Note de la fic :
Publié le 27/09/2016 à 01:32:36 par Salmanzare
— Non merci, j’ai dit.
T’as eu ce regard interrogateur et j’ai cherché à me justifier.
— Je fume rarement.
Ton regard a changé pour esquisser un léger sourire.
— Ce n’est pas un moment assez rare pour toi ?
Alors j’ai saisi ta roulée sans filtre. Ta préférence avais-tu dit un soir d’Août ensoleillé. C’était avant qu’on entre en septembre, qu’on perde la lumière et qu’on se noie dans un temps dégueulasse. Tu trouvais que c’était plus vrai comme ça, j’avais hoché la tête et puis on avait échangé nos noms. Il faisait beau ce soir-là et franchement je crois avoir entendu un rossignol. Plutôt dans la soirée j’avais croisé Lola qu’avait dit que mes problèmes étaient temporaires et que je devrais sourire un peu plus. Tout irait mieux. T’as pas l’air si malheureux elle a dit et moi je l’ai cru. Lola est partie, toi non. On regardait Paname s’endormir en s’effleurant juste ce qu’il faut les mains. Chacun gagnant patiemment les derniers millimètres.
Mais ce soir on était en septembre et il était tard. Assez tard pour que les lampadaires soient déjà allumés dans les rues sombres. J’étais assis sur ton lit et je te regardais, ma roulée sans filtre à la main. Je l’ai pas allumé. Toi, tu fumais. J’ai pris ce vinyle dans ta bibliothèque. J’ai caressé la pochette. Pas de poussière. Je l’ai sorti délicatement. Puis la platine a grésillé quand le diamant est tombé dessus. La musique a habillé la pièce alors que tu te mettais à nu. Je me suis demandé combien de fois ce disque avait joué.
Tu t’es mise à chanter.
« Tu n'dis plus rien
Tu r'gardes la mort
Je r'garde ton corps
Et ça m'va bien. »
C’est vrai que le moment était rare. Assis au fond de ton lit, je voyais ton profil apparaître et disparaître sous la fumée. T’avais l’air d’une poupée triste. J’ai voulu te dire que t’étais belle mais je trouvais pas comment faire. Alors j’ai rien dit. Et toi tu chantais, devenant irréelle sous les volutes blêmes. Tu t’es tournée pour me regarder et j’ai vu tes larmes couler. Tu semblais si fragile tandis que les notes du 33 tours continuaient de résonner. J’ai voulu graver ce moment dans ma mémoire car je le savais précieux. Il aurait fallu que je t’embrasse. C’était pas l’envie qui manquait. Mais je savais que t’étais loin. Trop loin. Je savais que si je te touchais, mes doigts s’enfonceraient dans ta porcelaine et te marquerait trop fort.
Et toi tu chantais. Et toi tu pleurais. Et moi je suis parti.
T’as rien dit. Mais je savais que tu pouvais pas. Je savais que tu m’en voudrais pas. Enfin je crois. J’avais peur de t’abîmer. Tu m’as pas retenu.
Je me suis enfoncé dans des petites ruelles et me suis un peu paumé. J’avais toujours ta roulée sans filtre à la main. Une heure trente disait ma montre. Fallait rentrer chez soi. J’ai cherché ma route. Pas trop longtemps. J’ai enfin trouvé le métro et me suis engouffré dans le ventre mou de Paris. C’est là que j’ai entendu ce couple discuter.
Elle riait fort. Il fanfaronnait. J’étais dos à eux alors je voyais pas grand-chose. Ils semblaient jeunes. Et dans leurs voix, les premières promesses d’une rencontre à venir. Elle disait qu’elle avait aimé cette soirée. Lui aussi. Alors elle a ajouté qu’elle allait descendre à Nation. Bien loin après mon arrêt. Bien avant le sien. J’ai continué à les écouter. Parce que j’étais curieux ou un peu voyeur. Parce que je voulais savoir s’ils allaient être heureux je pense. Alors j’ai continué d’écouter leur danse vocale, les rapprochements puis les éloignements. Subtils parfois, grossiers souvent. L’alcool aidant. Moi j’avais peur de me retourner et interrompre le jeu. Y a eu ce long silence. Et je me suis souvenu du regard triste de ma poupée. Je me suis demandé comment ils se regardaient et si leurs yeux pétillaient.
Un clodo est monté dans la rame pour gueuler sa détresse. La sienne me semblait plus lointaine. J’étais sourd subitement. J’ai repensé à ce qu’aurait dit Lola sur mes problèmes alors j’ai filé une barre de chocolat noir qui trainait dans poche. Le couple a rien dit. Moment gâché ? Le clodo s’en est allé. Puis doucement les rires ont repris.
Nation.
– C’est mon arrêt, elle a dit.
Elle s’est levée et mise en travers de la porte. Juste devant moi. Lui je le voyais toujours pas.
– Tu veux venir, elle a ajouté ?
Je l’ai vu apparaître dans mon champ de vision pour lui prendre la main. Ils sont descendus. J’ai suivi. Septembre m’a mordu de nouveau et j’ai pesté silencieusement. Lui, il a posé sa veste sur les épaules de la fille. Elle, elle s’est blottie contre lui dans un merci amoureux. Ils marchaient doucement donc j’ai ralenti la cadence pour pas les dépasser. Ils sont arrivés devant chez elle et se sont embrassés avant de taper le code de la porte d’entrée. Quelques instants après la lumière du deuxième s’allumait. Puis s’éteignait. Moi j’avais froid et ma montre disait que j’aurais plus de métro.
Je me suis assis sur un banc. J’ai reçu un texto d’Adam. « Tu fais quoi ? ». Franchement, je savais pas. Valait mieux pas répondre.
J’ai retrouvé une boite d’allumette dans mon sac et j’ai senti la main du Chat sur mon épaule. Je me suis dit que j’étais sobre ce soir-là.
J’ai allumé la roulée sans filtre et j’ai toussé.
T’as eu ce regard interrogateur et j’ai cherché à me justifier.
— Je fume rarement.
Ton regard a changé pour esquisser un léger sourire.
— Ce n’est pas un moment assez rare pour toi ?
Alors j’ai saisi ta roulée sans filtre. Ta préférence avais-tu dit un soir d’Août ensoleillé. C’était avant qu’on entre en septembre, qu’on perde la lumière et qu’on se noie dans un temps dégueulasse. Tu trouvais que c’était plus vrai comme ça, j’avais hoché la tête et puis on avait échangé nos noms. Il faisait beau ce soir-là et franchement je crois avoir entendu un rossignol. Plutôt dans la soirée j’avais croisé Lola qu’avait dit que mes problèmes étaient temporaires et que je devrais sourire un peu plus. Tout irait mieux. T’as pas l’air si malheureux elle a dit et moi je l’ai cru. Lola est partie, toi non. On regardait Paname s’endormir en s’effleurant juste ce qu’il faut les mains. Chacun gagnant patiemment les derniers millimètres.
Mais ce soir on était en septembre et il était tard. Assez tard pour que les lampadaires soient déjà allumés dans les rues sombres. J’étais assis sur ton lit et je te regardais, ma roulée sans filtre à la main. Je l’ai pas allumé. Toi, tu fumais. J’ai pris ce vinyle dans ta bibliothèque. J’ai caressé la pochette. Pas de poussière. Je l’ai sorti délicatement. Puis la platine a grésillé quand le diamant est tombé dessus. La musique a habillé la pièce alors que tu te mettais à nu. Je me suis demandé combien de fois ce disque avait joué.
Tu t’es mise à chanter.
« Tu n'dis plus rien
Tu r'gardes la mort
Je r'garde ton corps
Et ça m'va bien. »
C’est vrai que le moment était rare. Assis au fond de ton lit, je voyais ton profil apparaître et disparaître sous la fumée. T’avais l’air d’une poupée triste. J’ai voulu te dire que t’étais belle mais je trouvais pas comment faire. Alors j’ai rien dit. Et toi tu chantais, devenant irréelle sous les volutes blêmes. Tu t’es tournée pour me regarder et j’ai vu tes larmes couler. Tu semblais si fragile tandis que les notes du 33 tours continuaient de résonner. J’ai voulu graver ce moment dans ma mémoire car je le savais précieux. Il aurait fallu que je t’embrasse. C’était pas l’envie qui manquait. Mais je savais que t’étais loin. Trop loin. Je savais que si je te touchais, mes doigts s’enfonceraient dans ta porcelaine et te marquerait trop fort.
Et toi tu chantais. Et toi tu pleurais. Et moi je suis parti.
T’as rien dit. Mais je savais que tu pouvais pas. Je savais que tu m’en voudrais pas. Enfin je crois. J’avais peur de t’abîmer. Tu m’as pas retenu.
Je me suis enfoncé dans des petites ruelles et me suis un peu paumé. J’avais toujours ta roulée sans filtre à la main. Une heure trente disait ma montre. Fallait rentrer chez soi. J’ai cherché ma route. Pas trop longtemps. J’ai enfin trouvé le métro et me suis engouffré dans le ventre mou de Paris. C’est là que j’ai entendu ce couple discuter.
Elle riait fort. Il fanfaronnait. J’étais dos à eux alors je voyais pas grand-chose. Ils semblaient jeunes. Et dans leurs voix, les premières promesses d’une rencontre à venir. Elle disait qu’elle avait aimé cette soirée. Lui aussi. Alors elle a ajouté qu’elle allait descendre à Nation. Bien loin après mon arrêt. Bien avant le sien. J’ai continué à les écouter. Parce que j’étais curieux ou un peu voyeur. Parce que je voulais savoir s’ils allaient être heureux je pense. Alors j’ai continué d’écouter leur danse vocale, les rapprochements puis les éloignements. Subtils parfois, grossiers souvent. L’alcool aidant. Moi j’avais peur de me retourner et interrompre le jeu. Y a eu ce long silence. Et je me suis souvenu du regard triste de ma poupée. Je me suis demandé comment ils se regardaient et si leurs yeux pétillaient.
Un clodo est monté dans la rame pour gueuler sa détresse. La sienne me semblait plus lointaine. J’étais sourd subitement. J’ai repensé à ce qu’aurait dit Lola sur mes problèmes alors j’ai filé une barre de chocolat noir qui trainait dans poche. Le couple a rien dit. Moment gâché ? Le clodo s’en est allé. Puis doucement les rires ont repris.
Nation.
– C’est mon arrêt, elle a dit.
Elle s’est levée et mise en travers de la porte. Juste devant moi. Lui je le voyais toujours pas.
– Tu veux venir, elle a ajouté ?
Je l’ai vu apparaître dans mon champ de vision pour lui prendre la main. Ils sont descendus. J’ai suivi. Septembre m’a mordu de nouveau et j’ai pesté silencieusement. Lui, il a posé sa veste sur les épaules de la fille. Elle, elle s’est blottie contre lui dans un merci amoureux. Ils marchaient doucement donc j’ai ralenti la cadence pour pas les dépasser. Ils sont arrivés devant chez elle et se sont embrassés avant de taper le code de la porte d’entrée. Quelques instants après la lumière du deuxième s’allumait. Puis s’éteignait. Moi j’avais froid et ma montre disait que j’aurais plus de métro.
Je me suis assis sur un banc. J’ai reçu un texto d’Adam. « Tu fais quoi ? ». Franchement, je savais pas. Valait mieux pas répondre.
J’ai retrouvé une boite d’allumette dans mon sac et j’ai senti la main du Chat sur mon épaule. Je me suis dit que j’étais sobre ce soir-là.
J’ai allumé la roulée sans filtre et j’ai toussé.
Commentaires
- Droran
28/09/2016 à 11:36:00
Très joli, un subtile instant de poésie. Quand l'irréel se mêle au reste, la lecture devient un délice.
Merci de partager ce nouveau texte. J'ai adoré.