- Enchanté, moi c'est Shawn !

Sans prévenir, une main l'attrapa au cou et le décolla du sol. Shawn avait été surpris, mais cette émotion le quitta rapidement, tout comme son souffle. Il voyait son agresseur sourire d'un air malveillant, les veines du cou saillantes. Shawn trouvait que cela correspondait assez à l'image émanant de son agresseur. Un animal fort et capricieux. Il prit donc la décision de ne pas lutter. Il n'allait pas lui donner cette satisfaction, quand bien même l'étau se resserant autour de son cou était particulièrement gênant. Il avait l'habitude de la douleur, mais le manque d'oxygène était un phénomène rare chez lui. Il lui lança alors un regard, espérant que celui-ci se décide à faire évoluer la situation car avoir les pieds dans le vide n'était pas de tout confort. Comme si il lisait dans ses pensées, Jack pivota vers Axel.

- Voilà ce qu'il t'attend !

Une pression énorme s'exerça et d'un coup, sa nuque céda. Il sentit les os se briser et déchirer les muscles alentours, ce qui eut pour effet de faire pencher sa tête d'un côté. Le géant lâcha sa proie, la laissant tomber lourdement sur le sol. Et là, Shawn se sentit partir. Une douleur irradiait dans son cou et se propageait à l'ensemble de son corps. Ses yeux n'accrochaient nulle part, son champ de vision n'était qu'une vaste toile floue. Un bourdonnement intense lui vint aux oreilles, puis il eut l'impression d'être emmené sous l'eau. Après ça, tout était en sourdine. Puis ce fut le noir complet, les abysses, le néant.

Il se remémorait ce 21 mai. Il n'avait que 8 ans. Il avait passé la journée à l'école puis était allé chez un de ses amis afin de goûter et de faire ses devoirs. Et il était heureux car une seule pensée le travailla toute la journée. Son père avait dit qu'il l'amènerait au cinéma ce soir là. Il ouvrit la porte et fut surpris de ne pas la retrouver fermée à double-tour comme il l'avait laissé en partant ce matin. Son père devait être rentrer du travail. Cette pensée le réchauffa intérieurement et sans même s'en rendre compte, il sourit. Il repoussa la porte et regarda par-terre. Les chaussures de son père étaient bien là, il avait donc bien deviné. Il enleva les siennes avant d'appeler à haute voix.

- Papa !

Étrangement, aucune voix ne résonna pour lui répondre. Il se tourna et vit les clés de son père posées sur la commode près de l'entrée. Il pensa donc qu'il devait être dans la douche ou en train de prendre un bain. Mais en arrivant devant la salle d'eau, il vit la porte ouverte et la lumière éteinte. Il arrivait à voir à l'intérieur, c'était vide. Il tourna la tête vers une autre porte, qui elle, était fermée. C'était assez inhabituelle que la porte de la chambre de son père soit fermée. Il traversa le corridor, la tête pleine de questions.

- Papa ?

Toujours aucune réponse. Il approcha à pas feutrés. Le silence devenait pesant. L'espace qu'il avait à traverser était long, mais l'était encore plus pour un être de sa taille. L'absence de bruit n'aidait pas. Enfin plutôt le fait que le seul bruit qui parvenait jusqu'à ses oreilles était le battement des gouttes d'eau dans l'évier. Ce moment lui parut extrêmement long, comme ces moments qui ont une saveur d'éternité. Il arriva finalement devant la porte menant à la chambre paternelle. Le premier réflexe qu'il eut fût de toquer. Devant l'absence de réponses, il se demanda si son père n'était pas en train de dormir. Il ouvrit la porte doucement et vit son père allongé sur le côté, au sol. Une épaisse flaque de vomi se trouvait à quelques centimètres de son visage, bien que des morceaux constellaient sur sa face. De la salive bavait d'entre ses lèvres, léchant sa joue avant de s'écraser au sol. Shawn eut un moment de flottement. Puis peu à peu, la réalité s'insinuait dans sa raison. Il se mit à genoux, apeuré, une main sur l'épaule de son père.

- Papa ?

Et c'est là qu'il remarqua. Son père semblait comme séparé en deux. La partie la plus proche du sol avait adoptée une couleur violacée sous la peau, conséquence directe de l'arrêt du coeur et de la position dans laquelle était placé son coeur. L'autre partie de son corps était d'une pâleur que l'on ne retrouvait que chez les morts. Ses pupilles n’étaient que de petits points noirs. Shawn resta ainsi à l'observer, il n'aurait su dire combien de temps. Son cerveau semblait s'être arrêté. De la main, il abaissa les paupières du mort. Puis d'un coup, il se leva. Il se dirigea vers la table de chevet de son père. Le radio-réveil affichait 17h58. Il vit alors ce qu'il cherchait. Une seringue utilisée. Une tristesse inconsolable se manifesta en lui lorsqu’il posa les yeux sur une photo encadrée de son père, sa mère et lui alors qu'il avait quatre ans. Il en éclata le cadre contre le coin du meuble, faisant voler le verre en éclats. Il observa l'étendu des dégâts et vit de larges morceaux brisés mais toujours incrustés dans le cadre. Sans se préoccuper de la douleur, il repoussa les petits morceaux et se saisit du plus grand à pleine main. Sa paume était ensanglantée. Il laissa tomber le cadre sans y prêter attention. Il revint prêt de la dépouille de son père et s'assit sur ses talons en le regardant. La séparation des couleurs entre les deux parties de son corps le mettait mal à l'aise. La mort était laide. Il laissa aller ses larmes, serrant l'épais bout de ses verres dans sa main. La douleur était à peine perceptible comparée à celle qu'il ressentait à l'intérieur. Il regarda son père une dernière fois. Il n'avait pas cette expression de sérénité qu'abordait les morts dans les cérémonies funéraires. Les hommes avaient réussis à maquiller la chose la plus naturelle au monde : la mort. Shawn leva son poignet et en approcha le bout de verre. D'un geste vif et net, il s'entailla les veines. Cela lui fit l'effet d'une brûlure. Il lâcha l'objet tranchant directement à la fin de son mouvement, comme si son subconscient déclarait en avoir marre de toute cette souffrance inutile. Il s'allongea près de son père, de manière à ce que sa tête lui arrive au niveau de l'estomac. Puis comme n'importe quel enfant désorienté en aurait eut envie, il prit son père dans ses bras. Il cherchait le réconfort, ou à défaut, l'oubli. Il sentit la vie le quitter à mesure que le fleuve de sang ne coule le long du dos du macchabée. Il ferma les yeux, les larmes roulant toujours sur ses joues tout en serrant son père contre lui du plus fort qu'il le pouvait. Il finit par sentir le calme froid de la mort arriver dans son dos. Elle l'étreignit et Shawn se dit qu'au final, ce n'était pas si mal.

Un souffle de vie s'insinua dans le corps inanimé. Une profonde et silencieuse inspiration remplit les poumons du jeune homme. L'ensemble des choses récupérèrent leur forme et leurs couleurs. Les sons environnants devinrent de plus en plus bruyant, partant du murmure jusqu'à atteindre le stade de hurlement. Les mots qu'il entendait ne faisaient pas sens pour lui, mais il savait que cela n'était qu'une question de temps. Alors il se releva. Il entendit un cri mais n'en prit pas compte, la façon dont penchait sa tête était véritablement problématique. Il devait remettre son cou en place. Shawn posa une main à la base de sa nuque et l'autre au niveau de sa joue et poussa d'un coup sec des deux côtés, emboitant les morceaux d'os brisés les uns dans les autres dans un craquement sinistre. Une violente décharge de douleur se fit sentir au niveau de ses vertèbres. Il avait grossièrement remis en place l'ensemble mais il savait que son corps ferait les réparations et les ajustements nécessaires. Il effectua des rotations avec la tête, afin de voir si tout fonctionnait aussi bien qu'avant qu'il ne se fasse tuer. Il se tourna vers son meurtrier. Il sentait toujours l'ombre de la douleur le lancer dans le cou.

- Putain... C'est pas une mort indolore que tu m'as donné là, tu sais ?

C'est à ce moment là qu'il réalisa qu'à sa vue, ils avaient tous palis.

- Un mort-vivant ! Hurla une brune avec un carré.

Cette phrase fit sourire Shawn. Il regardait Jack qui était suspendu à plusieurs mètres de hauteur, contre l'épaisse porte en métal. Le fait qu'aucune trace visible ne le maintienne en l'air le travaillait, et il ne faisait pas vraiment attention aux réactions des autres face à sa résurrection. Jack chuta alors. Il le dévisagea, une lueur incrédule dans les yeux.

- J'étais sur de t'avoir brisé le cou pourtant...
- Non, je ne suis pas mort, enfin, techniquement si. Mais voilà... Je suis immortel !

Il avait gesticulé durant sa courte explication, puis haussa les épaules, avant que les paumes de ses mains ne claquent contre ses cuisses. Devant le silence macabre s'étant installé, il reprit la parole en espérant susciter une autre émotion que l'effroi.

- Et je pense savoir pourquoi on est tous rassemblé ici.

Et sa remarque fit mouche. Les regards passèrent de terrifiés à intrigués. Tous sauf un. Jack s'était relevé et se dirigeait extrêmement vite vers une blonde, qu'il estimait assez proche de la trentaine. Celle-ci se tourna vers lui alors qu'il se trouvait à moins de 2 mètres d'elle. Il s'était littéralement jeté sur elle, mais il ne la touchait pas. Ce dernier était dans les airs, les pieds à quelques centimètres du sol, figé. Un sourire vint illuminer les traits de Shawn.

- C'est pour ça ! S'exclama-t-il en les pointant du doigt. Une télékinésiste, un Hulk et un immortel ! Franchement, ça me ferait mal que nous trois soyons les seuls ici à avoir bénéficié d'un petit plus à la naissance... Et je n'ai même pas envie de croire à une coïncidence car en 21 ans, je n'ai jamais rencontré de gens comme moi. Donc vous voulez savoir pourquoi on est là ? C'est à cause de ce que vous pouvez faire. Maintenant la vraie question c'est...

Il ralentit son débit de parole de manière contrôlée, assurée et à la fois nonchalante.

- Qu'est ce que vous pouvez faire ?

Tout le monde semblait gêné par l'interrogation qu'il venait de soulever, hormis la blonde et le géant car ils avaient été les premiers à se révéler. La télékinésiste envoya voler l'homme sous son emprise à l'autre bout de la pièce, le projetant contre un mur. Cela se lisait sur son visage, utiliser son pouvoir lui demandait une énorme concentration. Elle s'adressa à Shawn, bien que ses propos ne lui étaient pas exclusivement destinés.

- Je suis capable de tuer King Kong si jamais il s'approche encore une fois de moi. Je n'aurais aucun état d'âme à le faire, croyez-moi.

C'était un subtil mélange entre une menace à peine cachée et une provocation ouverte. Cela fit rire Shawn. Elle ne voulait pas tuer de sang-froid mais semblait prête à mettre de l'huile sur le feu pour se débarrasser de ce qui pourrait, plus tard, être une aiguille dans le pied. La tension entre les deux était palpable. Les autres semblaient légèrement ailleurs.

- Vous comptez dévoiler ce que vous savez faire ou pas ? Demanda l'immortel.

Le jeune ayant eu une altercation avec Jack plus tôt eut un mouvement brusque et un regard en sa direction.

- Je veux pas que ce connard sache de quoi je suis capable.

Un large sourire mangea le visage de Shawn. Cela montrait qu'il avait fait preuve d'un bon esprit d'analyse et que chacun d'entre eux avait bien quelque chose qui le séparait de la masse des humains ordinaires.

- Ok, surtout changez pas les mecs, vous êtes su-per ! Dit-il en ricanant et en tendant les pouces vers le ciel.

Une alarme résonna. Chaque personne prisonnière de ce complexe leva les yeux au plafond. L'incompréhension et l'appréhension se lisaient sur leur visage. Une voix masculine, artificielle, s'échappa des haut-parleurs placés dans la salle.

- Début de l'épreuve 0 dans 10 minutes.
- "L'épreuve 0" ? Répéta Shawn.

Il était surpris qu'une épreuve prenne place aussi tôt, mais ce qui le surprenait, ou plutôt gênait le plus, c'était la numérotation. Pourquoi "0" et pas "1" ?

- Omen ! Répond-moi !

Il attendit, mais aucune réponse. Certains semblaient plus effrayés que d'autres à l'annonce d'une épreuve dont personne ne connaissait la teneur. Mais la blonde télékinesiste cria un bon coup, captant l'attention de tout le monde, et leur fit signe de se rapprocher d'elle. Tout le monde le fit, même Jack, bien qu'il resta à une distance raisonnable d'elle.

- On a moins de 10 minutes pour se coordonner ! On a absolument aucune idée de ce qui nous attend durant cette épreuve, donc on doit faire en sorte de se serrer les coudes afin de pouvoir tous sortir vivant d'ici, ok ?

Tout le monde acquiesca. Elle s'exprimait bien et semblait savoir gérer des groupes et des situations stressantes. Shawn la détailla. Elle était assez grande, élancée. Ses cheveux blonds mi-longs étaient attachés en une petite queue de cheval tandis qu'une mèche blonde caressait son front. Elle avait les yeux verts, et de belles lèvres. Sa tenue était relativement basique, elle portait un léger pull en laine à col rond de couleur grise ainsi qu'un pantalon noir. Shawn la trouvait plutôt jolie, sans artifices superflus. Elle se tenait droite, bien ancrée sur ses jambes. Elle devait avoir l'habitude de rester debout. Il réfléchissait à quel métier elle pouvait exercer. Après l'avoir analysée rapidement, il fit une liste de métiers pouvant lui correspondre et expliquant son côté directeur et son aptitude à prendre des décisions rapidement.

- Quatre, dit-il en regardant la blonde dans les yeux.

Surprise, elle arqua un sourcil.

- Quatre ?
- C'est le nombre de carrière possible dans lequel je pense que tu pourrais travailler.

Elle semblait à la fois surprise et prise de court par cette intervention.

- Oui et ? Je ne comprend pas où tu veux en venir...
- Professeur des écoles, médecin, policière ou militaire.

Elle semblait décontenancé, mais afficha un sourire en coin.

- À ta réaction, je vois que je suis pas loin. Je me trompe ?
- Non, répondit-elle.
- J'élimine militaire, ton maintien n'est pas aussi rigide que le leur. J'élimine aussi professeur des écoles, tu es un peu trop hargneuse pour l'être. Dit-il en contournant les gens, jusqu'à faire face à la femme en la toisant de toute sa hauteur.

Les deux se confrontaient du regard.

- T'as pas l'air trop fatigué pour être un médecin, donc je dirais policière.

En prononçant ses mots, il avait tourné la tête afin de voir que personne ne bougeait. Son interlocutrice eut un petit rire étouffé.

- Bravo, Sherlock. Mais c'était quoi le but de tout ça ?
- Juste savoir si j'avais raison.

Il tourna les talons et s'éloigna d'elle. Des bruits d'exaspération retentirent dans la salle et quelques rires aussi. La blonde reprit la parole peu après.

- Comme le jeune homme l'a très intelligemment déduit, je suis policière. J'ai l'habitude d'être sur le terrain. Et en terrain inconnu le mieux est de se diviser en des groupes compacts, peu nombreux. Malheureusement, nous sommes en terrain inconnu mais nous sommes également enfermés. Les gens qui nous ont mis là doivent nous observer bien au loin afin de satisfaire leur plaisir sadique ou je-ne-sais-quoi. Cependant on peut déduire qu'ils ne nous ont pas sélectionnés au hasard, donc je pense que l'on a un minimum de valeur pour eux. Ils n'oseront pas nous tuer, du moins pas pour le moment. On doit rester solidaire. Donc je vais poser une question afin d'éliminer tout doute, et j'ai besoin que vous me disiez la vérité.

Elle balaya l'assistance des yeux tandis que de nombreuses têtes hochaient.

- Avez-vous un pouvoir ? Reprit-elle, le soufflant dans un murmure, audible seulement des personnes avoisinantes.

Silence de mort. Puis il y eût un hochement de tête, puis un autre. Ils avaient tous acquiescés. Shawn ressentit une vague de plaisir monter en lui, il n'était pas le seul à être né avec une aptitude extraordinaire. La blonde lâcha également un soupir de soulagement.

- Ça me rassure. Je n'ai aucune idée de la méthode qu'ils ont employée afin de nous trouver mais ils ont réussis. Cependant on peut conserver l'effet de surprise.
- Quel surprise ? Demanda un garçon brun avec des lunettes. Vu les moyens qu'ont nos ravisseurs, je pense qu'ils savent tout ce qu'il y a savoir sur nous.

Elle se tourna vers lui afin de lui répondre.

- Ils ne connaissent peut-être pas nos pouvoirs.

La salle devint muette. Shawn n'avait pas envisagé cette possibilité, mais cette supposition n'était pas inconcevable, loin de là. Toutes les fois où il s'était tué, il s'était bien assuré que rien ni personne n'en soit témoin. Voyant que son argument les faisait réfléchir, elle continua sur sa lancée.

- À moins d'en être contraint, ne montrez pas ce dont vous êtes capable. Gardez-en toujours un peu sous le pied, on ne sait jamais quand se présentera à nous une occasion de s'enfuir. Il faudra avoir une bonne cohésion, agir en tant que groupe si jamais on veux survivre, et cela ne sera pas possible sans se connaître un minimum. Pour ceux qui n'aurait pas entendu, je m'appele Helena, conclut-elle.

Shawn trouva que sa voix était agréable à l'oreille et elle avait des qualités de policière. Elle faisait preuve de sang-froid et d'assurance afin de tenir le groupe. Voyant qu'ils étaient tous en train de réflechir, il décida de rebondir sur sa dernière phrase.

- Enchanté, moi c'est Shawn !

Celui qui semblait être le cadet de ce groupe remit sa casquette en place et regarda l'immortel dans les yeux.

- Moi c'est Axel.

Un physique d'adolescent basique, quoi qu'assez petit, une tête blonde et un visage dont les traits étaient assez fins. Le jeune homme à qui avait parlé Axel plus tôt suivi.

- Damian.

C'était un garçon aux cheveux noirs, avec une légère barbe et au style assez décontracté mais passe-partout. Une petite brune avec un carré leva la main de manière à annoncer qu'elle allait se présenter.

- Line.

Shawn la trouvait plutôt mignonne, peut-être un peu trop petite pour lui, mais joliment formée. Une autre fille aux cheveux auburn leva la main.

- Violet.

Malgré ce que laissait penser son prénom, ses habits étaient tous teintés de la couleur rose.

- Nathan.

Il avait pris la parole sans prévenir.C'était le brun à lunettes qui était intervenu plus tôt. Cette fois, Shawn l'observa avec attention. Il n'était pas très grand et légèrement rondouillard. On pouvait lire dans son regard une lueur d'intelligence mêlée à autre chose que Shawn n'arrivait pas à nommer. Il semblait vif d'esprit, sans toutefois en imposer. Il se demanda si ce n'était pas les lunettes qui diffusait cette image de lui, et que du coup, elle était peut-être fausse. Les prisonniers se lancèrent tous un regard et leur attention convergea vers une personne, une fille. C'était la seule personne à ne pas s'être exprimée au sein du groupe depuis qu'ils étaient là. Sentant le poids des regards sur elle, elle se mit à gesticuler, comme pour les repousser. Elle baissa les yeux et rentra le menton.

- Je m'appelle Catherine.

Elle l'avait dit d'une petite voix, visiblement gênée de l'attention qu'on lui portait. Elle possédait de longs cheveux noirs dont elle tira une épaisse mèche qu'elle fit tomber devant ses yeux, comme pour se protéger de toutes ces paires d'yeux qui la scrutaient. Shawn trouvait cette attitude mignonne. Elle leva les yeux vers lui et il lui sourit.

- Et toi, c'est quoi ton nom ? Demanda Helena au mastodonte.

Tout le monde se tourna vers lui. Le géant au crâne rasé avait le visage fermé, comme si il ruminait sa colère. Puis, en entrouvrant à peine les lèvres, il laissa s'échapper un mot.

- Jack.

Les deux se dévisagèrent encore une poignée de secondes avant que la tension ne redescende et qu'ils rompent le contact visuel. Elle voulait continuer à s'exprimer lorsqu'une voix masculine fut diffusée à travers les hauts-parleurs.

- Début de l'épreuve dans 5 minutes. Veuillez passer par l'entrée qui se présente à vous.

Des bruits métalliques se firent entendre du côté de la massive table recouverte de draperies pourpres. Et soudain, elle se retrouva à 90° degrés. Le sol s'était soulevé sous elle, et elle y était accroché par un mécanisme non visible. Cela titilla la curiosité de Shawn car l'ensemble des décorations posées sur la table n'étaient pas tombées. Mais la chose la plus intéressante se trouvait de l'autre côté. Dans l'espace créé par le soulèvement du sol se trouvait un escalier menant à ce qui semblait être un sous-sol. Tout le monde s'en rapprocha, certains semblaient surpris, d'autres mal à l'aise. Mais ce que ressentit Shawn était plus concret que ça. C'était un sentiment qu'il connaissait bien, bien que cette fois-ci, il le ressentait jusque dans la pointe ses cheveux. L'excitation. Il comprenait les réactions de chacun. Eux risquaient de mourir, mais pas lui. Il avait hâte de savoir ce qui les attendait. Et naturellement, sa bouche refléta son excitation, dévoilant toutes ses dents. Il entendit alors un rire dont il chercha la source, et vit la membre des forces de l'ordre afficher un sourire aussi large que le sien.

- Je crois qu'il faut y aller...

Elle lança un regard confiant à l'ensemble du groupe, comme pour les motiver, avant de terminer sa phrase.

- Faisons en sorte de ne pas mourir.

Puis sans laisser à quiconque le temps de répondre, et sans faire fis du danger, elle s'aventura dans les ténèbres.