Note de la fic : Non notée

Sous chaque masque...


Par : Aguma
Genre : Réaliste
Statut : Terminée



Chapitre 2 : Mérité ?


Publié le 12/10/2014 à 18:20:43 par Aguma

  La musique s'arrêta et les danseurs se dispersèrent de manière théâtrale pour laisser passer Alexandre. L'homme avait sorti une matraque de nulle part et avançait à pas lourd, en direction des jeunes femmes. Ces dernières le regardèrent bouche bée. Héléna esquissa d'un sourire. Ce même sourire s'élargit lorsque la matraque s'abattit sur les deux femmes. Un affreux silence gagna le rêve, bientôt brisé par les gémissements d'Estelle. Alexandre rangea la matraque dans une poche imaginaire, emprunta le chemin laissé par les danseurs, puis saisit la main d'Héléna. La musique reprit.

« Où en étions-nous ? Ah oui. Une-deux, une-deux !
- Merci. Je veux dire... Pour leur avoir infligé ce qu'elles méritent.
- C'est bien normal. Mais il me semble que tu côtoies toujours Anne-Sophie. Pourquoi ?
- Elle a salement amoché la voiture de ma mère, la réparation coûte cinq cents dollars. Je m'efforce d'être son amie le temps qu'elle rembourse. Et elle m'a invité chez son père, en Californie, je ne pouvais pas refuser, tu comprends ?
- Tout à fait. »

  Les pas d'Héléna s'affolèrent, elle dansait comme une véritable princesse !

  Les autres couples dansaient de nouveau, avant que la musique ne s'arrête tout aussi brusquement que la dernière fois.

  Alexandre lâcha sa partenaire et se figea, comme s'il avait disjoncté. Trois femmes imposantes accostèrent Héléna.

« Alors comment ça va ma belle ? dit l'une.
- Tu es ravissante ! s'écria une autre.
- Magnifique, conclut la dernière femme. »

  C'était les meilleures connaissances d'Héléna. La plus petite se nommait Arielle, et la plus grande, Isabelle. Yasmine, quant à elle, se présentait comme l'intermédiaire. Elles arboraient toutes les trois un masque de chat et des cheveux flamboyants.

  Les trois femmes se figèrent elles aussi, sans qu'Héléna ne puisse dire un mot.

  La foule qui avait arrêté de tournoyer s'était tournée vers elle. Alors, ils s'écrièrent tous en cœur :

« Tu es magnifique Héléna ! »

  Tous les masques tombèrent sur le pavé. Tous les masques se brisèrent en mille morceaux. Tous les masques cachaient un visage connu d'Héléna. L'une des femmes ici présente était sa mère, l'un des hommes, son père, d'autres étaient des amis. Elle souriait péniblement devant tout ces êtres chers qui se tenaient devant elle, la fixant avec intensité. Un silence de mort planait sur la place. Yasmine rompit le silence :

« Et dire qu'elle me prenait pour son amie. »

  Le cœur d'Héléna se fissura, elle le sentit s'arrêter pendant une fraction de seconde.

  Alexandre n'avait pas bougé d'un pouce, il avait toujours l'air d'avoir disjoncté, mais il articula ces mots :

« Elle prend tout le monde pour ami. Mais sans mentir, personne ne l'aime. J'essaie juste de rendre sa cousine jalouse. »

  Un gloussement se fit entendre dans la foule.

« Je t'entends rire ma belle, poursuivit-il, je compte bien te revoir un de ces jours ! »

  Il rit à son tour.

« Mais... » bredouilla Héléna.

  Et tous en cœur, ils hurlèrent :

« FERME-LÀ, tu n'es qu'une salope ! »

  Ainsi, ils se figèrent tous. Le cœur d'Héléna céda alors, la plongeant dans un enfer certain. Tout se brisa, le rêve se craquela, les danseurs riaient aux éclats, et le corps inerte d'Héléna s'écroula lourdement sur le sol.

  Chaque masque cachait un salaud.

~

  Héléna était encore plongée dans ses songes lorsque la voiture fila dans la nuit. Cette dernière esquivait miraculeusement les barrières, comme guidée par l'esprit d'Héléna. Le pied inanimé de la jeune femme se posa encore plus lourdement sur l'accélérateur, et la voiture fusa dans un puissant vacarme. Bien heureusement, la petite route où la Citroën prenait de la vitesse était bien droite, aucun virage ne se manifesta. De plus, les arbres qui cernaient cette même route semblaient lever leurs branches devant la voiture en furie.

« Héléna, il faut que tu te réveilles, que tu partes loin d'ici. Tu as quelque chose à faire. Quelque chose d'important. »

  La voiture fut prise de violentes secousses. Le front d'Héléna heurta le volant. Son sommeil demeurait imperturbable.

  Le soleil commençait à se lever lorsque le véhicule quitta le route sinueuse pour gagner une grande avenue. Comme par miracle, l'avenue était aussi droite que la route tortueuse et la Citroën roula sans encombre, non pas sans griller deux trois feux rouges et effrayer quelques conducteurs.

  Lorsque la matraque s'abattit sur Anne-Sophie dans un certain monde onirique, la Citroën C3 vit son carburant presque à sec. Il restait un espoir, un tout dernier espoir. Si la voiture venait à s'arrêter, suite à la pénurie d'essence, Héléna pourrait peut-être s'en sortir vivante. Seulement, la circulation pourrait bien lui causer un malheureux accident.

« FERME-LÀ, tu n'es qu'une salope ! »

  De grands yeux rouges surgirent dans un vrombissement inquiétant. Ils approchèrent à une vitesse hallucinante, heurtant de plein fouet la Citroën. La voiture fut prise de violentes secousses et Héléna se cogna une nouvelle fois la tête contre le volant avant de s'écraser contre la vitre.

  Son cœur faillit céder pendant une fraction de seconde.

  Le camion qui venait de percuter la Citroën n'en resta pas là, il éjecta littéralement la pauvre voiture qui en cogna une autre.

  Le cœur d'Héléna lâcha avant même que le camionneur se rende compte de ce qu'il avait fait.

~

  Le vent balayait le cimetière de sa fraîcheur matinale. Une grande statue de marbre encadrée par une bonne centaine de stèles s'élevait au centre de la nécropole. Un amas de houx serpentait les tombes, tandis que de belles roses y étaient déposées. La triste atmosphère arrachait les larmes, comme pour y faire baigner les défunts, elle arrachait aussi le cœur, tenaillé par mille et une émotions, toutes aussi douloureuses les unes que les autres.

  Un corbillard se gara près du portail, suivi de près par une Fiat Panda. La portière du fourgon fut la première à s'ouvrir. Un homme de petite taille en sortit. Il était chauve, portait chapeau et uniforme noirs, et se tenait droit, le regard dans le vide, l'air grave. Les deux portières avant de la Panda s'ouvrirent à leur tour, laissant passer deux femmes à la mine dépitée. On peinait à reconnaître les traits d'Anne-Sophie et d'Estelle, mais c'était bien elles qui se tenaient près de la voiture, les yeux amoncelés de larmes. Elles étaient bien évidemment vêtues de noir et leurs habits étaient sensiblement les mêmes. Petit chemisier et pantalon pas très féminin. Ce fut avec une très forte volonté qu'elles rejoignirent le croque-mort et son corbillard.

  En silence, l'homme entrebâilla le coffre du fourgon. Après un profond soupir, il tira un lourd cercueil de bois et le posa sur l'herbe.

« Est-ce qu'on peut le porter ? demanda Estelle dans un souffle. Je veux dire... On y tient.
- Assurément. »

  Anne-Sophie et Estelle se baissèrent pour soulever le sarcophage pendant que le croque-mort déverrouillait le portail. Elles prirent une démarche solennelle et suivirent l'homme dans le labyrinthique cimetière, en prenant bien soin de ne pas écraser le houx. Le croque-mort leur fit signe de déposer le cercueil au sol. Ce qu'elles firent.

  L'homme se racla la gorge et récita :

« En mémoire de Héléna Cowel, une étoile dans le cœur...
- Puis-je dire un mot ? l'interrompit Anne-Sophie.
- Certainement. »

  Le croque-mort tenta de cacher son irritation tant bien que mal.

« Héléna... Tu as été... Une... Tu nous as aimé à notre juste valeur, tu nous as été précieuse, et... On t'aime Héléna, où que tu sois, on t'aime et on t'aimera toujours, on ne t'oubliera... Jam... »

  Anne-Sophie éclata en sanglots, et vint trouver son réconfort dans les bras d'Estelle, qui pleurait aussi.

  Des larmes sincères. Des larmes de chagrin. Des larmes d'amour.

  Bas les masques !


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