Note de la fic :
Dans un Paris moche, je me suis imaginé artiste
Par : Salmanzare
Genre : Réaliste, Sentimental
Statut : Terminée
Chapitre 1
Publié le 25/07/2016 à 02:10:11 par Salmanzare
« Et quelques fois j’ai comme une grande idée » a dit Ken Kesey. Et comme moi j’aime pas beaucoup les débuts, je me suis dit que j’allais voler le titre de son livre pour commencer.
On dit que voler c’est mal. Maman le disait en tout cas. Mais faute avouée est à demi pardonnée non ? Moi les demis je les enchaîne au Rivolux. Assis en terrasse à regarder les nanas qui passent, à me rappeler que ma dernière passe était pas jouasse, et me dire que je suis pas vraiment à ma place… A la loterie des loosers, je suis le grand gagnant. Tandis que la fille d’à côté collectionne des Pokémons, je collectionne les cuites. La seule chose que j’ai réussi à prendre dans ma vie, c’est la fuite. Etre censé ou être saucé ? Moi je lève le coude.
Depuis que je suis adulte, j’ai la gorge qui brûle quand je vomis.
Sale pute je dis. Mais Simon corrige, dit qu’on a plus le droit de dire ça. Alors on dit quoi ? On dit pas ça. On dit que ce sont des femmes fières et indépendantes ! Je fais la moue. Elle me lance un regard noir. Je pense « sale pute » mais je le dis pas.
Je regarde les autres défiler sur le trottoir. L’œil torve, complètement tricard. Blonde, brune, rousse. Les seules qui seront fraiches sont les bières que je m’enquillerais avec Charles d’ici quelques heures. Elles aussi auront le goût de l’amertume. Maintenant je sais que ce qui rentre finit toujours par ressortir. Si y a bien une chose que mon compte m’a appris, c’est que le banquier encaisse le cash et moi les coups.
Charles il est toujours pas là. Alors je bois la bière que j’avais commandé pour lui. J’écrase ma clope à côté du cendar et fais craquer mes doigts. La connasse se casse. Tu veux une bière je demande ? Elle se retourne pas. Sale pute je pense très fort, un regard en coin vers Simon au cas où. Je me demande quand c’est la dernière que j’ai réussi à baratiner. J’aime pas les débuts j’ai déjà dit non ? Devoir se cogner les préambules, ne pas rentrer direct dans le vif du sujet... Mais non, t’es assujetti aux convenances et bonnes grâces de Mademoiselles ces pétasses. Comme une série télé en fait ! Les pilotes sont toujours chiants, hasardeux. T’as l’impression que les personnages sont en flottement. Tandis que dans dix épisodes, ce seront des amis de toujours. Les rencards c’est pareil. Pendant le premier, t’es en train de suer comme un porc à l’entrée du métro. Tu te demandes comment lui faire la bise, comment meubler les silences à venir… Au deuxième rendez-vous c’est déjà plus simple. T’as balisé le chemin donc tu sues un peu moins. La question c’est de savoir à quel moment claquer le premier baiser. Moi je sais jamais. Je me contente de regarder dans le vide, un sourire en coin. Je pense à rien. Alors elle me demande à quoi je pense. Et je dis pas rien. Je souris simplement. Et l’espace d’un instant, j’ai l’air profond.
Seulement je regarde plus de séries télé. A chaque fondu au noir je voyais ma gueule se refléter dans l’écran sale de mon ordinateur. Je me voyais lamentable, les doigts collants de chips apéro dans un lit solitaire à regarder des bandes de potes qu’ont l’air plus heureux dans leur bar que dans le mien. Du coup je me fais plus de rencards non plus. Je supportais plus les longs silences gênés de ces zouzs qui savent pas comment partir. Moi je l’ai fait pour elles. T’as des grands yeux a dit la dernière. Dommage qu’ils soient aussi tristes. J’ai souri et claqué le billet plutôt que le baiser. Je me suis enfoncé dans la nuit en sortant mon harmonica diatonique. J’ai soufflé dedans. Comme j’ai pas l’oreille musicale, j’ai juste fait du bruit.
Si je dis tout ça c’est qu’Ada a dit que je devais m’ouvrir. J’ai essayé Ada. Promis. Plusieurs fois même ! Mais je m’y prends mal je crois. Quand le sang se met à couler ça tâche à chaque fois. C’est mon maillot à pois où je peux compter mes échecs. Comme mes nouvelles que tu veux pas lire, travail bâclé. T’as dit que c’était juste pour moi. Mais alors tu sers à quoi toi ? Je parle seul, je paye à la fin et je me sens pas plus soulagé. Hormis peut-être quelques biftons. A St Denis Valoche me vide les bourses pour moins cher. Tous les moyens sont bon pour descendre la pression.
Montre tes failles, admets que t’es pas parfait. Fais confiance aux gens. Elle dit ça Ada. Et aussi qu’on se revoit la semaine prochaine. Que c’est important d’être assidu, de pas hésiter à méditer et surtout d’oser. Mais alors quoi ? Je vais voir mes potes pour leur dire : Hey ! Je suis un homme avec des failles. Je le dis pas assez souvent mais je t’aime. Bordel Ada, 100 euros un conseil pareil alors que Charles m’aurait donné le même. Ça m’aurait coûté seulement quelques pintes. On se serait piché la gueule jusqu’à se dire qu’effectivement on s’aime. Mais attention une amitié virile, pas un truc de fragile.
J’aime bien quand Charles est là. On se prend des shots. On rit fort. Les gens deviennent moins cons et plus intéressants. Moins tricard, plus ricard. Charles il dit qu’on a encore le temps avant de réussir. On a pas encore trente ans donc c’est normal que nos vies ont pas encore commencé. Quand on voit Gérard au comptoir, on se dit que lui c’est bien fait baiser. Il a le visage froissé du quarantenaire qu’a tout raté. En même temps avec la pension de sa chieuse, je comprends ses rides. Une cartographie de l’échec. Je l’aime bien Gérard. Il paye sa tournée en nous disant qu’on doit pas faire les mêmes conneries que lui. On boit à la santé qu’il a plus. Pis après je descends pisser en laissant la porte ouverte, pantalon en bas des mollets. J’aime être à l’aise. Je déborde un peu sur la cuvette. Sans vraiment faire exprès, faut dire que c’est difficile de rester droit. Je me ramène vers le lavabo pour me recoiffer vite fait. On sait jamais ! Des fois que j’en trouverais une à mon goût à l’étage. Parfois dans le miroir j’ai l’impression de voir le Chat.
Je remonte. Gérard chiale. Charles a repéré un groupe de meufs. Alors on prend une tournée et on tente l’incruste. Sans Gérard. Lui la seule chose qu’il nique c’est l’ambiance. Je m’assieds à côté de la plus moche tout en lorgnant sur sa pote d’à côté. On va la jouer malin. Les présentations passent sur du Lemmy en fond sonore. Je remonte discrètement ma braguette car j’avais oublié de la refermer. Et toi tu fais quoi dans la vie ? T’as pas mieux comme question. Charles je sais pas qu’il dit. Moi je sais pas quoi dire. Et l’autre elle me regarde. Je sens que je dois donner une réponse. Alors je dis que je suis acteur. Elle a les yeux qui brillent soudain. Bon plan l’acteur. La copine jolie me demande si j’ai des tuyaux. Parce que ça l’intéresse de devenir actrice. Y a un photographe semi pro qui a bien voulu lui faire des photos pour qu’elle se fasse un petit book. Je me marre en entendant ça. Charles il emballe une nana. Je regarde la jolie et je me dis que moi aussi j’ai envie. Je suis un peu réal tu sais. On pourrait bosser ensemble peut-être ? T’as facebook ? Putain si tu voyais mon facebook… Attends je prends ton numéro dès que mon téléphone est rechargé. On fera des essais dans la semaine si tu veux. Chez moi c’est chiant car j’ai mon coloc mais on pourrait aller chez toi ? Je ramène ma caméra et on voit ce que t’as dans le ventre. Elle a l’air contente. J’arrive pas à me souvenir de son prénom et j’ose pas lui redemander. Charles a disparu avec la fille.
Je dis à la jolie que je vais chercher une bière. Mollo me dit Simon au comptoir. Ok je dis. Sers-moi une petite dernière et une un peu plus costaud pour la zouz. Il sert et je ramène les boissons à notre table. La moche me fait chier à se mettre entre nous. Elle prend ma bière en pensant que c’est pour elle. Du coup si je dis non je vais passer pour un radin. Je retourne au comptoir prendre une troisième. J’ai envie de pisser à nouveau mais je me retiens. La moche raconte que depuis qu’elle est vegan elle se sent mieux. Que ça fait relativiser de pas tuer les animaux. Ouais ouais. Je sens ma vessie qui se gonfle alors je croise les jambes pour me sentir mieux. Putain ferme ta gueule et casse toi. Faut que j’arrive à prendre son numéro. Je m’en fous du 49-3 et de Valls. Je m’en fous du coup d’Etat en Turquie. Qu’est-ce qu’on s’en cogne des migrants. Mais putain ferme ta gueule Greenpeace !
Je tiens plus. Je veux relâcher un peu la pression. Je me dis que si je lâche quelques gouttes ça se verra pas. Je souris pendant qu’elles déblatèrent de l’Europe. Une légère coulée chaude le long de la jambe. Ça suffit pas. J’ai la tête qui tourne, un peu la gerbe et toujours autant envie de pisser. J’appuie mon index et mon pouce sur mes yeux pour me concentrer. J’ai l’impression qu’elles vont jamais se taire.
Je jette un œil dans le bar. Y a plus grand monde. Et la vessie craque. Merde. La moche me regarde bizarrement. C’est pas possible qu’elle s’en soit rendue compte... Pas sous la table merde... Je me sens mal, j’attrape mon verre et fais semblant de le renverser maladroitement sur moi. Malaise. Je bredouille que je vais aller essuyer ça aux chiottes… Je descends. Ça pue la mort. Je sais pas si c’est moi. J’ai un peu honte. Je prends le pq et frotte le jean vigoureusement. Je fais ça le temps de reprendre des couleurs. Non mais c’est bon, elles ont rien vu. C’est pas possible, les jambes étaient sous la table. Allez, ressaisis-toi ! Je regarde pas dans le miroir, je voudrais pas croiser le regard du Chat.
Je remonte. Elles sont plus là. Connasses. Gérard y vient me voir et me demande si on s’en prend un dernier. Bah ouais Gérard. Tu veux faire quoi d’autre de toute façon ? On retourne se poser en terrasse. Je repense à Charles et de nos vies qui vont bientôt commencer. C’est qu’une question de temps avant qu’on ait notre chance. Demain ça ira mieux. C’est sûr ! Gérard il me tape dans le dos et me dit qu’il aimerait bien ravoir mon âge pour avoir de nouveau la vie devant soi. Allez, la mienne va bientôt commencer. Trinquons Gérard. C’est qu’une question de temps.
On dit que voler c’est mal. Maman le disait en tout cas. Mais faute avouée est à demi pardonnée non ? Moi les demis je les enchaîne au Rivolux. Assis en terrasse à regarder les nanas qui passent, à me rappeler que ma dernière passe était pas jouasse, et me dire que je suis pas vraiment à ma place… A la loterie des loosers, je suis le grand gagnant. Tandis que la fille d’à côté collectionne des Pokémons, je collectionne les cuites. La seule chose que j’ai réussi à prendre dans ma vie, c’est la fuite. Etre censé ou être saucé ? Moi je lève le coude.
Depuis que je suis adulte, j’ai la gorge qui brûle quand je vomis.
Sale pute je dis. Mais Simon corrige, dit qu’on a plus le droit de dire ça. Alors on dit quoi ? On dit pas ça. On dit que ce sont des femmes fières et indépendantes ! Je fais la moue. Elle me lance un regard noir. Je pense « sale pute » mais je le dis pas.
Je regarde les autres défiler sur le trottoir. L’œil torve, complètement tricard. Blonde, brune, rousse. Les seules qui seront fraiches sont les bières que je m’enquillerais avec Charles d’ici quelques heures. Elles aussi auront le goût de l’amertume. Maintenant je sais que ce qui rentre finit toujours par ressortir. Si y a bien une chose que mon compte m’a appris, c’est que le banquier encaisse le cash et moi les coups.
Charles il est toujours pas là. Alors je bois la bière que j’avais commandé pour lui. J’écrase ma clope à côté du cendar et fais craquer mes doigts. La connasse se casse. Tu veux une bière je demande ? Elle se retourne pas. Sale pute je pense très fort, un regard en coin vers Simon au cas où. Je me demande quand c’est la dernière que j’ai réussi à baratiner. J’aime pas les débuts j’ai déjà dit non ? Devoir se cogner les préambules, ne pas rentrer direct dans le vif du sujet... Mais non, t’es assujetti aux convenances et bonnes grâces de Mademoiselles ces pétasses. Comme une série télé en fait ! Les pilotes sont toujours chiants, hasardeux. T’as l’impression que les personnages sont en flottement. Tandis que dans dix épisodes, ce seront des amis de toujours. Les rencards c’est pareil. Pendant le premier, t’es en train de suer comme un porc à l’entrée du métro. Tu te demandes comment lui faire la bise, comment meubler les silences à venir… Au deuxième rendez-vous c’est déjà plus simple. T’as balisé le chemin donc tu sues un peu moins. La question c’est de savoir à quel moment claquer le premier baiser. Moi je sais jamais. Je me contente de regarder dans le vide, un sourire en coin. Je pense à rien. Alors elle me demande à quoi je pense. Et je dis pas rien. Je souris simplement. Et l’espace d’un instant, j’ai l’air profond.
Seulement je regarde plus de séries télé. A chaque fondu au noir je voyais ma gueule se refléter dans l’écran sale de mon ordinateur. Je me voyais lamentable, les doigts collants de chips apéro dans un lit solitaire à regarder des bandes de potes qu’ont l’air plus heureux dans leur bar que dans le mien. Du coup je me fais plus de rencards non plus. Je supportais plus les longs silences gênés de ces zouzs qui savent pas comment partir. Moi je l’ai fait pour elles. T’as des grands yeux a dit la dernière. Dommage qu’ils soient aussi tristes. J’ai souri et claqué le billet plutôt que le baiser. Je me suis enfoncé dans la nuit en sortant mon harmonica diatonique. J’ai soufflé dedans. Comme j’ai pas l’oreille musicale, j’ai juste fait du bruit.
Si je dis tout ça c’est qu’Ada a dit que je devais m’ouvrir. J’ai essayé Ada. Promis. Plusieurs fois même ! Mais je m’y prends mal je crois. Quand le sang se met à couler ça tâche à chaque fois. C’est mon maillot à pois où je peux compter mes échecs. Comme mes nouvelles que tu veux pas lire, travail bâclé. T’as dit que c’était juste pour moi. Mais alors tu sers à quoi toi ? Je parle seul, je paye à la fin et je me sens pas plus soulagé. Hormis peut-être quelques biftons. A St Denis Valoche me vide les bourses pour moins cher. Tous les moyens sont bon pour descendre la pression.
Montre tes failles, admets que t’es pas parfait. Fais confiance aux gens. Elle dit ça Ada. Et aussi qu’on se revoit la semaine prochaine. Que c’est important d’être assidu, de pas hésiter à méditer et surtout d’oser. Mais alors quoi ? Je vais voir mes potes pour leur dire : Hey ! Je suis un homme avec des failles. Je le dis pas assez souvent mais je t’aime. Bordel Ada, 100 euros un conseil pareil alors que Charles m’aurait donné le même. Ça m’aurait coûté seulement quelques pintes. On se serait piché la gueule jusqu’à se dire qu’effectivement on s’aime. Mais attention une amitié virile, pas un truc de fragile.
J’aime bien quand Charles est là. On se prend des shots. On rit fort. Les gens deviennent moins cons et plus intéressants. Moins tricard, plus ricard. Charles il dit qu’on a encore le temps avant de réussir. On a pas encore trente ans donc c’est normal que nos vies ont pas encore commencé. Quand on voit Gérard au comptoir, on se dit que lui c’est bien fait baiser. Il a le visage froissé du quarantenaire qu’a tout raté. En même temps avec la pension de sa chieuse, je comprends ses rides. Une cartographie de l’échec. Je l’aime bien Gérard. Il paye sa tournée en nous disant qu’on doit pas faire les mêmes conneries que lui. On boit à la santé qu’il a plus. Pis après je descends pisser en laissant la porte ouverte, pantalon en bas des mollets. J’aime être à l’aise. Je déborde un peu sur la cuvette. Sans vraiment faire exprès, faut dire que c’est difficile de rester droit. Je me ramène vers le lavabo pour me recoiffer vite fait. On sait jamais ! Des fois que j’en trouverais une à mon goût à l’étage. Parfois dans le miroir j’ai l’impression de voir le Chat.
Je remonte. Gérard chiale. Charles a repéré un groupe de meufs. Alors on prend une tournée et on tente l’incruste. Sans Gérard. Lui la seule chose qu’il nique c’est l’ambiance. Je m’assieds à côté de la plus moche tout en lorgnant sur sa pote d’à côté. On va la jouer malin. Les présentations passent sur du Lemmy en fond sonore. Je remonte discrètement ma braguette car j’avais oublié de la refermer. Et toi tu fais quoi dans la vie ? T’as pas mieux comme question. Charles je sais pas qu’il dit. Moi je sais pas quoi dire. Et l’autre elle me regarde. Je sens que je dois donner une réponse. Alors je dis que je suis acteur. Elle a les yeux qui brillent soudain. Bon plan l’acteur. La copine jolie me demande si j’ai des tuyaux. Parce que ça l’intéresse de devenir actrice. Y a un photographe semi pro qui a bien voulu lui faire des photos pour qu’elle se fasse un petit book. Je me marre en entendant ça. Charles il emballe une nana. Je regarde la jolie et je me dis que moi aussi j’ai envie. Je suis un peu réal tu sais. On pourrait bosser ensemble peut-être ? T’as facebook ? Putain si tu voyais mon facebook… Attends je prends ton numéro dès que mon téléphone est rechargé. On fera des essais dans la semaine si tu veux. Chez moi c’est chiant car j’ai mon coloc mais on pourrait aller chez toi ? Je ramène ma caméra et on voit ce que t’as dans le ventre. Elle a l’air contente. J’arrive pas à me souvenir de son prénom et j’ose pas lui redemander. Charles a disparu avec la fille.
Je dis à la jolie que je vais chercher une bière. Mollo me dit Simon au comptoir. Ok je dis. Sers-moi une petite dernière et une un peu plus costaud pour la zouz. Il sert et je ramène les boissons à notre table. La moche me fait chier à se mettre entre nous. Elle prend ma bière en pensant que c’est pour elle. Du coup si je dis non je vais passer pour un radin. Je retourne au comptoir prendre une troisième. J’ai envie de pisser à nouveau mais je me retiens. La moche raconte que depuis qu’elle est vegan elle se sent mieux. Que ça fait relativiser de pas tuer les animaux. Ouais ouais. Je sens ma vessie qui se gonfle alors je croise les jambes pour me sentir mieux. Putain ferme ta gueule et casse toi. Faut que j’arrive à prendre son numéro. Je m’en fous du 49-3 et de Valls. Je m’en fous du coup d’Etat en Turquie. Qu’est-ce qu’on s’en cogne des migrants. Mais putain ferme ta gueule Greenpeace !
Je tiens plus. Je veux relâcher un peu la pression. Je me dis que si je lâche quelques gouttes ça se verra pas. Je souris pendant qu’elles déblatèrent de l’Europe. Une légère coulée chaude le long de la jambe. Ça suffit pas. J’ai la tête qui tourne, un peu la gerbe et toujours autant envie de pisser. J’appuie mon index et mon pouce sur mes yeux pour me concentrer. J’ai l’impression qu’elles vont jamais se taire.
Je jette un œil dans le bar. Y a plus grand monde. Et la vessie craque. Merde. La moche me regarde bizarrement. C’est pas possible qu’elle s’en soit rendue compte... Pas sous la table merde... Je me sens mal, j’attrape mon verre et fais semblant de le renverser maladroitement sur moi. Malaise. Je bredouille que je vais aller essuyer ça aux chiottes… Je descends. Ça pue la mort. Je sais pas si c’est moi. J’ai un peu honte. Je prends le pq et frotte le jean vigoureusement. Je fais ça le temps de reprendre des couleurs. Non mais c’est bon, elles ont rien vu. C’est pas possible, les jambes étaient sous la table. Allez, ressaisis-toi ! Je regarde pas dans le miroir, je voudrais pas croiser le regard du Chat.
Je remonte. Elles sont plus là. Connasses. Gérard y vient me voir et me demande si on s’en prend un dernier. Bah ouais Gérard. Tu veux faire quoi d’autre de toute façon ? On retourne se poser en terrasse. Je repense à Charles et de nos vies qui vont bientôt commencer. C’est qu’une question de temps avant qu’on ait notre chance. Demain ça ira mieux. C’est sûr ! Gérard il me tape dans le dos et me dit qu’il aimerait bien ravoir mon âge pour avoir de nouveau la vie devant soi. Allez, la mienne va bientôt commencer. Trinquons Gérard. C’est qu’une question de temps.
Commentaires
- Atzerkins
25/07/2016 à 17:19:13
" on se dit que lui c’est bien fait baisé " → s'est bien fait baiser
Excellent, j'ai jamais vraiment été fan de tes autres nouvelles mais là j'ai vraiment beaucoup apprécie toute cette négativité et la vulgarité donc tu fais preuve. - Megakoul
25/07/2016 à 09:05:39
Je me plonge avec aisance et intêret dans tes nouvelles qui sont, comme toujours, géniales !
Une autre, l'artiste ! - Droran
25/07/2016 à 06:08:20
Pauvre gégé' qui a 40 ans pense avoir fini sa vie.
J'ai adoré, c'est comme toujours bourré d'idées. Et le narrateur est pathétique tout en restant très attachant, belle prouesse !