait peur, c'était le fait que toute la partie droite de son visage était fondue comme si il portait la moitié d'un masque de cire fondu. Son oeil gauche était robotique et luisait d'une couleur rouge malsaine, la seule chose qui prouvait de façon sûre que c'était un humain était le fait qu'il portait un costume-cravate. La partie gauche se sa bouche devint une grimace.

- Alors on m'a donné une équipe de cons ou de muets? dit-il d'un ton tranchant.
- De cons monsieur, répondis-je, le sourire aux lèvres.

Tous me regardèrent comme si j'étais un enfant stupide après cette remarque. Je me fit une note mentale comme quoi aucun d'entre eux n'avait un soupçon d'humour.

- Alors, nous partons ou nous continuons à perdre du temps à se regarder? demanda l'homme en costume, avec la voix du businessman pressé de finir son travail.
- Sommes-nous au complet? me demanda la femme.
- Et bien... tentais-je de répondre.
- Que nous soyons au complet ou pas importe peu, la gloire ne s’acquiert pas en restant debout. L'heure est venue et nous partons, trancha le blond en se dirigeant vers la porte du vaisseau.

Je regardais la femme en haussant les épaules, nous ne pouvions pas faire grand chose pour l'empêcher de faire ce qu'il voulait, c'était lui, le chef d'expédition. Alors que nous allions entrer dans le véhicule spatial une voix se fit entendre au loin. Je me retournais encore une fois pour constater avec surprise qu'un homme tout habillé d'orange se dirigeait vers nous.

- Mais qu'est-ce que c'est que ça... dit le cyborg, sa voix remplie d'incertitude.

L'homme était finalement arrivé devant nous, un grand sourire aux lèvres. Il portait sur la tête un gros casque noir avec une visière opaque jaune, allié avec son costume orange flash, il était déjà assez étrange. Mais ce n'était pas tout, en plus de cela il avait un moignon au lieu de sa main droite, et c'était avec ce bras qu'il nous saluait, sans oublier qu'il portait un collier avec une dent gigantesque accroché à celui-ci. Je n'étais pas sûr si il fallait que j'en ris ou que je pleure, mais bon au moins je ne serais certainement plus la victime du grand blond si il y avait un tel énergumène à bord.

- J'ai oublié mon vrai nom mais mes amis m'appellent Ash, ravis de vous rencontrer, alors on va dans l'espace, c'est géant ça! J'ai toujours voulu sortir dehors quand j'étais petit, mais en plus de sortir dehors je vais aller dans l'espace, c'est comme un rêve qui se réalise! dit-il, sa voix remplie de joie.
- Par l'Empereur il n'est pas question qu'une abomination telle que toi monte sur ce vaisseau, déclara Brave.
- Quoi? répondit le clown, outré.
- Tu n'es clairement pas qualifié pour ce voyage, va t'en avant que je ne te fasse partir.
- Si il en est ainsi, je crois que j'ai ici quelque chose pour vous faire changer d'avis.

Le dénommé Ash déposa son sac sur le sol et en sortit une lettre qu'il me transmis en souriant avec un air con. Je jetais ma clope au sol et ouvrit la lettre. Le gouvernement Russe l'envoyait avec nous et le refus de l'embarquer résulterait dans des catastrophes diplomatiques. Intérieurement j'étais tout de même content, il avait l'air d'un gars bien, au moins une personne avec qui je pourrais faire des blagues.

- Je suis désolé Brave mais le gouvernement Russe a demandé à ce qu'il soit accepté à bord, dis-je, tentant de garder mon sérieux.
- Soit. Mais si jamais tu met en péril notre glorieuse mission, sache que je n'aurais aucune hésitation à te trouer le corps, je me fais bien comprendre? demanda Brave.
- Oui monsieur! Vous verrez que je serais un membre indispensable de l'équipage.

L'expression de tous était la même suite à ces paroles, le doute. Nous entrâmes tous dans l'astronef et j'allais me placer au poste de pilotage, je me posais confortablement sur le siège du pilote. Il y avait longtemps que je n'avais pas eu de siège aussi confortable, il était conçu afin que l'on puisse rester assis pendant des jours dessus. Je démarrais rapidement et m'allumais une clope pour célébrer le départ, le grand blond était le seul qui était venu me voir.

- Que l'Empereur soit avec nous.
- Tant qu'on reviens vivant, je suis heureux moi, dis-je, blaguant.