Note de la fic :
Publié le 01/12/2015 à 02:44:54 par Sheyne
«Tout. Absolument tout ceci pourrait être à toi, contre cette pharmacie, pauvre homme.»
Au sommet du monde connu, l'opulence domine. Yggdrasil : l'arbre cité découpant les étages se dresse tel un pilier soutenant la voute écarlate. Ses racines courent à travers les rues de la ville. Ses branches, perdues dans les nuages, conduisent au rêve. Sa souche en fait un cauchemar. Garant d'une structure en palier il assure un fossé social net à chaque plateau. Quand les riches se délectent des fruits émanant des feuillages, les pauvres se contentent des chicots.
«Mon seigneur, en l'état actuel, votre royaume est encore bien peu.»
Ainsi le vagabond autoproclamé philosophe rétorqua face au roi. La question était simple : qu'offririez-vous pour l'immortalité ? Cette invincibilité de la conscience, une assurance tranquille de ne jamais s'oublier soi-même. Le seigneur des lieux méditait.
Perché dans les plus hautes cimes, le vide s'étalait sous ses yeux. Si ce n'était le balcon luxueux à ses pieds, il aurait pu s'imaginer voler. S'enfuir vers l'infini, vers l'infini de cette étendue crépusculaire, quitter l'ile volante. L'horizon s'étalait dans toutes les directions.
«S'il n'y avait ce culot en vous... murmura-t-il enfin. Cette assurance dans votre regard... Et puis cette caisse d'ékstasis... surtout...»
Le noble pouffa de nervosité. Son regard s'était égaré sur le coffre rempli de gélules. L'or blanc.
«Je me moque bien de la manière dont vous vous êtes procuré pareil merveille. Vous disiez me l'offrir comme un dédommagement. Une juste compensation pour notre entretien et surtout mon attention. Mais alors que cette caisse est bien réelle, votre promesse relève du rêve. J'accuse donc, qui croyez-vous insulter ?!
— Comprenez, je ne désire qu'une conversation. Échanger nos pensées.
— Ou bien me juger.»
Genoux à terre, le vagabond jaugeait effectivement son souverain. Il ne s'en défendit pas et enchaina d'une voix certaines :
«Sir, au temps des religions païennes, jusqu'à loin avant la Grande Frappe l'ont disait que le Karma régulait l'ensemble des créatures vivantes, mortes et à venir.
— Quel était ce dieu ?»
Désappointé quant au sujet exact de la discussion, l'hôte haussait les sourcils. Si son corps était maintenant bien callé dans un lourd canapé brodé d'or, son oreille n'en demeurait pas moins distraite. Sa main dans le coffret sur la table massait inconsciemment les gélules entre ses phalanges.
«Il s'agissait plutôt d'une notion abstraite, poursuivit le vagabond. Un point de vue métaphysique. Nos ancêtres pensaient qu'une vie menée dans la générosité valait plus qu'une existence de débauche et de bonheur égoïste. Pour eux, l'être était donc condamné après la mort et réincarné dans une existence adaptée aux actions réalisées lors de ses précédentes vies. J'aimerai non pas l'avis du royaume, mais votre avis personnel sur ce point.»
Comme menacé dans ses habitudes, l'attitude du monarque changea du tout au tout. Suspicieux il ne prit pas la peine de réfléchir fasse a pareille évidence. Son doigt se fit accusateur :
«La valeur d'une vie ne dépend que de mon jugement ! Qui d'autre sinon son seigneur serait apte à juger le peuple ?!
— Si vous me permettez, laissez-moi établir un rapprochement. -le philosophe s'inclina- votre grâce juge les peuples, estime les vivants, décide des corps. D'un autre côté il se disait qu'à l'aide du Karma, Hellios arbitrait les âmes, appréciait l'esprit et mesurait la conscience. Alors, dites-moi... Aussi grand que vous soyez : que pouvez-vous contre la mort ? Que ferez vous si, lorsque vous ne serez plus, Hellios vous juge à votre tour ? Cette notion de Karma est-elle si puérile pour que vous la balayiez ainsi ?»
Le roi explosa d'un rire consterné. La tête plongée dans le creux de ses mains il ne put s'arrêter pour répliquer. C'était quoi ça ? Un misérable racontant des fables a l'homme le plus puissant du monde. On a qu'une seule vie, preuve en est la mémoire. Du haut de sa position sociale, ne pas profiter pleinement de la sienne... Ne pas se laisser aller à l'opulence serait une insulte faite au peuple qui lui n'avait rien. Il n'y a pas assez de denrées rares pour tous, il en fallait bien un pour en profiter.
Alors, le vagabond se releva. Sa cape de mauvaise facture claqua dans l'air au rythme d'une voix puissante. Il toisait son souverain encore accoudé sur la table basse :
«Vous êtes un dieu, seigneur. Je le reconnais, comme je reconnais Hellios en chacun d'entre nous. Seulement, votre amnésie vous enchaine dans une vie de mortel et vous a volé le souvenir de vos vies antérieures. C'est la condition humaine.
Moi, je vous offre la libération. Je vous offre une pensée inaltérable, une immortalité totale de la conscience. Au-delà de tout ça, ce que je vous offre c'est l'élévation spirituelle nécessaire au bien de la cité, a votre propre bien. Confiez-moi le royaume et je vous guiderai. Je ne suis pas un voleur. Vous avez ma parole d'en reprendre la charge lorsque vous en serez digne.»
Un silence glacial s'abattit sur la pièce. Même le bruissement des cimes ne put combler ce vide trop pesant. Étranglement docile en vue des circonstances, le souverain riva son regard sur son invité. Il semblait presque choqué et cette scène avait quelque chose de surréaliste. Debout, un manant autoritaire défiait un souverain instable.
Malgré l'insolence, l'hôte sut se maitriser (il ignorait d'où provenait l'assurance du voyageur, et ce dernier semblait faire bon marché de son futur châtiment. Peut-être était-il un suicidaire avec quelques armes cachées ayant échappé aux contrôles rigoureux). Les yeux plissés, il s'enquit simplement d'une voix neutre :
«Et par quelle magie comptez-vous me rendre immortel, pauvre homme ?
— Celle des sciences anciennes.»
Nette, la réponse trancha. Alors seulement, arrachant un pendentif de sa veste, le voyageur présenta la relique. La vision du frêle cube métallique accompagna la suite d'un discours paternaliste et rassurant :
«Aucune vie ne vaut plus qu'une autre. Mais en raison de la charge que vous vous devez de relever, j'ai pris sur moi d'élever d'abord votre âme plutôt qu'une autre. Je ne compte pas vous remplacer éternellement, votre pauvre royaume n'est pas le seul en détresse. Comprenez bien qu'un tel traitement de faveur est dans votre intérêt. Car le choix que vous avez en face de vous est finalement bien simple. L'immortalité de la conscience, ou bien la mort de vos souvenirs. Dans un cas comme dans l'autre vous changerez, je ne fais que vous pousser dans un ascenseur plutôt que de vous laisser aux premières marches. Avec ou sans votre consentement, je prends donc dès aujourd'hui votre place à la direction de la cité. Considérez-moi comme votre tuteur. Ne vous en faites pas, tout ira bien. Je vous le garantis.
— Il suffit !»
Pestiférant, le monarque dégaina, le voyageur tomba. Une seconde et tout était fini. Le vibreur encore chaud fumait dans sa main. Le roi avait vaincu, c'était évident. Rien à voir avec ces armes à feu dont les sons assourdissants déchiraient les cieux : cette magie avait tordu l'air d'inaudible résonnances, aspiré l'essence même de la vie et silencieusement. La magie des ondes. Enfaite, comme tous les humains sur cette terre, il ignorait totalement le mode de fonctionnement des rares armes du passé, mais il s'en moquait éperdument. Le fait est que le seul bruit fut celui du philosophe s'écrasant mollement sur le plancher.
Alors, le seigneur frappa du pied, écrasant la tête morte sous sa semelle. Jusqu'au dernier instant, le visage de son invité était resté serein. De la botte, il s'évertuait à retirer les derniers vestiges de la mimique provocatrice. Enfaite, il regrettait presque de l'avoir tué aussi vite, étant donné le degré de divertissement, mais après tout on ne sait jamais...
«Je suis seul juge en ce monde.»
Perdu dans ses réflexions, sa vision se troubla, emportée par une rafale de vent. Dehors, les branches s'agitèrent vigoureusement. Les hautes cimes filtrèrent à grande peine un courant glacial qui s'engouffra dans la salle. Ses dents claquèrent, le froid le fit chanceler.
Tout se précipita.
« Gardes ! Gardes !»
Enchainés, les mots s'égrainèrent et tombèrent lourdement au sol. Le plancher se cabra sur le coup, le déstabilisant et l'écrasant sur le cadavre du voyageur.
Alors le temps sembla ralentir. Quelque chose se passait, il devait fuir, mais ne pouvait pas bouger. Seul le sang cognait ses tympans, résonnant toujours plus violemment.
Et les bruits s'amplifiaient... Les bruits et la lumière. Une lumière violette, douce, chaleureuse, mais abominablement inconnue semblait émaner de la relique cubique encore au poing du philosophe mort.
« Monseigneur ?!»
Abominablement inquiet, le son se perdit. Les portes a double battant s'étaient ouvertes sur le large corridor, sur la sortie... Trop tard. Et l'autre soldat ne le savait pas, ne pouvait plus le trainer en dehors... Il voulait lui dire, hurler de faire s'arrêter cette terrifiante sensation. Tellement de choses se bousculaient dans sa tête. Tout vibrait, totalement noyé d'émotion, perdu dans le trouble d'écumes. Tel un récif aiguisé, la dure réalité fendait vague après vague le flot de ses pensées. C'est toujours dans les moments les plus urgents que l'esprit se bouscule, au point de se saboter lui-même. Alors livide, le roi se sentit décoller et laisser sa place.
Déchiré par la tension d'un déjà-vu, son cerveau malade craqua. Dents serrées, le goût du garde en face de lui ne lui laissait plus rien sentir... La forte odeur de son déclin entendait retomber dans un profond délire. Aspiré dans un coma spectateur il se laissa embraser comme par une brutale remontée de drogue. Comme l'on regarderait avec l'assurance du recul, il contempla son sort, impuissant.
Hors de contrôle, son corps se releva et sa main se refermera sur le frêle cube métallique.
Puis ce fut le noir total.
Au sommet du monde connu, l'opulence domine. Yggdrasil : l'arbre cité découpant les étages se dresse tel un pilier soutenant la voute écarlate. Ses racines courent à travers les rues de la ville. Ses branches, perdues dans les nuages, conduisent au rêve. Sa souche en fait un cauchemar. Garant d'une structure en palier il assure un fossé social net à chaque plateau. Quand les riches se délectent des fruits émanant des feuillages, les pauvres se contentent des chicots.
«Mon seigneur, en l'état actuel, votre royaume est encore bien peu.»
Ainsi le vagabond autoproclamé philosophe rétorqua face au roi. La question était simple : qu'offririez-vous pour l'immortalité ? Cette invincibilité de la conscience, une assurance tranquille de ne jamais s'oublier soi-même. Le seigneur des lieux méditait.
Perché dans les plus hautes cimes, le vide s'étalait sous ses yeux. Si ce n'était le balcon luxueux à ses pieds, il aurait pu s'imaginer voler. S'enfuir vers l'infini, vers l'infini de cette étendue crépusculaire, quitter l'ile volante. L'horizon s'étalait dans toutes les directions.
«S'il n'y avait ce culot en vous... murmura-t-il enfin. Cette assurance dans votre regard... Et puis cette caisse d'ékstasis... surtout...»
Le noble pouffa de nervosité. Son regard s'était égaré sur le coffre rempli de gélules. L'or blanc.
«Je me moque bien de la manière dont vous vous êtes procuré pareil merveille. Vous disiez me l'offrir comme un dédommagement. Une juste compensation pour notre entretien et surtout mon attention. Mais alors que cette caisse est bien réelle, votre promesse relève du rêve. J'accuse donc, qui croyez-vous insulter ?!
— Comprenez, je ne désire qu'une conversation. Échanger nos pensées.
— Ou bien me juger.»
Genoux à terre, le vagabond jaugeait effectivement son souverain. Il ne s'en défendit pas et enchaina d'une voix certaines :
«Sir, au temps des religions païennes, jusqu'à loin avant la Grande Frappe l'ont disait que le Karma régulait l'ensemble des créatures vivantes, mortes et à venir.
— Quel était ce dieu ?»
Désappointé quant au sujet exact de la discussion, l'hôte haussait les sourcils. Si son corps était maintenant bien callé dans un lourd canapé brodé d'or, son oreille n'en demeurait pas moins distraite. Sa main dans le coffret sur la table massait inconsciemment les gélules entre ses phalanges.
«Il s'agissait plutôt d'une notion abstraite, poursuivit le vagabond. Un point de vue métaphysique. Nos ancêtres pensaient qu'une vie menée dans la générosité valait plus qu'une existence de débauche et de bonheur égoïste. Pour eux, l'être était donc condamné après la mort et réincarné dans une existence adaptée aux actions réalisées lors de ses précédentes vies. J'aimerai non pas l'avis du royaume, mais votre avis personnel sur ce point.»
Comme menacé dans ses habitudes, l'attitude du monarque changea du tout au tout. Suspicieux il ne prit pas la peine de réfléchir fasse a pareille évidence. Son doigt se fit accusateur :
«La valeur d'une vie ne dépend que de mon jugement ! Qui d'autre sinon son seigneur serait apte à juger le peuple ?!
— Si vous me permettez, laissez-moi établir un rapprochement. -le philosophe s'inclina- votre grâce juge les peuples, estime les vivants, décide des corps. D'un autre côté il se disait qu'à l'aide du Karma, Hellios arbitrait les âmes, appréciait l'esprit et mesurait la conscience. Alors, dites-moi... Aussi grand que vous soyez : que pouvez-vous contre la mort ? Que ferez vous si, lorsque vous ne serez plus, Hellios vous juge à votre tour ? Cette notion de Karma est-elle si puérile pour que vous la balayiez ainsi ?»
Le roi explosa d'un rire consterné. La tête plongée dans le creux de ses mains il ne put s'arrêter pour répliquer. C'était quoi ça ? Un misérable racontant des fables a l'homme le plus puissant du monde. On a qu'une seule vie, preuve en est la mémoire. Du haut de sa position sociale, ne pas profiter pleinement de la sienne... Ne pas se laisser aller à l'opulence serait une insulte faite au peuple qui lui n'avait rien. Il n'y a pas assez de denrées rares pour tous, il en fallait bien un pour en profiter.
Alors, le vagabond se releva. Sa cape de mauvaise facture claqua dans l'air au rythme d'une voix puissante. Il toisait son souverain encore accoudé sur la table basse :
«Vous êtes un dieu, seigneur. Je le reconnais, comme je reconnais Hellios en chacun d'entre nous. Seulement, votre amnésie vous enchaine dans une vie de mortel et vous a volé le souvenir de vos vies antérieures. C'est la condition humaine.
Moi, je vous offre la libération. Je vous offre une pensée inaltérable, une immortalité totale de la conscience. Au-delà de tout ça, ce que je vous offre c'est l'élévation spirituelle nécessaire au bien de la cité, a votre propre bien. Confiez-moi le royaume et je vous guiderai. Je ne suis pas un voleur. Vous avez ma parole d'en reprendre la charge lorsque vous en serez digne.»
Un silence glacial s'abattit sur la pièce. Même le bruissement des cimes ne put combler ce vide trop pesant. Étranglement docile en vue des circonstances, le souverain riva son regard sur son invité. Il semblait presque choqué et cette scène avait quelque chose de surréaliste. Debout, un manant autoritaire défiait un souverain instable.
Malgré l'insolence, l'hôte sut se maitriser (il ignorait d'où provenait l'assurance du voyageur, et ce dernier semblait faire bon marché de son futur châtiment. Peut-être était-il un suicidaire avec quelques armes cachées ayant échappé aux contrôles rigoureux). Les yeux plissés, il s'enquit simplement d'une voix neutre :
«Et par quelle magie comptez-vous me rendre immortel, pauvre homme ?
— Celle des sciences anciennes.»
Nette, la réponse trancha. Alors seulement, arrachant un pendentif de sa veste, le voyageur présenta la relique. La vision du frêle cube métallique accompagna la suite d'un discours paternaliste et rassurant :
«Aucune vie ne vaut plus qu'une autre. Mais en raison de la charge que vous vous devez de relever, j'ai pris sur moi d'élever d'abord votre âme plutôt qu'une autre. Je ne compte pas vous remplacer éternellement, votre pauvre royaume n'est pas le seul en détresse. Comprenez bien qu'un tel traitement de faveur est dans votre intérêt. Car le choix que vous avez en face de vous est finalement bien simple. L'immortalité de la conscience, ou bien la mort de vos souvenirs. Dans un cas comme dans l'autre vous changerez, je ne fais que vous pousser dans un ascenseur plutôt que de vous laisser aux premières marches. Avec ou sans votre consentement, je prends donc dès aujourd'hui votre place à la direction de la cité. Considérez-moi comme votre tuteur. Ne vous en faites pas, tout ira bien. Je vous le garantis.
— Il suffit !»
Pestiférant, le monarque dégaina, le voyageur tomba. Une seconde et tout était fini. Le vibreur encore chaud fumait dans sa main. Le roi avait vaincu, c'était évident. Rien à voir avec ces armes à feu dont les sons assourdissants déchiraient les cieux : cette magie avait tordu l'air d'inaudible résonnances, aspiré l'essence même de la vie et silencieusement. La magie des ondes. Enfaite, comme tous les humains sur cette terre, il ignorait totalement le mode de fonctionnement des rares armes du passé, mais il s'en moquait éperdument. Le fait est que le seul bruit fut celui du philosophe s'écrasant mollement sur le plancher.
Alors, le seigneur frappa du pied, écrasant la tête morte sous sa semelle. Jusqu'au dernier instant, le visage de son invité était resté serein. De la botte, il s'évertuait à retirer les derniers vestiges de la mimique provocatrice. Enfaite, il regrettait presque de l'avoir tué aussi vite, étant donné le degré de divertissement, mais après tout on ne sait jamais...
«Je suis seul juge en ce monde.»
Perdu dans ses réflexions, sa vision se troubla, emportée par une rafale de vent. Dehors, les branches s'agitèrent vigoureusement. Les hautes cimes filtrèrent à grande peine un courant glacial qui s'engouffra dans la salle. Ses dents claquèrent, le froid le fit chanceler.
Tout se précipita.
« Gardes ! Gardes !»
Enchainés, les mots s'égrainèrent et tombèrent lourdement au sol. Le plancher se cabra sur le coup, le déstabilisant et l'écrasant sur le cadavre du voyageur.
Alors le temps sembla ralentir. Quelque chose se passait, il devait fuir, mais ne pouvait pas bouger. Seul le sang cognait ses tympans, résonnant toujours plus violemment.
Et les bruits s'amplifiaient... Les bruits et la lumière. Une lumière violette, douce, chaleureuse, mais abominablement inconnue semblait émaner de la relique cubique encore au poing du philosophe mort.
« Monseigneur ?!»
Abominablement inquiet, le son se perdit. Les portes a double battant s'étaient ouvertes sur le large corridor, sur la sortie... Trop tard. Et l'autre soldat ne le savait pas, ne pouvait plus le trainer en dehors... Il voulait lui dire, hurler de faire s'arrêter cette terrifiante sensation. Tellement de choses se bousculaient dans sa tête. Tout vibrait, totalement noyé d'émotion, perdu dans le trouble d'écumes. Tel un récif aiguisé, la dure réalité fendait vague après vague le flot de ses pensées. C'est toujours dans les moments les plus urgents que l'esprit se bouscule, au point de se saboter lui-même. Alors livide, le roi se sentit décoller et laisser sa place.
Déchiré par la tension d'un déjà-vu, son cerveau malade craqua. Dents serrées, le goût du garde en face de lui ne lui laissait plus rien sentir... La forte odeur de son déclin entendait retomber dans un profond délire. Aspiré dans un coma spectateur il se laissa embraser comme par une brutale remontée de drogue. Comme l'on regarderait avec l'assurance du recul, il contempla son sort, impuissant.
Hors de contrôle, son corps se releva et sa main se refermera sur le frêle cube métallique.
Puis ce fut le noir total.