Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Nuit Acide


Par : Droran
Genre : Réaliste, Horreur
Statut : Terminée



Chapitre 1


Publié le 06/09/2015 à 07:26:42 par Droran

Enfin, après tant de temps, pouvoir me reposer...
Tombée de rideau, en une fine membrane de peau recouvrant mes muqueuses. Une pellicule sillonnée de multiples nerfs agités. Masque de sommeil organique faisant tomber la nuit.
Plongé au plus profond de mon oreiller, confortablement couché de tout mon long sur un large matelas, je me laisse aller à la détente. Ne plus forcer un seul geste, extraire de mes muscles la pression accumulée lors de la journée. Et respirer, surtout, inspirer longuement, expirer calmement. Ceci fait, la torpeur ne vient pas encore, mais les sens s'aiguisent lentement.
Autour de moi, le calme plat. Remontent à mes narines l'âpre odeur du bois disposé en fine lames sur le sol de ma chambre, la senteur humide du vieux papier peint recouvrant chaque parcelle du mur m'entourant. Des relents empreints de souvenirs récents, sources d'images dans mon esprit. Des banales réminiscences datant de l'heure précédant mon coucher.
Sans daigner y voir, je reconstitue sans mal le décor alentour. Les sons planants m'y aident aisément. La petite chambre, au parquet de bois grinçant sous le poids de lourdes armoires abîmées, encadrée par les vieux murs tapissés du papier peint jauni tombant peu à peu en lambeaux. Et la fenêtre, fermée, aux rideaux secoués par le vent.
Je me raidis, transi, et tends l'oreille. Aucun vent. Et plus le moindre son de frottement. Pourtant, un court instant, du tissu s'est frictionné, je n'ai pu l'halluciner. Déboussolé, j'anime mes orteils, froisse la couverture dans l'espoir de produire un son semblable, signe que j'aurais pu en être la source. Les fibres s’agitent, raclent contre le matelas, mais ne se secouent pas. Au lieu de cela, c'est mon cœur qui s'ébroue. Quelque chose cloche, m'englobe d'une étrange impression raidissant rapidement chaque parcelle de mon dos.
J'ouvre les yeux. Précipitamment, laissant la pénombre se dévoiler au plein regard de mes pupilles rétractées. Le plafond, d'un blanc défiguré par de longues fissures, s'imprègne des ombres découpées par les rayons lunaires passant à travers la fenêtre, lucarne vitrifiée bordée par de longues toiles maintenue par une tringle fixée en hauteur. Mes coudes se soulèvent, puis mon cou, et mon dos. Je me redresse mollement avec appréhension.
Au pied du lit, figées, se dessinent des formes courbes épousées par un amas de dentelles. Mon regard se pose sur une main blanche immobile sur la bille métallique ornant le sommier ouvragé, remonte le long d'une manche de velours. Une multitude de cheveux raides tombent en cascade autour de deux yeux en amandes paraissant étrangement familiers. Ceux-ci me dévisagent, calmes face à mon air surpris.
Effrayé, je me raidis, chaque fibre tissant mes muscles se bloque en présence de l'intruse. Mon teint vire au livide, se pare de la pâleur dont est fardée la peau de l'apparition. Mes prunelles lancent un regard apeuré face à l'imperturbable.
Aucune esquisse de sa part. La fixité de son attention avive mon incompréhension. Je remonte mon menton, et fait rouler ma pomme d’Adam en ingurgitant autant de salive que possible, avant d’écarter mes lèvres :
—Dame Ophélie, que faites-vous dans ma chambrée ?
Ses fins doigts caressent la bille métallique, produisent un son de grattement issu du frôlement des ongles contre le métal.
Pourtant, elle ne dit mot, se contente de légèrement pencher la tête en écarquillant deux grands yeux brillants. J’écarte encore plus mes lèvres pour en faire sortir de nouvelles sonorités :
—Aimée, votre présence m’est indésirable.
Elle cesse ses dérangeantes caresses, mais mes paroles ne l’ébranlent pas.
—Rendormez-vous, articule-t-elle froidement.
La plante de deux pieds nus ripe contre le sol. Ses jambes s’animent d’un même temps, elle se retourne et recule de quelques pas. Les dentelles remuent autour de ses mollets, de ses bras, et ondulent en des vagues autour de ses poignets. Elle lève une main en direction de la porte, en un geste tirant sur le tissu de sa robe ; sa manche gauche se relève légèrement, et m’apparait alors – caché au creux de son poing – le contour suspect d’un lourd objet d’acier. La tête d’un épais marteau usé.
Le sang se met à pulser dans mes veines. Sous la force d’un soubresaut, je me redresse subitement en position assise, et me mets à suer.
Face à moi, la mystérieuse se fige dans l’embrasure de la porte. Visage tourné vers moi, cauchemardesque de par l’inexpressivité de ses traits.
—Rendormez-vous, souffle-t-elle en s'effaçant lentement derrière la porte.
La cloison claque après elle. Le silence, dénaturé par sa présence, semble maintenant bien faux. Et la panique ne me quitte plus.





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