Note de la fic :
Publié le 13/01/2017 à 17:52:47 par PoulpeDeNoel
Le vent furetait, doucereux, entre les parois rocheuses. Il venait bercer le vieux Léon qui se reposait là, à l'abri, sous la voûte minérale. Le soleil pyrénéen tapait fort. Le vieux Léon laissait souvent brouter ainsi ses moutons sur la plaine. Depuis tout jeune, il passait, lorsque le soleil dardait de trop, ses après-midis, là-haut, à surveiller ses bêtes. Il les confiait à son chien de berger et grimpait un petit sentier, cavalcadant en hauteur entre les bois et les rochers. Il commençait ces derniers temps à sentir ses membres qui s'usaient, ses reins qui grinçaient pendant la montée. Et la descente n'était pas bien plus reposante ; la chute au bout du tournant. Il devrait sans doute bientôt s'abstenir de grimper, là, tout en haut de sa chère colline. Mais ce ne serait pas demain qu'il s'y résignerait.
Certains jours, Léon se prenait à contempler l'horizon qu'il avait de son perchoir : au loin, se dessinaient les cimes encerclant en vase clos son village, Plassis-sur-l'Yvanaie, qui tirait son nom de l'Yvanaie, rivière locale longeant le hameau et prenant source non bien loin au-dessus. Le village n'était pas bien large : quelques dizaines de toits et une ficelée de rues. Tout en pierre. Évidemment. La rivière, elle, descendait des cimes en passant par le village pour venir se perdre dans les bois. Là, elle continuait sa descente et quittait la vallée. Autour du village, les vastes étendues forestières, qui cachaient quelques tronçons de routes goudronnées, faisaient de la région un vivier à touristes. En somme, ils faisaient partie de la faune locale : eux aussi avaient leurs saisons et de singulières manifestations comportementales. Ils représentaient une abondante source de moqueries de la part des autochtones, et de Léon le premier.
Tout ce que Léon embrassait du regard autour de lui, ces arbres aux sylves, ces montagnes aux crêtes, les fondations séculaires du village et son gave, voilà ce qu'était la patrie de Léon.
Le cœur tranquille et bercé par la balaguère, Léon s'assoupit un moment. Longuement.
Lorsqu'il se réveilla, le temps avait diamétralement rafraîchi, le soleil alors couché depuis peu.
Léon releva la tête et jura :
– Vindioux ! C'est encore-t-y pas qu'il fait nuit ! Merde ! Merde merde merde !
Arrivé à la plaine où reposaient ses bêtes, il se pencha sur un mouton dépecé à grands coups de mâchoires. Son sang paysan, facile à la montée, lui reflua au cerveau d'un coup. Il siffla son chien. Quelques secondes plus tard, l'animal arriva clabaudant, une patte visiblement hors d'usage. Léon avait l'éréthisme facile. Son corps, malgré les étreintes de l'âge, se convulsait fiévreusement. Il jurait comme un charretier, dans un spectacle grotesque donné à ses bêtes.
Léon fit rentrer ses moutons. Il rentra au village en trombe. Il s'empara de son fusil de chasse accroché dans son salon, au-dessus de l'antique cheminée à bois et des photos de famille, de sa descendance et sa femme décédée.
Il partit à la recherche de ce qu'il était convaincu être un loup. Tandis que son chien, malgré sa patte mal en point, continuer à pister la bête, Léon commençait à s'essouffler. Au milieu de la forêt, dense, à quelques mètres de l'Yvanaie qui coulait, Léon s'assit sur un rocher et déposa son fusil.
– Putain... souffla-t-il.
À travers même ses murmures se prononçait son fort accent. Léon était un homme de la terre, et de la terre de sa région. Trapu, il commençait même, ces dernière années, raison à l'âge, à se tasser dans la terre. Sa peau était tannée par le soleil et ses muscles gonflés par le labeur.
Léon se prit quelques instants à contempler les arbres, au son de la rivière s'écoulant. Lorsque des grognements entremêlés de jappements lui firent relever la tête. Il saisit son fusil et longea la rivière. Il aperçut son chien, craintif, faire face à deux personnes situées de l'autre côté de la rivière. Entièrement capées de noir, elles interpellèrent Léon :
– Il faut abattre votre bête, elle est hargneuse.
– Hargneuse ? Hargneuse de quoi ? s'énerva Léon. Dites, vous auriez pas vu un loup passer ? Faites attention à vous, dites, hé.
– Les loups ont été réintroduits dans la région. Vous n'avez pas le droit de les chasser.
– Vindioux, je vais vous faire voir si je peux pas chasser, dites !
– Ne touchez pas aux loups.
– Mais bande de jean-foutre, hé, lança Léon en braquant son fusil sur les deux inconnus. Vous allez pas commencer par faire la loi ici, hé ! Retournez à Paris ! Ça sera mieux pour tout le monde.
De leur visage dissimulé à moitié par leur cape, Léon distinguait de longs cheveux blonds pour la première, une femme d'âge plutôt mûr d'après sa voix, et de courts cheveux bruns pour le second, un jeune homme qui sortait de la puberté. Des insignes étaient ostensiblement brodées sur leur cape. Ils parlaient avec un calme étonnant, d'un ton monocorde.
Léon baissa son arme. Il appela son chien et repartit en maugréant :
– Connards de néoruraux...
Certains jours, Léon se prenait à contempler l'horizon qu'il avait de son perchoir : au loin, se dessinaient les cimes encerclant en vase clos son village, Plassis-sur-l'Yvanaie, qui tirait son nom de l'Yvanaie, rivière locale longeant le hameau et prenant source non bien loin au-dessus. Le village n'était pas bien large : quelques dizaines de toits et une ficelée de rues. Tout en pierre. Évidemment. La rivière, elle, descendait des cimes en passant par le village pour venir se perdre dans les bois. Là, elle continuait sa descente et quittait la vallée. Autour du village, les vastes étendues forestières, qui cachaient quelques tronçons de routes goudronnées, faisaient de la région un vivier à touristes. En somme, ils faisaient partie de la faune locale : eux aussi avaient leurs saisons et de singulières manifestations comportementales. Ils représentaient une abondante source de moqueries de la part des autochtones, et de Léon le premier.
Tout ce que Léon embrassait du regard autour de lui, ces arbres aux sylves, ces montagnes aux crêtes, les fondations séculaires du village et son gave, voilà ce qu'était la patrie de Léon.
Le cœur tranquille et bercé par la balaguère, Léon s'assoupit un moment. Longuement.
Lorsqu'il se réveilla, le temps avait diamétralement rafraîchi, le soleil alors couché depuis peu.
Léon releva la tête et jura :
– Vindioux ! C'est encore-t-y pas qu'il fait nuit ! Merde ! Merde merde merde !
Arrivé à la plaine où reposaient ses bêtes, il se pencha sur un mouton dépecé à grands coups de mâchoires. Son sang paysan, facile à la montée, lui reflua au cerveau d'un coup. Il siffla son chien. Quelques secondes plus tard, l'animal arriva clabaudant, une patte visiblement hors d'usage. Léon avait l'éréthisme facile. Son corps, malgré les étreintes de l'âge, se convulsait fiévreusement. Il jurait comme un charretier, dans un spectacle grotesque donné à ses bêtes.
Léon fit rentrer ses moutons. Il rentra au village en trombe. Il s'empara de son fusil de chasse accroché dans son salon, au-dessus de l'antique cheminée à bois et des photos de famille, de sa descendance et sa femme décédée.
Il partit à la recherche de ce qu'il était convaincu être un loup. Tandis que son chien, malgré sa patte mal en point, continuer à pister la bête, Léon commençait à s'essouffler. Au milieu de la forêt, dense, à quelques mètres de l'Yvanaie qui coulait, Léon s'assit sur un rocher et déposa son fusil.
– Putain... souffla-t-il.
À travers même ses murmures se prononçait son fort accent. Léon était un homme de la terre, et de la terre de sa région. Trapu, il commençait même, ces dernière années, raison à l'âge, à se tasser dans la terre. Sa peau était tannée par le soleil et ses muscles gonflés par le labeur.
Léon se prit quelques instants à contempler les arbres, au son de la rivière s'écoulant. Lorsque des grognements entremêlés de jappements lui firent relever la tête. Il saisit son fusil et longea la rivière. Il aperçut son chien, craintif, faire face à deux personnes situées de l'autre côté de la rivière. Entièrement capées de noir, elles interpellèrent Léon :
– Il faut abattre votre bête, elle est hargneuse.
– Hargneuse ? Hargneuse de quoi ? s'énerva Léon. Dites, vous auriez pas vu un loup passer ? Faites attention à vous, dites, hé.
– Les loups ont été réintroduits dans la région. Vous n'avez pas le droit de les chasser.
– Vindioux, je vais vous faire voir si je peux pas chasser, dites !
– Ne touchez pas aux loups.
– Mais bande de jean-foutre, hé, lança Léon en braquant son fusil sur les deux inconnus. Vous allez pas commencer par faire la loi ici, hé ! Retournez à Paris ! Ça sera mieux pour tout le monde.
De leur visage dissimulé à moitié par leur cape, Léon distinguait de longs cheveux blonds pour la première, une femme d'âge plutôt mûr d'après sa voix, et de courts cheveux bruns pour le second, un jeune homme qui sortait de la puberté. Des insignes étaient ostensiblement brodées sur leur cape. Ils parlaient avec un calme étonnant, d'un ton monocorde.
Léon baissa son arme. Il appela son chien et repartit en maugréant :
– Connards de néoruraux...